La Bible en ses Traditions

2 Chroniques

« Le Seigneur envoya un ange qui frappa tout homme vaillant de l'armée du roi des Assyriens, le soldat comme le chef ... » (2Ch 32,21). Même si le deuxième livre des Chroniques, dans une large mesure, paraphrase ou cite littéralement le →deuxième livre des Rois, on y trouve des traditions propres, comme cette  explication surnaturelle de la défaite des Assyriens, ou encore un récit très détaillé du règne de Josaphat (2Ch 17-21,1).

Suite immédiate du →premier livre des Chroniques, le second forme avec lui une unité littéraire : la narration reprend là où elle s'était arrêtée, commençant donc par Salomon, et se poursuivant jusqu'à la première année de Cyrus, roi des Perses (538 av. J.-C.). Le  Chroniste continue d'y déployer les trois axes fondamentaux qu'il discerne dans cette histoire :

TEXTE

Critique textuelle
Hébreu

Le texte hébreu comporte peu de variantes, en dehors de quelques questions de ponctuation massorétique. Des divergences entre le livre des Chroniques et les passages parallèles dans le livre des Rois, en particulier dans les noms propres, peuvent être expliquées par des différentes sources utilisées par le Chroniste (ou son interprétation d’un document d’écriture ancienne) ou de sa volonté propre (ainsi Tadmor pour Tamar en 2Ch 8,14).

Grec

Le texte de la Septante est très proche du texte massorétique. La traduction des deux derniers chapitres du livre des Chroniques que l’on retrouve au début du livre d’Esdras diffère de celle des autres chapitres, ce qui conduit à supposer un autre original hébreu.

Latin

Avant la Vulgate les anciennes versions latines ont été faites à partir d’un texte grec. La Vulgate a été traduite d’après un manuscrit hébreu du 4e s.

Syriaque

La traduction syriaque (Peshitta), suit M est s'accorde souvent avec le targum (traduction juive en araméen). Elle a tendance à vouloir harmoniser les Chroniques et les livres des Rois.

Proposition de structure

La composition de l’ouvrage s’organise de manière chronologique, mais il faut noter la mise en évidence de certains personnages au détriment parfois du strict déroulement temporel. 1Ch se concentre sur David, 2Ch sur Salomon.

Genres littéraires
Une œuvre historiographique

Le Chroniste reste toujours un historien. Même si la synthèse qu’il propose présuppose une claire théologie et des simplifications, cela ne change pas son intention de base. Il n’est pas seulement un exégète. Son œuvre a des traits communs avec d’autres histoires d’antiquité →Historiographie antique : témoignage et rhétorique:   

Le Chroniste emploie ponctuellement aussi d’autres genres littéraires : listes, généalogies →GÉNÉALOGIE, les oracles prophétiques, lettres, lois, citations des sources, la poésie (les hymnes).

Une œuvre théologique

Le Chroniste veut écrire l'histoire de la vocation d'Israël, qui est de vivre ici-bas en théocratie. Son œuvre est donc théologique, offrant un aperçu du royaume de Dieu que YHWH entend réaliser pour toujours par son alliance avec David et sa maison. Cependant, sa théologie n'est pas faite à l'aide de concepts théologiques, mais à partir de données traditionnelles et de documents, sans que l'auteur se sente étroitement lié par eux.

Une relecture de l'histoire deutéronomiste

À l’époque de la rédaction de son œuvre, il existait déjà un autre ensemble historique : l'histoire deutéronomiste (du Deutéronome jusqu’aux Rois →Prophètes antérieurs (Josué, Juges, Samuel & Rois). David et Salomon sont idéalisés. Les événements du royaume du Nord sont ainsi passés sous silence, au profit de l'histoire de Jérusalem, son temple et son culte. Si les tribus du Nord sont tout de même mentionnées, c'est dans le cadre des fastes liturgiques avec les deux tribus privilégiées, pour symboliser l'unité messianique à venir (2Ch 15,9 ; 30,1.5.11.18 ; 34,6s.9.33). Le Chroniste imite le document sacerdotal du Pentateuque qui replace les institutions dans le cours de l'histoire du monde et d'Israël avant la conquête de Canaan.

