La Bible en ses Traditions

Matthieu 27,1–66

Byz S TR Nes
V

... 

Le matin venu

tous les princes des prêtres et les anciens du peuple tinrent conseil contre Jésus 

en sorte de le livrer à la mort

1s Mc 15,1 ; Lc 22,66 ; 23,1

...

et, l'ayant entravé, l'emmenèrent

et [le] livrèrent à Ponce Pilate, le gouverneur.

2 Chez Caïphe Jn 18,28 Ponce Pilate Lc 3,1 ; 13,1 ; 1Tm 6,13

...

Alors Judas, qui le livra, voyant qu’il avait été condamné,

poussé par le repentir, rapporta les trente pièces d’argent aux princes des prêtres et aux anciens

3–10 Mort de Judas Ac 1,18-19 3 Les trente pièces d’argent Gn 37,28 ; Za 11,12 ; Mt 26,15

...

en disant :

— J’ai péché en livrant un sang juste. 

Mais eux dirent :

— Que nous importe ? À toi de voir.

4 Sang innocent Dt 27,25

...

Ayant jeté les pièces d’argent dans le Temple

et s’étant retiré, il se pendit à une corde.

5 Suicide d’Ahitophel 2S 17,23

...

Mais les princes des prêtres, ayant pris les pièces d'argent, dirent :

— Il n’est pas permis de les mettre au korbane puisque c’est le prix du sang.

6 Salaire impur Dt 23,19

...

Et après avoir tenu conseil, ils achetèrent avec elles le champ du potier pour la sépulture des étrangers.

7 Malédiction proclamée par Jérémie Jr 19,1-6.12

...

C’est pourquoi on a appelé ce champ Haceldama — champ de sang — jusqu’à aujourd’hui.

8 Tophèt, “vallée du carnage” Jr 7,32

...

Alors s'accomplit ce qui fut dit à travers Jérémie le prophète disant :

— Et ils prirent les trente pièces d'argent, le prix du mis à prix, qu'ont mis à prix des fils d'Israël,

9 Trente sicles d’argent Za 11,12-13

10 ...

10 et ils les ont données pour le champ du potier comme me l'indiqua le Seigneur.

11 ...

11 Quant à Jésus, il se tint debout devant le gouverneur

et le gouverneur l’interrogea disant :   

— Tu es le roi des Juifs ? 

Jésus lui dit : — Tu dis.

12 ...

12 Et tandis qu'il était accusé par les princes des prêtres et les anciens, il ne répondit rien.

13 ...

13 Alors Pilate lui dit :

— Est-ce que tu n’entends pas combien de témoignages ils portent contre toi ?

14 ...

14 Et il ne lui répondit pas à un seul mot,

si bien que le gouverneur s'étonna à l'extrême.

14 Silence Ps 39,2 ; Is 53,7 ; Mt 26,63

15 ...

15 À chaque fête, le gouverneur avait coutume de relâcher au peuple un prisonnier, celui qu’ils voulaient.

15 = Jn 18,39

16 ...

16 Il avait alors un prisonnier fameux, nommé Barabbas.

17 ...

17 Comme ils étaient rassemblés, Pilate leur dit :

— Lequel voulez-vous que je vous relâche ?

Barabbas ou Jésus qui est dit christ ?

18 ...

18 Il savait que c’était par jalousie qu’ils l’avaient livré.

18 Jalousie Gn 4,3-8 ; 37,11 ; Qo 4,4 ; Jn 12,19

19 ...

19 Or, tandis qu’il était assis sur la tribune,

sa femme lui envoya dire :

— Rien entre toi et ce juste,

car aujourd’hui j’ai beaucoup souffert en vision à cause de lui.

20 ...

20 Mais les princes des prêtres et les anciens persuadèrent le peuple de réclamer Barabbas 

et de faire supprimer Jésus.

21 ...

21 Répondant encore, le gouverneur leur dit :

— Lequel des deux voulez-vous voir relâcher ?  

Mais eux dirent : — Barabbas.

22 ...

22 Pilate leur dit :

— Que ferai-je donc de Jésus qui est appelé christ ?

Tous disent : — Qu’il soit crucifié !

22 “Livré aux oppresseurs” Ps 27,12

23 ...

23 Le gouverneur leur rétorqua :

— Qu’a-t-il donc fait de mal ?

Eux de plus belle criaient en disant : — Qu’il soit crucifié !

24 ...

24 Alors Pilate, quand il vit que cela ne sert à rien mais augmente le tumulte,

prenant de l’eau, se lava les mains en présence du peuple disant : 

— Je suis innocent du sang de ce juste. À vous de voir.

25 ...

25 Répondant tout le peuple dit :

— Son sang, sur nous et sur nos enfants !

25 Sang répandu Jr 26,15 ; Mt 26,28 ; Ac 5,28

26 ...

26 Alors il leur libéra Barabbas. 

Quant à Jésus, une fois flagellé, il le leur livra pour qu’il fût crucifié.

27 ...

27 Alors les soldats du gouverneur prenant Jésus dans le prétoire,

rassemblèrent contre lui la cohorte entière

27–31 Mc 15,16-20 ; Jn 19,2-3

28 ...

28 et l’ayant déshabillé l’enveloppèrent d’une chlamyde écarlate.

28 Pourpre écarlate Jr 10,9

29 ...

29 Et tressant une couronne avec des épines, ils la posèrent sur sa tête

et un roseau dans sa [main] droite

et faisant des génuflexions devant lui, ils se moquaient de lui disant :

— Salut roi des Juifs !

29s Dérision Ps 22,7-8 ; 69,11-12 ; 109,25 ; Is 50,6 ; Mt 27,11

30 ...

30 Et, lui crachant dessus, ils prirent le roseau et frappaient sa tête

31 ... 

31 et lorsqu’ils se furent moqués de lui, ils le déshabillèrent de la chlamyde 

et l’habillèrent de ses vêtements 

et ils l’emmenèrent pour le crucifier. 

32 ...

32 Et en sortant, ils trouvèrent un homme, un Cyrénéen du nom de « Simon ».

C’est lui qu’ils contraignirent pour qu'il portât sa croix.

33 ... 

33 Et ils arrivèrent à un lieu dit « Golgotha » 

(ce qui veut dire « lieu du calvaire ») 

34 ...

