« Pousse des cris d’allégresse, fille de Jérusalem ! Voici, ton Roi vient à toi: le juste et le sauveur lui-même : pauvre, montant sur un âne et sur un ânon, petit d’une ânesse » (Za 9,9). De nombreux passages célèbres de l'histoire de Jésus sont en lien direct avec la prophétie de Zacharie.
Au-delà de cette description de Jésus en roi pacifique entrant à Jérusalem ( Za 9,9s : Mt 21,5-7 ; Jn 12,14-15), il suffit de rappeler quelques motifs de sa passion : le paiement de trente pièces d'argent (Za 11,12 : Mt 26,14-16 ; 27,4-10), la figure du transpercé sur lequel il y aura de deuil et des pleurs qui s'accomplira dans la croix du Christ (Za 12,10-14 : Jn 19,34.37 ; cf. Ap 1,7), la dispersion des brebis à l'heure de la passion (Za 13,7 : Mt 26,31 = Mc 14,27). (Voir →Zacharie dans l’Évangile).
Pour saint Jérôme, Zacharie est un livre « obscurissime » ! Comment s'y retrouver dans un tel assemblage de visions et d'exhortations concernant à la fois le présent et le futur ? Le livre de Zacharie, l'avant-dernier des →Prophètes mineurs, peut être divisé en deux parties (Za 1-8 ; 9-14).
La première partie commence par un appel à la repentance, dans la tradition des prophètes de l'Ancien Testament (Za 1,1-6), suivie de huit visions symboliques (Za 1,7-6,8) qui, dans leur forme littéraire, ressemblent à celles d'Amos (Am 7,1-9,4) et de Jérémie (Jr 1,11-14). Mais les visions de Zacharie sont généralement plus complexes et plus détaillées, et le Seigneur y est représenté par un ange interprète, qui donne des explications, pose des questions ou répond aux questions que lui pose le prophète (Za 1,9-14 ; 2,2-7 ; 3,1-6 ; 4,1-4 ; 5,2-10 ; 6,4-5). Les idées prédominantes de la première partie du livre sont l'amour et la compassion du Seigneur envers Jérusalem (Za 1,14-16), les figures messianiques de « Orient » (Za 3,8) et de Zorobabel (Za 4,6b-10a) et l'éloignement de toute méchanceté et de tout péché du peuple de Dieu (Za 5,1-11).
Dans la seconde partie, nous ne trouvons plus les problèmes qui agitaient la communauté post-exilique, mais les combats apocalyptiques qui assureront le triomphe du Seigneur à la fin des temps. Ce triomphe se manifestera surtout par la libération de Jérusalem, soumise à une double attaque par les nations (Za 12 ; 14). Á côté de l’annonce d'un châtiment purificateur (Za 14,2), d'autres messages prophétiques proposent le Seigneur comme défenseur de son peuple et de la Cité sainte (Za 9,8.15 ; 12,8), ou bien annoncent le retour et la réunion de tout le peuple (Za 10,6-7), la purification des péchés (Za 13,1-2), la victoire sur les nations (Za 12,9 ; 14,12-15), la destruction des villes voisines d’Israël (Za 9,1-8) et, comme aboutissement de tout cela, le règne final et définitif de Dieu à Jérusalem (Za 14,9.16-17).
Zacharie exerce son influence jusqu'au bout des Écritures : c'est dans le livre de l'Apocalypse que les allusions (pas moins d'une vingtaine) au livre de Zacharie abondent, y compris l'image du chandelier et des deux oliviers (Za 4,1-6a : Ap 1,12) et les chevaux et les cavaliers (Za 1,7-10 ; 6,1-8 ; Ap 6,1-11).
TEXTE
Critique textuelle
Dans le désert de Juda, quelques fragments du texte hébreu de Zacharie ont été découverts : 4Q76 = ; 4Q80 = 4QXIIe - assez proche de la Septante ; Mur 88 (Za 1,1-4) - qui s'écarte rarement du texte massorétique.
- dont le texte se situe entre le texte massorétique et la SeptanteLa version grecque est très similaire au texte massorétique, aussi bien en termes de composition que de contenu. On y retrouve la même complexité de structure et les mêmes difficultés d'interprétation d'un texte parfois obscur.
Procédés littéraires caractéristiques
Le récit de la vision nocturne (Za 1,7–6,15) présente les indices d’énonciation suivants : récit du prophète en 1ère personne, « je » ; répétition de verbes de vision (Za 1,8 ; 2,1.5 ; 4,2 ; 5,1.9 ; 6,1) ; contenu de la vision souvent introduit par le terme « voici » faisant anaphore (Za 1,8 ; 2,1.5 ; 4,2 ; 5,1.7 ; 6,1), « dialogue de révélation » entre le prophète qui questionne sur le sens de la vision (Za 1,9 ; 2,2 ; 4,4.6s ; 5,2.6.10 ; 6,4) et l’homme-messager qui en délivre l’interprétation (Za 1,10 ; 2,2 ; 4,5s.9 ; 5,3.6.8.11 ; 6,5).
