Un projet du Programme de Recherches La Bible en ses traditions AISBL
Dirigé par l’École Biblique et Archéologique Française de Jérusalem
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1 ...
1 Et il advint lorsque Jésus eut achevé toutes ces paroles
qu’il dit à ses disciples :
2 ...
2 — Vous savez que dans deux jours la Pâque arrivera
et le fils de l’homme sera livré pour être crucifié.
3 ...
3 Alors s’assemblèrent les princes des prêtres et les anciens du peuple
dans la cour du prince des prêtres nommé « Caïphe »
4 ...
4 et ils tinrent conseil en vue de s’emparer de Jésus par ruse et de le tuer,
5 ...
5 mais ils disaient : — Pas pendant la fête ;
que tumulte n’advienne dans le peuple !
6 ...
6 Or Jésus se trouvant à Béthanie dans la maison de Simon le lépreux,
7 ...
7 une femme l’approcha, ayant [un flacon d’]albâtre d’une huile de parfum de grand prix
et la lui versa sur la tête alors qu’il était allongé.
8 ...
8 Voyant cela, les disciples s'indignèrent disant :
— Pourquoi cette perte ?
9 ...
9 Car cela pouvait se vendre très cher et être donné à des pauvres !
10 ...
10 S’en étant aperçu, Jésus leur dit :
— Pourquoi faites-vous de la peine à la femme ?
Car c’est une bonne œuvre qu’elle a accomplie envers moi.
11 ...
11 Car toujours vous avez les pauvres avec vous ;
mais moi, vous ne m’avez pas toujours.
12 ...
12 Car elle, quand elle a répandu cette huile de parfum sur mon corps, c’est pour me mettre au tombeau qu’elle l’a fait.
13 ...
13 Amen je vous dis :
— Partout où sera proclamé cet évangile, dans le monde entier,
sera raconté aussi ce qu’elle a fait, en mémoire d’elle.
14 ...
14 Alors, s’étant rendu chez les princes des prêtres, l’un des douze, appelé Judas Iscariote,
15 ...
15 leur dit :
— Que voulez-vous me donner, que moi, je vous le livre ?
Eux lui fixèrent trente pièces d’argent.
16 ...
16 Et de ce moment il était en quête d’une opportunité pour le livrer.
17 ...
17 Or le premier jour des Azymes les disciples approchèrent Jésus, disant :
— Où veux-tu que nous fassions les préparatifs pour que tu manges la Pâque ?
18 ...
18 Et Jésus dit :
— Allez en ville chez un tel et dites-lui :
— Le maître dit :
— Mon temps est proche,
c’est chez toi que je vais faire la Pâque avec mes disciples.
19 ...
19 Les disciples firent comme le leur avait fixé Jésus
et préparèrent la Pâque.
20 ...
20 Le soir venu, il était allongé avec les douze disciples
21 ...
21 et pendant qu'ils mangeaient, il dit :
— Amen je vous dis :
— Un de vous est sur le point de me livrer.
22 ...
22 Extrêmement attristés, ils commencèrent à lui dire, un par un :
— Ce n'est pas moi, Seigneur ?
23 ...
23 Or lui, répondant, dit :
— Qui plonge avec moi la main dans l'assiette, celui-là me livrera.
24 ...
24 Le fils de l’homme s’en va comme c’est écrit de lui,
mais malheur à cet homme par qui le fils de l’homme est livré.
Cet homme-là, il lui eût été bon de ne pas être né.
25 ...
25 Répondant, Judas, qui le livra, dit :
— Ce n'est pas moi, rabbi ?
Il lui dit : — Tu as dit.
26 ...
26 Pendant qu’ils mangeaient, Jésus, ayant pris du pain et dit une bénédiction, le rompit
et il le donna à ses disciples et dit :
— Prenez et mangez, ceci est mon corps.
27 ...
27 Et ayant pris un calice, il rendit grâce, il le leur donna disant :
— Buvez-en tous,
28 ...
28 car ceci est mon sang, de l’alliance nouvelle,
qui est répandu pour une multitude en rémission des péchés.
29 ...
29 Mais je vous dis :
— Je ne boirai plus désormais de ce produit de la vigne
jusqu'à ce jour où je le boirai avec vous, nouveau, dans le royaume de mon Père.
30 ...
30 Et après avoir dit l'hymne, ils sortirent vers le mont des Oliviers.
31 ...
31 Alors Jésus leur dit :
— Tous vous souffrirez un scandale à mon sujet cette nuit,
car il est écrit :
— Je frapperai le pasteur et les brebis du troupeau seront dispersées.
32 ...
32 Mais après que j'aurai ressuscité, je vous précéderai en Galilée.
33 ...
33 Répondant, Pierre lui dit :
— Même si tous viennent à être scandalisés à ton sujet,
moi jamais je ne serai scandalisé.
34 ...
34 Jésus lui déclara :
— Amen je te dis
que cette nuit même, avant que le coq chante, trois fois tu me renieras.
35 ...
35 Pierre lui répond :
— Me faudrait-il avec toi mourir, non, je ne te renierai pas.
Autant en dirent tous les disciples.
36 ...
36 Alors Jésus vient avec eux dans un domaine appelé Gethsémani.
Et il dit à ses disciples :
— Asseyez-vous ici pendant que j'irai là-bas et que je prie.
37 ...
37 Et prenant Pierre et les deux fils de Zébédée,
il commença à ressentir tristesse et affliction.
38 ...
38 Alors il leur dit :
— Mon âme est triste jusqu’à la mort ;
attendez ici et veillez avec moi.
39 …
39 Et s’étant avancé un peu, il tomba sur la face, priant et disant :
— Mon Père, si c’est possible, que passe loin de moi ce calice ;
cependant, non pas comme je veux, moi, mais comme toi…
40 ...
40 Il vient vers les disciples et les trouve endormis
et il dit à Pierre :
— Ainsi vous n’avez pas pu veiller une heure avec moi !
41 ...
41 Veillez et priez, afin que vous n'entriez pas en tentation :
l'esprit est prompt,
mais la chair est faible.
42 ...
42 S’en étant allé de nouveau, une deuxième fois, il pria en disant :
— Mon Père, si ce calice ne peut passer sans que je le boive, que ta volonté soit faite.
43 ...
43 Et il vint de nouveau et il les trouva endormis,
car leurs yeux étaient appesantis.
44 ...
44 Il les laissa et, s’en étant allé de nouveau, il pria une troisième fois, disant la même parole.
45 ...
45 Alors il vient vers ses disciples et leur dit :
— Dormez maintenant et reposez-vous.
Voici : est arrivée l’heure
et le fils de l’homme est livré aux mains des pécheurs.
46 ...
46 Levez-vous ! Allons !
Voici : est arrivé celui qui me livre.
47 ...
47 Il parlait encore,
voici : Judas, l'un des douze, arriva
et avec lui une foule nombreuse
avec des épées et des bâtons de la part des princes des prêtres et des anciens du peuple.
48 ...
48 Or celui qui le livra leur avait donné un signe en disant :
— Celui que j'embrasserai, c'est lui, saisissez-le !
49 ...
49 Et aussitôt, s'approchant de Jésus, il dit :
— Salut rabbi !
Et il lui donna un baiser.
50 ...
50 Jésus lui dit :
— Ami, pour quoi tu es venu !?
Alors ils s'avancèrent, mirent les mains sur Jésus
et le saisirent.
51 ...
51 Voici : l'un de ceux qui étaient avec Jésus,
étendant la main, tira son épée
et, frappant le serviteur du prince des prêtres, lui arracha l'oreille.
52 ...
52 Alors Jésus lui dit :
— Remets ton épée à sa place,
car tous ceux qui auront pris l'épée, par l'épée périront.
53 ...
53 Ou bien penses-tu que je ne puisse prier mon Père
et il me fournira sur le champ plus de douze légions d'anges ?
54 ...
54 Comment donc s'accompliront alors les Écritures [disant] qu'il doit en être ainsi ?
55 ...
55 À cette heure-là Jésus dit aux foules :
— Comme après un brigand vous êtes sortis avec des épées et des bâtons pour m'arrêter !
Tous les jours je siégeais chez vous, enseignant au Temple, et vous ne m'avez pas saisi.
56 ...
56 Mais tout cela est arrivé
pour que fussent accomplies les Écritures des prophètes.
Alors les disciples, tous le laissant, s'enfuirent.
57 ...
57 Ceux qui avaient mis la main sur Jésus le conduisirent chez Caïphe le prince des prêtres
où les scribes et les anciens s'étaient rassemblés.
58 ...
58 Quant à Pierre, il le suivait de loin,
jusqu’à la cour du prince des prêtres,
et, entré à l'intérieur, il se tenait assis avec les serviteurs pour voir la fin.
59 ...
59 Les princes des prêtres et tout le conseil cherchaient un faux témoignage contre Jésus
afin de le livrer à la mort
60 ...
60 et ils n'en trouvèrent pas,
bien que beaucoup de faux témoins se fussent présentés.
Mais finalement il se présenta deux faux témoins
61 ...
61 pour dire :
— Celui-ci a affirmé : — Je peux détruire le Temple de Dieu et en trois jours le reconstruire.
62 ...
62 S'étant levé, le prince des prêtres lui dit :
— Tu n'as rien à répondre à ce que ceux-ci témoignent contre toi ?
63 ...
63 Mais Jésus gardait le silence.
Et le prince des prêtres lui dit :
— Je t’adjure par le Dieu vivant
de nous dire si toi tu es le christ, le fils de Dieu.
64 ...
64 Jésus lui dit : — Tu as dit.
Mais je vous dis :
— Désormais vous verrez le fils de l’homme assis à la droite de la Puissance
et venant sur les nuées du ciel.
65 ...
65 Alors le prince des prêtres déchira ses vêtements en disant :
— Il a blasphémé !
Qu’avons-nous encore besoin de témoins ?
Voici : maintenant vous venez d’entendre le blasphème.
66 ...
66 Quel est votre avis ?
Et eux, répondant, dirent :
— Il mérite la mort.
67 ...
67 Alors ils lui crachèrent au visage
et le frappèrent à coups de poing ;
certains le giflèrent au visage
68 ...
68 en disant :
— Prophétise-nous, christ : qui est-ce qui t’a frappé ?
69 ...
69 Quant à Pierre, il était assis au-dehors dans la cour
lorsque s’approcha de lui une servante disant :
— Toi aussi, tu étais avec Jésus le Galiléen !
70 ...
70 Mais lui nia devant tous disant :
— Je ne sais pas ce que tu dis.
71 ...
71 Comme il se retirait vers le porche, une autre le vit
et dit à ceux qui étaient là :
— Celui-là aussi était avec Jésus le Nazaréen.
72 ...
72 Et de nouveau il nia avec serment :
— Je ne connais pas l’homme.
73 ...
73 Un peu après, s’approchant, ceux qui se trouvaient là dirent à Pierre :
— Vraiment, toi aussi, tu es des leurs !
D’ailleurs ton langage te rend clair.
74 ...
74 Alors il se mit à maudire et à jurer qu'il ne connaissait pas l’homme !
Et aussitôt un coq chanta.
75 ...
75 Et Pierre se souvint de la parole de Jésus qui avait dit :
— Avant que le coq n'ait chanté, trois fois tu me renieras.
Et, sortant dehors, il pleura amèrement.
27,1 ...
1 Le matin venu
tous les princes des prêtres et les anciens du peuple tinrent conseil contre Jésus
en sorte de le livrer à la mort
27,2 ...
2 et, l'ayant entravé, l'emmenèrent
et [le] livrèrent à Ponce Pilate, le gouverneur.
27,3 ...
3 Alors Judas, qui le livra, voyant qu’il avait été condamné,
poussé par le repentir, rapporta les trente pièces d’argent aux princes des prêtres et aux anciens
27,4 ...
4 en disant :
— J’ai péché en livrant un sang juste.
Mais eux dirent :
— Que nous importe ? À toi de voir.
27,5 ...
5 Ayant jeté les pièces d’argent dans le Temple
et s’étant retiré, il se pendit à une corde.
27,6 ...
6 Mais les princes des prêtres, ayant pris les pièces d'argent, dirent :
— Il n’est pas permis de les mettre au korbane puisque c’est le prix du sang.
27,7 ...
7 Et après avoir tenu conseil, ils achetèrent avec elles le champ du potier pour la sépulture des étrangers.
27,8 ...
8 C’est pourquoi on a appelé ce champ Haceldama — champ de sang — jusqu’à aujourd’hui.
27,9 ...
9 Alors s'accomplit ce qui fut dit à travers Jérémie le prophète disant :
— Et ils prirent les trente pièces d'argent, le prix du mis à prix, qu'ont mis à prix des fils d'Israël,
27,10 ...
10 et ils les ont données pour le champ du potier comme me l'indiqua le Seigneur.
27,11 ...
11 Quant à Jésus, il se tint debout devant le gouverneur
et le gouverneur l’interrogea disant :
— Tu es le roi des Juifs ?
Jésus lui dit : — Tu dis.
27,12 ...
12 Et tandis qu'il était accusé par les princes des prêtres et les anciens, il ne répondit rien.
27,13 ...
13 Alors Pilate lui dit :
— Est-ce que tu n’entends pas combien de témoignages ils portent contre toi ?
27,14 ...
14 Et il ne lui répondit pas à un seul mot,
si bien que le gouverneur s'étonna à l'extrême.
27,15 ...
15 À chaque fête, le gouverneur avait coutume de relâcher au peuple un prisonnier, celui qu’ils voulaient.
27,16 ...
16 Il avait alors un prisonnier fameux, nommé Barabbas.
27,17 ...
17 Comme ils étaient rassemblés, Pilate leur dit :
— Lequel voulez-vous que je vous relâche ?
Barabbas ou Jésus qui est dit christ ?
27,18 ...
18 Il savait que c’était par jalousie qu’ils l’avaient livré.
27,19 ...
19 Or, tandis qu’il était assis sur la tribune,
sa femme lui envoya dire :
— Rien entre toi et ce juste,
car aujourd’hui j’ai beaucoup souffert en vision à cause de lui.
27,20 ...
20 Mais les princes des prêtres et les anciens persuadèrent le peuple de réclamer Barabbas
et de faire supprimer Jésus.
27,21 ...
21 Répondant encore, le gouverneur leur dit :
— Lequel des deux voulez-vous voir relâcher ?
Mais eux dirent : — Barabbas.
27,22 ...
22 Pilate leur dit :
— Que ferai-je donc de Jésus qui est appelé christ ?
Tous disent : — Qu’il soit crucifié !
27,23 ...
23 Le gouverneur leur rétorqua :
— Qu’a-t-il donc fait de mal ?
Eux de plus belle criaient en disant : — Qu’il soit crucifié !
27,24 ...
24 Alors Pilate, quand il vit que cela ne sert à rien mais augmente le tumulte,
prenant de l’eau, se lava les mains en présence du peuple disant :
— Je suis innocent du sang de ce juste. À vous de voir.
27,25 ...
25 Répondant tout le peuple dit :
— Son sang, sur nous et sur nos enfants !
27,26 ...
26 Alors il leur libéra Barabbas.
Quant à Jésus, une fois flagellé, il le leur livra pour qu’il fût crucifié.
27,27 ...
27 Alors les soldats du gouverneur prenant Jésus dans le prétoire,
rassemblèrent contre lui la cohorte entière
27,28 ...
28 et l’ayant déshabillé l’enveloppèrent d’une chlamyde écarlate.
27,29 ...
29 Et tressant une couronne avec des épines, ils la posèrent sur sa tête
et un roseau dans sa [main] droite
et faisant des génuflexions devant lui, ils se moquaient de lui disant :
— Salut roi des Juifs !
27,30 ...
30 Et, lui crachant dessus, ils prirent le roseau et frappaient sa tête
27,31 ...
31 et lorsqu’ils se furent moqués de lui, ils le déshabillèrent de la chlamyde
et l’habillèrent de ses vêtements
et ils l’emmenèrent pour le crucifier.
27,32 ...
32 Et en sortant, ils trouvèrent un homme, un Cyrénéen du nom de « Simon ».
C’est lui qu’ils contraignirent pour qu'il portât sa croix.
27,33 ...
33 Et ils arrivèrent à un lieu dit « Golgotha »
(ce qui veut dire « lieu du calvaire »)
27,34 ...
34 et ils lui donnèrent à boire du vin mêlé de fiel.
Et [l’]ayant goûté, il ne voulut pas boire.
27,35 ...
35 L’ayant crucifié, ils divisèrent ses vêtements, les tirant au sort.
27,36 ...
36 Et assis, ils le gardaient.
27,37 ...
37 Et ils disposèrent au-dessus de sa tête [la] cause [de] sa [condamnation] écrite :
« Ici est Jésus le roi des Juifs ».
27,38 ...
38 Alors sont crucifiés avec lui deux brigands,
un à droite et un à gauche.
27,39 ...
39 Et ceux qui passaient le blasphémaient
en remuant la tête
27,40 ...
40 et disaient :
— [L’homme] qui détruit le Temple et en trois jours le rebâtit,
sauve-toi toi-même
si tu es le fils de Dieu, descends de la croix !
27,41 ...
41 Semblablement, les princes des prêtres, se gaussant avec les scribes et les anciens, disaient :
27,42 ...
42 — Il en a sauvé d’autres et lui-même il n’arrive pas à se sauver !
S'il est roi d'Israël, qu’il descende maintenant de la croix et nous croirons en lui !
27,43 ...
43 Il se confiera en Dieu ; qu’il le délivre maintenant s’il veut,
car il a dit : — De Dieu je suis fils.
27,44 ...
44 Or de même aussi les brigands crucifiés avec lui l’accablaient de reproches.
27,45 ...
45 À partir de la sixième heure, il y eut des ténèbres sur toute la terre, jusqu’à la neuvième heure.
27,46 ...
46 Vers la neuvième heure, Jésus clama d’une voix forte disant :
— Éli, Éli, lema sabacthani ?
C’est-à-dire : Mon Dieu, mon Dieu, pour quoi m’as-tu abandonné !?
27,47 ...
47 [L']ayant entendu, certains de ceux qui se tenaient là disaient :
— C’est Élie qu’il appelle, celui-ci.
27,48 ...
48 Et accourant aussitôt, l’un d’eux,
ayant pris une éponge, il la gorgea de vinaigre et la fixa à un roseau et essayait de le faire boire.
27,49 ...
49 Mais les autres disaient :
— Laisse, que nous voyions si Élie vient le libérer !
27,50 ...
50 Mais Jésus, criant de nouveau d’une voix forte, remit l’esprit.
27,51 ...
51 Et voici : le voile du Temple fut déchiré en deux
de haut en bas
et la terre fut ébranlée
et les rochers furent déchirés
27,52 ...
52 et les tombeaux furent ouverts
et beaucoup de corps des saints endormis ressuscitèrent
27,53 ...
53 et sortant des tombeaux après sa résurrection,
ils vinrent dans la ville sainte et apparurent à beaucoup.
27,54 ...
54 Le centurion et ceux qui avec lui gardaient Jésus,
voyant le tremblement de terre et ce qui était arrivé, furent effrayés à l’extrême disant :
— En vérité, celui-ci était le fils de Dieu.
27,55 ...
55 Étaient là aussi de nombreuses femmes à distance,
qui avaient suivi Jésus depuis la Galilée en le servant,
27,56 ...