34 et ils lui donnèrent à boire du vin mêlé de fiel. 

Et [l’]ayant goûté, il ne voulut pas boire.

34 Vinaigre Ps 69,22 ; Pr 31,6-7 “Je ne boirai plus...” 26,29 ; Mc 14,25

35 ...

35 L’ayant crucifié, ils divisèrent ses vêtements, les tirant au sort.

35 = Ps 22,19

36 ...

36 Et assis, ils le gardaient.

37 ...

37 Et ils disposèrent au-dessus de sa tête [la] cause [de] sa [condamnation] écrite :

« Ici est Jésus le roi des Juifs ».

38 ...

38 Alors sont crucifiés avec lui deux brigands,

un à droite et un à gauche.

38 Parmi les criminels Is 53,12.9 ; Lc 22,37

39 ... 

39 Et ceux qui passaient le blasphémaient

en remuant la tête 

39–44 Mc 15,29-32 ; Lc 23,35-37 39 Humiliation Ps 22,7 ; 109,25 ; Si 12,18 ; Jr 18,16 ; Lm 2,15

40 ...

40 et disaient :

— [L’homme] qui détruit le Temple et en trois jours le rebâtit,

sauve-toi toi-même

si tu es le fils de Dieu, descends de la croix !

40 = 26,61

41 ...

41 Semblablement, les princes des prêtres, se gaussant avec les scribes et les anciens, disaient :

41 Moqué Ps 22,8

42 ...

42 — Il en a sauvé d’autres et lui-même il n’arrive pas à se sauver !

S'il est roi d'Israël, qu’il descende maintenant de la croix et nous croirons en lui !

42 “Roi d’Israël” So 3,15 ; Jn 1,49 “Jette-toi en bas !” 4,6

43 ...

43 Il se confiera en Dieu ; qu’il le délivre maintenant s’il veut,

car il a dit : — De Dieu je suis fils.

43 Le Fils de Dieu à l'épreuve Sg 2,18 ; Mt 4,3 ; Jn 10,33 “Que le Seigneur le délivre !” Ps 22,9 ; 42,10 ; 71,11 ; Is 36,15.18

44 ...

44 Or de même aussi les brigands crucifiés avec lui l’accablaient de reproches.

44 Les deux larons Lc 23,39-43

45 ...

45 À partir de la sixième heure, il y eut des ténèbres sur toute la terre, jusqu’à la neuvième heure.

45–56 Mc 15,33-41 ; Lc 23,44-49 45 Obscurité Jr 15,9 ; Am 8,9 ; Za 14,6

46 ...

46 Vers la neuvième heure, Jésus clama d’une voix forte disant : 

— Éli, Éli, lema sabacthani ?

C’est-à-dire : Mon Dieu, mon Dieu, pour quoi m’as-tu abandonné !?

46 = Ps 22,2
Byz TR Nes
V S

47 ...

47 [L']ayant entendu, certains de ceux qui se tenaient là disaient :

— C’est Élie qu’il appelle, celui-ci.

Byz S TR Nes
V

48 ...

48 Et accourant aussitôt, l’un d’eux,

ayant pris une éponge, il la gorgea de vinaigre et la fixa à un roseau et essayait de le faire boire.

49 ...  

49 Mais les autres disaient :

— Laisse, que nous voyions si Élie vient le libérer !  

50 ...

50 Mais Jésus, criant de nouveau d’une voix forte, remit l’esprit.

51 ...

51 Et voici : le voile du Temple fut déchiré en deux 

de haut en bas

et la terre fut ébranlée 

et les rochers furent déchirés

52 ...

52 et les tombeaux furent ouverts 

et beaucoup de corps des saints endormis ressuscitèrent

52 La résurrection des morts Ez 37,12 ; Dn 12,13 ; Jn 5,25 ; 1Co 15,20 ; Col 1,18 ; 1P 3,19

53 ...

53 et sortant des tombeaux après sa résurrection, 

ils vinrent dans la ville sainte et apparurent à beaucoup.

54 ...

54 Le centurion et ceux qui avec lui gardaient Jésus,

voyant le tremblement de terre et ce qui était arrivé, furent effrayés à l’extrême disant :  

— En vérité, celui-ci était le fils de Dieu.

54 = Mc 15,39

55 ...

55 Étaient là aussi de nombreuses femmes à distance,

qui avaient suivi Jésus depuis la Galilée en le servant,

56 ...

56 parmi lesquelles se trouvaient Marie-Madeleine

et Marie, mère de Jacques et de Joseph,

et la mère des fils de Zébédée.

57 ...

57 Le soir venu,

vint un homme riche d'Arimathie, nommé Joseph,

qui lui aussi était disciple de Jésus.

58 ...

58 Celui-ci, s'étant rendu chez Pilate, lui demanda le corps de Jésus. 

Alors Pilate ordonna que fût rendu le corps.

58 “Son cadavre ne pourra être laissé la nuit sur l’arbre” Dt 21,22s

59 ...

59 Et ayant pris le corps, Joseph l’enveloppa d'un drap pur

59 Devoir de piété 1R 13,29s

60 ...

60 et il le plaça dans le tombeau neuf qu'il s'était fait tailler dans le roc

et il roula une grande pierre à l'entrée du tombeau et il partit.

60 La prophétie d’Isaïe Is 53,9

61 ...

61 Étaient là : Marie-Magdeleine et l'autre Marie, assises en face du sépulcre.

62 ...

62 Le jour suivant, c'est-à-dire le jour d'après la préparation du sabbat,

les princes des prêtres et les Pharisiens s'assemblèrent auprès de Pilate

63  ...

63  disant :

— Seigneur, nous nous sommes souvenus que ce séducteur a dit quand il était encore vivant :

— Après trois jours, je ressusciterai.

63 Résurrection le troisième jour Os 6,2 ; Jon 2,1 ; 1Co 15,4

64 ... 

64 Ordonne donc de garder le sépulcre jusqu’au troisième jour,

de crainte que ses disciples ne viennent pour le dérober

et qu'ils ne disent au peuple : — Il est ressuscité des morts.

Cet égarement ultime sera pire que le premier. 

65 ...