Les oracles du Za 8 dans M sont introduits quant à eux par la formule « Ainsi parle Yhwh Sabaot » (Za 8,2ss.6s.9.11.14.19s.23).
Proposition d’une structure du livre
On peut distinguer deux parties.
Première partie (Za 1-8)
- L'introduction (Za 1,1-6) est suivie de huit visions du prophète (Za 1,7-6,8).
- Josué est alors symboliquement couronné (Za 6,9-15).
- Brève mention du passé (Za 7), à propos d'une interrogation sur le jeûne (novembre 518).
- Conclusion sur l'espérance du retour de Dieu à Sion (Za 8).
Deuxième partie (Za 9-14)
Ces chapitres sont plus désordonnés. Viennent alors deux sections introduites toutes deux par le titre hébreu massa' « poids » proclamation (Za 9,1 et Za 12,1) ; si la première est presque complètement en vers, la seconde est presque complètement en prose. Ces deux sections diffèrent profondément des chapitres précédents. Il n'y a plus ni dates, ni noms des personnes, et le livre fait de fréquents emprunts à →Jérémie et →Ézéchiel, avec les mentions de l'Assyrie et de l'Égypte comme symboles des ennemis.
A. Le premier massa' Za 9-11
- Les victoires du Seigneur et le retour du Roi (Za 9,1-11,3)
- La relation brisée entre le pasteur et ses brebis (Za 11,4-17)
B. Le second massa' Za 12-14
- Le dernier siège de Jérusalem Za 12,1-9
- Le peuple transformé après le sacrifice du Transpercé Za 12,10-13,9
- La dernière victoire à Jérusalem Za 14
Genres littéraires
Genre oraculaire
Au récit des visions accompagnées de leur interprétation (Za 1-6), fait suite une série d’oracles du Seigneur. Au Za 7 ces oracles sont des admonestations au peuple (sur le jeûne, le jugement juste, la compassion envers autrui) ; au Za 8, il s’agit au contraire de promesses de bonheur et de salut dont les perspectives s’élargissent jusqu’à devenir universelles.
Les caractéristiques apocalyptiques
Surtout, Za 12-14 décrivent en termes d'une catastrophe eschatologique la délivrance et le renouvellement de Jérusalem dans les derniers temps (Za 12-13,6) ainsi que le dernier combat qui précédera la venue de Dieu et le rassemblement de toutes les nations à Jérusalem pour la fête des Tentes (Za 14). →Apocalyptique (littérature —)
Style anthologique
Par ses allusions à d’autres livres bibliques, le style des chap. 9 à 14 est nettement anthologique : on y retrouve le thème des bergers, développé par Jérémie et Ezéchiel et présenté ici sous un mauvais jour (Za 10,3 ; 11,5.15 ; 13,7), ainsi que le thème eschatologique du « jour du Seigneur ».
CONTEXTE
Auteur/s
Les premiers chapitres (1-8) datent le ministère de Zacharie entre 520 et 518. On ne connaît ce prophète que par son livre, et selon Esd 5,1 ; 6,14, il est le fils du prêtre Iddo du clan de Sadok (Ne 12,16 cf. Esd 5,1 ; 6,14). Ce fait explique l'intérêt que Zacharie avait pour les livres prophétiques écrits par des prêtres comme Jérémie et Ezéchiel. Son nom signifie « Yhwh s'est souvenu ».
Formation et datation
La première partie (1-8)
L'introduction (Za 1,1-6) donne la date d'octobre-novembre 520, deux mois après la première prophétie d'Aggée. Même si le culte lié à l’autel fut repris immédiatement après le retour de l’Exil, la reconstruction du temple fut suspendue pendant 16 ans, probablement à cause de la pauvreté de la population locale →Problématique du Temple au tournant de notre ère. Son authenticité ne fait pas de doute, mais on y décèle les traces d'une révision, comme en témoigne par exemple l'addition des prophéties universelles (Za 8,20-23) après la conclusion de Za 8,18s.
Deux autres collections postérieures ?
En revanche les chapitres 9-14 sont difficilement datables. On y rencontre ici des noms propres comme les figures typiques ou archétypiques, plutôt que des références historiques. L'Empire perse fait face à la Grèce en 490-480 av. J.-C. ou de la fin du 4e s. av. J.-C. après la conquête d'Alexandre. Certains vont même jusqu'à évoquer un Deutéro-Zacharie (9-11) et un Trito-Zacharie (12-14), qui sont probablement deux collections elles-mêmes composites.
- La première reprendrait d'anciens passages poétiques d'avant l'exil et ferait référence à des faits historiques difficiles à retrouver précisément (on applique généralement Za 9,1-8 à la conquête d'Alexandre).