56 parmi lesquelles se trouvaient Marie-Madeleine
et Marie, mère de Jacques et de Joseph,
et la mère des fils de Zébédée.
27,57 ...
57 Le soir venu,
vint un homme riche d'Arimathie, nommé Joseph,
qui lui aussi était disciple de Jésus.
27,58 ...
58 Celui-ci, s'étant rendu chez Pilate, lui demanda le corps de Jésus.
Alors Pilate ordonna que fût rendu le corps.
27,59 ...
59 Et ayant pris le corps, Joseph l’enveloppa d'un drap pur
27,60 ...
60 et il le plaça dans le tombeau neuf qu'il s'était fait tailler dans le roc
et il roula une grande pierre à l'entrée du tombeau et il partit.
27,61 ...
61 Étaient là : Marie-Magdeleine et l'autre Marie, assises en face du sépulcre.
27,62 ...
62 Le jour suivant, c'est-à-dire le jour d'après la préparation du sabbat,
les princes des prêtres et les Pharisiens s'assemblèrent auprès de Pilate
27,63 ...
63 disant :
— Seigneur, nous nous sommes souvenus que ce séducteur a dit quand il était encore vivant :
— Après trois jours, je ressusciterai.
27,64 ...
64 Ordonne donc de garder le sépulcre jusqu’au troisième jour,
de crainte que ses disciples ne viennent pour le dérober
et qu'ils ne disent au peuple : — Il est ressuscité des morts.
Cet égarement ultime sera pire que le premier.
27,65 ...
65 Pilate leur dit :
— Vous avez une garde.
Allez, gardez comme vous le savez.
27,66 ...
66 Et s'en étant allés, ils s'assurèrent du sépulcre,
en scellant la pierre avec les gardes.
27,3–10 Juda ischariote Jésus a compté parmi les Douze un certain Judas Iscariote (1) devenu traître (2). Après l’avoir trahi, Judas se repent (3), retourne voir les grands-prêtres qui le méprisent (4) et met fin à ces jours (5). Son geste est ambigu car il va à l’encontre du commandement de Dieu « tu ne tueras pas », tandis que l’enseignement rabbinique condamne très clairement le suicide, mais les livres bibliques présentent pourtant de nombreux exemples de suicide (6). Le développement de sa légende noire (7) n’a pas réussi à éradiquer l’ambiguïté foncière de son geste, ouvert à une réflexion sur sa damnation ou son salut et sur la miséricorde de Dieu (8). Son rapport au judaïsme est tout aussi ambivalent : il est à la fois témoin de l’antijudaïsme pagano-chrétien et de l’antichristianisme juif (9).
Le nom de Judas, Iscariote, permet de le distinguer de l’autre Judas (Lc 6,16) appartenant aussi au groupe des Douze. En hébreu ’îš qᵉriyyôt signifie « homme de Keriot », village à seize kilomètres au sud d’Hébron aujourd’hui nommé al-Kureitein.
Cette hypothèse ferait de Judas le seul disciple non originaire de Galilée.
Ces interprétations géographiques sont les plus admises bien que d’autres explications étymologiques aient pu être données.
A partir de l’hébreu ’îš šeqer ou ’îš šākûr, iscariote serait un terme dépréciatif signifiant « homme de mensonge » ou « homme saoul ».
On a encore proposé : « trésorier », « roux ».
En partant du latin et du grec, le mot iscarios pourrait aussi être une transcription libre du grec sikarios et du latin sicarius « assassin, bandit » :
Judas Iscariote est celui des Douze qui livre Jésus. Chez Matthieu, Judas mène presque exclusivement le jeu. Il est à l’initiative d’une négociation et demande à être payé : comme il l’est sur le champ, il cherchera à rendre l’argent mal acquis en signe de repentir, dans une transaction quasi-commerciale.
La mémoire chrétienne primitive attribue à Judas Iscariote la mort ignominieuse dont les Écritures menacent les méchants, particulièrement les faux amis du fils de David. La discrétion de Matthieu dans l’exploitation du topos empêche de réduire l’épisode à un développement de son crû. Le récit semble plutôt être le résultat d’allers et retours entre faits historiques et Ecritures. La mention de l’appartenance de Judas au groupe des douze est d’ailleurs un détail en faveur de la véracité de la parole évangélique transmise par les apôtres :
Ce fait montre également que l’élection divine n’est pas une prédestination fatale :
Les autres évangélistes s’arrêtent à la trahison de Judas : si Marc ne donne aucune explication quant à ses motivations, Luc (Lc 22,3-4) et Jean (Jn 12,4-6) l’associent à des forces obscures. Matthieu et Jean (Jn 12,6) insistent sur son âpreté au gain.
Repenti, Judas aurait pu revenir à la suite de Jésus, comme Pierre. Le terme employé pour désigner son attitude profonde, metameleô (Mt 27,3b), a un sens plus intense que « avoir des remords », même s’il ne va pas jusqu’à désigner une contrition de la volonté aussi profonde que metanoeô « se convertir » . Il réalise qu’il a livré l’innocent à la mort (Mt 27,4). Dégoûté de sa trahison, il désespère de la miséricorde de Dieu, ne croyant pas non plus que Jésus aie le pouvoir de remettre les péchés. Certains commentateurs se sont demandés s’il ne s’était pas repenti justement au bon moment au point d’interpréter son suicide comme une manière d’être aux enfers avant Jésus et ainsi de pouvoir lui demander son pardon:
Au contraire, certains ont affirmé qu’il s’était repenti trop tard :
trop tôt :
Il serait demeuré à un simple remords extérieur, non motivé par la peine de déplaire à Dieu:
Retournant voir les grands-prêtres, il est très mal accueilli. Les blâmes contre les agents corrupteurs abondent dans la littérature ancienne:
et la loyauté envers son peuple est la plus haute valeur:
C’est pourquoi on se méfie des gens prêts à trahir à leur propre profit :
les traîtres sont haïs:
même par les membres de leurs famille :
et les gens qui instrumentalisent des traîtres les méprisent souvent:
La mort de Judas est relatée uniquement dans l’évangile de Matthieu. Le récit qui en parle est insérée dans un contexte narratif la mettant en valeur : il est au centre d’une organisation circulaire typique de Matthieu qui présente:
Ces versets tranchent par leur sobriété par rapport à la mémoire judéo-chrétienne qui trouve maints détails pittoresques pour décrire la fin des méchants comme:
Une tradition transmise par Apollinaire de Laodicée conserve deux récits de la mort de Judas. L’un est bref :
Papias, le disciple de l’apôtre Jean, le raconte plus clairement :
Très tôt, on chercha à harmoniser les différentes versions. Dans cette perspective, Ac 1,18 pourrait être une harmonisation de Matthieu et de récits anciens comme ceux de Papias : la corde se casse, Judas éclate et répand ses viscères.
Dans l’Ancien Testament, malgré le commandement « tu ne tueras pas », le suicide est accepté dans des situations désespérées, pour sauver son honneur ou sa fidélité à la religion:
En certains cas, le suicide semble même une possibilité d’expier ses propres péchés ou ceux d’autrui:
Quand le suicide exprime une bonne intention ou vient s’ajouter à une bonne action, il constitue une sorte de voie rapide vers le monde futur.
Dans la culture antique contemporaine ce genre de mort est considérée comme une honte :
surtout si c’est un acte de désespoir:
Le début de la légende noire sur Judas vient tout droit de l’évangile : Marc, Matthieu, Luc et Jean composent une figure de plus en plus sombre qui s’harmonise mal avec le fait qu’il a été choisi par Jésus et a participé à son ministère public.
Dans le Nouveau Testament Judas est:
En cela, il représente les Juifs ayant le diable pour père (Jn 8,44).
Au Moyen-Age, les légendes ne font que noircir le tableau:
La littérature colportera longtemps cette légende qui fait remonter sa méchanceté à ses parents : Judas est à la fois le traître et le héros mondain conduit au repentir, à la conversion et à la vocation. Cette légende n’a jamais été canonisée, et Jacques de Voragine prend ses distances avec elle. Mais elle a été très populaire.
Le personnage de Judas est susceptible de deux interprétations opposées. Son geste permet finalement de rendre grâce à Dieu pour son Messie. Mais il procure aussi la mort de ce messie. Judas dans l’évangile est peut-être un « jaloux », un « zéle » comme Pinhas ou Josué (Jos 22), un pré-zélote ; il croit que Jésus est le roi-messie, le « fils de Dieu », comme tous les rois de Juda, et doit donc être reconnu par l’institution religieuse centrale en Juda : le Temple. En livrant Jésus aux grands-prêtres, ils chercheraient surtout à provoquer une confrontation entre les deux, afin de forcer la reconnaissance formelle de Jésus comme Messie. Les choses tournent mal, pas comme il l’avait prévu. Mais sa faute permet à Pierre de rendre grâce à Dieu pour les décrets de sa providence qui tire un bien infini d’un mal circonstancié (Ac 2,39).
La mort affreuse de Judas rapproche son destin de celui d’Ahitophel qui trahit jadis un premier messie, David, type de son « fils » Jésus messie comme lui (2S 15-17 // Mt 26,14-16.47-56 ; Mc 14,10-11.43-45 ; Lc 22,3-6.47-53) :
L’allusion à Ahitophel est d’autant plus claire que le verbe apagchomai n’est employé dans la Septante qu’en 2S 17,23 et Tb 3,10.
Juda est à la fois témoin de l’antijudaïsme pagano-chrétien et de l’antichristianisme juif .
Le suicide de Judas marque une limite de ce qui est révélé dans l’évangile de la miséricorde divine. Cette limite est infranchissable par aucun raisonnement et suscite une réelle crainte dans le cœur du lecteur ou de l’auditeur croyant : en interdisant de penser que tout le monde est sauvé de toutes façons, cette destinée tragique laisse planer la nécessaire crainte de la damnation.
Cependant, certains pères de l’Eglise laissent ouverte la possibilité d’une miséricorde pour Judas à l’image du Bon* Larron repenti et admis au royaume par Jésus (Lc 23,40-43) :
Dans les représentations des Passions, très populaires, Judas est souvent identifié à Satan, sur fond de clichés anti-juifs représentant les Juifs et non les Romains en train de torturer Jésus. Mais tandis que Judas se repent, les autres Juifs vont au bout de leur forfait ! Sont ainsi mis en communication l’antijudaïsme théologique chrétien et l’antisémitisme païen jamais disparu. Rien d’étonnant que nombre de pogroms aient eu lieu dans le contexte de ces Passions. Cependant, les Toledot Yešu procèdent à un renversement des valeurs symétriques à la démonisation chrétienne de Judas : il est le juif fidèle à son peuple et agent des sages d’Israël dans leur opération de renversement de la puissance de Jésus.
L’Evangile de Barnabé, apocryphe du 15ème siècle rédigé par un juif ou par un chrétien devenu musulman a pris ainsi une place centrale dans l’apologétique musulmane selon laquelle Judas a remplacé malgré lui Jésus au moment de la crucifixion et a permis la supercherie de la résurrection :
Judas est donc conduit devant le grand prêtre : on comprend alors mieux le silence qu’il respecte devant l’interrogatoire qu’on lui fait passer. Puis on le fait passer devant le gouverneur.
27,15–26 Barabbas dans le procès de Jésus →Responsables de la mort de Jésus
27,24 se lava les mains Historicité →, 151-153: Le geste spectaculaire de Pilate, par lequel celui-ci se déclare "innocent du sang" de l'inculpé , est une invention de Matthieu (Repères historiques et géographiques Mt 27,24) pour dédouaner le pouvoir romain et faire retomber l'entière responsabilité de la mort de Jésus sur les "grands prêtres" et les "foules" (Mt 27,20).
27,25 sang Qui est responsable ? La question de savoir sur qui devait retomber la responsabilité de la mort du Christ s'est vraisemblablement emparé de l'esprit des premiers disciples. Pour ceux qui avaient suivi Jésus dans son ministère, il ne pouvait s'agir que d'un crime abominable. Jésus était non seulement la figure même de l'innocent (d'où l'appelation d'Agneau de Dieu qui lui est donnée) mais aussi le Fils de Dieu. Le livrer à une mort aussi infâmante et cruelle que la croix était le comble de l'horreur, de l'injustice et du sacrilège. Le flageller, le railler, le cracher, le comble du blasphème. Même si cette mort était annoncée dans les Écritures et venait les accomplir, elle demeurait proprement scandaleuse. Or l'atrocité d'une action incite à en rechercher l'auteur, le coupable, le responsable. Il s'agit en outre d'un enjeu crucial pour les tout premiers temps de l'Église. Comment annoncer à des Juifs et des païens qui vivaient loin de Palestine et qui n'avaient jamais vu ou entendu Jésus de Nazareth que cet homme, mort comme un esclave et comme le dernier des renégats, était vraiment le Fils de Dieu, tout-puissant, et vierge de tout péché ? Il était nécessaire de faire comprendre que sa mort relevait de la dernière injustice ; il fallait donc trouver des responsables. (Philosophie Mt 27,25) →Responsables de la mort de Jésus
27,26–31 Flageller pour mieux relâcher ? →Réactions à l'occupation romaine: les Juifs, Jésus et les premiers chrétiens
26,10 car (V) : variante
26,14 Iscariote (V) Variantes
26,15 fixèrent (G) Connotation Estêsan aoriste de istêmi : la traduction pesèrent est une connotation. En traduisant par fixèrent comme dans la Vulgate constituerunt — Zerwick a noté = constituerunt — on a un sens commun à G et V
26,27 il rendit grâces Du grec de l’évangile au vocabulaire chrétien : « eucharistie » « Rendit grâce » traduit le verbe grec eucharisteô qui signifie simplement à l'origine « remercier ». De son substantif eucharistia, "action de grâces" provient le terme "Eucharistie" qui, dans le langage chrétien, est l'un des noms de la sainte Messe.
26,71 Nazôréen Vocabulaire Mt 2,23
27,33 Golgotha ce qui veut dire lieu du Crâne Transcription et traduction Ce nom propre Golgotha est une transcription de l'araméen gulgoltha qui signifie "lieu du Crâne". Cette traduction est directement donnée par les textes :
26,13b évangile Vocabulaire Mt 27,13b ; Genres littéraires Mt 27,13b ; →Le genre littéraire « évangile »
Jésus semble s’extraire lui-même de son statut de personnage dans le récit pour décrire la destinée du récit comme s’il y était extérieur. Dans son contexte immédiat, la « bonne nouvelle » en question est le témoignage favorable que Jésus rend à cette femme. Mais c’est aussi l’annonce messianique concernant Jésus, qui inclura le récit de sa passion, et finalement l’évangile que le lecteur a dans les mains.
Cet évangile est destiné à être proclamé partout (cf. Mt 24,14 « Cette bonne nouvelle [ou "évangile"] du royaume sera proclamée dans le monde entier »), jusqu’au lieu où je me trouve au moment où je lis ou entends cette parole performative, vérifiée à chaque fois qu’elle est lue ou entendue. Procédés littéraires Mt 28,16–20
Sur ce trompe-l'œil ironique, où la peinture semble sortir de son cadre pour échapper à la critique, c'est aussi le (modèle du) peintre qui sort du cadre de la « fiction » artistique pour rejoindre la réalité de celui qui regarde. Les emplois du mot euaggelion dans les évangiles, dans la mesure où ils s'irisent de connotations métalittéraires et peuvent désigner le livre même qu'on est en train de lire, relèvent de ce « glissement » (lepsis) d'un niveau encadré à un niveau encadrant (meta) : le personnage qui les emploie est à la fois dedans et dehors.
26,26–29 L'eucharistie dans la mythologie comparée L’eucharistie chrétienne pourrait évoquer des parallèles avec la théophagie dans les cultes à mystères : Mithra, Dionysos. v. →Mythe et évangiles
1–66 Les lieux de la Passion
Le lieu du →prétoire, tribunal de Ponce Pilate, est incertain. Deux sites sont possibles : la forteresse Antonia et le Palais d'Hérode le Grand. La tradition situe le prétoire à l'Antonia mais les archéologues, aujourd'hui, le placent plutôt dans le palais d'Hérode le Grand.
Esplanade du Temple, Ophel, ville haute, ville basse, palais d’Hérode le Grand, mont Sion, Cénacle, palais hasmonéen, palais de Caïphe, Golgotha, forteresse Antonia, porte dorée, jardin de Gethsémani, mont des Oliviers, colline de Bézétha, théâtre, vallée du Cédron, vallée du Tyropéon, vallée de la Géhenne, via Dolorosa.
26,6 Béthanie Topographie Repères historiques et géographiques Mt 21,17 ; Repères historiques et géographiques Jn 10,1–12,50
26,71 Nazôréen Repères historiques et géographiques Mt 2,23
27,24 se lava les mains Pilate s'est-il lavé les mains ? →, 151-153: Seul l'Évangile de Matthieu mentionne le lavement des mains de Pilate. Cet épisode ne se trouve nullement dans les trois autres Évangiles. Il présente en outre quelques incohérences.
27,31c ils l’emmenèrent pour le crucifier Itinéraire ? Le →chemin emprunté par Jésus vers le Golgotha ne nous est pas connu. Entre le lieu de la condamnation et le lieu de l’exécution de Jésus, deux possibilités s’offraient :
27,56.61 Magdala Repères historiques et géographiques Mt 15,39
26,3b la cour du grand prêtre HABITAT →La maison de Caïphe
27,26b pour qu’il fût crucifié Jésus fut crucifié sous Ponce Pilate
27,64–28,20 Apparition et apothéose de Romulus
Quelques décennies plus tard, le récit d'apparition post-mortem du fondateur de Rome, relevant de la biographie « archéologique » au sens hérodotien du terme, non de l'historiographie, est amplifié, et assigné à un temoin oculaire autorisé :
26,7 parfum Interprétation symbolique : l'incorruptibilité Les faits de la vie du Christ sont pour Ignace mystère de salut. D'après le contexte, le parfum indique l'enseignement de la vérité, la connaissance du Fils de Dieu — laquelle est incorruptibilité :
26,11 vous avez toujours les pauvres avec vous Allusion ? Cette exhortation à la bienfaisance pourrait être inspirée de Mt 26,11 (Mc 14,7) :
26,17 Où veux-tu que nous te fassions les préparatifs... Parallèle et amplifications hérétiques ? Les mots ajoutés sont : 'ce n'est pas que' et 'de la viande', cf. Lc 22,15 :
26,24 il aurait été bon pour lui qu'il ne fût pas né. Pierre utilise les mots du Seigneur sous forme d'excuse pour réclamer la grâce des damnés... :
26,31 Je frapperai le pasteur et les brebis du troupeau seront dispersées. Autre témoin de la parole de Jésus ? Barnabé cite un testimonium indépendant des évangiles canoniques :
26,38c restez ici et veillez avec moi Abraham réconforté par un ange
26,41 l'esprit est ardent mais la chair est faible Invitation morale à persévérer dans la prière
26,61 je peux détruire le temple de Dieu et le rebâtir Amplification communautaire primitive ? Barnabé, dans une citation non identifiable, évoquerait Mt. Il ferait allusion à un temple spirituel dont la reconstruction serait l'oeuvre des païens devenus chrétiens :
27,25.63 son sang sur nous...cet imposteur Parallèle
27,27–31 Parallèle dans l'Évangile de Pierre La livraison du Seigneur par Hérode ne suit pas l'ordre chronologique des évangiles canoniques.
