La Bible en ses Traditions

RECENSIONS (histoire du texte biblique)

Brève définition

On appelle « recension » (du latin recenseo, passer en revue, dénombrer, corriger) la révision systématique du texte d'une œuvre déjà en circulation,  fondée sur des principes identifiables, qui peuvent relever de la critique textuelle ou de positions idéologiques précises. Avant l'imprimerie les recensions sont généralement oeuvres d'écrivains différents des producteurs du livre en question.

Dans l'histoire du texte biblique, on appelle « recension » un ensemble de manuscrits formant une famille avec des traits identifiables, dont on pense qu'ils relèvent tous d'une même révision, qui leur donne son nom.

La naissance et transmission d'un livre dans l'antiquité

Schématiquement, on peut distinguer quatre étapes

Ce sont des étapes différentes ! Une même oeuvre, dans l'antiquité gréco-romaine, peut connaître plusieurs publications.  Par exemple, Quintilien Inst. Orat. I, proem. 7 se plaint en ces termes : « il y a actuellement deux livres sur l’art de la rhétorique qui circulent sous mon nom, quoique jamais publiés par moi ni composé à cette fin. L’un est un cours de deux jours qui a été fixé par les garçons qui le suivaient ; l’autre est fait de notes que mes bons étudiants ont tirées d’une série de conférences données à une plus grande échelle. »

RECENSIONS PRINCIPALES DE LA SEPTANTE

Juives
Chrétienne

la recension origénienne = la cinquième colonne des →Hexaples a été transmise par les copistes comme une oeuvre en soi. La recension dite "Syro-Hexaplaire" est la  traduction en syriaque , de la colonne LXX par Paul de Tella en 616/617, très littérale, avec les signes critiques à la bonne place. Elle est partiellement conservée dans un manuscrit du 8ème s.

RECENSIONS PRINCIPALES DU TEXTE DU NOUVEAU TESTAMENT

Il vaut la peine de remarquer une certaine analogie entre l'histoire des éditions bibliques et l'histoire de l’Église 

Cependant, dès la période comprise entre 250-260 et 303 (débuts de la persécution de Dioclétien), deux grandes familles de manuscrits sont repérables:

K, ou le texte antiochien ou byzantin devenant le textus receptus (TR)

Toutes les versions imprimées en viendront pendant longtemps : c'est la base du « textus receptus » (expression des frères Elzevir imprimeurs à Leiden et Amsterdam dans leur préface à leur seconde édition du NT grec en 1633 où se dit la prétention à un texte inaltéré ) avec des leçons forgées par Érasme lui-même à partir de la Vulgate de Jérôme pour les passages défectueux de ses manuscrits grecs du 12e s.

TO, texte "occidental" ou syro-byzantin

Entre 303 et 310 (Occident) et un peu plus tard (Orient) sévit la persécution de Dioclétien, causant les destructions systématiques de Livres saints. Lorsque les chrétiens peuvent se développer à nouveau, il faut produire beaucoup de copies : Antioche, où Origène avait eu son école de théologie et où les Ariens avaient un centre très organisé, a pu fournir de très nombreux diocèses orientaux, encouragé par Eusèbe de Nicomédie, évêque de la cour. Le texte Koinè se répand beaucoup au 4e s. C’est le texte byzantin, originaire d’Antioche, qui va se répandre le plus largement : les étudiants de l’Ecole d’Antioche vont en effet occuper des sièges importants au 4e s. et se déplacent sans doute avec leur texte !

H, ou le texte alexandrin ou neutre

C'est une recension faite sur les principes philologiques servant à l’édition des textes d’Homère à l’époque :

Il s’agit d’une recension faite en plusieurs étapes : certains livres restent plus longtemps que d’autres dans leur forme ancienne, par exemple Mc dans P45 (3e s.) et W032 (5e s.). BO3 est non pas une tradition dans sa pureté primitive mais déjà une recension travaillant le mieux possible (Kenyon). Depuis C. Lachmann (1831, ²1850), c’est la base des éditions occidentales, en particulier celle du texte standard contemporain, l'édition de Nestlé-Aland.

Le texte césaréen, une recension palestinienne?

Mais ce texte se ressent de beaucoup d'influences byzantines ; il présente des ressemblances avec P45, antérieur à Origène : faut-il parler d'une influence protoalexandrine sur un texte palestinien prérecensionnel ? Pour beaucoup de critiques textuels d'aujourd'hui, cette recension palestinienne est une pure hypothèse.

Conclusion : deux ou quatre recensions antiques ?

Dans son introduction dédicatoire des évangiles pour Damase, Jérôme ne mentionne que les types de Lucien et Hésychius. Le texte alexandrin et le texte byzantin sont les deux principales "recensions" admises par tous, les deux autres restant sujettes à passionnantes controverses entre spécialistes.