L'expression « David contre Goliath » évoque une situation où quelqu'un l'emporte sur un ennemi beaucoup plus fort que lui, une victoire contre toute attente. Ce combat appartient à l’histoire des conflits entre Israël et les Philistins. Il présente le jeune David comme un héros choisi par Dieu et appelé à devenir roi (1S 17). A partir de cette scène, David devient un personnage de plus en plus important.
Le premier livre de Samuel fait partie de l'histoire décrite dans les →Prophètes antérieurs (Josué, Juges, Samuel & Rois). Le personnage éponyme, Samuel, est à la charnière de deux époques: il est le dernier des →Juges et le premier des prophètes royaux. Le passage vers la période de la monarchie (→Royauté dans l'AT : idéal et applications) – et donc des commencements de l’État – est très ambigu théologiquement (→Bible et Archéologie VIII : Saül). Effectivement, le désir du peuple d’avoir un roi humain est un péché car Dieu seul est le roi d'Israël. Le premier messie d’Israël, Saül, préfigure le sort tragique de toute la monarchie en Israël : Saül est rejeté par Dieu, fou de jalousie, il est finalement tué au combat. David sera son remplaçant : humble, persécuté par les siens, un roi malgré lui. Les livres de Samuel dépeignent une théocratie, dont le meilleur exemple est le règne de David, encadré par la faillite de Saül d'un côté et les erreurs des monarques suivants de l'autre.
Trois figures emblématiques des livres de Samuel sont devenus trois exemples de typologie biblique :
- Samuel précède David comme Jean le Baptiste Jésus : tous deux ont été accordés à la prière d’une mère stérile, tous deux sont prophètes et sont consacrés au service de Dieu dès le sein maternel.
- Saül est un « messie » qui échoue malgré son élection première : il pense tenir son pouvoir du peuple plutôt que de Dieu. L'Esprit l'abandonne alors pour David, nouveau messie, plus fidèle à Dieu.
- David apparaît comme le contre-point de Saül : c'est en lui que Dieu place sa confiance. Dans →2 Samuel, même dans la faute, David se tourne vers Dieu pour se repentir. C'est lui qui fait de Jérusalem une capitale religieuse et politique, illustrant ainsi l'idéal d'une théocratie. Dieu fait alors alliance avec la lignée davidique en promettant qu'elle durera éternellement (voir la note BEST→ sur →Deux prophéties messianiques déterminantes pour l’Évangile).
TEXTE
Critique textuelle
L’histoire textuelle est complexe : il n'est pas étonnant que, malgré tout le travail de la critique moderne, les textes restent souvent irréductiblement divers.
Hébreu
Il existait probablement plusieurs recensions hébraïques des livres de Samuel.
- D'importants fragments ont été retrouvés à Qumrân. La grotte 1 a fourni un manuscrit de Samuel (1Q7 = 1QSam) proche du texte →MASSORÉTIQUE, tandis que la grotte 4 a livré les restes de trois manuscrits de Samuel (4Q51 = 4QSama, 4Q52 = 4QSamb, et 4Q53 = 4QSamc ; le plus ancien, 4Q52, date du 3e s. av. J.-C.), dont le texte coïncide généralement avec la Septante contre le texte massorétique (M).
- Plusieurs parallèles intertextuels peuvent aider : 2S 22 est dans le Psautier, Ps 18 (17), quoiqu'assez différent ; les Chroniques reprennent bon nombre de passages de Samuel. On retrouve des traces des ressemblances au substrat hébreu transmit par des versions grecques.
Grec
- La traduction grecque des Septante donne un texte souvent différent, qui remonte à un prototype dont les fragments de Qumrân livrent des exemples.
- Reste aussi la recension lucianique →RECENSIONS (histoire du texte biblique).
Latin
L'ancienne version latine apparentée à la recension de
donne souvent, elle aussi, des leçons passionnantes pour la critique textuelle. La Vulgate suit fidèlement M.Procédés littéraires caractéristiques
Le récit entrelace narrations suivies et ensembles plus réflexifs.
1S et 2S enrichissent leur déroulement chronologique par bien des procédés littéraires : le parallèle ou le contraste, l’écho, l’alternance, l’inclusion, par exemple. Ils mettent tout particulièrement en relief les principaux changements de pouvoir :
- l’institution de la monarchie (1S 8-12),
- la destitution de Saül (1S 15-16),
- la constitution du royaume davidique (2S 5-8),
- la fin du règne de David (2S 21-24).
Les narrateurs accordent une grande attention à la caractérisation de leurs personnages principaux.
David est présenté comme le héros idéal : il est beau, loyal envers ses amis, affectueux pour sa famille, juge impartial, valeureux, combattant et magnanime, berger musicien, fin stratège. Sa principale qualité demeure sa piété : conscient de l'onction royale, il n'a pas porté la main contre Saül à cause de cela.