27,30 et lui crachant dessus ... Cf.Littérature péritestamentaire Mt 27,27–31
27,34 vinaigre mêlé de fiel L'auteur de l'évangile de Pierre cite de près le Ps 68,22, reconnu par la tradition comme texte prophétique de la Passion, pour montrer son accomplissement — le mélange de fiel et de vinaigre se trouve seulement en Mt 27,34, suivant de près le Ps 68,22 : 'Ils me donnent du fiel (cholên) pour nourriture et pour ma soif ils me font boire du vinaigre (oxos)' :
27,35ss Parallèle Le détail de la croix 'dressée' ou 'élevée' s'inspire de Jn 12,32 : l'élévation de la croix est élévation dans la gloire du ciel. Il y a ressemblance sur ce point avec l'homélie sur la Pâque de Méliton de Sardes cf.Tradition chrétienne Jn 19,19. Pour le texte de l'inscription, contrairement aux évangiles canoniques, le texte donne : 'celui-ci est le roi d'Israël', titre éminemment divin et messianique. Le titre 'roi d'Israël' se trouve en Mt 27,42 :
27,39.41.43
Clément met sur les lèvres du Christ les paroles du Ps 21 citées en Mt :
27,45 Parallèle
27,46 Ce verset de l'évangile apocryphe de Pierre pose plusieurs problèmes quand on le compare avec les évangiles canoniques. La citation du Ps 21,2 est très différente : Dieu est remplacé par force — l'intention de l'auteur est de montrer que le Seigneur n'est pas abandonné de Dieu — et le cri n'est plus une question mais un constat : 'tu m'as abandonné!' Ensuite, l'expression 'il fut élevé' ou 'il fut enlevé'
27,48 Parallèle Accomplissement de la prophétie du Ps 68,22 :
27,51–54 Parallèle L'évangile de Pierre souligne que c'est 'au moment même' où survient l'élévation du Seigneur que le voile du Temple se déchire. L'extraction des clous des mains du Seigneur montre la réalité du corps du Christ,un passage qui n'est pas docète. L'allusion aux seuls clous des mains indique une proximité avec l'évangile de Jn. Chez les synoptiques, la neuvième heure marque la fin des ténèbres, tandis que pour Ev. P. c'est le moment où le soleil commence à resplendir :
27,57–60 Parallèle L'auteur de l'évangile de Pierre 3-5 anticipe l'épisode de Joseph d'Arimathie et ajoute des détails inconnus des évangiles canoniques :
27,62–66 Parallèle
27,63 cet imposteur Parallèle
27,65 Parallèle Comme dans l'Évangile de Pierre (cf.Littérature péritestamentaire Mt 27,62–66), Pilate donne aux Juifs des hommes d'armes. Le tombeau de Jésus situé dans une cavité naturelle contredit Mt :
26,62 Tu ne réponds rien à ce dont ces hommes déposent contre toi ? : V | Byz TR Nes : Tu ne réponds rien ? De quoi ces hommes témoignent-ils contre toi ? Une seule question dans la V.
26,42 Père, si cette coupe ne peut passer Communion
27,21–52 Le voile du Temple fut déchiré
27,24ss PARALITURGIE Première station du chemin de croix
Il est devant Pilate, mais il a le dos tourné à Pilate. Car la sentence vient d’être prononcée. Pilate, qui est représenté non pas en ecclésiastique comme on pourrait le croire, mais comme un juge. Un juge qui est aveugle : ce qu’il porte sur les yeux n’est pas le signe du bandeau de la justice dans son impartialité, il est vraiment aveugle, il a une canne blanche. Et l’actualité de l’événement du Christ est associée à l’actualité des hommes qui cherchent, à travers celui qui a entre ses mains un micro et qui regarde le Christ s’en aller vers la Passion, mis en scène, sous les projecteurs, sous les perches des micros, l’actualité de ceux qui cherchent la vérité. Mais « qu’est-ce que la vérité ? ». Face à la question de Pilate, la représentation met en scène des hommes et des femmes. Au plan stylistique, vous verrez : des visages ressemblent à des têtes inspirées du folklore populaire polonais, de ces têtes d’argile, de ces marionnettes polonaises. Mais prenons conscience qu’à côté de cette canne, il y a un homme à genoux et une jeune fille. Entre le Christ et cet homme dont le cierge est éteint, il y a cet agneau pascal qui est couché, et des femmes : une femme qui médite devant ce qu’elle vend, simplement deux écuelles de soupe ; et sous les projecteurs de l’actualité, le Christ s’en va, les yeux fermés, car la vérité ne saurait se dire, la vérité réellement va s’éprouver dans le don de cet homme-Dieu. (J.-M. N.)
27,26–35 Protège Seigneur
Offertoire chanté pour la fête de l'Exaltation de la Sainte Croix le 14 septembre.
27,31 PARALITURGIE Adaptation au chemin de croix
« Voici l’Homme ! » Voici une foule, cette foule que l’on remarque derrière la croix, cette croix qui semble être le sceptre dérisoire de sa royauté, mais dans les yeux levés et en cette couronne d’épines, il y a vraiment un roi qui va s’acheminer sur l’unique trône de la vie, qui est celui de cette présentation, de cette mort. Oui, le Christ dénudé, presque squelettique, va s’avancer. Derrière lui, sur la gauche, il y a les deux larrons, l’un est habillé en prisonnier, l’autre avec le vêtement que l’on donnait dans les camps de concentration. Il y a quelqu’un qui est en fauteuil roulant ; mais regardez bien tout au fond, ces cannes : tous ces estropiés de la vie sont représentés. Dans ce Chemin de croix, on reconnaît effectivement un style que l’on pourrait qualifier d’expressionniste, mais c’est un expressionisme inspiré, c’est un expressionisme associé à la vie : un homme, un ouvrier, avec son débardeur, porte une croix autour du cou ; mais regardez bien cette femme, sur la droite : elle vend des chapelets. Pour vivre donc ce Chemin de croix, il y a véritablement ce don, cette présence, cet accompagnement de la prière des pauvres, mais cette prière si riche de la vie des êtres qui égrènent le temps des hommes et des femmes, qui égrènent le temps de ceux et de celles qui ne savent plus comment prier ni pour qui prier. (J.-M. N.)
27,32 PARALITURGIE Chemin de croix : cinquième station
Jésus en son chemin passe par des espaces nouveaux, dans des villages, et ici un jour de mariage. Un mariage à la polonaise : tout à fait au fond, on voit une église, un couple de jeunes mariés : Il passe dans la vie, Il passe aussi dans la joie. Simon de Cyrène est issu du peuple. Il a une moustache, il a les cheveux blancs. Il y a des gens qui travaillent. Il y a même un violon, un violoniste qui joue ! Mais, pour quelques instants, la fête semble s’arrêter ; parce qu’il n’y a peut-être pas d’amour sans Passion, il n’y a pas de vie sans la réalité de ceux qui œuvrent, de cet homme au fond sur la gauche avec un béret, de cette petite fête de village, parmi les paysans qui sont endimanchés. Il y a en cette croix le bouquet de la mariée, et devant, tout à fait devant, au pied de Simon de Cyrène, une bouteille vide et un verre. Et à droite, il y a du pain, ce pain jeté à terre, ce pain Corps du Christ, ce sac de blé, de farine : le pain de la fraction, le pain du sacrifice, ce Pain qui avance, ce Pain de Vie qui au levain de la foi va donner la Vie. (J.-M. N.)
27,35s PARALITURGIE Chemin de croix : dixième station
Une station absolument remarquable, qui remet dans un sens véritable l’adoration du Saint Sacrement : Jésus est dépouillé de ses vêtements, totalement. Le corps du Christ est associé au dépouillement total, de toute vie. Le Christ, lorsqu’il a été crucifié, était totalement nu. C’est la pudeur qui l’a fait représenter à travers les âges, avec ce qu’on appelle le perizonium, le pagne. Mais tous ceux qui étaient crucifiés étaient totalement nus. Il n’était pas question de pudeur. Cette nudité veut dire qu’il porte toutes les nudités des hommes, il porte toute la réalité de notre humanité. S’il est corps, il est corps dénudé, c’est-à-dire il est corps enfanté, il est corps de Dieu : un corps qui se présente à nous. Et le rapport entre l’hostie, le corps blanc, de cet ostensoir doré, ce qui est vénéré à travers le Corps du Christ, c’est sa Passion et le don de sa vie. De ce corps qui fut bafoué, au coeur de cette Fête-Dieu représentée sous le dais, l’artiste a associé à la fois la Passion et le Corps glorieux. Le Corps de Lumière, ce rayonnement qui préfigure déjà la résurrection, le soleil du petit matin du corps nu enseveli dans le tombeau. C’est le corps dénudé où s’accomplit l’enfantement de toute l’humanité ; c’est le corps dénudé du Christ. Comme le disait le cardinal Wojtyla devant le pape Paul VI lors de la retraite de 1976, « le Corps du Christ révèle la souffrance, il nous met face à nos douleurs et à nos souffrances pour participer pleinement et totalement à sa résurrection ». Effectivement, Jésus passe dans les processions de la Pologne, au milieu de ces bannières, pour qu’on n’oublie pas Celui qui a donné sa vie. (J.-M. N.)
27,35 L'ayant crucifié PARALITURGIE reliques de la passion : les saints Clous
27,35 PARALITURGIE Chemin de croix : onzième station
Ici, c’est l’histoire de la Pologne durant la guerre et à travers ses martyrs : Jésus est cloué à la croix. Il manque les bourreaux. On a l’impression que le Christ lui-même se fixe sur cette croix ; il est cloué par la souffrance humaine et par le martyre des victimes ; il est cloué lorsque des êtres sont morts pour la Pologne, pour la patrie et pour la liberté. Il meurt avec ceux qui meurent, il meurt avec ceux qui sont en camp de concentration. Leur souvenir est le symbole de la voie polonaise conduisant à notre résurrection.
Derrière, au fond, on voit de face un wagon, représentant les trains de la mort ; on voit également ce qui n’est pas un cercueil mais le coffre d’une voiture, avec la plaque, à côté du cardinal Wyszynski, cet homme de haute stature.
C’est le coffre d’une voiture dans lequel se trouvait un prêtre, le P. Popieluszko. Ce prêtre a été assassiné en 1984, on s’en souvient tous. Il était l’Aumônier de Solidarnosc. Il est cette figure emblématique de la lutte pour la liberté et contre le régime communiste. Il avait été l’objet de plusieurs attentats ; un jour, on a fini par l’enlever dans le coffre d’une voiture, on a voulu lui donner une sévère leçon et il en est mort, et on l’a trouvé dans un réservoir de la Vistule quelques jours plus tard. Il a été béatifié par le pape Benoît XVI le 6 juin 2010. Nous avons d’autres personnages, pour dire la vérité de cette Passion : au centre, sous la croix où l’on voit toujours les rubans de la Pologne, blanc et rouge, il y a un homme qui s’avance vers son exécution. Mais un autre homme va prendre sa place.
Cet homme avec le vêtement des déportés, c’est le P. Maximilien Kolbe, ce franciscain conventuel qui a voué sa vie tout entière à la Vierge, à l’Immaculée Conception. Cet homme qui a traversé le monde et qui a créé des journaux, cet homme qui a donné sa vie pour un père de famille. L’histoire est encore plus forte : dans le camp de concentration d’Auschwitz, un homme s’est évadé, et il fallait des exécutions en représailles « dissuasives ». Une quinzaine allaient être exécutés et le P. Maximilien Kolbe s’est présenté, a négocié pour qu’on l’exécute à la place du père de famille, ce qui a été fait. Quand il était enfant, il avait eu la vision de la Vierge Marie qui, dit-il, lui aurait présenté deux couronnes : une blanche et une rouge. Encore les couleurs de la Pologne ! Mais en l’occurrence, la blancheur c’était la consécration de sa vie, le rouge c’était le martyre. Il a pris les deux ! Et cet homme qui avait voué sa vie à la Vierge a été exécuté le 14 août, et on l’a mis dans le four crématoire le 15 août ! Continuons dans ce chemin de l’horreur. Ils ne sont pas seuls, il y a tous ces êtres anonymes qui sont associés.
On a également le cardinal Wyszynski, cet homme qui a fait pape Jean-Paul II ! Alors que celui-ci voulait s’appeler Stanislas, le cardinal Wyszynski lui a dit : « Un pape polonais, c’est beaucoup. Stanislas, cela relève de la provocation ! ». Cet homme qui était lié d’une profonde amitié avec Jean-Paul II et qui plus d’une fois lui a dit « Arrêtez, n’en faites pas trop, pas trop vite ! », cet homme avait été emprisonné de 1953 à 1956 ; et dès qu’on a annoncé au pape Pie XII qu’il avait été emprisonné dans un camp pour lui remettre les idées en place, le pape l’a fait cardinal. Politiquement, c’était très fort car cela voulait dire que le gouvernement avait enfermé un « prince de l’Église » : attention au sens de « prince de l’Église », cela veut dire qu’il est un serviteur qui ira jusqu’au martyre, c’est pourquoi les cardinaux sont vêtus de rouge, ils doivent donner leur vie jusqu’au martyre. Le Christ ici a les yeux ouverts, c’est un état de conscience de ce qui se passe à travers les âges, au cœur de la vie. Au cœur de ces hommes et au cœur de ces femmes, de cette Présentation, de cette vieille femme sur la gauche, numérotée. Tous ceux et celles que l’on voit, ce n’est plus une procession, c’est la marche d’un massacre, au cœur des camps, au cœur de la Pologne. (J.-M. N.)
27,45–50 PARALITURGIE Chemin de croix : douzième station
Jésus meurt sur la croix : il est étendu sur la croix, et il est étendu sur la Pologne ; sur toute l’histoire de la Pologne. Ce qui va des premiers martyrs jusqu’à Jean-Paul II. L’artiste meurt en 2004 ; Jean-Paul II est mort en 2005. Et lorsqu’on voit Jean-Paul II au pied de la croix, ce n’est pas simplement un portrait de Jean-Paul II, c’est le portrait de l’Eglise ; et la multitude de croix, ce foisonnement de croix au fond, manifeste que tous ceux qui sont saints et tous ceux qui sont baptisés portent la croix. Et toujours Marie au pied de la croix : l’icône de Notre Dame de Czestochowa. Il y a une intelligence de cette présence, de cette vie et de ce Christ dont le sang coule toujours sur ce peuple ; et ce peuple a aussi, avec d’autres, versé son sang pour la patrie. C’est donc effectivement le Golgotha de Jasna Gora, le Golgotha du sanctuaire de la Pologne. Comme disait Jean-Paul II, Jasna Gora, le sanctuaire, c’est le lieu de la liberté des Polonais. Tout est mêlé, associé : on voit Saint Venceslas, on voit la multitude des saints et des saintes, des ermites, des pasteurs, des prêtres, des fidèles qui sont là, tout le peuple est en marche parce qu’une nation n’existe qu’à travers et que par son histoire. Et Marie dans sa fidélité associe cette présence, où l’Emmanuel qu’elle porte, cet enfant Jésus, prouve sa révélation dans la croix. (J.-M. N.)
27,52s ICONOGRAPHIE Anastasis et Descente aux enfers L’icône orientale la plus fréquente montre :
L’histoire connaît quelques variantes, p. ex.
Une très vieille homélie anonyme de la vigile de Pâques décrit cette descente du Christ aux enfers :
On trouve des représentations épisodiques : le Christ bondit hors du sépulcre ; il descend aux enfers et entraîne les justes vers le paradis, précédés par le bon larron. Il apparaît à Pierre et aux autres apôtres sur la mer de Galilée.
27,57ss PARALITURGIE Chemin de croix : treizième station, Jésus est descendu de la croix
Il y a là une idée spirituelle de génie, où l'on retrouve l’icône de Notre-Dame de Czestochowa : c’est le thème de la Pietà, c’est à-dire la descente de croix, où Marie porte le Christ soutenu sous les aisselles par une main qui sort de l’icône : Marie donne cette main, alors que de cette main elle montrait l’enfant Jésus, pour révéler que cet Emmanuel, c’est Dieu au milieu de ce peuple. Et la tête du Christ mort est à la place de l’enfant, avec son auréole ! Un ermite blanc, tonsuré, soutient l’icône : le sanctuaire de Czestochowa est confié à un ordre religieux, les Paulins, et c’est l’habit de chœur des Paulins. Et l’on voit des soldats, derrière, et aussi un soldat à genoux, avec le sabre dans son dos : il risque d’être exécuté… Mais il y a des soldats qui ressemblent à des cadavres, des soldats morts, exécutés.
Le Christ regarde, il porte tout cela, il porte à la fois ceux qui exécutent et ceux qui meurent. C’est bien pour cela que lorsqu’on prie pour les victimes, il faut aussi prier pour les bourreaux, pour leur conversion. La main tendue de cette Mère qui présente le Christ est prière, et lorsqu’on prie Notre Dame de Czestochowa, on prie à travers et par tout ce chemin de croix.
Ainsi les choses s’accomplissent, ainsi la vie se révèle, ainsi tout se dit : Marie est là, Marie est présente, mais ce n’est pas que Marie, c’est Marie mère de Dieu et mère de l’Église, et c’est l’Église qui porte le Christ souffrant, pour porter toute souffrance. (J.-M. N.)
27,60s PARALITURGIE Chemin de croix : quatorzième station, Jésus est mis au tombeau
Le Christ au tombeau : dans quel tombeau ? Il est dans le tombeau des camps de concentration. On y voit les fils barbelés ; on y voit les livres qui ont été brûlés, des livres où l’on a voulu effacer la mémoire de la vie. Des cierges entourent Celui qui est au tombeau, enfoui dans l’horreur de cette humanité. Dans ce fatras de piliers qui encerclaient les hommes à l’intérieur des camps et dont plusieurs ont la forme de croix, tout s’écroule, mais aussi tout se libère. Car c’est bien dans le tombeau que tout se libère. Aujourd’hui au cimetière polonais d’Oswiecim, c’est la montagne des croix profanes : on voit une montagne où sont plantées une succession de croix, de croix qui disent la vie des êtres, de communautés, l’histoire de ceux et de celles qui ont combattu pour la liberté, des croix que l’on dépose encore. Les croix de la mémoire qui ne sont pas simplement un enfouissement au cœur de la mort, parce que si on regarde une croix, c’est parce qu’on a foi en la résurrection : on ne croit pas en un Dieu mort mais en un Dieu vivant ! Ce troisième jour, « ô mort, où est ta victoire ? » ; « En mourant il a détruit notre mort et en ressuscitant il nous a redonné la vie ». (J.-M. N.)