Cette relecture spécifique de l’histoire deutéronomiste a suscité les commentateurs modernes de classifier les Chroniques comme : histoire apologétique, sacerdotale, révisionniste, corrigée ou même une utopie. En particulier cette dernière catégorie suggère une critique que le Chroniste dirige à sa société; les principes de ses contemporains se trouvaient défiés dans l’idéal décrit dans son œuvre.

CONTEXTE

Historicité

On a parfois eu tendance à négliger les précisions apportées par l'auteur des Chroniques, mais il ne faut pas s'arrêter sur ce poncif : le Chroniste disposait d'autres sources, encore inconnues. Il y a certes parfois des incohérences par rapport aux livres de Samuel ou des Rois. Mais ces divergences s'expliquent par le projet de l'auteur : il s'agit d'exposer l'idéal de la royauté, principalement à travers le personnage de David, en qui s'associent des traits du passé, de l'actualité et des propositions pour le futur. On a bien là une description de l'époque de l'auteur et des idées qui y avaient cours.

Auteur/s et datation

On situe le livre des Chroniques à la fin du période Perse ou même hellénistique, vers 300 av. J.C. Si la religion s'exprime principalement dans le respect des rituels et au Temple, il ne faut pas négliger la part grandissante des courants de sagesse personnelle, confiante dans la réalisation des prophéties. Le Chroniste, qui vit probablement à Jérusalem, reflète cette double préoccupation. Certains pensaient qu'il avait aussi écrit les livres d'Esdras et de Néhémie, avant les Chroniques. 

Formation

Les sources du Chroniste sont d'abord intrabibliques, par exemple le Pentateuque pour les généalogies. Mais l'auteur les mobilise pour un but apologétique précis, avec une grande liberté. Il fait aussi appel à de nombreuses autres sources — telles que des « livres », des « paroles » ou des « visions » — qui ne nous sont pas parvenues en dehors de sa compilation. S'y ajoutent quelques suppléments, comme la recension des métiers cultuels ou administratifs créés par David (1Ch 23,3-27,34), ou des compléments de listes.

RECEPTION

Canonicité
Titre
Ordre

L’ordre des livres n’est pas toujours le même :

Admission dans le canon

La disposition de la Bible hébraïque est un indice en faveur de l'admission rapide d'Esdras et Néhémie, tandis que les Chroniques ont probablement subi le refus des Sadducéens. Mais vers 95 ap. J.C., à Jamnia, les Chroniques sont reconnues comme canoniques et intégrées dans le canon juif, désormais clôturé. Mais les résistances ont persisté, comme par exemple dans l'Église syriaque qui ne les a reconnues que tard comme canoniques.

Importance traditionnelle
Intertextualité

Dans l'évangile de Matthieu, l'influence du livre des Chroniques est très importante :

Des emprunts se trouvent aussi en Paul (1Co 14,16 ; 2Co 9,7 ; 1Tm 1,17) et sont également nombreux dans l'épître aux Hébreux,

Exégèse

Dans la tradition chrétienne les livres des Chroniques sont commentés par :

Ensuite, entre autres commentateurs postérieurs : 

Réception culturelle

Dans la synagogue de Dura Europos, au nord-est du désert de Syrie, sur la rive ouest de l’Euphrate, une fresque du 3e siècle représente l’onction de David par Samuel, en présence de 6 frères de David, conformément à 1Ch 2,13ss (en 1S 16,10 ; 17,12, les frères de David sont au nombre de sept !).

Une inscription sur une mosaïque de la synagogue d’Engaddi (datée entre le 5e et le début du 7e s.) comporte une liste généalogique des treize ancêtres de l’humanité (d’Adam à Noé et ses fils), tirée de 1Ch 1,1-4. Plusieurs traductions en araméen d’expressions bibliques, s’y trouvent aussi, provenant probablement, pour deux d’entre elles, de 1Ch 16,36b et 2Ch 16,9b.