- La seconde partie, plus apocalyptique, donne une vision de la Jérusalem eschatologique.
Mais on trouve des expressions apocalyptiques dans le début du livre (visions interprétées par un ange), et des thèmes communs aux deux, comme les « pasteurs » du peuple (Za 10,2s ; 11,4-14 ; 13,7ss).
RÉCEPTION
Canonicité
Dans le texte massorétique ainsi que dans la Septante, le livre de Zacharie tient la même place : second des trois livres prophétiques postexiliques, il est l’avant-dernier des Douze Petits Prophètes.→Prophètes mineurs
Il présente plusieurs points communs avec le livre d’Aggée qui le précède immédiatement : la reconstruction du Temple, l’espoir d’un renouveau politique qui converge vers les figures de Zorobabel, gouverneur de Judée, et du grand-prêtre Josué (Za 9,1 ; 12,1), et des formules de datation identiques (par exemple Za 1,1.7 ; 7,1; cf. Ag 1,1 ; 2,1.10.20).
Les deux dernières sections de Zacharie (Za 9,1 ; 12,1) portent le même titre éditorial que le livre suivant de →Malachie (Ml 1,1) : proclamation, déclaration (en hébreu massa').
Importance traditionnelle
Intertextualité
Les traits messianiques du livre de Zacharie trouvent leur harmonie dans la personne du Christ.
- Le Nouveau Testament le cite et y fait fréquemment allusion (Mt 21,4s ; 27,9 (combiné avec Jérémie) ; Mt 26,31 = Mc 14,27 ; Jn 19,37). →Zacharie dans l’Évangile
- Mais c’est dans le livre de l’Apocalypse que les allusions (pas moins d’une vingtaine) au livre de Zacharie abondent. Sont spécialement repris l’image du lampadaire et des deux oliviers (Za 4,2s; Ap 11,4) et le thème du transpercé sur lequel on se lamentera (Za 12,10; Ap 1,7).
Exégèse chrétienne
Cette perspective d’accomplissement messianique est reprise et développée par les Pères de l’Église : des noms d’objets symboliques (« surgeon », « chandelier », « pierre », etc.) et des noms de personnages (« messager du Seigneur », « grand prêtre Josué », « berger », « roi » ...) sont transférés au Christ dont ils déploient la titulature en évoquant différents aspects de sa mission.
- « Un homme montant un cheval roux » (Za 1,8) ;
- « Le messager du Seigneur » (Za 1,10s) ;
- le Christ « envoyé » du Père (Za 2,12.15) ;
- « Germe », nom messianique, titre du Christ (Za 3,8 ; 6,12) ;
- le grand prêtre Josué, préfiguration de Jésus Christ (Za 3,1 ; Za 6,11) ;
- Zorobabel, constructeur de la maison du Seigneur, figure de Jésus-Christ (Za 4,7-10a).
Certains versets, ultérieurement regroupés en recueils sous le nom de Testimonia, servent dans les argumentations apologétiques, polémiques ou catéchétiques sur la foi en Jésus-Christ et sur l’Eglise :
- l’arrivée du roi à Jérusalem préfigure l’entrée de Jésus à Jérusalem, « monté sur un âne » (Za 9,9) ;
- les « trente sicles d’argent », salaire du berger, prix de la trahison de Jésus (Za 11,12s) ;
- « ils regarderont vers moi au sujet de celui qu’ils ont transpercé », prophétie de Jésus crucifié (Za 12,10b) ;
- « Frappe le pasteur, que soient dispersées les brebis » (Za 13,7b), l’arrestation de Jésus et la dispersion de ses disciples, prophétie de la Passion ;
- un testimonium sur la résurrection, « Toi aussi, par le sang de ton alliance, j’ai renvoyé tes captifs de la fosse où il n’y a pas d’eau » (Za 9,11)
- « voici que je viens pour demeurer au milieu de toi […] Des nations nombreuses s’attacheront à Yhwh, en ce jour-là ; elles seront pour lui un peuple. Elles habiteront au milieu de toi » (Za 2,14-15a) ; « Le jour » de la réalisation de promesses pour Jérusalem.
Le premier commentaire suivi est celui d’
(†254) mais son texte n’est pas conservé. Suivent alors :- (†339), qui a abondamment recours au livre de Zacharie dans sa Démonstration évangélique, (†398),
- (†428), (†444), (†ca. 450) (†ca. 457)
(cf. supra : les commentaires sur l’ensemble des douze →Prophètes mineurs).
Le livre est ensuite commenté, entre autres, par:
- (†1546), (†1560), (†1580), (†1598), (16e siècle),
- (†1600), (†1617), (†1628), (†1639), (†1644), (†1659), (†1667), (†1693),
- (†1710), (†1722), (†1744), (†1784), (†1792).