27,66 Principes sacerdotum
26,10 Car c'est une bonne œuvre qu'elle a faite envers moi Dans son souci pastoral, Origène insiste sur la nécessité de montrer sa foi par ses œuvres :
26,13 partout où sera prêché cet évangile dans le monde, ce qu'elle a fait sera raconté aussi, en mémoire d'elle Une seule et même femme Origène considère dans ce passage les différentes scènes de Lc, Jn et Mt concernant une seule et même femme :
26,14s.47.57.59–66 La perversité de Caïphe Cf. Tradition chrétienne Jn 11,51s
26,15.23ss Que voulez-vous me donner... la main dans le plat....Tu l'as dit... malheur à l'homme... Chronologie de la Passion Le compilateur des CA s'écarte parfois des évangiles. Il dissocie le repas pendant lequel fut annoncée la trahison de celui de la Cène, et il place la décision de Judas de livrer Jésus après l'annonce de sa trahison :
26,17 la cène Ultima cena ducis : inscriptions médiévales
26,22 Cf. Tradition chrétienne Jn 13,22
26,23 — Qui a plongé avec moi la main dans le plat celui-là me livrera
Manifestation de l'impudence de Judas et exhortation adressée aux jeunes :
Le prédiction de Jésus n'est pas signe qu'il soit cause de la défection des disciples :
26,24 Malheur à l'homme Contre la "rédemption" de Judas par la gnose Certains gnostiques élucubraient sur Judas : image de l'Enthymésis d'un Éon, il serait finalement réintroduit dans le Plérôme. Les premiers Pères insistent au contraire sur sa perte irrémédiable :
Dans l'écrit apocryphe de l'Apocalypse de Paul, la parole 'il eût mieux valu...' concerne toute âme damnée :
Malheur à celui par qui le Fils est livré :
26,24 il aurait été bon pour lui qu'il ne fût pas né Parallèles
26,26ss La « dernière cène »
L'accomplissement du précepte concerne l'ordre de réitération par lequel la communauté chrétienne célèbre l'eucharistie en mémoire de la Cène. Dans ce passage, le compilateur des CA souligne la distance entre les bienfaits de Dieu et l'action de grâce dont l'homme est capable :
26,26 Cf. Tradition chrétienne Jn 13,30
26,26 Jésus rompt le pain. Hoc est corpus : inscriptions médiévales.
26,27ss Buvez-en tous De l'importance de la coupe de vin dans la religion chrétienne
La promesse du Christ de boire la coupe nouvelle dans la terre nouvelle avec ses disciples ressuscités :
En dissertant sur la bonne tenue à table, Clément cite en exemple le Logos incarné qui a bu avec dignité et « avec des gestes réfléchis » en particulier lors de la dernière cène :
Nécessité de mettre du vin dans la coupe pour qu'il y ait consécration :
26,29 Je ne boirai plus désormais...
26,31–35 TEXTE
26,31.33s vous serez tous scandalisés à cause de moi cette nuit... Même si tous viennent à être scandalisés... Les paroles inconsidérées de Pierre révèlent son caractère ardent :
La sincérité des évangélistes qui n'ont pas omis de mentionner des événements peu flatteurs pour les disciples :
26,31 Je frapperai le pasteur et les brebis ... seront dispersées. Argument prophétique : les Écritures ont annoné le Christ
La prophétie de Za 13,7 a été accomplie dans la Passion, comme l'a prophétisée le Christ lui-même :
26,31 Jardin des oliviers Omnes vos scandalum : inscription médiévale
26,33ss Réécriture glosée et citation enrichie d'éléments //
Dans un style pseudo-apostolique, le compilateur des CA fait parler Pierre :
26,33 Pierre lui dit : Même si tous viennent à être scandalisés à ton sujet, moi jamais je ne serai scandalisé.
La nature humaine étant changeante et versatile, il faut être en garde et ne pas présumer de soi en ignorant ses faiblesses à l'exemple de Pierre :
26,38 mon âme est triste jusqu'à la mort Irénée présente des textes que les gnostiques tentent d'appliquer aux événements survenus hors du Plérôme dont celui-ci :
Le Christ est un vrai homme ayant toutes 'les caractéristiques d'une chair tirée de la terre' sinon :
26,39.42 Mon Père, s'il est possible, que cette coupe passe loin de moi Irénée cite des textes que l'exégèse gnostique applique aux événements survenus hors du Plérôme :
Cf. Tradition chrétienne Jn 13,27
La piété et la docilité de Jésus envers son Père :
Cf. → 7,55 Cels.
26,39 Père, s'il est possible, que cette coupe passe...
26,39 Mon père s'il est possible, que cette coupe s'éloigne de moi ; Pater mi, si possibileest, transeat a me calix iste : inscription médiévales.
26,41a Veillez et priez pour ne pas entrer en tentation Nécessité de la vigilance et de la prière Ceux qui dorment spirituellement n'accomplissent pas le commandement de Jésus et deviennent facilement la proie du diable :
dans une allusion :
dans une citation :
26,41bc l'esprit est prompt... la chair est faible Puissance de l'Esprit en l'homme qui lui est uni :
Dans ce passage des Stromates, Clément appuie le logion de Mt (cf. Mc 14,38) par des citations tirées de Rm 8 pour illustrer l'injonction de l'Apôtre de ne pas vivre selon la chair :
Plus loin, il évoque 'la chair faible' qui, avec l'aide de Dieu et en se confiant en lui, peut lutter contre les puissances du mal :
Quand Origène écrit notre esprit, il désigne la partie supérieure de la psuchê, celle qui doit s'attacher à l'Esprit de Dieu :
26,42 Que ta volonté soit faite. Pater, fiat voluntas tua : inscriptions médiévales.
26,45 l'heure s'est approchée et le Fils de l'homme est livré Dans un style pseudo-apostolique, le compilateur des CA fait parler les apôtres :
26,47.57 voici que Judas... avec lui une foule... l'emmenèrent chez Caïphe Le signe convenu
26,48 Celui qui le livrait avait donné ce signe. Qui autem : Inscription médiévale.
26,52ss Remets ton glaive à sa place... La magnanimité du Sauveur et la vérité du témoignage des évangélistes :
26,55 Chaque jour dans le temple...
26,55 Vous êtes venus comme après un brigand. Tanquam ad latrem existis : inscription médiévale.
26,59–63 ; 27,11–14.17s.28s.39 Jésus se taisait ... Le silence majestueux de Jésus
La majesté du silence de Jésus atteste sa grandeur d'âme. Plus loin durant sa passion, sous la cruauté des bourreaux, il montrera une fermeté et une douceur telles qui surpassent toute virtuosité stoïcienne.
26,61 Je peux détruire le temple de Dieu... Le temple du Dieu Logos Mt expliqué par Jean :
26,67 ils lui crachèrent au visage... Texte abrégé Exhortation adressée à celui qui est jugé digne du martyre :
26,68 Christ prophétise, dit nous qui t'a frappé. Prophetiza nobis : inscription médiévale.
26,69–74 Toi aussi tu étais avec Jésus le Galiléen Et tu cum Galileo eras : inscription médiévale.
27,1–66 La mort de Jésus. Clamans voce magna : inscriptions médiévales.
27,2.26.29.34
27,2–5 et l'ayant entravé, ils l'emmenèrent... alors Judas ... poussé par le remords... Le repentir de Judas
Le repentir ou mieux le remords de Judas donna prise au diable :
Judas, tiraillé par des sentiments opposés :
27,2 le livrèrent à Ponce Pilate
27,2b le livrèrent à Ponce Pilate le gouverneur Pourquoi ?
27,3–7 Judas ... poussé par le remords...
27,3s poussé par le remords... j'ai livré un sang innocent.
27,4s j'ai péché en livrant un sang juste... il alla se pendre Cf. Tradition chrétienne Jn 13,30 Or il était nuit Symbole de la nuit
27,9s Ils ont pris les trente pièces d'argent... Accomplissement des prophéties
La citation de Jérémie qui est en fait une citation libre de Za 11,11s combiné avec des éléments de Jérémie, est une reproduction du texte de Matthieu abrégé :
27,11 Barabbas Tu es rex Judaeorum ? Dicit illi Jesus : Tu dicis ; inscriptions médiévales.
27,14 Argument prophétique Le Ps 21 est cité en entier dans le Dialogue (Dial. 98), et est commenté dans la suite cf. Dial. 99ss. Justin attache à ce psaume un grande importance, il est pour lui une pièce maîtresse dans l'argumentation prophétique. Il a donné le premier commentaire suivi qui nous soit parvenu de ce psaume.
La citation qui suit montre que les mots du verset 16e 'ma langue s'est collée à mon larynx' sont une prophétie du silence de Jésus devant Pilate :
27,16s un prisonnier fameux appelé Barabbas...
27,18s Il savait en effet que c'était par jalousie qu'ils l'avaient livré... car j'ai beaucoup souffert...
27,19 La femme de Pilate. Nhil tibi et justo illi, multo enim passa sum hodie per visum propter eum : inscription médiévale.
27,24s ; 28,1 commence à lui le premier jour de la semaine. je suis innocent du sang de ce juste. son sang sur nous Prière pour Israël pendant la vigile pascale
27,24 La flagellation. Innocens ego sum : inscription médiévale.
27,25 son sang sur nous
27,25b Son sang, sur nous et sur nos enfants (V) Inscriptions médiévales.
Ce vitrail, réalisé dans le deuxième quart du XIIe siècle et restauré dans les années 1950, a pour thème central la Crucifixion, entourée des figures de l'Eglise et de la Synagogue dans des demi-lobes, et de dix scènes et textes de l'Ancien Testament qui annoncent la Passion. Par son style, il s'apparente à l'art mosan. Placée sous la Crucifixion, la Synagogue apparaît en buste avec les yeux bandés et s'oppose à l'Eglise qui, elle, est représentée au-dessus de la croix. La Synagogue regroupe deux des dix-sept inscriptions de la verrière : ele tient dans la main droite le phylactère avec cette formule sur le sang qui coule de génération en génération. Nombreux sont les auteurs médiévaux (Raban Maur, Anselme de Laon, Paschase Radbert, Rupert de Deutz etc.) qui ont commenté cette citation montrant que cette malédiction poursuivait les Juifs jusqu'à leur époque. A la cathédrale de Châlons-en-Champagne, la citation de Matthieu entrait en résonnance avec une autre référence biblique extraite des psaumes (Ps 69,23 : Fiat mensa eorum coram ipsis in laqueum), qui se trouvait sur le pourtour du lobe de la Synagogue, aujourd'hui fragmentaire. Là encore, le commentaire est constant chez les auteurs chrétiens. Hilaire de Poitiers écrit (Tractatus in LXVIII psalmum, 19, éd. PL 9 col. 482): « Cette table est celle où est reçue la nourriture de la vie spirituelle. Les Juifs n'ont pas compris ce qui était annoncé par la Loi et les Prophètes. Comme pris au piège par les écrits, ils manquaient du sens de l'intelligence, leurs yeux étaient obscurcis en sorte qu'ils ne voyaient pas. »
27,26 La flagellation. tradidis eis autem : inscription médiévale.
27,27–31 TEXTE Dans les évangiles, c'est lors de la comparution de Jésus devant le Sanhédrin que ces mauvais traitements sont infligés à Jésus par les Juifs. Les soldats de Pilate en feront autant et plus sur ses ordres :
27,28 la couronne d'épines. Chlamydem coccineam.
27,29 une couronne avec des épines
Les épines de la couronne font allusion aux 'épines' de la parabole du Semeur :
27,29 Flagellation Ave rex Judeorum. : inscriptions médiévales.
27,31s.35 pour le crucifier. à porter sa croix. l'ayant crucifié Esquisse d'une réflexion théologique et symbolique du mystère de la croix
L'obéissance du Fils de Dieu par le moyen du bois de la croix détruit la désobéissance d'Adam perpétrée au moyen du bois et la préfiguration cosmique de la croix : le Verbe imprimé en forme de croix dans l'univers devenu visible sur la croix :
Il semble qu'Irénée fasse allusion à un mot de Platon tel que le cite → 60, 1 '' Ce que Platon dit dans le Timée (cf. 1 Apol.→ 36B) en dissertant sur la nature du Fils de Dieu, à savoir qu'Il l'a imprimé en forme de croix dans l'univers, c'est encore à Moïse qu'il l'a emprunté...'' Il faut encore comprendre que dans la pensée d'Irénée pour le Logos divin, être imprimé en forme de croix dans l'univers, n'est pas autre chose qu'être présent, d'une présence créatrice, continuelle, directrice et illuminatrice, à cet univers dans sa totalité de ses dimensions. Tim.
Athanase reprend une autre symbolique très antique, connue aussi d'Irénée (cf. → 5,17 4), des mains étendues rassemblant les deux peuples et le thème de la purificaiton de l'air : Haer.
L'explication cosmique de la croix, enracinée en Jn 12,32 et Ep 3,18s, thème très ancien, repris et enseigné par Irénée via Justin, s'est répandue dans l'antiquité chrétienne :
L'homélie suivante est inspirée d'Hippolyte. Il décrit la fonction consolidatrice de la croix :
27,31 la Flagellation. Conspuitur ne nos viciorum : inscription médiévale.
27,32 un homme de Cyrène du nom de Simon
Irénée mentionne l'hérésie de Basilide selon qui le Christ Jésus ne fut pas crucifié et ne souffrit pas la Passion :
27,33–56 Crucifixion. Vita crucis ligno : inscriptions médiévales.
27,34s.38.45s.50.60 Récit de la Passion Le compilateur de CA a repris en partie à la Didascalie une chronologie qui lui est particulière :
27,34 ils lui donnèrent ... du vinaigre mêlé de fiel Accomplissement des Écritures
27,34b après l'avoir goûté, il ne voulut pas boire.
27,35 l'ayant crucifié ils partagèrent ses vêtements Argument prophétique Dans ce passage de son Apologie, Justin utilise diverses prophéties concernant la mission du Christ. Les Actes de Ponce Pilate qui y sont mentionnés ne sont pas à confondre avec ceux que l'on trouve dans l'Évangile de Nicodème. Il s'agit vraisemblablement de documents officiels rédigés sous Ponce Pilate et que Justin suppose conservés aux archives impériales.
Ici dans son Dialogue, Justin introduit le jet des dés, suivant en cela Jn 19,24 ou les Actes de Pilate mentionnés en 1 Apol. 35, 8-9 :
27,39–43 Argument prophétique Dans ce passage de 1 Apol., Justin fait parler 'l'Esprit prophétique à propos du Christ' :
Dans la suite de son commentaire du Ps 21 qui décrit toute l'économie du salut, Justin poursuit sa démonstration du lien entre l'Écriture et le Christ :
27,40.42 Si tu es Fils de Dieu, descends de la croix... et nous croirons en toi
27,45.51s Irénée montre que les prophètes ont parlé du Christ et non d'un autre :
27,45 À partir de la sixième heure l'obscurité ... sur toute la terre Argument prophétique
27,46 Eli, Eli... Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?
Justin montre que le Ps 21 a été dit du Christ 'dès les temps anciens' :
Irénée rapporte l'exégèse gnostique :
27,46 Mon Dieu, Mon Dieu, pourquoi m'avez vous abandonné ? Clamavit Jesus voce magna dicens : Eli, Eli, lamma sabacthani : inscription médiévale.
27,50 Cf. Tradition chrétienne Jn 10,18; Tradition chrétienne Jn 8,22 Mort volontaire de Jésus
27,51ss Cf. Tradition chrétienne Jn 10,18
27,52s de nombreux corps de saints... ressuscitèrent Le Christ descend en enfer pour libérer les saints captifs :
Cf. Tradition chrétienne Mt 12,29
27,54 Le centurion et ceux qui avec lui gardaient Jésus... Cf. Tradition chrétienne Jn 10,18
27,60 La mise au tombeau. in momento suo : inscription médiévale.
27,62–66 Les princes des prêtres et les Pharisiens allèrent ... auprès de Pilate ... scellant la pierre, avec des gardes La garde du tombeau
27,63c Après trois jours Surprenant
26,11 vous avez toujours les pauvres avec vous Aimer Jésus, une perte ?
Ce célèbre poème de sainte Thérèse de Lisieux a été souvent mis en musique, mais il a été particulièrement mis en musique par le chanteur-compositeur Grégoire, chanté par Natasha St-Pier et Anggun, très grand succès populaire. On regrettera cepenfant que le Nom de l'Aimé disparaisse du poèùe de Thérèse dans cette mise en musique :
27,26b il le leur livra Celui qui est condamné injustement devient le souverain juge du fidèle
27,38a deux brigands Le Christ, modèle d’anéantissement
27,25 sang Notion de responsabilité La question de la responsabilité de la mort du Christ est vraisemblablement très ancienne (Propositions de lecture Mt 27,25) Mais, pour y répondre, il faut tout d'abord commencer par s'interroger sur la notion de responsabilité. Le responsable d'un acte n'est pas nécessairement son auteur. Ce dernier est celui qui accomplit physiquement une action. Les auteurs de la mort de Jésus sont ainsi les soldats romains qui l'ont cloué sur la Croix, voire le centurion qui lui a transpercé le coeur de sa lance. Faut-il tenir ces soldats pour responsables de cette horreur ? Aucun évangéliste ne semble le faire.
La notion de responsabilité est corrélée à celle de liberté. Les soldats auraient pu désobéir mais tout acte de mutinerie était implacablement puni de mort dans l'armée romaine et la notion de "liberté de conscience" n'était pas connue des Grecs ou des Romains. Le responsable d'un acte est celui qui en répond, autrement dit qui en rend compte et qui en accepte la juste rétribution, à savoir la récompense s'il a bien agi, et le châtiment en cas contraire. Il faut néanmoins distinguer responsabilité et culpabilité. Cette dernière suppose la première, autrement dit la possibilité d'une action libre dont on puisse répondre. Mais la notion de culpabilité va plus loin que celle de responsabilité. Selon →Responsables de la mort de Jésus
, le coupable est celui qui a librement accompli un acte (responsable) mauvais, en en connaisssant et en en désirant la malinité. Si les responsables de la mort de la Jésus avait conscience de condamner à mort le Messie et Fils de Dieu, ils peuvent alors être qualifiés de coupables.26,26ss Les nourritures descendues du ciel
Le miracle de la Table servie, qui donne son nom à la sourate 5 a posé beaucoup de problèmes d'interprétation. Tout d'abord, il est difficile de dire si le miracle doit être rapproché de la Cène ou des épisodes de multiplication des pains (Mt 14,17-22 ; Lc 9,12-17 ; Mc 6,38-44). Une troisième possibilité évoquée par l'exégèse musulmane est de considérer que le miracle de la Table est un miracle de Jésus qui n'est rapporté que par le Coran.
Les commentateurs se sont aussi interrogés sur la question de savoir si la Table est effectivement descendue ou si Jésus a sursis à sa demande ; une telle hésitation provient des versets suivants où Jésus affirme qu'il n'est qu'un homme.
27,50 D'après le Coran, Jésus n'est pas mort
Les "versets de la crucifixion" évoquent un thème qui n'est clairement pas central dans le Coran ou dans l'islam. La question de la crucifixion s'inscrit d'ailleurs avant tout comme un élément d'une polémique anti-juive. En effet, les versets qui précèdent condamnent les Juifs et les versets qui suivent les accusent également. La mise à mort de Jésus y fait échos au thème de l'assassinat des prophètes par les juifs qui ont le coeur "incirconcis" (→Coran 4,153). La crucifixion telle qu'elle est racontée dans le Coran répond à un double objectif qui correspond à deux polémiques que l'islam entretient avec les Juifs et les Chrétiens :
Les histoires des prophètes et l'exégèse coranique ont proposé plusieures explications concrètes à l'idée obscure proposée par l'expression "shubbiha lahum". Plusieurs (notamment Tabari) ont proposé que celui qui donne l'impression d'être Jésus était un compagnon qui lui ressemblait. Les Juifs auraient alors crucifié celui qui ressemblait à Jésus et les disciples auraient été victimes aussi de l'illusion. D'autres, comme al-Maturidi, ont proposé que l'image ressemblant à Jésus aurait été un juif crucifié à sa place. Une autre solution, très populaire, consiste à dire que Judas fut rendu semblable à Jésus et fut crucifié à sa place. Cette version a été popularisé par l'Evangile de Barnabé (→Év. Barn).