65 Pilate leur dit :

— Vous avez une garde. 

Allez, gardez comme vous le savez.

66 ...

66 Et s'en étant allés, ils s'assurèrent du sépulcre, 

en scellant la pierre avec les gardes.

66 Une pierre scellée Dn 6,18

Propositions de lecture

3–10 Juda ischariote Jésus a compté parmi les Douze un certain Judas Iscariote (1) devenu traître (2). Après l’avoir trahi, Judas se repent (3), retourne voir les grands-prêtres qui le méprisent (4) et met fin à ces jours (5). Son geste est ambigu car il va à l’encontre du commandement de Dieu « tu ne tueras pas », tandis que l’enseignement rabbinique condamne très clairement le suicide, mais les livres bibliques présentent pourtant de nombreux exemples de suicide (6). Le développement de sa légende noire (7) n’a pas réussi à éradiquer l’ambiguïté foncière de son geste, ouvert à une réflexion sur sa damnation ou son salut et sur la miséricorde de Dieu (8). Son rapport au judaïsme est tout aussi ambivalent : il est à la fois témoin de l’antijudaïsme pagano-chrétien et de l’antichristianisme juif (9).

1. le nom de Juda

Le nom de Judas, Iscariote, permet de le distinguer de l’autre Judas (Lc 6,16) appartenant aussi au groupe des Douze. En hébreu ’îš qᵉriyyôt signifie « homme de Keriot », village à seize kilomètres au sud d’Hébron aujourd’hui nommé al-Kureitein.

  • Jos 5,25 De même  « ’îš ṭôb » signifiant « les hommes de Tob » (cf. 2S 10,6.8 est translittéré Istôb dans la Septante (Josèphe A.J. vii § 121 Istobos).

Cette hypothèse ferait de Judas le seul disciple non originaire de Galilée.

  • Josèphe B.J. On a proposé le sens alternatif « homme de Jéricho/d’Issachar/de Corées » , « homme de Sychar ».

Ces interprétations géographiques sont les plus admises bien que d’autres explications étymologiques aient pu être données.

A partir de l’hébreu ’îš šeqer ou ’îš šākûr, iscariote serait un terme dépréciatif signifiant « homme de mensonge » ou « homme saoul ».

  • Bek.m*9,7: En prenant l’origine araméenne sqr signifiant « teindre » , on s’est demandé si iscariote ne désignait pas le métier de Judas, teinturier.

On a encore proposé : « trésorier », « roux ».

En partant du latin et du grec, le mot iscarios pourrait aussi être une transcription libre du grec sikarios et du latin sicarius « assassin, bandit » :

  • Giṭ. b* 56a : Judas serait alors assimilé au zélote Abba Siqra, le neveu de Yohanan ben Zakai et chef de la révolte .

2. Le traître

Judas Iscariote est celui des Douze qui livre Jésus. Chez Matthieu, Judas mène presque exclusivement le jeu. Il est à l’initiative d’une négociation et demande à être payé : comme il l’est sur le champ, il cherchera à rendre l’argent mal acquis en signe de repentir, dans une transaction quasi-commerciale.

La mémoire chrétienne primitive attribue à Judas Iscariote la mort ignominieuse dont les Écritures menacent les méchants, particulièrement les faux amis du fils de David. La discrétion de Matthieu dans l’exploitation du topos empêche de réduire l’épisode à un développement de son crû. Le récit semble plutôt être le résultat d’allers et retours entre faits historiques et Ecritures. La mention de l’appartenance de Judas au groupe des douze est d’ailleurs un détail en faveur de la véracité de la parole évangélique transmise par les apôtres :

  • Jean Chrysostome Hom. Matt.80,2 « [Les évangélistes] ne cachent rien de ce qui peut les humilier ; alors qu’ils auraient pu dire simplement qu’il était du nombre des disciples » .

Ce fait montre également que l’élection divine n’est pas une prédestination fatale :

  • Thomas d’Aquin Lect. Matt.ad 26,14 n°2629: « Pourquoi le Seigneur a-t-il voulu choisir un méchant et un traître ? […] Il voulait indiquer qu’il ne condamne ou ne sauve personne en raison de sa prédestination, mais en raison de sa justice présente. De sorte que si quelqu’un était condamné en raison de sa prédestination, on ne le lui imputerait pas. Ainsi était-ce pour la consolation des hommes : en effet, il savait que, dans l’avenir, beaucoup seraient égarés dans leurs choix […]. Une autre raison peut être que personne ne soit blâmé pour le fait qu’il y ait un méchant, puisqu’il y eut un méchant dans le premier collège. » 

Les autres évangélistes s’arrêtent à la trahison de Judas : si Marc ne donne aucune explication quant à ses motivations, Luc (Lc 22,3-4) et Jean (Jn 12,4-6) l’associent à des forces obscures. Matthieu et Jean (Jn 12,6) insistent sur son âpreté au gain.

3. Repentir de Juda

Repenti, Judas aurait pu revenir à la suite de Jésus, comme Pierre. Le terme employé pour désigner son attitude profonde, metameleô (Mt 27,3b), a un sens plus intense que « avoir des remords », même s’il ne va pas jusqu’à désigner une contrition de la volonté aussi profonde que metanoeô « se convertir » . Il réalise qu’il a livré l’innocent à la mort (Mt 27,4). Dégoûté de sa trahison, il désespère de la miséricorde de Dieu, ne croyant pas non plus que Jésus aie le pouvoir de remettre les péchés. Certains commentateurs se sont demandés s’il ne s’était pas repenti justement au bon moment au point d’interpréter son suicide comme une manière d’être aux enfers avant Jésus et ainsi de pouvoir lui demander son pardon:

Au contraire, certains ont affirmé qu’il s’était repenti trop tard :

trop tôt :

Il serait demeuré à un simple remords extérieur, non motivé par la peine de déplaire à Dieu:

4. Juda méprisé par les grands-prêtres

Retournant voir les grands-prêtres, il est très mal accueilli. Les blâmes contre les agents corrupteurs abondent dans la littérature ancienne:

et la loyauté envers son peuple est la plus haute valeur:

C’est pourquoi on se méfie des gens prêts à trahir à leur propre profit :

les traîtres sont haïs:

 même par les membres de leurs famille :

et les gens qui instrumentalisent des traîtres les méprisent souvent:

5. Il met fin à ses jours

La mort de Judas est relatée uniquement dans l’évangile de Matthieu. Le récit qui en parle est insérée dans un contexte narratif la mettant en valeur : il est au centre d’une organisation circulaire typique de Matthieu qui présente:

  • Mt 27,5a les pièces jetées par l’un 
  • Mt 27,6a et ramassées par les autres ,
  • Mt 27,4a la délibération morale de Judas 
  • Mt 27,6b la délibération halakhique des grands prêtres et des anciens 
  • Mt 27,3b et enfin, l’argent rapporté par Judas 
  • Mt 27,7-8 et utilisé par les notables 
  • Mt 27,9-10 en accomplissement de l’Écriture .

