« Qu'y a-t-il, Israël ? Qu'y a-t-il pour que tu sois dans la terre des ennemis | que tu aies vieilli sur une terre étrangère | que tu aies été souillé avec les morts | que tu aies été compté parmi ceux qui sont descendus en enfer ? | Tu as abandonné la source de la sagesse » (Ba 3,10-11). C'est en ces termes que le scribe Baruch révèle au peuple que la cause de leur malheur est l’abandon de la sagesse.
Baruch nous est connu grâce au livre de Jérémie qui le présente comme le scribe du grand prophète. Mais il est beaucoup plus qu'un simple secrétaire. En Jr 36,32, le scribe Baruch, secrétaire de Jérémie est ironiquement désigné comme le deuxième auteur du livre de Jérémie, sorte d'évangéliste de son maître. Surtout, Baruch reçoit lui-même une mission prophétique (Jr 45,1-4). À la différence de son maître Jérémie, Baruch est un type de survivant : c'est lui qui va récupérer les ustensiles du Temple détruit par les Babyloniens, en signe d'espérance d'un retour (Ba 1,8), comme il avait récupéré les paroles de Jérémie.
Ce mouvement de reconstruction après la crise se traduit et dans le contenu et dans les formes littéraires de ce livre. Le livre de Baruch est difficile à classer dans un ensemble précis, parce qu’il se présente comme une synthèse des traditions des prophètes et des sages.
- On y retrouve une certaine philosophie de l’histoire ne s'exprime pas comme une réflexion désengagée, mais dans une prière pénitentielle concrète Ba 1,15-3,8).
- En imitant les paroles de Jérémie (Jr 2,13), Baruch prêche avec ferveur Dieu comme la Source de la sagesse (Ba 3,12), qu'il identifie avec la Torah (Ba 4,1) comme l'Ecclésiastique, ou Ben Sira (Si 24,23).
- Dans un long monologue de Jérusalem (Ba 4,5-5,9), Baruch renverse les malheurs des Lamentations, en faisant écho aux prophécies d’Is 60,1-5.
Les nombreuses références aux autres livres bibliques et la synthèse théologique proposée suggèrent que le livre de Baruch est récent. Le fait qu’on ne trouve pas son texte hébreu corrobore l’hypothèse que ce soit un pseudépigraphe. Le personnage de Baruch a conduit cependant à l'insérer parmi les livres prophétiques dans une petite collection « jérémienne » avec le livre de Jérémie et les Lamentations. Dans sa version grecque, le Livre de Baruch a seulement 5 chapitres et « La Lettre de Jérémie », c’est-à-dire le chapitre 6 dans la Vulgate ( Ba 6), est un œuvre à part. Notons enfin que Baruch semble avoir inspiré de Paul pour sa théologie du Christ comme la Sagesse de Dieu en 1Co 1-2.
TEXTE
Critique textuelle
- Les seuls manuscrits de Baruch conservés sont en grec. Si l'introduction (Ba 1,1-14) est originellement écrite en grec, la prière (Ba 1,15-3,8) et sans doute la fin (Ba 3,9-5,9) ont été composés en hébreu puis traduits.
- En ce qui concerne la Lettre de Jérémie, elle remonte elle aussi probablement à un original hébreu. Un petit fragment grec retrouvé à Qumrân est daté de 100 av. J.-C. par la paléographie.
Proposition de structure
Le livre de Baruch se compose de quatre parties selon le texte grec et cinq selon le texte latin :
- une introduction (Ba 1,1-14) ;
- une prière qui même aveu des fautes et espérance (Ba 1,15-3,8) proche de Dn 9,4-19 ;
- une pièce poétique de sagesse (Ba 3,9-4,4) qui identifie Sagesse et Loi ;
- une prophétie (Ba 4,5-5,9) qui fait parler Jérusalem aux captifs de Babylone pour les encourager par les promesses messianiques.
- La Lettre de Jérémie, rattachée par la Vulgate à Baruch (Ba 6), est mise à part dans la Bible grecque. Il s'agit d'une argumentation polémique contre les idoles reprenant des thèmes prophétiques et apologétiques (cf. Is 44,9-20 ; Jr 10,1-16).
CONTEXTE
Histoire et géographie
Après l'espoir du règne de Josias, le roi réformateur, sa mort en 609 à Megiddo ainsi que l'extension du pouvoir chaldéen après la chute de Ninive (612) annoncent une ère sombre. Nabuchodonosor assujettit la Palestine dès 605. Les révoltes du royaume de Juda, soutenu par l'Égypte, aboutissent aux deux chutes de Jérusalem, en 597 puis en 587, et à la déportation.
Auteur/s et datation
- À lire l'introduction (Ba 1,1-14), c'est Baruch, secrétaire de Jérémie, qui écrit le livre à Babylone et l'envoie à Jérusalem comme lecture liturgique.
- Hypothèse historique : aujourd’hui, cette position est discutée, à cause des nombreuses imprécisions voire erreurs de contexte. Beaucoup attribuent donc sa rédaction à un auteur postérieur. On le date généralement du 2e s. av. J.-C.
- La Lettre de Jérémie condamne l'idolâtrie de Babylone à une époque assez tardive, et semble dater de la période grecque. On en a peut-être une allusion dans 2M 2,1ss.
RECEPTION
Canonicité
- Le livre de Baruch est un livre deutérocanonique, c'est-à-dire absents de la Bible hébraïque. Cependant, les Constitutions apostoliques 5,20 (fin 4e s.) rapportent que sa lecture est fréquente dans les synagogues aux premiers siècles ap. J.C.
- Situé entre Jérémie et les Lamentations dans la Bible grecque, il suit les Lamentations dans la Vulgate. Chez les Pères, on peut le trouver cité comme une partie de Jérémie.
Importance traditionnelle
- Postérité : sont conservées sous son nom 2 Bar, en syriaque, une apocalypse du 2e s. ap. J. C., 3 Bar, en grec, une apocalypse des 1er-3e s. ap. J. C., et 4 Bar ou Paraleipomena Jeremiou, en grec, des 1er-2e s. ap. J. C.
- Des commentaires sur Baruch ont été écrits, entre autres, par (†1645), (†1646) (†1658).
- Liturgie : une des lectures de la vigile pascale est tirée de Baruch (Ba 3,9-15.32-36-4,1-4).