Le Coran estime enfin que la crucifixion est un châtiment indigne d'un prophète puisque c'est une peine infâmante que Pharaon prononçait contre ses ennemis.
26,36s L'agonie de Jésus L'épisode d'angoisse et de solitude du Christ inspira de nombreux auteurs :
"S'il est vrai qu'au Jardin sacré des Ecritures,—— Le Fils de l'Homme ait dit ce qu'on voit rapporté ;—— Muet, aveugle et sourd au cri des créatures,—— Si le Ciel nous laissa comme un monde avorté,—— Le juste opposera le dédain à l'absence—— Et ne répondra plus que par un froid silence—— Au silence éternel de la Divinité."
"Ils dormaient. "Mes amis, savez-vous la nouvelle ?—— J'ai touché de mon front à la voûte éternelle ;—— Je suis sanglant, brisé, souffrant pour bien des jours !—— Frères, je vous trompais. Abîme ! abîme ! abîme !——— Le dieu manque à l'autel où je suis la victime...—— Dieu n'est pas ! Dieu n'est plus !" Mais ils dormaient toujours !..."
"Alors il s'éloigna de près d'un jet de pierre,Et se mit à genoux, et fit une prière.—— Il resta longtemps seul et comme plein d'effroi.—— Il disait: - « Ecartez ce calice de moi,—— « Seigneur! S'il faut mourir pourtant, que la mort vienne!—— « Que votre volonté soit faite, et non la mienne. »—— Le reste dans le ciel ténébreux se perdit. —— Les disciples dormaient. Christ revint, et leur dit: —— - Quoi donc! vous n'avez pu même veiller une heure!—— Il reprit: —— - C'est ainsi qu'il convient que je meure.—— Cela doit être, et nul au monde n'y peut rien.—— Je suis venu pour être abandonné. C'est bien.—— Il faut qu'on me rejette ainsi qu'un misérable. —— On distinguait au loin le temple vénérable—— Bâti par Salomon sur le mont Moria. —— - Pardon pour tous! dit Christ. Mais Pierre s'écria: —— - Si quelqu'un vous délaisse et vous quitte, ô mon maître, —— Ce ne sera pas moi, car je suis votre prêtre. —— Que le tombeau pour vous s'ouvre, j'y descendrai. —— Jésus lui répondit, calme, tandis qu'André,—— Jude et Thomas tournaient vers lui leurs têtes grises: —— - Vous m'aurez renié, vous Pierre, à trois reprises —— Que le coq n'aura pas encor chanté trois fois. ——"
26,41 Chair FRANÇAIS BIBLIQUE
26,42 si cette coupe ne peut passer loin de moi FRANÇAIS BIBLIQUE
26,47 Judas, l'un des douze FRANÇAIS BIBLIQUE
26,48 baiser FRANÇAIS BIBLIQUE
26,52 tous ceux qui prennent le glaive périront par le glaive FRANÇAIS BIBLIQUE
27,24 prit de l’eau et se lava les mains FRANÇAIS BIBLIQUE
27,55b en le servant Interprétation « féministe » antichrétienne : l’aliénation séculaire des femmes par Jésus
27,58a demanda le corps de Jésus Dieu-fait-homme Charles Péguy développe dans la dernière partie de son livre Dialogue de l’histoire et de l’âme charnelle un long commentaire de la Passion selon saint Matthieu, qui affirme avec force sa conviction dans la réalité du corps de Jésus :
26,6–13 Onction à Béthanie et repas chez Simon L’onction de Béthanie est une scène complexe, relatée différemment par chaque évangéliste. Elle fait intervenir un personnage très nébuleux du NT, une femme pénitente (Milieux de vie Mt 27,7a ; Tradition chrétienne Mt 27,7a), qui fut majoritairement identifiée comme Marie Madeleine au Moyen Âge (surtout dans les images). L’iconographie de cet épisode a toujours compilé différents éléments mentionnés par différents évangélistes.
Les premières figurations médiévales sont conçues sur le modèle de la →Cène telle qu’elle est conçue dès le 9e s. Le Christ est assis en bout-de-table, alors que les convives sont réunis, de face, d’un côté de la table. La femme à l’onguent est présentée inclinée, le plus souvent à genoux, devant la table (du côté visible par le spectateur), pour oindre les pieds. Judas est de même présent. L'épisode est intégré à la scène du repas chez Simon le Lépreux, et sa composition ressemble à celle de la Cène, montrant la communion de Judas (Arts visuels Mt 26,21–25). C’est sous cette forme que le passage se transmet durant tout le Moyen Âge :
Sur le linteau sont représentés à droite Adam et Eve entre l'arbre de vie et l'arbre de la connaissance du bien et du mal, et à gauche la cène où l'on reconnait, attablés, Jésus, les apôtres et Marie de Béthanie aux pieds de Jésus.
Parfois des rapports sont aussi dressés entre l’onction des pieds de Jésus pendant un banquet et le lavement des pieds des apôtres lors de la Cène.
L'Évangile selon Jean (avec l’onction des pieds par la femme, Jn 12,3) est la source privilégiée au Moyen Âge car elle donne un sens précis à l’épisode. Les pieds de Jésus (et cela en général dans l’iconographie chrétienne) se rapportent à son humanité et donc à sa mortalité. L’onction des pieds annonce la mort et la sépulture de Jésus. La résurrection de Lazare (Jn 11), qui côtoie cette représentation, apporte plus qu’un simple lien narratif : elle complète l’évocation de la mort et de la résurrection.
L’onction de la tête (Mt 26,7 ; Mc 14,3) est beaucoup plus rare dans l’iconographie :
Le geste de l’onction des pieds fut privilégié et a suscité les plus belles créations dans tous les foyers artistiques, p. ex. :
Le texte synoptique parfois apparaît comme source iconographique :
26,6s Sainte Marie-Madeleine
Dans la lignée des maîtres italiens admirés par l’artiste, voici une Marie-Madeleine qui rappelle la Santa Maria Maddalena de
(vers 1533, Florence, palais Pitti, galerie Palatine) par ses longs cheveux et la position de ses bras. La sainte représentée à Florence, nue à mi-corps, les bras repliés sur le buste retenant une abondante chevelure blonde, est bien connue de Desvallières, qui a parcouru l’Italie, jeune peintre en formation. Il fait siennes les dernières recherches picturales, qu’il encourage et, résolument moderne, il ébauche (l 1376b) sa Marie-Madeleine au Salon d’automne 1911 pour signaler ses nouvelles préoccupations religieuses. Réminiscence de Gustave Moreau, dans l’épaisse colonne antique aux couleurs d’émaux, rappel du rose soutenu, en haut à droite de la composition, caractéristique des Femmes de Londres et du Moulin-Rouge (CR 858-1056), parti pris d’un dessin stylisé, presque cubiste, dans les grandes lignes qui définissent la femme repentie. Des traces de pastel blanc, sous l’huile, achèvent de donner un ton laiteux, unique, à la carnation du modèle. « Que d’artistes l’ont représentée, émue et repentante, trop souvent voluptueuse parmi ses larmes ! C’est de tous les modèles le plus beau peut-être et le plus facile. Mais je crois que M. Desvallières a voulu nous dire autre chose, dans un langage qui ne fût pas uniquement celui du peintre. C’est un élan du cœur, un jaillissement de prière, de repentir, de dévotion éperdue, un regard noyé sous l’or des cheveux flottants, des bras serrés sur une poitrine haletante, la joie du pardon qui purifie, de l’amour qui abolit tout. » (Pératé)26,12 elle, quand elle a répandu cette huile de parfum sur mon corps Christ et Madeleine ? « La femme », parmi les saintes femmes, se caractérise par le soin du corps de Jésus. Elle lui reste attachée au-delà même de la mort, alors que les hommes se sont enfuis. Certains peintres se sont attachés à cette attache jusqu'à proposer des œuvres parfois jugées scandaleuses.
Thème plusieurs fois traité par l’artiste, ce Christ et Madeleine, encore fortement influencé par Gustave
, est l’aboutissement de la pensée du peintre sur la grâce et le péché, selon la réflexion de saint Augustin qui développe la phrase de l’Exultet, chanté par l’Église la nuit de Pâques : « Heureuse faute qui nous a valu un tel Rédempteur ! » Depuis la célébration de la première communion de son neveu Jean Paladilhe, un déclic s’est opéré chez l’artiste. Alors qu’il dit n’avoir conservé aucun souvenir de sa propre première communion, il voit désormais dans ce mystère la rencontre de l’homme à qui Dieu offre sa propre vie, tout pécheur qu’il est. Le peintre choisit comme modèle Marie-Madeleine, la pécheresse de l’Évangile, accusée par ses frères.Représentée en 1902 agenouillée sous la couronne d’épines, elle se trouve ici dans les bras du Christ, qui la prend délicatement sous sa protection. En pied, Jésus, couronné d’épines, et Marie-Madeleine, serrée contre lui, apparaissent sous un portique pour illustrer la miséricorde divine. Nouvelle représentation originale et osée, « dans un corps à corps qui unit ici Jésus crucifié au premier témoin de sa résurrection » (Collet), les deux figures sont mises en valeur sur un piédestal, encadrées par les quatre colonnes qui portent l’inscription de leurs noms latins : « Jesus Christus – Sancta Maria Magdalena. »
Certains rapprochent le peintre de
ou des maîtres italiens : « Le “Christ et Madeleine”, de Desvallières, est une œuvre qui frissonne de pitié sacrée. La chair sombre, presque fauve du Christ, ses yeux meurtris, son front que cercle la couronne d’épines, pleurent des larmes et des sueurs d’angoisse sur le visage de Madeleine. Un semblable poème pictural évoque le souvenir austère de de Padoue. » (Castelberghe)L’étrangeté de la scène choque certains critiques : « L’expression de la Madeleine auprès du Christ mort ne souffre pas cet effet de perversité, si curieux soit-il. » (Péladan) Une lettre adressée au président du Salon d’automne Frantz Jourdain, parue dans La Gazette de la Capitale et du Parlement le 29 octobre 1905, demande même que l’œuvre, jugée scandaleuse, soit retirée de l’exposition, avec Le Bain turc (1862), d’
. Sur une photographie de la galerie Druet, on peut voir que le Christ et Madeleine (CR 826) de 1902 est la version exposée lors de la première rétrospective du peintre, rue Royale, en 1910, et non celle de 1905.Elle est au nombre des trois tableaux acquis auprès de l’artiste par le peintre japonais Torajirô Kojima pour le compte du mécène Magosaburô Ôhara, fondateur du futur Ohara Museum of Art, à Kurashiki, au Japon (voir CR 959), avec Choses vues, souvenirs de Londres (CR 959) en 1920 et Le Bon Larron, Kyrie Eleïson (CR 1467), en 1921.
26,26ss Institution de l'Eucharistie
26,26ss Méditation moderne et contemporaine sur l'Eucharistie
Original de l’illustration page 289 (CR 2271) du livre d’art Monsieur Vincent montrant le saint prêtre au moment de l’élévation de l’hostie pendant sa messe, l’aquarelle est placée, avec neuf autres, dans un passe-partout au début de l’exemplaire no 71 imprimé pour Monsieur Albert Malle.
En 1938, alors âgé de 77 ans, Desvallières a commencé ce travail sur sainte Thérèse de Lisieux pour l’illustration du livre d’Henri Ghéon, projet qui n’aboutit pas (CR 2403). Quelques-unes de ses aquarelles furent alors exposées chez Druet en 1938. Le peintre, admiratif de l’humble carmélite de Lisieux, présenta deux grands panneaux au Salon d’automne 1938, qui illustrent les deux rencontres de la sainte avec le Christ, lors de sa première communion représentée sur cette toile, et le jour de sa mort dans Ascension de Sainte Thérèse CR 2418. Avant le salon, Marguerite Desvallières écrivit à sa fille France, l’impression que produisit sur elle cette première communion, « Quant à papa il a fait quelques illustrations mais surtout une assez grande Ste Thérèse de Lisieux au pied d’un Christ que je trouve superbe sous une voûte de roses éclairées par des cierges. » Les deux compositions provoquèreent l’enthousiasme de la critique : « Le grand peintre chrétien Georges [sic] Desvallières s’est consacré cette année à sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. Une toile infiniment touchante nous montre sa première communion, où le Christ couronné d’épines, à l’expression douloureuse, se penche paternellement sur la petite Sainte ployée à genoux, entourée de roses et d’un buisson de cierges » (Charnage). Goulinat parle de trois panneaux de « la vie ardente de Ste Thérèse » mais remarque surtout que l’artiste « met au service de sa foi toutes les ressources d’idées créatrices dont nous avons souvent vanté la richesse ».
Cette première communion reste l’une des œuvres les plus importantes d’une longue série de méditations de Desvallières sur la carmélite de Lisieux qui l’inspirera jusqu’au seuil de sa vie avec les illustrations du livre Thérèse Martin de Louis
(1948). Dans ce dernier ouvrage d’art, il reproduira ce « premier baiser d’amour » dont parle Thérèse dans ses écrits, sur l’aquarelle CR 2630 et l’illustration CR 2647.C'est une image de la vie quotidienne du commandant Desvallières sur le front, à la première heure : un prêtre célèbre la messe au milieu des tranchées. C’est le moment central de la cérémonie, celui de la Consécration du pain et du vin. Les fusils sont déposés, les casques retirés et les visages recueillis. Sur la droite, une sentinelle casquée veille.
Pour cette composition, Desvallières reprend un croquis de guerre réalisé sur le front d’Alsace en 1916 (CR 1576) où il a souvent organisé la célébration de l’office.
Son élève, Jean Hébert-Stevens, trouve avec son maître les harmonies voulues pour rendre éclatante cette cérémonie au creux d’un boyau. La famille Guéneau de Mussy, amie des Desvallières, a offert ce vitrail et celui du Poilu emmené par deux anges (CR 1860), « In memoriam », « En souvenir » de leur fils François, lieutenant mort lors de l’attaque du Fort de Douaumont le 22 mai 1916.
Le programme iconographique déployé par Desvallières occupe quatre grands caissons au plafond de l’église. « Desvallières a représenté le Triomphe de l’Eucharistie - l’Hostie, dans un ostensoir rayonnant, adorée par les anges. - Puis, dans les trois compositions qui se succèdent en descendant la nef : Dieu le Père et le Saint- Esprit, dans leur gloire ; le Christ médiateur, “ inclinant les cieux ” pour venir bénir l’humanité ; les Apôtres, qui symbolisent toute l’Église militante, élevant leurs aspirations vers le Seigneur. »
La composition met en parallèle le Père qui se donne en sa Création, symbolisée ici par la lune ronde qui rappelle l’hostie et le Fils qui se donne en son corps dans le pain consacré. Le Christ est tout entier image du Père, et son pain, c’est de faire la volonté de celui qui l’a envoyé (Jn 4,34).
Comme un œil grand ouvert dans le ciel, le Père préside au sacrifice du Fils. Déjà en bas à droite, la troupe envoyée par les grands prêtres s’avance par les portes de la ville pour venir arrêter Jésus.
26,28 les lis des champs Le lis symbole de la Vierge Marie
Les épines présentes autour des lis forment une couronne analogue à la couronne de la Passion du Christ. Les lis évoquent ici la victoire du Christ sur la mort et la vie qui en jaillit.
26,36–46 L’agonie du Christ à Gethsémani Dans l’art occidental et dans des cycles christologiques, l’abondante iconographie emprunte aux différents évangiles synoptiques (celui de Jn se faisant moins volontiers le support d’une représentation imagée), sans se limiter à un seul évangile (Lecture synoptique Mt 27,36–46).
L'épisode est peu présent en tant que tel dans les images antiques, qui préfèrent au cycle de la passion les miracles du Christ. Il arrive cependant que la scène dans le jardin de Gethsémani soit évoquée. Parmi les plus anciens exemples références se trouvent :
Toutes les parois de la boite sont sculptées. Le couvercle, face la plus importante, présente les plus grands reliefs, avec cinq scènes de la Passion du Christ en deux registres et un petit registre supérieur avec une frise d’oiseaux. Jésus au jardin de Gethsémani —— Arrestation —— Trahison de Pierre, avec le coq —— Jésus devant Anne et Caïphe —— Ponce Pilate se lave les mains.
Cette époque favorisa une iconographie beaucoup plus littérale et exégétique que celle développée par les artisans ravennates.
Considéré comme le plus ancien des manuscrits illustrés du Nouveau Testament, le Codex Purpureus Rossanensis, ou L'Évangéliaire de Rossano, se compose de 188 folios, écrits sur deux colonnes, 20 lignes par colonne. Il présente l'Évangile selon Matthieu et l'Évangile selon Marc avec une lacune (Mc 16,14-20).
La mise en image conforme à Mt tend à disparaître, au profit de représentations du Christ agenouillé, détail de Lc 22,41 (Lecture synoptique Mt 27,39a).
Les concepteurs d’images privilégient les représentations de l'ange consolateur de Lc 22,43. Le Christ est presque toujours agenouillé en présence de l'ange, qui lui présente, ou non, un calice ou une croix :
Cette mise en image se diffuse abondamment, d'autant plus que les cycles de la passion se multiplient à partir du 13e s. Ces productions permettent la diffusion très large de la dévotion au Christ à l'agonie.
Pour autant la représentation majestueuse du Christ à l'agonie prêchant continue :
L’accent sur la solitude du Christ et la consolation apportée par les anges se renforce. La scène disparaît peu à peu des cycles de la passion, moins fréquents. Elle devient un événement isolé où s’offre à la méditation la souffrance du Christ et son consentement.
Le plus souvent les artistes mettent l’accent sur un dialogue entre le Christ et l’ange :
Aux 17e et 18e s., l’accent porte sur la consolation apportée par le ou les messagers du Père. Outre
(1590, Londres),Les œuvres de Nicolas Poussin en témoignent :
La représentation ou l’accentuation de ce détail, donné par Lc 22,43, peut aller jusqu’à l’omission ou le rejet dans l’ombre du reste de l’épisode. Se développe ainsi une iconographie représentant le Christ consolé ou servi par les anges au mont des Oliviers :
Exceptionnels, dans le corpus ancien et classique, sont les artistes qui ignorent la présence de l’ange et accentuent ainsi la solitude du Christ (
, 1502, Venise).Le nouveau Christ tourmenté des Romantiques apparaît. Outre ; (1855), les approches successives de Delacroix sont éloquentes :
(1843)Cependant, des mises en scène plus traditionnelles continuent. Outre
(1889) :Du 6e s. à nos jours, l’évolution est sensible : l’aspect dogmatique de l’Antiquité tardive, l’aspect narratif et moralisateur du Moyen Âge (où le déroulement des différents moments du passage scripturaire est d’autant plus visible que l’événement se situe sur une montagne) furent peu à peu remplacés, à partir du 15e s., par un aspect plus méditatif et contemplatif que des œuvres récentes n’ont pas démenti. La création contemporaine, dans son souci de dépouillement, est cependant parfois revenue à Mt :
26,36–41 CONTEMPLATION Tourmente nocturne
La nuit transfigurée. Vincent est à l’asile de Saint-Rémy de Provence, sa chambre devient ainsi la cellule de ses visions. Dans la nuit de ses désespoirs, les étoiles sont des soleils et s’enroulent en des tourbillons de feu, prenant la forme de tournesols ; et la lune elle-même se métamorphose en soleil, dans le ciel nocturne de ses angoisses. Les cyprès semblent une flamme immense, cierges d’une étrange supplique, celle d’une prière où le clocher est comme un doigt levé qui touche le ciel pour y puiser une parcelle d’espérance. Autour de l’église se blottit un petit village où la lumière des foyers émerge des fenêtres.