Ces versets tranchent par leur sobriété par rapport à la mémoire judéo-chrétienne qui trouve maints détails pittoresques pour décrire la fin des méchants comme:

  • Nb 5,21 l’enflure tenant lieu de châtiment ordalique de la femme infidèle ,
  • 2M 9,7-18 l’attaque par des vers,
  • 2M 13,4-8l e jet du haut d’une tour de cinquante coudées dans un tas de cendres 
  • 2M 15,28-35 la tête, le bras et la langue tranchés puis attachée à la Citadelle pour la première et donnée en pâture aux oiseaux pour la dernière.

Une tradition transmise par Apollinaire de Laodicée conserve deux récits de la mort de Judas. L’un est bref :

  • Apollinaire de Laodicée Fr.136 « Il faut savoir que Judas ne mourut pas de la pendaison, mais survécut, étant tombé avant de s’étouffer, comme le montrent les Actes des Apôtres : « Étant tombé la tête la première, il éclata par le milieu et toutes ses entrailles se répandirent » . »

 Papias, le disciple de l’apôtre Jean, le raconte plus clairement :

  • Papias Fr.« C’est un grand exemple d’impiété que Judas a vécu en ce monde. Car sa chair enfla à un point tel qu’il ne réussit pas à passer là où un chariot passait aisément : écrasé par le chariot, il se vida de ses entrailles. » La version longue amplifie la maladie et la mort en donnant à Judas la mort archétypique du méchant (Ac 12,23) : « Pas même la seule masse de sa tête : en effet, ses paupières, dit-on, gonflèrent au point qu’il ne voyait même plus la lumière, ses yeux ne pouvaient être vus même par la sonde d’un chirurgien, si profondément enfouis étaient-ils dans cette excroissance ; quant à ses parties intimes elles grossirent et devinrent dégoûtantes au-delà de l’indécence, des liquides lui en suppuraient sur le corps tout entier, et des vers à l’excès, que rien ne limitait que leur propre grouillement. Après moult souffrances et châtiments, on dit qu’il finit en son lieu propre, et que ce lieu est resté désert et non bâti du fait de sa puanteur jusqu’à maintenant ; mais même jusqu’à aujourd’hui on peut voir certains passants éviter ce lieu — quand, même, ils ne se bouchent pas le nez de leurs mains. »

Très tôt, on chercha à harmoniser les différentes versions. Dans cette perspective, Ac 1,18 pourrait être une harmonisation de Matthieu et de récits anciens comme ceux de Papias : la corde se casse, Judas éclate et répand ses viscères.

  • Augustin d’Hippone Fel.Une vieille version latine africaine citée par Augustin d’Hippone , selon laquelle Judas « se passa une corde au cou (ollum sibi alligavit) » pourrait être une harmonisation de Matthieu et des Actes.
  • Elle est reprise par Jérôme dans la Vulgate, qui traduit Ac 1,18 « [cet homme] est tombé la tête la première » par suspensus (Mt 27,5 laqueo).
  • Éphrem le Syrien Diat.20,18: Le texte arménien harmonise les Actes et Papias en remplaçant « est tombé la tête la première et a éclaté » par « ayant enflé, il a éclaté ». Les variations et amplifications ne manquent pas .

6. D'autres exemples de suicicide

Dans l’Ancien Testament, malgré le commandement « tu ne tueras pas », le suicide est accepté dans des situations désespérées, pour sauver son honneur ou sa fidélité à la religion:

En certains cas, le suicide semble même une possibilité d’expier ses propres péchés ou ceux d’autrui:

  • 1M 7,16-17 Ainsi l’histoire du grand prêtre Alkime qui se repentit d’avoir condamné beaucoup de justes à mort  et par contrition s’infligea les quatre supplices que son tribunal avait imposés à ses victimes en application du principe d’une vie pour une vie (Cf. Lv 24,17 ; Nb 35,33 ; Dt 19,11-13) : lapidation, feu, pendaison et décapitation.

Quand le suicide exprime une bonne intention ou vient s’ajouter à une bonne action, il constitue une sorte de voie rapide vers le monde futur.

  • Jos 8,29 Ce contexte peut amener à se demander si le suicide de Judas ne serait l’accomplissement de la sentence que le traître se donne à défaut de pouvoir être jugé pour la mise à mort du Roi.
  • Josèphe B.J.iii § 361-382:Josèphe rejette cette possibilité : puisque Dieu a donné à l’homme une âme immortelle, il ne peut pas disposer lui-même de ce bien sans s’opposer au Créateur .

Dans la culture antique contemporaine ce genre de mort est considérée comme une honte :

surtout si c’est un acte de désespoir:

7. La légende noire

Le début de la légende noire sur Judas vient tout droit de l’évangile : Marc, Matthieu, Luc et Jean composent une figure de plus en plus sombre qui s’harmonise mal avec le fait qu’il a été choisi par Jésus et a participé à son ministère public.

Dans le Nouveau Testament Judas est:

En cela, il représente les Juifs ayant le diable pour père (Jn 8,44).