Proposition de structure
La lecture la plus simple discerne cinq parties, centrées sur des protagonistes principaux, qui offrent chacune des épisodes célèbres :
1 — Samuel (1S 1-7).
1S 4-6 raconte l’histoire de l'arche et sa captivité chez les Philistins, en l'absence de Samuel. Mais ce récit fait suite à l'histoire de son enfance (1S 1-3) et est suivi de la mise en relief de celui-ci comme le dernier des Juges (1S 7). Il se poursuit en 2S 6.
2 — Samuel et Saül (1S 8-15).
C'est au moment de la mise en place de la royauté (1S 8-12) que Samuel est particulièrement actif. Suivent alors les descriptions des guerres de Saül contre les Philistins (1S 13-14), avant que le roi ne soit rejeté (1S 13,7b-15a). Ce rejet est expliqué une nouvelle fois (1S 15) avant la guerre contre les Amalécites, annonçant ainsi le choix de David oint par Samuel (1S 16,1-13).
3 — Saül et David (1S 16 à 2S 1).
Cette section (à partir de 1S 16,14) raconte les débuts de David et ses démêlés avec Saül.
4 — David (2S 2-20)
David est alors solidement installé sur le trône, à partir de 2S 5,12, après le combat contre les Philistins et la conquête de Jérusalem (2S 2-5). La prophétie de Natân occupe 2S 7 et précède un bref résumé (2S 8). 2S 9 entame une longue suite de divisions au sein de la famille de David, de la naissance de Salomon (2S 9-12) à l'échec d'Adonias (1R 1-2).
5 — Les suppléments (2S 21-24)
Cette section réunit diverses pièces à propos du règne de David.
Genre littéraire : histoire prophétique ?
Les livres de Samuel présentent l'histoire d'Israël des derniers Juges à la fin du règne de David. Mais malgré leur classement chrétien traditionnel au nombre des « livres historiques », ils n’en constituent pas la chronique complète et suivie.
Pour en préciser le genre, on peut se laisser guider par leur classement rabbinique traditionnel comme →Prophètes antérieurs (Josué, Juges, Samuel & Rois) (les « prophètes postérieurs » étant Isaïe, Jérémie, Ézéchiel et les Douze Petits Prophètes). La tradition attribue la composition de ces livres à des « prophètes » : Josué pour le livre qui porte son nom, Samuel pour les livres des Juges et de Samuel, Jérémie pour les Rois. La tradition a justifié cette désignation par le caractère religieux commun aux prophètes, tant « antérieurs » que « postérieurs ». Ces livres ont pour sujet principal l'histoire des rapports d'Israël avec YHWH, sa fidélité ou son infidélité envers la parole de Dieu, dont les prophètes sont les organes (notamment Samuel, Gad, Natân, Élie, Élisée, Isaïe, Jérémie). Que cette histoire soit présentée comme une « histoire sainte » ne diminue pas son intérêt pour l'historien et lui donne valeur pour le croyant. Celui-ci est invité à y percevoir comment la main de Dieu agit dans tous les événements du monde et à reconnaître la sollicitude exigeante de YHWH à l'égard de son peuple.
CONTEXTE
Histoire et géographie
Le récit des livres de Samuel s'étend des débuts monarchiques à la mort de David : face au danger que représentent les Philistins en pleine expansion (cf. la bataille d'Apheq rapportée en 1S 4, vers 1050), la royauté apparaît comme le seul moyen de résistance.
Saül
Saül, vers 1030, commence comme un Juge, mais son autorité grandit et s'étend sur toutes les tribus qui le reconnaissent alors comme roi. Il mène une guerre de résistance aux Philistins, ramenés dans leur territoire (1S 14). Les derniers combats sont plus frontaliers (1S 17, vallée du Térébinthe, et 1S 28.31 Gelboé, où meurt Saül, vers 1010) (→Bible et Archéologie VIII : Saül).
David
La mort de Saül remet en cause l'unité des tribus. David est d'abord reconnu par les Judéens puis, à la mort d'Ishboshet, fils de Saül, par Israël tout entier. Le règne de David est capital pour l’affermissement d'Israël : tout danger de la part des Philistins est écarté, le territoire est désormais unifié avec Jérusalem pour capitale, s'étendant même sur la Transjordanie, et jusqu'en Syrie méridionale (→Bible et Archéologie VIIII : David et Salomon).
A la mort de David
Mais cette unification reste fragile et même avant la mort de David, Nord et Sud s'opposent déjà. En témoigne par exemple l'exemple d'Absalom soutenu par les juifs du Nord.