Voici l’étreinte de la nuit et de la lumière en quête d’une aurore. Mt 26,41) … et la nuit deviendra lumière pour vos yeux obscurcis. Il manifeste ce désir d’absolu par la puissance des couleurs pour chercher à sortir de ses torpeurs. Il nous fait découvrir en ce paysage transfiguré le souffle de vie arraché aux cauchemars de la mort. La lumière a vaincu les ténèbres. (J.-M. N.)
qui voyait dans un arbre tourmenté le Christ en agonie, nous fait découvrir que l’artiste est un prophète qui annonce le jour au cœur de la houle de nos insomnies tourmentées. « Veillez et priez » (26,39 Offrant sa vie à son Père dans l’agonie de Gethsémani
26,47–50 Représentations iconographiques du baiser de Judas Le geste de la trahison de Judas est diversement représenté :
Dans les manuscrits enluminés, le baiser de Judas est couramment rapproché de l’assassinat d’Abner par Joab (2S 3) et de la trahison de Tryphon (1M 12).
26,57–66 Jésus devant le Sanhédrin
26,69–75 Reniement de saint Pierre De nombreux artistes ont représenté très directement cette scène à proprement parler révolutionnaire dans l'histoire de l'art, à commencer par la littérature (Auerbach). Une image particulièrement touchante du reniement est peut-être à trouver dans le détail d'un célébrissime tableau de Paul Gauguin :
Catalogues raisonnés : W.327: Georges
Gauguin : I. Catalogue, 1964. S.151: Gabriele (1972) L'opera completa di Gauguin, Milan: Rizzoli, no. 151.Trois femmes à genoux au pied d'un calvaire breton, pourraient être une simple halte de trois paysannes du début du 20e s. Mais il pourrait s'agit aussi d'une évocation de la crucifixion elle-même, avec les saintes femmes et Marie au pied de la croix. Un petit personnage, en arrière plan du tableau, escalade un mur pour s'éloigner de la croix. C'est peut-être Judas, mais c'est peut-être bien Pierre, aussi, et tout homme, pécheur, qui fuit la Croix.
27,1–66 Ecce homo
Le peintre néoclassique représente dans une œuvre presque grandeur nature ce passage de l'Évangile. L'angle est original : nous sommes dans le palais de Pilate. Au premier plan, à droite, la femme de Pilate se détourne tristement : elle a tenté d'empêcher cela en racontant à son mari le rêve qu'elle a eu au sujet de Jésus, mais en vain. Les lignes de fuite, bien que discrètes parce que liées aux architectures de l'arrière plan, attirent le regard vers le point signifiant toute l'intensité dramatique du moment : l'espace situé entre le corps de Jésus et la main de Pilate, cette main qui livre, et qui prétend se laver du crime.
27,3s Judas, pris de remords, chez les grands prêtres
27,5 il s'en alla et se pendit La mort de Judas
27,13 Quand le Christ devient objet de militance
La symbolique du Christ en croix au 21e s. ne se suffit pas à des lectures religieuses : pour preuve, nombre d’artistes s’en saisissent pour exprimer l’universalité de la souffrance humaine et appuyer diverses militances, dont la cause des homosexuels. Prenant pour toile de fond le décor d’une ville moderne, ce tableau dénonce les visages haineux qui crucifient cet homme. (V.L.)
27,24 prit de l'eau et se lava les mains Pilate se lave les mains
27,26–31 Christ à la colonne
Au Salon d’automne 1910, Desvallières expose le Christ à la colonne, image puissante de sa foi retrouvée, à côté de La Grèce (CR 1319), fleuron de sa peinture allégorique. Il choisit de présenter ces deux toiles ensemble, un peu à la manière d’un premier testament. L’inspiration du Christ à la colonne lui est venue pendant un voyage en Espagne, au printemps 1910, au cours duquel il réalise une petite étude aquarellée (CR 1335), au dos d’une carte postale de l’église Saint-Jean de Ségovie. L’artiste voyage avec Marguerite et Richard, René Prinet, son épouse, Jeanne, et André Saglio. Ensemble, ils visitent la cathédrale de Ségovie, dans laquelle George remarque sans doute le Cristo Yacente, le Christ gisant (1631-1636), de Gregorio ; dans la sacristie de la cathédrale de Burgos, il est probablement aussi frappé par le Christ à la colonne (vers 1525) de Diego (1495-1563), autre sculpture polychrome du corps de Jésus, recouvert des stigmates de la flagellation. Cette iconographie doloriste et réaliste des artistes espagnols l’inspire sur-le-champ ; il compose le petit dessin coloré pour cette future œuvre magistrale. Le Christ de la passion, le corps lacéré de traits de sang, la tête inclinée sous sa couronne d’épines, porte toute la souffrance du monde pour lequel il a donné sa vie et à qui les hommes pécheurs demandent pardon : sur le fond noir, à droite, l’artiste a écrit en capitales « Seigneur ayez pitié de nous ». Une corde épaisse retient le supplicié à une colonne lumineuse qui annonce, avec l’auréole placée au-dessus de lui, la résurrection du Fils de Dieu. Cette vision est offerte au Salon d’automne 1910, année consacrée aux arts décoratifs.
(1576-1636)Deux ans plus tard, dans son importante Histoire de l’art religieux, Maurice sic] Desvallières) », sous la photographie sépia, éditée, comme celle du Sacré-Cœur, par L’Art catholique. Plusieurs répliques seront par la suite commandées au peintre, dont deux sont répertoriées au catalogue, celle de Louis Meley (CR 1713), en 1922, et celle d’Eugène Chevalier (CR 2428), en 1939.
situe Desvallières dans le courant « romantique, celui qui s’apparente au baroque, au Greco, à la piété espagnole. Il est impossible de ne pas y rattacher l’oeuvre immense de George Desvallières, le représentant génial du lyrisme et du mysticisme d’après-guerre, l’un des plus grands noms de l’art d’aujourd’hui. Il avait peint un “Christ à la colonne”, un “Sacré-Cœur” pathétique comme un Grünewald […] » (p. 298), écrit-il, rapprochant, à raison, les deux œuvres dans lesquelles le peintre représente Celui qu’il aimait nommer « Notre-Seigneur-Jésus-Christ ». Une image de dévotion paraîtra, intitulée « Le Christ à la colonne (Georges [27,27–50 Instruments de la Passion
27,28 Christ dépouillé de ses vêtements
D’abord exposé à Genève, le tableau est remarqué au Salon d’art religieux de janvier 1927 comme un « magnifique morceau où se retrouve la tradition de
dans un torse d’une impeccable plastique, d’une noblesse de ligne, d’un modelé admirables » ( ). Devant la croix sur la droite, un terrible bourreau dévoile le Fils de Dieu.Dans son livre, Le Christ dans l’art français, ; cet étirement de verticales, qu’importe leur objet ? La seule chose qui demeure en nos yeux, c’est le corps offert ; « Prenez et mangez car ceci est mon corps livré pour vous. » L’artiste n’est plus que l’ami et il ne voit que l’Ami. Ainsi nous-mêmes, oubliant tout ce qui d’abord nous occupait, ne pensons-nous plus qu’à l’amour qui consomme son offrande. » ( ) L’artiste traita cette scène plus tragiquement dans la 10e station de ses chemins de croix de Wittenheim (CR 2075) et du Saint-Esprit (CR 2334).
reproduit l’œuvre et commente : « Il y a encore trop d’intention dans le beau « Christ dépouillé » de si tragique. Le corps étiré, bridé, dénudé est aussi vrai que celui de la crèche, corps comme les nôtres, vrai corps d’homme, mais tant marqué de souffrance. Tout le reste n’existe plus27,31–38 La Crucifixion ou Le Calvaire
Malgré le drame de la scène, nul ne semble remarquer l'absence de lumière, excepté l'homme nu se relevant, vêtu d'un drap. Dans cette œuvre figurent les six phénomènes extraordinaires racontés par l'évangile de saint Matthieu.
27,35–56 Les acteurs de la crucifixion dans les représentations visuelles
Le nombre de personnages présents autour du Christ en croix (→Histoire de la représentation visuelle de la croix et du crucifié) est relativement restreint et limité : le Crucifié est souvent entouré des deux larrons, en présence ou non de la Vierge et de saint Jean, parfois d’une foule (plus ou moins nombreuse) aux pieds de la croix. Entre composition narrative, symbolique et méditative, la production est donc remarquablement abondante et diversifiée.
(1315-1330, Paris) :
(1330-1335, Madrid) :
(1340-1344, New York) :
(1360-1390, Venise) :
→Histoire de la représentation visuelle de la croix et du crucifié Crucifixions allégoriques
L'iconographie ad minima se retrouve aussi en enluminure, vitrail, sculpture et sur des objets liturgiques ou des ornements sacerdotaux en émail, ivoire, orfèvrerie ou broderie (plaques de reliure, coffrets, tabernacles, autels portatifs, mitres, croix épiscopales, etc.).
Différents types s’affirment.
dans de grandes compositions narratives :
(15e s., Chantilly) :
(1456-1459, Paris) :
(1460, New York) :
(1460, Munich) :
Parfois accompagnés des saintes femmes ou de figures de sainteté de l’ordre commanditaire de l’œuvre :
(1445-1462, Sansepolcro) :
Entouré ou non des larrons, il apparaît régulièrement dans une solitude totale :
Après le concile de Trente, les représentations du Christ seul se multiplient, qu'il soit encore vivant ou déjà mort :
(1620, Anvers)
(1627, Chicago ) :
(1631, Le Mas d’Agenais) :
(ca. 1632, Lyon) :
Une tendance à toujours plus de réalisme se fait jour, à mesure que l'exégèse se veut plus historique.
La formule qui ne présente qu’un nombre restreint de personnages et permet, par son cadrage resserré, d’insister davantage sur la figure souffrante du Christ, qu'il soit encore vivant ou déjà mort :
(17e s., Paris)
(1636, Lyon)
La peinture peut se faire méditative. Le peintre
considère qu’en représentant la foule qui assistait à la crucifixion « les peintres satisferaient mal la piété des personnes contemplatives, parce que tant de divers objets interrompraient leur méditation et leur ferveur » :Aux côtés des représentations du Christ seul (cf. supra), on retrouve également les grandes formules des siècles précédents.
Plus ou moins identifiables, ils sont parfois maintenus dans des scènes de source plus explicitement johannique :
Autres exemples : Arts visuels Mt 27,55s.
La formule narrative représentant la foule ou insérant la scène dans une vaste histoire du salut fut parfois adoptée :
La tendance à centrer les représentations sur la figure du crucifié, dans un isolement parfois total, développée naturellement par les sculpteurs, mais également par certains peintres est prolongée par les artistes de l’époque contemporaine, qui reflètent l’évolution de la christologie (Mt 27,46b).
Catalogues raisonnés W.327: Georges Wildenstein, Gauguin : I. Catalogue, 1964. S.151: Gabriele Mandel Sugana (1972) L'opera completa di Gauguin, Milan: Rizzoli, no. 151. Trois femmes à genoux au pied d'un calvaire breton, pourraient être une simple halte de trois paysannes du début du 20e s. Mais il pourrait s'agit aussi d'une évocation de la crucifixion elle-même, avec les saintes femmes et Marie au pied de la croix. Un petit personnage, en arrière plan du tableau, escalade un mur pour s'éloigner de la croix. C'est peut-être Judas, mais c'est peut-être bien Pierre, aussi, et tout homme, pécheur, qui regarde la croix.
Autres exemples : Arts visuels Mt 27,55s.
27,45s Douzième station : Jésus meurt sur la Croix
Sommet de tout le Chemin de Croix, la douzième station, sur le bas-côté droit de la nef, présente le Christ crucifié entre les deux larrons, devant le ciel noir de Jérusalem zébré d’éclairs terrifiants. Les regards du Christ et du bon larron sont tournés vers le ciel. Le second larron à droite laisse pencher sa tête vers le sol. Dans son article de 1933, le père Couturier choisit cette illustration pour parler entre autres des stations « magnifiques » du Chemin de Croix d’Alsace de son maître qui, pour lui, sont plutôt « de grandes esquisses passionnées ». Il rappelle le premier souci de Desvallières, montrer avant tout combien le Christ a souffert pour l’humanité : « Ce n’est pas du tout par parti-pris, nous disait-il, mais il me semble qu’en poussant plus loin, j’affaiblirais l’expression. » (Couturier) Pauline Peugniez, après un tour en Alsace avec un groupe d’élèves d’art sacré, écrira : « Nous voyions ces jours-ci en compagnie d’autres peintres, l’église de Wittenheim, en Alsace, décorée par Monsieur Desvallières et nous revenions de cette visite aussi émus qu’au musée de Colmar qui abrite pourtant l’admirable Gruenewald [sic]. » (Hébert-Stevens). L’abbé Vital Bourgeois, curé des lieux, écrit à Desvallières combien la vue de Christ l’aide dans son difficile ministère. Il trouve dans cette contemplation des « leçons de dévouement, d’amour et de courage jusqu’au bout. » (Bourgeois, 13 février 1939) Une gravure non répertoriée de la Tête du Christ a été éditée (collection du musée Rolin).
Ce beau Christ se détache sur un paysage de ville dévastée sous un ciel bleu outremer. Il est probable que George Desvallières l’ait offert au musée de Belfort après la mort du sculpteur Camille Lefèvre, le 23 mai 1933, ami de l’artiste, vice-président du Salon d’automne. Un don de ses œuvres et de sa collection parvient au musée de Belfort, le 2 octobre 1934, en présence de Madame Camille Lefebvre. « Le legs fait au Musée par le sculpteur Camille Lefèvre et sa femme a été installé dans une salle spéciale, inaugurée le 2 octobre, en présence de Mme Camille Lefèvre et de M. Desvallières, représentant le Salon d’Automne, dont Camille Lefèvre était vice-président. Ce legs comprend un bel ensemble des œuvres de Camille Lefèvre, sculptures, peintures et dessins, et, en outre, des morceaux importants de Rodin et de Dalou ; des peintures de Carrière, Guillaumin, Renoir, Luce et Whistler : des céramiques de Lenoble et de Delaherche. Le tout a été habilement présenté par le conservateur M. Delarbre, qui s’est ingénié déjà à renouveler et rajeunir son musée par l’entrée de nombre d’œuvres d’artistes contemporains des jeunes générations. » (Une salle Camille Lefèvre, Bulletin des Musées de France, 6e année, no9, novembre 1934, Musées Nationaux, p. 188 ; musée de Belfort).
La mort du Seigneur encadre, avec les dixième et onzième stations (CR 2336), la grande fresque de l’histoire de l’Église de Jean Dupas. Alors qu’au chemin de croix de l’église Sainte-Barbe de Wittenheim, Jésus et le bon larron tournaient leur visage vers le ciel zébré d’éclairs, ici, le Christ rend son dernier souffle en esquissant un mouvement vers le bon larron qui lui lance un regard suppliant. Sa croix domine toute la composition et à ses pieds la vigne porte des grappes de raisin, symbole de l’espérance invoquée par l’artiste aux pires moments de l’existence.
27,50 Crucifixion
Au fond, de part et d’autre du grand crucifix, dans un halo de lumière intense, le peintre déploie en symétrie deux scènes bibliques : la Présentation au Temple (2399a) à gauche, offrande de l’Enfant-Jésus au sanctuaire par Marie et Joseph, dont on connait la première esquisse (2398) et le Sacrifice d’Abraham (2399c) à droite, où le patriarche est prêt à offrir son fils Isaac (Gn 22,1-19). Le père Régamey, quand il découvre l’œuvre, admire « deux grands actes d’offrande et de sacrifice en beau rapport avec la messe et bien choisis pour la méditation de futurs prêtres ». Effectivement, les deux évènements rapportés préfigurent le don du Christ sur la croix, qui se renouvelle par l’intermédiaire du prêtre dans le mystère de l’eucharistie. Sur les côtés et en partie inférieure du panneau, Desvallières peint des draperies et des symboles.
27,51 Sur le tabernacle vivant
En 2015, l’église Dornbarcher a vu son crucifix disparaître durant quelques mois, dissimulé derrière l’œuvre monumentale que l’artiste Leo Zogmayer a positionnée en amont du maître-hôtel — un voile blanc, déployé dans cet espace habituellement réservé aux représentations de la passion. Une marque rougeâtre vient trancher le mur de tissu en plein cœur, faisant écho aux souffrances endurées par le Christ en même temps qu’à son essence céleste, rendue visible dans la chair humaine pour le bien de tous. Quant à ce qui demeure caché derrière l’étoffe, cela renvoie à cette part d’invisible insaisissable qui participe de la foi chrétienne — les mystères divins que l’œil humain ne peut connaître mais qu’une ouverture du cœur peut pénétrer. (V.L.)
27,52s La résurrection des morts
L’artiste imagine en plusieurs dimensions et sur différents supports la résurrection des morts qu’il avait déjà traitée dans les années 1930 et où il s’était représenté avec son épouse Marguerite (CR 2362-2364). Cette dernière œuvre en largeur, après les quatre esquisses précédentes, fait apparaître un couple plus jeune et apporte des couleurs plus chaleureuses. Le jeune homme vient tirer de la tombe un proche qu’il prend dans ses bras dans une ambiance apocalyptique, avec le réalisme des grands blocs des pierres tombales éparses et ouvertes. La luminosité des rayons qui tombent en biais sur la scène et quelques fleurs parsemées dans la nuit font naître l’espérance.
27,54 le centurion et ceux qui avec lui gardaient Jésus Hommes de guerre et Crucifié
Illustration pour le livre de Monsieur Vincent (p.19) illustrant le chaos de la guerre autour de la croix du Christ.
27,55s Les femmes au pied de la croix
Derrière les trois croix noires du Golgotha se dessine la ville de Jérusalem en arrière-plan, lavée et illuminée par le sacrifice de son sauveur.
L'ermite contemplative voit l'océan de douleur jadis prophétisé de la fille de Sion (Lm 2,13) remplir de larmes amères les yeux de Marie au pied de la Croix.
27,57–61 Jésus mort descendu de la croix.
La décoration florale est attribuée à Daniel Seghers.
Voici une nouvelle Pietà au pied de la Croix avec la sainte mystique qui se substitue à la Vierge.
En 1927, le projet d’illustration de sainte Thérèse d’Avila de Louis Bertrand (CR 1991) est envisagé et l’artiste compose et expose alors un cycle sur la sainte mystique. Ce grand panneau représente une nouvelle Pietà au pied de la Croix avec la sainte mystique qui se substitue à la Vierge. Le peintre doublement inspiré avec CR 1992, peint la carmélite qui tient à nouveau le Christ descendu de la Croix dans ses bras, avec une compassion et une tendresse dignes d’une mère. Il lui donne les traits de sa fille Sabine qui partage désormais la vie d’une communauté de Clarisses.