Au Moyen-Age, les légendes ne font que noircir le tableau:

  • Voragine Légende1,315-318 Présenté comme un nouvel Œdipe, l’homme de Scarioth présenté comme le fils de Ruben et Cyborée est destiné à faire le mal, à son insu. Avant sa naissance, Cyborée rêve que son fils détruira la race juive. Pour l’éviter, elle confie le nouveau-né à l’eau dans une caisse. L’enfant accoste sur les rivages de l’île de Scariot où la reine l’adopte et l’éduque avec son fils. Cependant, un jour où il se montre plus méchant que d’habitude, elle lui révèle le mystère de son origine. Enragé, Judas tue son frère de lait et fuit à Jérusalem où il devient l’âme damnée de Pilate. Un jour où celui-ci a envie d’un fruit qu’il aperçoit dans le jardin de Ruben, Judas y fait effraction pour voler le fruit désiré. Son père survient. Judas le tue dans la rixe. Pour étouffer le scandale, Pilate donne la veuve en mariage à Judas. Le couple ne tarde pas à se rendre compte de sa parenté. Désespéré, Judas songe à se tuer, mais Cyborée lui suggère d’aller voir Jésus pour obtenir le pardon. Il se rend donc devant le maître et en devient le disciple .

La littérature colportera longtemps cette légende qui fait remonter sa méchanceté à ses parents : Judas est à la fois le traître et le héros mondain conduit au repentir, à la conversion et à la vocation. Cette légende n’a jamais été canonisée, et Jacques de Voragine prend ses distances avec elle. Mais elle a été très populaire.

8. Reflexion sur la damnation ou le salut de Juda et la misericorde de Dieu

Le personnage de Judas est susceptible de deux interprétations opposées. Son geste permet finalement de rendre grâce à Dieu pour son Messie. Mais il procure aussi la mort de ce messie. Judas dans l’évangile est peut-être un « jaloux », un « zéle » comme Pinhas ou Josué (Jos 22), un pré-zélote ; il croit que Jésus est le roi-messie, le « fils de Dieu », comme tous les rois de Juda, et doit donc être reconnu par l’institution religieuse centrale en Juda : le Temple. En livrant Jésus aux grands-prêtres, ils chercheraient surtout à provoquer une confrontation entre les deux, afin de forcer la reconnaissance formelle de Jésus comme Messie. Les choses tournent mal, pas comme il l’avait prévu. Mais sa faute permet à Pierre de rendre grâce à Dieu pour les décrets de sa providence qui tire un bien infini d’un mal circonstancié (Ac 2,39).

La mort affreuse de Judas rapproche son destin de celui d’Ahitophel qui trahit jadis un premier messie, David, type de son « fils » Jésus messie comme lui (2S 15-17 // Mt 26,14-16.47-56 ; Mc 14,10-11.43-45 ; Lc 22,3-6.47-53) :

  • 2S 15,23 comme David passe le Cédron dans le contexte de cette trahison, Jésus le traverse également (Jn 18,1) ;
  • 2S 15,31 comme David prie pour que Dieu transforme en folie la décision d’Ahitophel, Jésus prie pour que son heure passe (cf.Agonie*).
  • 2S 17,1 // Mt 26,31.34 Alors qu’Ahitophel veut surprendre David de nuit , avec douze mille hommes (2S 17,1 // Mt 26,53), pour le frapper (2S 17,2 ; même verbe pataxô en 2 Règnes 17,2 qu’en Mt 26,31) et faire fuir (2S 17,2 // Mt 26,56) ceux qui sont avec lui (2S 17,2 // Mt 26,18 etc.), l’évangile de Matthieu présente un parallèle strict de ces différentes actions de Judas à l’égard de Jésus dans le récit de la passion.
  • 2S 17,23 Enfin comme Judas, Ahitophel rentre chez lui et s’étrangle ou se pend . 

L’allusion à Ahitophel est d’autant plus claire que le verbe apagchomai n’est employé dans la Septante qu’en 2S 17,23 et Tb 3,10.

9.Son rapport ambivalent au judaïsme

Juda est à la fois témoin de l’antijudaïsme pagano-chrétien et de l’antichristianisme juif .

Le suicide de Judas marque une limite de ce qui est révélé dans l’évangile de la miséricorde divine. Cette limite est infranchissable par aucun raisonnement et suscite une réelle crainte dans le cœur du lecteur ou de l’auditeur croyant : en interdisant de penser que tout le monde est sauvé de toutes façons, cette destinée tragique laisse planer la nécessaire crainte de la damnation.

  • Dante Comédie« Enfer » 34,61-69 La croyance populaire dans la damnation de Judas est illustrée par le nom du dernier cercle de l’enfer dédié aux traîtres à leurs bienfaiteurs (Brutus, Cassius, ...), Judas, le traite de Jésus .

Cependant, certains pères de l’Eglise laissent ouverte la possibilité d’une miséricorde pour Judas à l’image du Bon* Larron repenti et admis au royaume par Jésus (Lc 23,40-43) :

Dans les représentations des Passions, très populaires, Judas est souvent identifié à Satan, sur fond de clichés anti-juifs représentant les Juifs et non les Romains en train de torturer Jésus. Mais tandis que Judas se repent, les autres Juifs vont au bout de leur forfait ! Sont ainsi mis en communication l’antijudaïsme théologique chrétien et l’antisémitisme païen jamais disparu. Rien d’étonnant que nombre de pogroms aient eu lieu dans le contexte de ces Passions. Cependant, les Toledot Yešu procèdent à un renversement des valeurs symétriques à la démonisation chrétienne de Judas : il est le juif fidèle à son peuple et agent des sages d’Israël dans leur opération de renversement de la puissance de Jésus.

L’Evangile de Barnabé, apocryphe du 15ème siècle rédigé par un juif ou par un chrétien devenu musulman a pris ainsi une place centrale dans l’apologétique musulmane selon laquelle Judas a remplacé malgré lui Jésus au moment de la crucifixion et a permis la supercherie de la résurrection :

  • Év. Barn.§ 216 « Judas fit irruption le premier dans la pièce d’où Jésus avait été enlevé et où dormaient les onze. Alors, l’admirable Dieu agit admirablement : Judas devint si semblable à Jésus par son langage et dans son visage que nous crûmes que c’était Jésus. […] Tandis qu’il parlait, la milice entra et on mit la main sur lui car il était en tout semblable à Jésus » .

Judas est donc conduit devant le grand prêtre : on comprend alors mieux le silence qu’il respecte devant l’interrogatoire qu’on lui fait passer. Puis on le fait passer devant le gouverneur.