Auteurs
- La tradition donne Samuel pour auteur de ces deux livres, dont l'histoire rédactionnelle est évidemment plus complexe.
- Elle porte en particulier la marque forte du courant deutéronomiste →Deutéronome. Sans exclure que certains ensembles de récits compilés dans 1-2S aient pu exister déjà vers 700, il semble assuré que c'est la rédaction deutéronomiste qui fit entrer les livres de Samuel dans l’ensemble historique allant de Josué aux Rois, compilé après la ruine du royaume en 587 et leur donna leur forme achevée.
Hypothèse sur la formation progressive du livre
Pour faire leur histoire de la monarchie, les écrivains sacrés ont organisé différentes sources, à diverses époques, que l'on pourrait caractériser à grands traits comme suit.
Origines prophétiques de l'institution monarchique (1S 1-6)
- Ces récits, et tout le cycle de Samuel, pourraient dater de l'époque monarchique. Ils portent la marque de défenseurs de cette institution, peut-être des écrivains de cour ?
- Ils présentent une possible inclusion deutéronomiste en 1S 2,22-36.
La fin de l'époque des Juges (1S 7)
- le récit de l'assemblée de Miçpa semble d'un historien deutéronomiste désireux de donner une conclusion à l'histoire des Juges.
L'institution d'un premier roi (1S 8-12)
- Le texte fait alterner dialectiquement deux types de traditions : la version « monarchiste » de l'événement (1S 9 ; 10,1-16 ; 11) et une version (peut-être postérieure), sinon « antimonarchiste » du moins plus soucieuse que la première d'une royauté qui soit fidèle à YHWH et s'oppose ainsi aux mauvaises monarchies (1S 8 ; 10,17-24 ; 12).
- Elles incluent toutes deux des récits anciens : le conte des ânesses, probable adaptation d’une tradition benjaminite (1S 9-10,16) ; le récit du tirage au sort à Miçpa (1S 10,17-27) ; la chronique de la guerre ammonite (1S 11).
- 1S 8 et 1S 12 posent le problème théologique de la royauté en Israël, et semblent avoir été, pour le premier retouché, pour le second, entièrement rédigé par un écrivain deutéronomiste.
Guerres de Saül (1S 13-15)
- Divers traits hostiles au premier roi ont été ajoutés à des traditions anciennes.
Querelles et luttes entre David et Saül (1S 16,14—2S 1)
- Nombre de doublets dans ces récits peuvent s'expliquer par la compilation de traditions concurrentes. Ces doublets narratifs ont parfois suggéré que se prolongeaient ici les « →documents » du Pentateuque. Il semble plutôt que les compilateurs aient voulu conserver les nombreuses traditions dans leurs différences, lorsqu’ils les ont organisées en centon à coups de formules-cadres et de mots-clés qui soulignent la thématique principale de chacune. 2S 7 est peut-être attribuable à l'école deutéronomiste.
Histoire de la succession de David (2S 9-20 ; 1R 1-2)
- Cette section coule avec une régularité qui rappelle les récits autrefois attribués à l’auteur « yahviste » du Pentateuque. La grande histoire rapportée en 2S 9-20 ne présente guère de traces d'interventions deutéronomistes : ces pages pourraient-elles témoigner de l'existence d’une antique histoire nationale qui aurait commencé avec le récit de la création de l’homme (Gn 2) ?
- Par ailleurs, l’histoire de la révolte d'Absalom, pleine de détails pris sur le vif, a l’allure d’une chronique quasi contemporaine des faits. Cette histoire de succession, avec son recours possible à des témoignages directs, semble donc dater de la première moitié du règne de Salomon. « L’histoire de la succession » et celle de l’« accession » comportent tant de points communs qu’elles semblent issues des mêmes milieux : ceux de la cour et du temple de Jérusalem, qui compilèrent diverses traditions à la gloire de leur héros.
RÉCEPTION
Canonicité
Canon
- Les livres de Samuel forment un seul ouvrage dans la Bible hébraïque.
- La division en deux livres date de la Septante, traduction grecque des Juifs d’Alexandrie, qui regroupent Samuel et Rois sous un même titre : les quatre livres des Règnes.
- La Vulgate intitule quatre livres les « Livres des Rois », dont les deux premiers sont les livres hébreux de Samuel.
Intertextualité vétérotestamentaire
La réception canonique ancienne se manifeste par l’influence que les traditions recueillies dans les livres de Samuel ont eue à l’intérieur même de l’Ancien Testament.
- La figure prophétique de Samuel est explicitement liée à celle de Moïse en 1S 15,1 et dans le Ps 99(98).
- David, « chantre des cantiques d’Israël » (2S 23,1) a laissé son nom au recueil des Psaumes.