Une phrase de Louis Bertrand n’est pas passée inaperçue aux yeux de l’artiste : « D’autres, sans aucun doute, avant elle et depuis elles ont osé dire la même chose. Mais aucune n’a jamais apporté de preuves aussi fortes à l’appui de son témoignage » (Bertrand, p. 20). Exposé aussi chez Druet en 1929 et intitulée Sainte Thérèse d’Avila. – « Je l’ai tenu dans mes bras comme la Vierge de la cinquième angoisse », elle sera présentée au Salon des Tuileries au printemps et à la dernière grande rétrospective de 1937. Ce cycle, réalisé avant la décision des commanditaires, ne fut pas retenu pour l’illustration du livre (cf. Président de la société Les Exemplaires, 19 février 1929).
Dans la revue L’Art sacré de mars-avril 1948, le père Couturier choisit de reproduire cette œuvre pour illustrer son article sur l’art religieux, « Bilan de l’époque 1920-1940. Réalisations. » En 1984, dans le catalogue de l’exposition au Japon, s’il est dit, à propos de ce tableau, que le peintre s’inspire encore de Gustave Moreau, il est ajouté qu’il a trouvé sa voie personnelle : « Ce tableau est très représentatif du style de Desvallières, à l’âge mur qui se caractérise par une manière proche de l’expressionisme en un sens tragique qui fait penser aux compositions de Grünewald ou du Greco » (p. 56).
27,59 ; Jn 19,40 ; Lc 23,53 ; Mc 15,46 l'enveloppa d'un drap Saint Suaire
Au centre, accompagnée de l'inscription Il verissimo ritratto del Santissimo Sudario (représentation véridique du Saint Suaire), se trouve une reproduction fidèle de la relique contenue dans le reliquaire : le fameux linceul dans lequel le Christ aurait été enveloppé avant d'être mis au tombeau. À gauche, la colonne de la flagellation ; à droite, la croix ainsi que deux des instruments de la Passion, l'éponge au bout du la branche d'hysope et la lance de laquelle un soldat aurait transpercé le corps du Christ selon Jn 19,34.
27,66 Ellipse
La pierre est roulée. Dans la nuit du samedi au dimanche, la lumière de Pâques transfigure les ténèbres de la ville endormie. C’est une lumière qui vient d’en bas, qui remonte du séjour des morts, ramenant avec elle toute l’espérance accomplie des prophètes de l’Ancien Testament. La croix est là, bientôt illuminée elle aussi par la gloire de la résurrection.
26,1s Prologue : invitation à contempler Dans la tradition des passions responsoriales, → fait précéder le récit évangélique d’une pièce introductive qui donne le ton de cette « grande passion ». Mais au lieu de faire aux fidèles la traditionnelle invitation à écouter le récit des dernières heures de la vie du Christ, il compose un double chœur d’ouverture invitant les fidèles moins à entendre qu’à voir le Christ en croix. Il met en scène les personnages symboliques des « Filles de Sion » (chœur 1), qui contemplent le mystère de la rédemption et invitent les « Croyants » (chœur 2) à faire de même. Ce double **chœur accompagné par un double orchestre (il y avait deux tribunes face à face dans l’église Saint-Thomas, pour laquelle cette passion a été conçue et où elle fut exécutée le 11 avril 1727, aux vêpres du vendredi saint) fait entrer dans un climat de contemplation à l’orée de la fresque qui suit. Le choral monophonique, qui fait intervenir un troisième chœur, et qui semble planer au-dessus du dialogue des deux premiers, y invite encore davantage. Passion
Tout au long de la passion, six dialogues entre les deux chœurs permettront d’approfondir pédagogiquement la contemplation de la passion du Christ, en mettant en abyme la situation dans laquelle se trouve la communauté réelle des spectateurs/auditeurs.
Le procédé du dialogue entre les deux chœurs est pédagogique : tandis que le chœur 1 sait d’emblée ce qu’il faut contempler dans la passion, le chœur 2 semble au contraire ne pas savoir comment regarder : il demande au premier de le lui apprendre. Est ainsi mise en œuvre la recommandation de Luther dans sa prédication : la passion du Christ engage une mystique du regard, qui doit être éduquée car le salut en dépend en partie.
26,3.47 ; 27,46 Les ténèbres se firent
Tenebrae factae sunt, dum crucifixissent Jesum Judaei: et circa horam nonam exclamavit Jesus voce magna: Deus meus, ut quid me dereliquisti? Et inclinato capite, emisit spiritum. V. Exclamans Jesus voce magna ait: Pater, in manus tuas commendo spiritum meum. Et inclinato capite, emisit spiritum.
Les ténèbres se sont faites pendant que les Juifs crucifiaient Jésus : et vers neuf heures, Jésus s'exclama d'une voix forte : Mon Dieu pourquoi m'as-tu abandonné ? Et après avoir incliné la tête, il expira. Jésus s'exclamant d'une voix forte dit : Père, entre tes mains je remets mon esprit. Et après aovir incliné la tête, il expira.
Michael
est un compositeur autrichien, né le 14 septembre 1737 à Rohrau (Autriche) et décédé le 10 août 1806 à Salzbourg. Il est le frère cadet de Joseph (1732–1809). Ses œuvres comportent plus de huit cents compositions, essentiellement religieuses.26,6–13 La femme avec le vase d'albâtre
Arvo
né le 11 septembre 1935 à Paide, en Estonie, est un compositeur estonien de musique contemporaine vivant à Tallinn. Il est souvent associé au mouvement de musique minimaliste qui s'est formé à partir des années 1960. Créateur d'une musique épurée, d'inspiration profondément religieuse, il est de confession chrétienne orthodoxe, et les chants orthodoxes ainsi que les chants grégoriens ont influencé son style sur la modulation lente des sons. Associé par certains à la musique postmoderne, Arvo creuse à présent le sillon de son style tintinnabuli. Ses œuvres ont été jouées dans le monde entier et ont donné lieu à plus de 80 enregistrements, ainsi qu'à de très nombreuses utilisations pour la bande sonore de films et de spectacles de danse.26,16 Déploration de la traîtrise → exprime une lamentation sur Judas par un air, cette fois sans récit : Passion
Bach souligne les mots ermorden (« tuer ») et Schlange (« serpent ») par de longues vocalises.
26,26 Niets dan liefde (Rien d'autre que l'amour)
Cette Cantate est composée pour le quatrième dimanche du carême sur l'amour. Elle est constituée de deux parties: la première décrit l'amour entre l'homme et Dieu comme un amour entre humains, la deuxième fait apparaître l'amour entre Dieu et l'homme dans l'eucharistie et le don de soi. La première partie est inspirée du Cantique des cantiques. Dans la deuxième partie, le Récit de l'Institution est superposé par un poème de Hans Andreus, qui se traduit en français par: « Je te préfère au pain, bien qu'on dit que c'est impossible, et bien que ce soit impossible ». Un fragment de la Prière de Charles de Foucauld et du cantique de l'amour (1Co 13,8a.7) concluent la cantate.
26,28 La vie est dans le sang
« Le Fils de l'homme n'a pas d'endroit où reposer la tête » (Mt 8,20)
Jesus' blood never failed me yet — Never failed me yet — Jesus' blood never failed me yet — This one thing I know for he loves me so.
Le sang de Jésus ne m'a jamais fait défaut, ne m'a jamais fait défaut. C'est la seule chose dont je sois certain, car il m'aime à ce point.
D'abord enregistrée lors d'un documentaire sur la vie de la rue à Elephant and Castle et Waterloo, à Londres, la mélodie de ce sans-abri inconnu retient l'attention de Bryars qui la trouve ajustée à son piano et réductible à 13 mesures. Des harmonies riches, composées de cordes et de cuivres, se superposent progressivement sur la boucle de cette brève strophe improvisée. pour le premier enregistrement, Bryars était limité à une durée de 25 minutes; plus tard, il créa une version de 60 minutes de la pièce en cassette ; puis de 74 mn pour CD. Plus de détails sur cette pièce très émouvante ici→
26,32 Addition À cet endroit → fait intervenir un choral très célèbre de Paul Gerhardt (O Haupt), souvent repris par Bach, avec des harmonisations différentes suivant le contexte. Ici, le texte médite sur l’image du berger (Hirte). Passion
26,36–46 J'attends la mort comme en Gethsémani
Dans ce morceau composite (« Mosaïque ») aux accents mystiques et religieux forts,
traite de son rapport aux autres et du sentiment de solitude qui l'habite depuis son accession au statut d'artiste, thème récurrent chez les rappeurs, notamment sur le mode de l'hypocrisie des relations et de la trahison. Pour exprimer ce sentiment d'abandon et de solitude, il recourt à la figure du Christ isolé et à l'agonie à Gethsémani, attendant avec angoisse la trahison de Judas, l'arrestation, la torture et la mise en croix. Ainsi, commence son morceau en écrivant :M'd'mandez pas c'que je fais dans la vie / C'est si noir, vous s'rez pris de panique / Quelque part, loin de toute compagnie / Batterie Faible m'a fait perdre beaucoup d'amis / Me serre pas la main, fais-moi un #Vie / J'attends la mort comme en Gethsémani.
Les deux premiers vers peuvent faire à la fois écho à son passé sombre aux yeux de la société (cf. le morceau « Débrouillard » dans son album précédent Batterie Faible, d'où est issu le premier vers : D'mandez pas c'que je fais dans la vie / J'suis fonce-dé avec 2-3 you-vois du quartier / J'fume un pilon sur l'toit de la ville), mais également à sa carrière d'artiste, qui le conduit dans des milieux dangereux (ceux du show-business et des maisons de disque), ou dans les tréfonds de l'âme humaine par son travail d'écriture.
Après cet avertissement apotropaïque accentué par l'intensif si noir et l'évocation d'un sentiment fort tel que la panique, placée en fin de vers,
introduit alors le thème de la solitude, en premier lieu à travers l'isolement spatial : le Quelque part, lieu qui préfigure l'arrivée de Gethsémani, est placé en tête de vers, au point qu'on pourrait le confondre avec une locution à valeur logique (quelque part pouvant être l'équivalent à l'oral de « de toute façon »), mais cette ambiguïté est immédiatement levée par la suite : loin de toute compagnie.À l'isolement spatial succède l'isolement social, conséquence étroite et directe de sa nouvelle vie d'artiste, puisque c'est son premier album même, Batterie Faible, qui l'a conduit à de nombreuses trahisons en raison d'un « manque de reconnaissance » dont il aurait fait preuve envers certains de ses proches (cf. Commentaire de Damso à ce sujet→). Ces trahisons et ce sentiment d'abandon le conduisent donc à refuser la poignée de main traditionnelle, symbole d'une alliance ou d'un lien qui s'est avéré décevant, pour lui préférer le #Vie, signe de la main popularisé par l'artiste lui-même dans l'un de ses morceaux précédents, « BruxellesVie », comme un nouveau signe de paix, qui pourrait annoncer une fois de plus en filigrane la figure du Christ.
Cette dernière apparaît donc en point d'orgue de ces six vers, dans une acmè caractérisée par l'agonie, cette « attente de la mort » qui caractérise les instants du Christ à Gethsémani. Ainsi, les développements des vers précédents annonçaient en creux un parallèle avec la figure du Christ à l'agonie : la solitude du destin prophétique/messianique, l'isolement dans l'espace (Mt 26,36), puis la trahison et l'abandon des amis (Mt 26,20,25 ; 26,30-35) et le refus d'un signe d'affection trompeur (Mt 26,48-50). Ainsi, la mention de Gethsémani, lieu qui renvoie de façon précise à la vie du Christ, vient clore le parallèle établi entre la solitude et le sentiment d'abandon de l'artiste et celui de Jésus à ses derniers instants.
26,38 Additions : méditation sur le poids de mon péché dans l'agonie de Jésus →choisit de faire entrer l’auditeur dans la méditation de l’agonie de Jésus par un récit et un air insérés après ces paroles de Jésus. Dans le récit, il adopte pour cela un moyen original en faisant dialoguer, d’une part une voix soliste de ténor accompagnée d’instruments à vent et basse continue, et d’autre part, le chœur 2 simplement accompagné par la basse continue. Au soliste, il confie une mélodie torturée à l’image du texte Passion ; quant au chœur, il chante une strophe du choral Herzliebster Jesu par bribes. Par rapport à sa première apparition, le choral est sensiblement transfiguré par la douleur et la contrition (voir p. ex. les mots Plagen [« fléaux »], verschuldet [« coupable »], erduldet [« enduré »], où apparaissent des diminutions par rapport à la mélodie de départ) ; la mélodie est aussi modifiée au service du texte.
À la suite, l’air reprend le procédé de dialogue entre ténor et chœur, et propose une méditation sur l’idée de veille (ténor et hautbois) et de sommeil (chœur et cordes).
26,38 Mon âme est triste
Tristis est anima mea usque ad mortem: sustinete hic et vigilate mecum. Nunc[Iam] videbitis turbam quæ circumdabit me. Vos fugam capietis, et ego vadam immolari pro vobis.
Roland de Lassus, né à Mons en 1532 et mort à Munich le 14 juin 1594, est un compositeur de l'école franco-flamande, vers la fin de la Renaissance. Son art fut d'emblée reconnu et Roland de Lassus était, dès le milieu du siècle, surnommé le « divin Orlande » par le poète Ronsard, ou « Prince de la musique » par ses contemporains, ou encore, plus tard, l'« Orphée belge ». En tant que compositeur de motets, l'œuvre de Lassus est l'une des plus diversifiées et prodigieuses de toute la Renaissance.
26,39c comme toi Représentations musicale de l'abandon de Jésus
1. Introduction. Grave - Adagio (E♭ minor) a. Recitativo (C minor) b. Aria. Allegro (C minor) 2. Allegro (A major) a. Aria. Larghetto (G major) b. Allegro (G major) 3. Recitativo (C major) a Duetto. Adagio molto (A♭ major) 4. Recitativo. Andante con moto (F major) a. Alla Marcia (C major) 5. Recitativo. L'istesso tempo della Marcia (F major) a. Allegro molto (D major) 6. Recitativo. Allegro molto (C major) a. Terzetto. Allegro ma non troppo (B♭ major) b. Maestoso (C major) c. Allegro (C major)
1a. Jehova, du mein Vater! 1b. Meine Seele ist erschüttert 2. Erzittre, Erde, Jehova's Sohn liegt heir! 2a. Preist des Erlösers Güte 2b. O Heil euch, ihr Erlösten 3. Verkündet, Seraph, mir dein Mund Erbarmen 3a. So ruhe denn mit ganzer Schwere 4. Wilkommen, Tod 4a. Wir haben ihn gesehen 5. Die mich zu fangen ausgezogen sind 5a. Hier ist er, der Verbannte 6. Nicht ungestraft soll der Verweg'nen Schar 6a. In meinen Adern wühlen gerechter Zorn und Wut 6b. Welten singen Dank und Ehre ('Hallelujah') 6c. Preiset ihn, ihr Engelchöre
27,17–23 Ecce Homo Le dialogue entre Pilate et les ennemis de Jésus, concentré dans le sublime ecce homo que le quatrième évangile fait prononcer par Pilate, a inspiré de nombreux compositeurs.
– Ecce homo! – Crucifige eum! – Tolle, crucifige eum! – Regem vestrum crucifigam? – Tolle, crucifige eum! – Quid enim mali fecit, – Tolle, crucifige eum! – Ecce Rex vester! – Non habemus Regem nisi Caesarem. – Dimittam illum in Pascha? – Non hunc, sed Barabam! – Quid faciam de Jesu?
Voici l'homme. Crucifie-le ! Tue-le, curcifie-le ! Crucifierais-je votre roi ? Tue-le, crucifie-le ! Qu'a-t-il donc fait de mal ? Tue-le, crucifie-le ! Voici votre roi ! Nous n'avons pas de roi, si ce n'est César. Relâcherais-je celui-là pour Pâque ? Pas celui-ci, mais Barabas ! Que ferais-je de Jésus ?
Guillaume
, né vers 1587 en Languedoc (probablement à Narbonne ou à Saint-Nazaire-d'Aude), et mort après 1643, est un prêtre, maître de musique et compositeur français actif dans la première moitié du 17e s.27,35–45 Were you there (when they crucified my Lord)
Johnny Cash propose avec ce titre une reprise d'un negro spiritual, chant religieux entonné par les esclaves noirs lors du travail dans les plantations de champs de coton dans le sud des États-Unis.
Were you there when they crucified my Lord ? (Were you there ?) / Were you there when they crucified my Lord ? / O sometimes it causes me to tremble ! tremble ! tremble ! Were you there when they crucified my Lord ? —— Were you there when they nail'd him to the cross ? (Were you there ?) / Were you there when they nail'd him to the cross ? / O sometimes it causes me to tremble ! tremble ! tremble ! / Were you there when they nail'd him to the cross ? —— Were you there when they pierced him in the side ? (Were you there ?) / Were you there when they pierced him in the side ? O sometimes it causes me to tremble ! tremble ! tremble ! / Were you there when they pierced him in the side ? —— Were you there when the sun refused to shine ? (Were you there ?) / Were you there when the sun refused to shine ? / O sometimes it causes me to tremble ! tremble ! tremble ! / Were you there when the sun refused to shine ?
Étais-tu là quand ils ont crucifié mon Dieu ? (Mt 27,35 // Mc 15,24 // Lc 23,33 // Jn 19,18) (Étais-tu là ?) / Étais-tu là quand ils ont crucifié mon Dieu ? / Oh, parfois cela me fait trembler, trembler, trembler ! / Étais-tu là quand ils ont crucifié mon Dieu ? —— Étais-tu là quand ils l'ont cloué à la croix ? / (Étais-tu là ?) Étais-tu là quand ils l'ont cloué à la croix ? / Oh, parfois cela me fait trembler, trembler, trembler ! / Étais-tu là quand ils l'ont cloué à la croix ? —— Étais-tu là quand ils ont transpercé son flanc ? (Jn 19,34) (Étais-tu là ?) / Étais-tu là quand ils ont transpercé son flanc ? / Oh, parfois cela me fait trembler, trembler, trembler ! / Étais-tu là quand ils ont transpercé son flanc ? —— Étais-tu là quand le soleil n'a pas voulu briller ? (Mt 27,45 // Mc 15,33 // Lc 23,44) / Étais-tu là quand le soleil n'a pas voulu briller ? / Oh, parfois cela me fait trembler, trembler, trembler ! / Étais-tu là quand le soleil n'a pas voulu briller ?
27,45s.50 L'obscurité se fit
Tenebrae factae sunt, dum crucifixissent Jesum Judaei: et circa horam nonam exclamavit Jesus voce magna: Deus meus, ut quid me dereliquisti? Et inclinato capite, emisit spiritum. Exclamans Jesus voce magna ait: Pater, in manus tuas commendo spiritum meum. Et inclinato capite, emisit spiritum.
Les ténèbres se firent après que les Juifs crucifièrent Jésus : et vers neuf heures, Jésus s'exclama d'une voix forte : mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? Et, après avoir incliné la tête, il expira. Jésus s'exclamant d'une voix forte dit : Père, entre tes mains, je remets mon esprit. Et après avoir incliné la tête, il expira.
Marc-Antoine
, né en Île-de-France en 1643 et mort à Paris le 24 février 1704, est un compositeur et chanteur baroque français. Sa musique est issue d'un mélange des styles français et italien, auxquels elle emprunte de nombreux éléments. Il a composé des œuvres sacrées telles que des oratorios, des messes, des psaumes, des magnificats. Il a également composé plusieurs opéras, des sonates, préludes pour orchestre, des noëls instrumentaux.27,46 Les sept paroles du Christ en croix
La solitude de Jésus sur la croix est traduite dans l'effectif de cette composition: un violon (ou alto) non-accompagné, abandonné par tout le monde, sans contact avec la terre. La pièce suit les sept dernières paroles à travers sept miniatures. Un "motif de croix" reconnaissable sert comme ponctuation entre les paroles: un accord très court et fort (verticalité) suivi d'une longue seconde soutenue douce (horizontalité).