  • Év. Barn.ib. 217 Judas avoue : « Je suis Judas Iscariote et non pas Jésus. Lui, c’est un magicien. Il m’a transformé ainsi par son artifice » (ib. § 217). Le gouverneur est ébranlé mais ne parvient pas à entamer la détermination des prêtres. Judas finit donc crucifié en criant : « Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné, car le malfaiteur a fui et moi je suis tué à tort ? ». Jésus n’est donc pas mort, et peut tranquillement réapparaître. Il n’a rien d’un fils de Dieu, il n’est pas ressuscité. Tout a été monté par une Église qui trompe.

15–26 Barabbas dans le procès de Jésus →Responsables de la mort de Jésus

24 se lava les mains Historicité Schiavone 2016, 151-153: Le geste spectaculaire de Pilate, par lequel celui-ci se déclare "innocent du sang" de l'inculpé , est une invention de Matthieu (Repères historiques et géographiques Mt 27,24) pour dédouaner le pouvoir romain et faire retomber l'entière responsabilité de la mort de Jésus sur les "grands prêtres" et les "foules" (Mt 27,20).

25 sang Qui est responsable ? La question de savoir sur qui devait retomber la responsabilité de la mort du Christ s'est vraisemblablement emparé de l'esprit des premiers disciples. Pour ceux qui avaient suivi Jésus dans son ministère, il ne pouvait s'agir que d'un crime abominable. Jésus était non seulement la figure même de l'innocent  (d'où l'appelation d'Agneau de Dieu qui lui est donnée) mais aussi le Fils de Dieu. Le livrer à une mort aussi infâmante et cruelle que la croix était le comble de l'horreur, de l'injustice et du sacrilège. Le flageller, le railler, le cracher, le comble du blasphème. Même si cette mort était annoncée dans les Écritures et venait les accomplir, elle demeurait proprement scandaleuse. Or l'atrocité d'une action incite à en rechercher l'auteur, le coupable, le responsable. Il s'agit en outre d'un enjeu crucial pour les tout premiers temps de l'Église. Comment annoncer à des Juifs et des païens qui vivaient loin de Palestine et qui n'avaient jamais vu ou entendu Jésus de Nazareth que cet homme, mort comme un esclave et comme le dernier des renégats, était vraiment le Fils de Dieu, tout-puissant, et vierge de tout péché ? Il était nécessaire de faire comprendre que sa mort relevait de la dernière injustice ; il fallait donc trouver des responsables. (Philosophie Mt 27,25→Responsables de la mort de Jésus

Texte

Critique textuelle

35b Variante TR, VL et la Sixto-Clémentine lisent « afin que s'accomplît ce qui avait été dit par le prophète : — Ils se sont partagé mes vêtements et ont tiré au sort ma tunique », une citation de Ps 22,19 (cf. Jn 19,24).

Vocabulaire

33 Golgotha ce qui veut dire lieu du Crâne Transcription et traduction Ce nom propre Golgotha est une transcription de l'araméen gulgoltha qui signifie "lieu du Crâne". Cette traduction est directement donnée par les textes :

  • En grec : kraniou topos
  • Vulgate : calvariae locus, d'où le mot calvaire.

62 la Préparation Spécification chronologique Le terme grec paraskeuê désigne :

  • soit le vendredi, jour où se faisaient les préparatifs du sabbat.
  • soit le jour avant une grande fête, (cf. Jn 19,14+).

À propos du problème de la chronologie, voir Mt 26,17+.

Repères historiques et géographiques Mt 27,6

Contexte

Repères historiques et géographiques

26,1–27,66 Les lieux de la Passion

Parcours de Jésus durant sa Passion, (numérique, Jérusalem : 2022)

M.R. Fournier © BEST AISBL, Mt 26-27 ; Mc 14-15 ; Lc 22-23 ; Jn 18-19

Le lieu du →prétoire, tribunal de Ponce Pilate, est incertain. Deux sites sont possibles : la forteresse Antonia et le Palais d'Hérode le Grand. La tradition situe le prétoire à l'Antonia mais les archéologues, aujourd'hui, le placent plutôt dans le palais d'Hérode le Grand.

Bibliographie
  • Dominique-Marie Cabaret, La topographie de la Jérusalem antique (Cahiers de la Revue Biblique 98), Peeters : 2020.
Toponymie

Esplanade du Temple, Ophel, ville haute, ville basse, palais d’Hérode le Grand, mont Sion, Cénacle, palais hasmonéen, palais de Caïphe, Golgotha, forteresse Antonia, porte dorée, jardin de Gethsémani, mont des Oliviers, colline de Bézétha, théâtre, vallée du Cédron, vallée du Tyropéon, vallée de la Géhenne, via Dolorosa.

24 se lava les mains Pilate s'est-il lavé les mains ? Schiavone 2016, 151-153: Seul l'Évangile de Matthieu mentionne le lavement des mains de Pilate. Cet épisode ne se trouve nullement dans les trois autres Évangiles. Il présente en outre quelques incohérences. 

  • Le rite du lavement des mains, pour s'exempter du sang d'une victime, est typiquement juif, défini dans Dt 21,1-9. Or Pilate est Romain. Le préfet était en fonction en Judée depuis plusieurs années au moment des évéments de la Passion, au moins 4: Pilate prend ses fonctions en 26 et la date la plus reculée retenue pour la mort du Christ est celle de l'année 30. Pilate a donc eu largement le temps de se familiariser avec la culture juive et de prendre connaissance de ce rite. Pour autant, les rapports du préfet avec la culture de ses administrés semblaient compliqués (→Ponce Pilate). Pour Schiavone 2016, Pilate n'a jamais eu connaisance de ce rite et n'a pu, par conséquent, le reproduire devant les Grands prêtres. Cependant, n'oublions pas que l'aristocratie sacerdotale était le principal, sinon le seul, interlocuteur politique du préfet. Rien ne nous permet d'exclure l'hypothèse suivant laquelle Pilate aurait eu vent de ce rite en fréquentant les grands prêtres. Le reproduire devant eux, pour témoigner de sa conviction en l'innocence de Jésus, aurait eu tout son sens !
  • Selon le rite juif, prescrit dans Dt 21,1-9, le lavement des mains intervient après la mort de la victime, et non avant. Mais ce qui était incohérent pour un Juif ne l'était pas nécessairement pour un Romain, en grande partie ignorant des pratiques liturgiques juives. Pilate pouvait avoir une vague connaissance de ce rite, sans connaître son déroulement précis.
  • Après s'être lavé les mains, Pilate aurait dû se décharger de l'affaire. Or il continue à l'instruire. Selon l'Évangile de Pierre, Pilate, après ce geste, cesse d'instruire l'enquête et remet Jésus à Hérode Antipas, qui le condamne à mort. (Littérature péritestamentaire Lc 23,11)

