La Bible en ses Traditions

Juges

« Samson et Dalila » sont plus connus par le film ou par l'opéra que par la liturgie. En effet, la vie de Samson constitue un bon scénario. Comme un Hercule d’Israël, sans armes, il tue un lion avec sa force surhumaine; avec un os, il combat des milliers d'ennemis; et même les portes de la ville de Gaza n’ont pas pu le retenir prisonnier. Sa seule faiblesse est son attirance pour les femmes philistines. Samson, trahi et humilié, termine sa vie héroïque par une vengeance suicidaire. Le livre des Juges est peuplé de personnages charismatiques et hollywoodiens : le guerrier Gédéon, l’usurpateur Abimélec, la prophétesse Débora, l'homicide Yaël, ou la perfide Dalila.

Avec sa galerie bien ordonnée de portraits de six « grands » et de six « petits » chefs, le livre des Juges continue le récit de l'installation en Canaan commencé avec →Josué. La narration procède par cycles enchaînant « péché – punition – conversion – salut – péché » au cours desquels Dieu suscite à la fois les ennemis et les sauveurs de son peuple, c'est-à-dire les « juges ». Les derniers chapitres contiennent nombre d'éléments choquants : viol, meurtre et guerres fratricides (→Violence dans la Bible).

Alors que le plus grand ennemi d’Israël s'avère être Israël lui-même, la question complexe de la royauté (→Royauté dans l'AT : idéal et applications) émerge comme un moindre mal. La période de la royauté n'a pas encore commencé : « il n’y avait pas de roi en Israël et chacun faisait ce qui lui semblait bon » (Jg 21,25). D'une certaine manière, le livre des Juges raconte « l'adolescence » d'Israël, ses difficultés avec Dieu alors que le peuple devient une société agricole sédentaire.

Dans le Nouveau Testament l'annonce de la naissance de Samson servira de modèle littéraire au récit de l'annonciation à la Vierge Marie. La faible mais victorieuse Yaël servira quant à elle de type à la Vierge Marie qui, elle aussi, porte le salut à son peuple.

TEXTE

Critique textuelle
Hébreu

Si l’on excepte le cantique de Débora, Jg 5, le texte →MASSORÉTIQUE (Texte —, ou : M) est en assez bon état. Les difficultés semblent dues surtout à des négligences de copistes.

Grec

L'histoire textuelle de G-Juges est complexe. En ce qui concerne le texte de la Septante, les manuscrits qui nous l’ont conservé présentent de notables divergences, à tel point que certaines éditions donnent parallèlement in extenso les deux textes: de l'Alexandrinus (A) et du Vaticanus (B). La traduction de G suit l'édition de Rahlfs qui présente un texte mixte où le texte de l'A(lexandrinus) est amendé par les leçons hexaplaires d'Origène et du texte antiochien (Lucian). Le texte B (Vaticanus) est le plus souvent proche de M et représenté à part de GA.

Telle pourrait être l'histoire du texte grec :

Latin
Procédés littéraires caractéristiques
Chiffre symbolique de 12

Il y a douze juges : six « grands » Otniel, Éhud, Baraq (et Déborah), Gédéon, Jephté, Samson, et six « petits » Shamgar (Jg 3,31), Tola (Jg 10,1-2), Yaïr (Jg 10,1-5), Ibçân, Élôn, Abdôn (Jg 12,8-15). Le chiffre douze fait allusion aux douze tribus et ainsi représente tout Israël.

Chiffre symbolique de 40

Les Juges renvoient souvent à des périodes de 40 ans (la durée d'une génération), ou de son multiple 80, ou de sa moitié 20. Ainsi on obtient (selon la chronologie biblique) un total de 480 ans (12 fois 40 ans) entre la sortie d'Égypte et la construction du Temple par Salomon (1R 6,1).

Proposition d’une structure du livre

On peut distinguer trois parties dans le livre des Juges :

Genre littéraire : une histoire nationale religieuse

Ce n'est pas en vain que la tradition juive classe le livre des Juges dans l'ensemble attribué aux →Prophètes antérieurs (Josué, Juges, Samuel & Rois): ce livre a pour sujet principal les rapports d'Israël avec YHWH, sa fidélité ou son infidélité envers la parole de Dieu, dont les prophètes sont les organes (notamment Samuel, Gad, Natân, Élie, Élisée, Isaïe, Jérémie).

Tout en se donnant pour un monument d'histoire nationale, l'œuvre est donc une « histoire sainte » : on y observe la succession des événements d'un point de vue religieux, avec une intention éducative rendue évidente par la répétition pédagogique de la leçon narrative {péché-châtiment-pénitence-délivrance}. 

CONTEXTE

Milieux de vie

Des textes sémitiques attestés à Mari (18e s. av. J.-C.), à Ugarit (13e s.) et chez les Phéniciens, ainsi que des textes puniques de l'époque gréco-romaine (les « suffètes » de Carthage), montrent que les « juges » (du verbe shâpat, « juger ») ne sont pas seulement impliqués dans la justice mais aussi dans le gouvernement de leur ville ou de leur district. Ce pouvoir est intermédiaire entre le régime tribal et le régime monarchique.

Histoire et géographie

La recherche moderne a restreint la période des Juges à environ un siècle et demi, ca. 1200-1050. La victoire sous Débora et Baraq (Jg 4-5) serait à dater vers le milieu du 12e s. (voir la note de synthèse BEST (https://scroll.bibletraditions.org/bible/Jg/1→) sur : « →Bible et Archéologie VII : Les premiers Israélites»)

Auteur/s
Formation et datation

Au temps d'Esdras l'œuvre est terminée.

RECEPTION

Canonicité

Le livre des Juges en tant que tel a fait partie du Canon dès les premières apparitions de ce dernier : dès Si 46,11s, les Juges sont situés entre →Josué (avec Caleb) et →1 Samuel.

Importance traditionnelle
Intertextualité

Si 46,11-20 et He 11,32ss ; 12,1 louent les Juges. →Annonces de naissance

Exégèse chrétienne

Pour les Pères de l’Église, en revanche, la période des Juges est peu fournie en exemples susceptibles d’édifier la communauté chrétienne. Seuls les exploits de Gédéon et Samson sont cités dans leurs commentaires.

Parmi ces œuvres, se trouvent :

Le livre se focalise sur la relation péché-défaite et fidélité-victoire, invitant ainsi les lecteurs à la vertu. Dans les persécutions les chrétiens  sont appelés à garder cette même espérance dans la victoire finale du peuple de Dieu.