La première parole (Lc 23,34: "Père, pardonne-leur ...") est un jeu très virtuose, diabolique, on dirait fou, dépeignant ceux qui "ne savent pas ce qu’ils font."
Dans la deuxième (Lc 23,43: "... aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis.") deux voix chantent librement et paisiblement ensemble.
La jonction de la Mère et du disciple (Jn 19,26-27: troisième parole) se traduit en une valse noble, intime, pleine d'une joie intérieure.
Apogée et centre pivot des sept paroles, la quatrième parole "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?" (voir aussi Mc 15,34 et Ps 22,2) est mis en musique en glissandi répétés de dissonants criants dans le suraigu.
"J'ai soif" (Jn 19,28: cinquième parole) est évoqué par des sons expérimentaux, imitant des gémissements et des souffles secs.
"Tout est accompli" (Jn 19,30: sixième parole) est reflété par seulement quelques harmoniques, ne donnant que les contours d'une mélodie presque évaporée.
La septième parole (Lc 23,46: "Père, entre tes mains je remets mon esprit." - voir aussi Ps 31,6) est une mélodie sereine, dépassionnée.
Motets en latin sur les sept dernières paroles du Christ en croix. Contrairement aux «The Seven Last Words» qui sont très atonaux et expressionnistes, les «Septem verba Christi» sont dans un langage néo-modal.
La première parole (Lc 23,34: "Père, pardonne-leur ..."; "Pater, dimitte illis ...") se concentre sur la proclamation tranquille, paisible du texte.
La deuxième (Lc 23,43: "... aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis."; "... Hodie mecum eris in Paradiso") est plus mélismatique, évoquant l'atmosphère céleste.
La jonction de la Mère et du disciple (Jn 19,26-27: troisième parole) devient évident avec des mélismes à deux voix, un fleuve tranquille de deux mélodies qui coulent ensemble.
La quatrième parole "Deus meus, ut quid dereliquisti me?" (voir aussi Mc 15,34 et Ps 22,2) est le centre pivot des sept paroles. C'est pourquoi elle est traitée de manière spéciale, c'est-à-dire dans un langage plus atonal, donnant expression aux mots dramatiques de Jésus. Les dynamiques sont également plutôt dans le forte, tandis que les autres se situent dans les dynamiques douces.
"J'ai soif" (Jn 19,28: cinquième parole) n'est en latin qu'un seul mot: sitio. Des quintes ouvertes et une pédale sur "si" (à la fois la syllabe et la note musicale) créent une atmosphère de désert.
"Tout est accompli", "consummatum est" (Jn 19,30: sixième parole) est une longue séquence d'harmonies qui glissent de manière chromatique en bas.
La septième parole (Lc 23,46: "Père, entre tes mains je remets mon esprit."; "Pater, in manus tuas comendo spiritum meum." - voir aussi Ps 31,6) reprend la musique de la première parole, les deux commencant par l'acclamation "Pater".
26,1s Prolégomènes chorégraphiques à tout récit de la passion →. En 2016 à l'occasion d'une nouvelle production de ce chef d'oeuvre avec une distribution entièrement renouvelée, le Ballet de Hamburg a proposé cette saisissante compilation de plusieurs grands moments. Passion
Un large podium au fond de la scène, sept bancs noirs perpendiculaires. Une flaque de lumière intense éclaire une pièce de tissu blanc au-devant. Un carré pourpre sur la droite, en avant.
Une grande chemise-tunique blanche se découvre sur le sol, dans la flaque de lumière.
— comme un manuterge, tel le prêtre s’apprête à offrir le sacrifice.
— Gardes ? Anges ? Personnes, en tout cas. C’est ainsi que nous les nommerons : elles sont Quelqu’un et en même temps personne/s, en ce monde, mais au-delà du monde —
Premières mesures de l’orchestre.
— ce seront les disciples Jean et Jacques, Pierre et André —
— femmes anonymes de l’Évangile.
Ces danseurs représentent l’humanité.
La figure de la ronde reviendra souvent dans le ballet. Cette figure chorégraphique, présente dans les danses de tous les folklores, symbolise la communauté humaine. Elle a aussi une résonnance cosmique, si l’on pense à la ronde des planètes autour du soleil, aux danses de l’Égypte antique qui représentaient peut-être les douze signes du zodiaque. Elle rappellera une tradition picturale immémoriale : les figures de femmes sur les frises du palais de Knossos et sur les fresques égyptiennes antiques ; , la ronde des anges du Jugement dernier (1431, Musée San Marco, Florence) ; Sandro , la danse des anges de la Nativité mystique (ca. 1500, National Gallery, Londres) ; Henri , La danse (1909-1910, Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg).
Elles semblent plonger, nager, ramasser au sol la drachme perdue, mesurer de leurs paumes étendues la largeur, la hauteur et la profondeur du drame qui va commencer ; comprendre, puis ne plus comprendre, scruter cela, ce qui résonne déjà dans la gravité de la musique.
On pense au prêtre au jour de son ordination, au religieux le jour de sa consécration perpétuelle, holocauste de tout son être.
— L’aveugle conduisant le boiteux, à l’orée du mystère ! N’illustrent-ils pas admirablement le face-à-face musical des chœurs 1 et 2 ?
— La brebis perdue ? Le blessé secouru par le bon Samaritain ? — Le faix de l’humanité pécheresse humblement accepté.
— Il concentre en sa direction tout le drame de l’Amour trinitaire incarné dans l’histoire qui va se déployer dans la passion réactualisée sur la scène.
26,38c restez ici et veillez avec moi Solitude divine de Jésus → Passion
Sur l'air Ich will bei meinem Jesu wachen (« Je veux veiller près de mon Jésus. La détresse de son âme rachète ma mort ; sa douleur me rend la joie. Je veux veiller près de mon Jésus »), le chorégraphe présente un brillant morceau classique :
26,75c il pleura amèrement + Additions : solo du désespoir et de la supplication de Pierre, finalement consolé → montre Pierre avancer tristement vers les uns et les autres, postures impassibles et visages fermés : aucune compassion humaine pour le traître ! Passion
(le solo de Pierre s'arrête à 1' 48)
comme s’il était un poids pour lui-même.
— lors de la création, John Neumeier donnait des images mentales comme : « Tu viens d’apprendre que x [ce danseur] bat sa femme : comment réagis-tu ? »
— tel le pénitent d’une Confrérie.
comme oppressé par le poids de sa peine pressant sur sa tête depuis le Ciel.
— écho léger d’Adam et Ève, inscription fugace de la protologie dans l’eschatologie.
26,1–28,20 La Passion dans Il Vangelo secondo Matteo, chef-d'œuvre de Pier Paolo Pasolini (réal., scén., 1922-1975) Film noir et blanc à petit budget, réalisé par un homosexuel athée marxiste, ce film reste un choc, comparé aux œuvres ultérieures de Pasolini (p. ex. Salò, ou Les 120 journées de Sodome, en 1975). Pasolini s'était dit fasciné par l'éclat littéraire et l'efficacité narrative de l'évangile selon Mt. Son film, dédié au « glorieux Pape Jean XXIII », met en scène tout l’évangile selon Mt, qu’il suit fidèlement, surtout dans les dialogues. Cette fidélité littérale ne l’empêche pas de proposer une représentation très personnelle de la passion de Jésus, où il fait intervenir sa propre mère Susanna Pasolini pour interpréter la Vierge Marie avec une retenue bouleversante (cf. ci-dessous « la figure de Marie »).
La représentation est à la fois réaliste, par le décor naturel, et hiératique, par une succession de tableaux qui évoquent la scénographie d’un opéra. La musique joue d’ailleurs un rôle important pour préciser le sens des séquences, comme un commentaire sans paroles. La figure de Jésus est celle d’un prophète imprécateur, au verbe violent, qui entraîne les foules et déchaîne l’hostilité croissante des chefs et des pharisiens. Cette énergie se déploie jusqu’à l’arrestation. Jésus est d’ailleurs filmé souvent seul dans le plan, séparément des disciples. Les traits fins et distingués de l’acteur qui interprète le Christ contrastent avec la beauté brute et rustique des visages des disciples : Jésus est la perfection de l’humanité. Les gros plans nombreux sur ces visages évoquent l'Église comme peuple de Dieu ou le Peuple lui-même. On y voit surtout des hommes de tous âges, des vieilles femmes et des enfants, peu de jeunes femmes.
De plus, la pauvreté formelle adoptée comme langage cinématographique résonne fortement avec les enseignements du Christ : les canons néoréalistes permettent d’insister sur l’humanité de Jésus, rompant avec la vision « héroïcisante » des studios hollywoodiens. L’ambition néoréaliste de mettre à l’honneur les humbles, tout en soulignant le caractère réellement inédit du quotidien, renvoie aussi à la prophétie de Jésus : « Aujourd'hui s'accomplit cette Écriture — à vos oreilles » (Lc 4,21). Ce film fut récompensé, entre autres, par le prix spécial du jury au Festival de Venise et le grand prix de l'Office catholique du cinéma.
La représentation de la passion à proprement parler occupe 28 min, dans la seconde moitié du film. Dans les choix opérés par le réalisateur, trois caractéristiques influent profondément sur le message délivré par l’œuvre : Pasolini a une intelligence politisée du message évangélique ; il adopte une lecture chronologique et littérale de Mt ; il représente la passion de points de vue majoritairement externes.
Pasolini dans ses choix de mise en scène, décrit Jésus comme un tribun, un homme politique animé par un immense désir de justice.
Il adopte une narration strictement chronologique, qui suit littéralement le texte de l’évangile, omettant toutefois certains épisodes relatés dans Mt. Cette construction linéaire, si elle confère un caractère de simplicité et de pauvreté au récit de la passion, exprime de manière limitée l’unité profonde dont est tissée la vie du Christ.
La caméra adopte le point de vue externe de Pierre jusqu’à son reniement, puis de Judas jusqu’à sa pendaison, enfin de Jean jusqu’à la crucifixion. Il en découle que la majorité des images de la passion est éloignée du cœur de l’action : l’œil de la caméra observe une suite de tableaux à distance respectueuse, sans s’approcher du visage ni du corps du Christ. Hormis la pauvreté formelle adoptée dans cette œuvre, la Passion de Pasolini fait peu entrer dans le caractère stupéfiant de l’amour de Dieu tel qu’il est révélé dans la mort du Christ, car cette représentation laisse le spectateur à l’extérieur de l’humanité du messie et de sa réalité incarnée et personnelle. Pasolini ne montre pas non plus l’événement universel et cosmique (en tant qu’il réalise une conversion, un retournement de la marche du monde) que constitue la passion de Jésus.
Une conséquence de telles options est l’impression d’extériorité qui se dégage de la dernière partie du film : Jésus, après avoir déclamé ses enseignements sur un ton impérieux, souffre sa passion et meurt loin du spectateur. La distance installée par le metteur en scène avec le Christ souffrant occulte largement la violence inexprimable de la passion, qui est le sacrifice d’amour de Dieu pour ses enfants et ses frères, les hommes. Avec le recul, on comprend les raisons pour lesquelles cette œuvre a pu rencontrer un tel succès critique, tant cette représentation de la passion, tout en semblant réaliste, est peu dérangeante.
À l’écran, selon un procédé fréquent dans le cinéma italien de l’après-guerre, Jésus est incarné simultanément par un duo d’acteurs, avec l’apparence d’Enrique Irazoqui aux cheveux noirs, aux yeux noirs et sans arcade (juif basque qui, comme les autres interprètes, n'était pas un acteur professionnel) et la voix d’Enrico Maria Salerno. Le décalage entre les images capturées en extérieur d’un interprète non professionnel et la voix puissante enregistrée en studio d’un acteur confirmé peut être vu comme le signe de la double nature du Christ. Ce Jésus éructe les paraboles et prophétise avec une férocité vive, comme un agitateur syndical. Il est nerveux avec ses inquisiteurs et brusque avec ses apôtres. C'est un homme-Dieu pressé d'accomplir sa mission. Plus tôt mort, plus tôt ressuscité.
La perfection formelle du visage d’Irazoqui rappelle les représentations du Greco ; son regard légèrement asymétrique renvoie au mystère que dégagent les portraits du Christ dans l’art russe de l’icône. Fidèle au texte de Mt, Pasolini insiste sur l’union de Jésus au Père en montrant la prière solitaire du Christ avant sa passion, sur le point d’entrer dans Jérusalem. Il montre la souffrance portée par Jésus dans son agonie en empruntant à La Passion de Jeanne d’Arc de Carl la douleur béate et muette du visage du condamné : regard hébété, fixité, stupéfaction à l’aube du don total de soi.
Il faut néanmoins admettre que l’acteur principal manque singulièrement d’épaisseur, en particulier dans les scènes de la passion, ce qui peut être imputé au jeune âge d’Irazoqui, qui n’avait que 19 ans (et non 33) lors du tournage.
Il Vangelo de Pasolini frappe par le souffle d’impatience et de colère impérieuse qui jaillit de la personne du Christ et qui secoue toute l’œuvre. La Bonne Nouvelle présentée ici semble être un principe de vie réagissant à l’injustice sociale répandue dans le monde. Par suite, la justice de Dieu semble primer sur la miséricorde de Dieu, appauvrissant le sens fondamental de la passion. On est loin de la plume déchirante de Péguy qui met les mots suivants dans la bouche du Père décrivant la passion de Jésus :
Chez Pasolini, le cœur de Jésus semble plus vibrant de colère que brisé d’amour. Sa colère et son exigence de justice l’emportent sur sa compassion et sa miséricorde. À la lumière des engagements de Pasolini auprès du Parti communiste italien, on peut s’interroger sur la justesse de cette interprétation : la colère attribuée ici au Christ est-elle la colère de Dieu, ou plutôt la colère du réalisateur projetée sur ce qu’il comprend de la personne du Christ ?
Pasolini montre sans ambiguïté le don libre que le Christ fait de lui-même dans sa passion : Jésus après l’institution de l’Eucharistie, sourit à ses disciples comme un époux qui connaît la plénitude après l’union nuptiale ; au prétoire, après le couronnement d’épines, il marche librement vers sa croix, son bâton à la main ; au Golgotha, il crie peu lorsqu’il est cloué sur sa croix, contrairement au brigand crucifié à ses côtés.
Toutefois par d’autres aspects non négligeables, Pasolini ne donne pas la pleine mesure du don personnel du Fils de Dieu fait homme. Ainsi la flagellation du Christ est ignorée. De plus, dans l’interprétation que le réalisateur fait de la réquisition de Simon de Cyrène, Jésus, désormais déchargé de sa croix et apparemment en bonne santé, cesse de porter sa croix et marche aux côtés du Cyrénéen qui a endossé son fardeau. Étranger à l’ultime étape de sa vie terrestre, le Christ paraît dès lors désincarné. La lecture que fait Pasolini du texte de Mt, quoique poétique, est un contresens : ici le Verbe de Dieu fait homme pour assumer le péché du monde fait porter son joug par son prochain menacé de mort, alors même qu’il est venu assumer la souffrance et le péché de tous les prochains.
Le rôle de Marie lors de la passion du Christ est tenu par Susanna Pasolini, la mère de Pasolini. Elle est une Vierge éplorée de douleur, tordue de souffrance devant le spectacle de son fils supplicié et mis à mort devant elle. Malgré le jeu convaincant de son actrice, le réalisateur butte sur le double écueil du choix de son interprète et de la difficulté à percer le mystère de la nouvelle Ève :
En donnant ce rôle clef à sa propre mère, Pasolini fait en quelque sorte le choix d’apparaître lui-même comme le messie crucifié. (Nombreux sont d’ailleurs les critiques que, par certains aspects, la vie du Christ résonne avec la vie du cinéaste.)
Pasolini ne communique guère au spectateur les réalités profondes qui font que la souffrance de Marie au pied de la croix dépasse considérablement la peine de Susanna Pasolini, fût-elle en train de contempler son propre fils agonisant : Marie au Calvaire distingue dans la personne de son fils à la fois le fruit de ses entrailles et le Dieu vivant et vrai qui épouse notre humanité pour porter toute souffrance. Étant unie mystiquement au cœur de son fils, elle traverse la mort comme Jésus traverse la mort. Cependant si elle porte « celui qui porte tout », on peut dire aussi que sa force et sa dignité reçues de Dieu surpassent celles de toutes les mères : dans son union mystique au cœur de Dieu, Marie garde intacte sa certitude que Jésus est le Fils de Dieu, et intacte sa confiance dans l’amour tout-puissant et miséricordieux du Père. À ce titre le jeu accablé de Susanna Pasolini, s’il est juste sur un plan strictement humain, ne rend pas pleinement compte de l’amour de Marie marchant au Golgotha avec Jésus.
Chez Pasolini, Jésus marche jusqu'à sa mort, à travers la campagne de Matera, dans les Pouilles, près du talon de la botte italienne. La foule le poursuit et le presse ; un cri jaillit "Son sang soit sur nos enfants !" (Mt 27,25). Pasolini, poète avant d'être cinéaste, ne voulut pas censurer le verset d'un texte qu'il voulait honorer ; et, en mettant en scène des Italiens pourchassant les Italiens, il typifie une malédiction moins de race ou de religion que de clan.
Une mosaïque de musiques émaille l’œuvre de Pasolini : des extraits des œuvres de Bach, Webern, Mozart, Prokofiev, de la Missa Luba (messe congolaise), de Negro spirituals (déchirant Sometimes I Feel like a Motherless Child) et de chants révolutionnaires russes enrichissent les images de la vie simple du Christ et nous enseignent sur ce qu’est l’Eglise :
Ces thèmes récurrents sont une représentation de la multiplicité des demeures dans la maison du Père : l’Église ressemble à une famille et l’Église est universelle ; elle accueille tout homme, comme Dieu ouvre ses bras à tout homme.
La répétition de ces musiques variées évoque aussi la prière tournoyante et sans cesse recommencée du psalmiste.
Enfin, on peut deviner dans les choix de musique de Pasolini les possibles défigurations du message évangélique. Ainsi, après la résurrection du Christ, l’Église en marche est représentée comme un peuple d’insurgés avec les armes à la main, courant vers un avenir lumineux au son des chœurs de l’Armée Rouge.
Il Vangelo secondo Matteo de Pasolini bénéficie des canons du néoréalisme italien et rompt heureusement, par sa pauvreté formelle, avec la proposition hollywoodienne connue jusque-là. Toutefois, dans une lecture littérale (quoique poétisée et politisée) de l’évangile, le réalisateur semble ne pas adhérer au cœur de la foi chrétienne, qui est que Dieu, fait homme dans la personne de Jésus, a porté le péché de chaque homme et de l’humanité pour que tout homme soit sauvé. C’est pourquoi cette œuvre recèle un certain nombre de limites lorsqu’elle rend compte du message évangélique, et ressemble au récit qu’un reporter extérieur ferait du parcours exceptionnel d’un leader exceptionnel.
Après la référence, on donne un bref commentaire, suivi du minutage.
(avec fr. Benoît Ente o.p.)