31c ils l’emmenèrent pour le crucifier Itinéraire ? Le →chemin emprunté par Jésus vers le Golgotha ne nous est pas connu. Entre le lieu de la condamnation et le lieu de l’exécution de Jésus, deux possibilités s’offraient :

  • si Pilate voulait la discrétion, une sortie par la porte située à l’ouest du →prétoire (peut-être la « porte des Esséniens » de Josèphe B.J. 5,145) ;
  • s’il voulait au contraire la publicité pour intimider la population, une déambulation depuis la porte orientale du palais à l’intérieur du premier mur, jusqu’à la porte de Gennath (Josèphe B.J. 5,146).

Textes anciens

26b pour qu’il fût crucifié Jésus fut crucifié sous Ponce Pilate

  • Josèphe A.J. 18,63-64 « Vers le même temps vint Jésus, homme sage, si toutefois il faut l’appeler un homme. Car il était un faiseur de miracles et le maître des hommes qui reçoivent avec joie la vérité. Et il attira à lui beaucoup de Juifs et beaucoup de Grecs. C’était le Christ. Et lorsque sur la dénonciation de nos premiers citoyens, Pilate l’eut condamné à la crucifixion, ceux qui l’avaient d’abord chéri ne cessèrent pas de le faire, car il leur apparut trois jours après ressuscité, alors que les prophètes divins avaient annoncé cela et mille autres merveilles à son sujet. Et le groupe appelé d’après lui celui des Chrétiens n’a pas encore disparu » (trad. Weill).
  • Tacite Ann. 15,44 « Mais aucun moyen humain, ni largesses princières, ni cérémonies expiatoires ne faisaient reculer la rumeur infamante d’après laquelle l’incendie avait été ordonné [par l'empereur Néron]. Aussi, pour l’anéantir, il supposa des coupables et infligea des tourments raffinés à ceux que leurs abominations faisaient détester et que la foule appelait Chrétiens. Ce nom leur vient de Christ, que, sous le principat de Tibère, le procurateur Ponce Pilate avait livré au supplice; réprimée sur le moment, cette détestable superstition perçait de nouveau, non pas seulement en Judée, où le mal avait pris naissance, mais encore dans Rome, où tout ce qu’il y a d’affreux ou de honteux dans le monde afflue et trouve une nombreuse clientèle » (trad. CUF).

27,64–28,20 Apparition et apothéose de Romulus

  • Tite-Live 1,16,6-7 « Romulus, père de notre ville, est descendu soudain du ciel, ce matin, au point du jour, et s’est offert à mes yeux ; et, comme je me tenais devant lui, plein de crainte et de respect, et lui demandais instamment la faveur de le regarder en face : ‘Va’, m’a-t-il dit, ‘et annonce aux Romains que la volonté du ciel est de faire de ma Rome la capitale du monde. Qu’ils pratiquent donc l’art militaire. Qu’ils sachent et qu’ils apprennent à leurs enfants que nulle puissance humaine ne peut résister aux armes romaines’. »

Quelques décennies plus tard, le récit d'apparition post-mortem du fondateur de Rome, relevant de la biographie « archéologique » au sens hérodotien du terme, non de l'historiographie, est amplifié, et assigné à un temoin oculaire autorisé :

  • Plutarque Rom. 28 « Pendant le tumulte que cet incident fit naître, un des premiers patriciens, généralement estimé pour sa vertu, qui avait suivi Romulus d’Albe à Rome, et avait joui de la confiance et de la familiarité de ce prince, Julius Proculus, s’avança au milieu de la place publique ; et là, en présence de tout le peuple, il jura, par ce qu’il y avait de plus sacré, qu’en revenant de l’assemblée Romulus lui avait apparu plus grand et plus beau qu’il ne l’avait jamais vu, et couvert d’armes plus brillantes que le feu ; qu’à cette vue, saisi d’étonnement, il lui avait dit : "— Ah ! prince, que vous avons-nous fait ? et pourquoi nous avez-vous quittés, en nous exposant aux accusations les plus graves et les plus injustes, en laissant toute la ville privée d’un père et plongée dans un deuil inexprimable ?" Que Romulus lui avait répondu : "— Les dieux veulent, Proculus, qu’après avoir vécu si longtemps avec les hommes, quoique fils d’un dieu, après avoir bâti une ville qui surpassera toutes les autres en puissance et en gloire, je retourne au ciel d’où je suis descendu. Adieu ; allez dire aux Romains qu’en pratiquant la tempérance, en exerçant leur courage, ils s’élèveront au plus haut point de la puissance humaine. Pour moi, sous le nom de Quirinus, je serai votre dieu tutélaire." Le caractère de Proculus, et le serment qu’il avait fait, firent ajouter foi à son témoignage. D’ailleurs l’assemblée, par une sorte d’inspiration divine, fut saisie d’un tel enthousiasme, que personne ne pensa à le contredire, et que, renonçant à leurs soupçons, ils se mirent tous à invoquer et à adorer Quirinus » (trad. Ricard).

Littérature péritestamentaire

25.63 son sang sur nous...cet imposteur Parallèle

  • T. Lévi 16,2 "... vous traiterez d'imposteur l'homme qui vient renouveler la loi du Très-Haut, vous le tuerez, recevant son sang innocent sur vos têtes."

27–31 Parallèle dans l'Évangile de Pierre La livraison du Seigneur par Hérode ne suit pas l'ordre chronologique des évangiles canoniques.