- À partir de la prophétie de Natân, l’espérance messianique se nourrit des promesses faites à la lignée de David (Am 9,11 ; Os 3,5 ; Is 9,1-6 ; 11,1-9). (→Royauté dans l'AT : idéal et applications)
- Avant la ruine de Jérusalem, Jérémie affirme que la dynastie davidique connaîtra une restauration (Jr 30,9 ; 23,5s ; 33,15ss).
- Au cours de l’Exil, Ézéchiel annonce un nouveau David (Ez 34,23s ; 37,24s).
- Après le retour d’exil, Zacharie annonce un roi semblable à David (Za 12,8).
- L’auteur du Ps 89 (88) rappelle douloureusement à Dieu son serment.
- Ben Sira s'inspire de ces écrits pour chanter la gloire de Samuel et de David (Si 46,13-47,11) en n'omettant pas la dimension messianique.
- Le Chroniste met David au centre de son histoire, en réduisant l'histoire avant lui à des généalogies. C'est son règne qui est décrit dans un tiers de l’ouvrage (1Ch 10-29). L’auteur s'inspire d'ailleurs des livres de Samuel. (→1 Chroniques)
Importance traditionnelle
Pour les juifs
C'est dans ces livres que prend naissance l'attente d'une Messie de la lignée de David, dont ce dernier est la préfiguration.
Intertextualité néotestamentaire
Les auteurs du Nouveau Testament montrent cette réalisation des prophéties messianiques en Jésus :
- né à Bethléem, patrie de David (Jn 7,42),
- descendant du grand roi (Mt 1,1 ; Lc 2,4 ; Mt 21,9.15 ; Mc 10,47).
Paul (Rm 1,3 ; 2Tm 2,8 ) et l'Apocalypse (Ap 5,5 ; 22,16) soulignent également que Jésus descend de David.
Cependant, il n'y a que peu de références aux livres de Samuel eux-mêmes :
- trois à propos de la prophétie de Natân (Ac 2,30 ; 2Co 6,18 et He 1,5)
- et une allusion à l'épisode de David chez les prêtres de Nob par Jésus, en Mc 2,25s.
Exégèse chrétienne
Dans l’antiquité chrétienne, les livres ont été commentés par :
- ; (†254) : quelques annotations
- ; (†373) : fragments
- ; (†444) : Commentaire sur le cantique d'Anne ; (†ca. 457) : Questions sur les Règnes I-II ; (†407) : Homélies : trois sur Saül et David et cinq sur la mère de Samuel
- ; (†528) : Commentaire sur les Règnes I-II
- ; (†636) : Quaestiones in Vetus Testamentum ; (†604) : In librum primum Regum
- ; (†735) : In regum librum quaestiones XXX, In primam partem Samuhelis Expositionis
- ; (8ème-9ème siècle) : Quaestiones hebraicae in libros Regum I-II
- ; (†ca. 855) : Enarrationes in libros Regum I-II; (†856) : Commentaria de libros Regum I-II
- (†1141): Adnotationes in libros Regum I-II.
Parmi les commentaires plus récents, se trouvent ceux de
- (†1349),
- (†1471),
- (†1534),
- (†1609), (†1616), (†1624), (†1626), (†1628), (†1628), (†1637), (†1645), (†1655), (†1696),
- (†1731), (†1733), (†1736), (†1757).
L'épisode de la sorcière d'Endor a intéressé les Pères et de petits traités d'
, d' , d' et de sont conservés à propos de cet épisode en particulier.Les livres de Samuel sont surtout sous-jacents à chaque fois que les Pères évoquent David comme type du Messie. Les Pères mettent en parallèle les étapes de la vie de David et de celle de Jésus, le Christ, qui donne le salut à tous, roi du peuple spirituel de Dieu et victimes des persécutions des siens. Plusieurs titres christologiques sont tirés de ces livres, qui ont aussi donné lieu à des interprétations comme types de la Passion. Ainsi, 1S 19,10s), la distinction entre l'humanité de Jésus (le mur atteint par la lance) et sa divinité, qui ne subit aucun dommage.
voit dans Saül qui menace David et le manque (Réception culturelle
Deux traits de David sont au centre de nombreuses représentations artistiques : le jeune David - souvent représenté en berger, poète, ou vainqueur de Goliath – et David âgé.
Sculpture
- La statue de David de représente le jeune David.
- Au 20ème siècle, a sculpté David et Goliath pour incarner le sentiment antifasciste.
Peinture et gravure
- ; a peint David et Goliath
- ; , La rencontre de David et Jonathan
- , La rencontre avec Abigaïl.
- Des gravures sur bois allemandes du 15ème siècle font de David un roi idéal, sa force étant un exemple pour les dirigeants contemporains.