30 et lui crachant dessus ...   Cf.Littérature péritestamentaire Mt 27,27–31

  • Or. sib. 8, 287-289 ''Il tombera plus tard aux mains des criminels et des impies [...] et, de leur bouche souillée, des crachats empoisonnés.''
  • Barn. 7,8a-9  ''Crachez tous sur lui, percez-le, couronnez sa tête [...] c'est qu'ils verront, quand viendra le Jour, portant sur sa chair le manteau écarlate, et ils diront : N'est-ce pas celui que jadis nous avons crucifié après l'avoir méprisé, percé et couvert de crachats ? En vérité c'est celui qui se prétendait alors fils de Dieu.''

34 vinaigre mêlé de fiel  L'auteur de l'évangile de Pierre cite de près le Ps 68,22, reconnu par la tradition comme texte prophétique de la Passion, pour montrer son accomplissement — le mélange de fiel et de vinaigre se trouve seulement en Mt 27,34, suivant de près le Ps 68,22 : 'Ils me donnent du fiel (cholên) pour nourriture et pour ma soif ils me font boire du vinaigre (oxos)' :

35ss Parallèle Le détail de la croix 'dressée' ou 'élevée' s'inspire de Jn 12,32 : l'élévation de la croix est élévation dans la gloire du ciel. Il y a ressemblance sur ce point avec l'homélie sur la Pâque de Méliton de Sardes  cf.Tradition chrétienne Jn 19,19. Pour le texte de l'inscription, contrairement aux évangiles canoniques, le texte donne : 'celui-ci est le roi d'Israël', titre éminemment divin et messianique. Le titre 'roi d'Israël' se trouve en Mt 27,42

39.41.43

L'humilité du Seigneur, notre modèle

Clément met sur les lèvres du Christ les paroles du Ps 21 citées en Mt :

  • Clément de Rome  Ep. 16,15-16 ''Et lui-même dit encore: 'Quant à moi, je suis un ver de terre [...] tous ceux qui m'ont vu se sont raillés de moi, ils ont ironisé des lèvres, ils ont secoué la tête: Il a espéré dans le Seigneur, que le Seigneur le délivre, qu'il le sauve, puisqu'il tient à lui'. Vous voyez, bien-aimés, quel est le modèle qui nous a été donné ! Si le Seigneur s'est ainsi humilié, que devons-nous faire, nous qui sommes venus par lui sous le joug de sa grâce ?''

45 Parallèle

46 Ce verset de l'évangile apocryphe de Pierre pose plusieurs problèmes quand on le compare avec les évangiles canoniques. La citation du Ps 21,2 est très différente : Dieu est remplacé par force — l'intention de l'auteur est de montrer que le Seigneur n'est pas abandonné de Dieu — et le cri n'est plus une question mais un constat : 'tu m'as abandonné!' Ensuite, l'expression 'il fut élevé' ou 'il fut enlevé'

  • Ev. P. 19 ''Et le Seigneur cria en disant : 'Ô ma force, ô force, tu m’as abandonné (cfPs 21,2Mt 27,46; Mc 15,34) !' Et après avoir parlé, il fut élevé."

48 Parallèle  Accomplissement de la prophétie du Ps 68,22 :

  • Barn. 7,3.5 "Mais, de plus, sur la croix on lui donna à boire du vinaigre et du fiel. ... Pourquoi cela? Parce que vous me ferez boire du fiel avec du vinaigre, à moi qui offrirai ma chair pour les péchés..."

51–54 Parallèle L'évangile de Pierre souligne que c'est 'au moment même' où survient l'élévation du Seigneur que le voile du Temple se déchire. L'extraction des clous des mains du Seigneur montre la réalité du corps du Christ,un passage qui n'est pas docète. L'allusion aux seuls clous des mains indique une proximité avec l'évangile de Jn. Chez les synoptiques, la neuvième heure marque la fin des ténèbres, tandis que pour Ev. P. c'est le moment où le soleil commence à resplendir :

  • Ev. P. 20-23 "Et au même instant, le voile du Temple de Jérusalem se déchira en deux (Mt 27,51; Mc 15,38; Lc 23,45). Et alors ils retirèrent les clous des mains du Seigneur et le déposèrent à terre. Et toute la terre trembla et il y eut une grande terreur (Mt 27,51.54). Alors le soleil resplendit et il se trouva [que c’était] la neuvième heure (Mt 27,45s; Mc 15,34; Lc 23,45); les Juifs se réjouirent."

57–60 Parallèle L'auteur de l'évangile de Pierre 3-5 anticipe l'épisode de Joseph d'Arimathie et ajoute des détails inconnus des évangiles canoniques :

62–66 Parallèle

  • Ev. P. 28-33 "Les scribes, les Pharisiens et les anciens (Mt 28,12) se réunirent entre eux, ayant entendu dire que tout le peuple murmurait et se frappait la poitrine (Lc 23,48) en disant : 'Si ces signes merveilleux se sont produits au moment de sa mort, voyez combien il est juste (Mt 27,19; Lc 23,47)!' Les anciens furent épouvantés et ils allèrent vers Pilate (Mt 27,63), le priant en ces termes : 'Donne-nous des soldats poursurveiller sa tombe pendant trois jours (cf. Mt 27,64), afin que ses disciples ne l'enlèvent pas et que le peuple ne croie pas qu’il est ressuscité d'entre les morts et nous fasse du mal (Mt 27,64.28,13).' Et Pilate leur donna le centurion Petronius avec des soldats pour garder le sépulcre (Mt 27,65-66) ; et les anciens et les scribes allèrent avec eux au tombeau. Et ayant roulé une grande pierre (Mt 27,60; Mc 15,46.16,4), le centurion, les soldats et tous ceux qui étaient là la placèrent à la porte du sépulcre. Et ils apposèrent sept sceaux, et, ayant dressé là une tente, ils montèrent la garde (Mt 27,66)."

 

63 cet imposteur Parallèle

  • T. Lévi 16,2 "... vous traiterez d'imposteur l'homme qui vient renouveler la loi du Très-Haut, vous le tuerez, recevant son sang innocent sur vos têtes."

65 Parallèle Comme dans l'Évangile de Pierre (cf.Littérature péritestamentaire Mt 27,62–66), Pilate donne aux Juifs des hommes d'armes. Le tombeau de Jésus situé dans une cavité naturelle contredit Mt : 

  • Ev. Naz. Codex 1424 ''L'Évangile judaïque : Et Pilate leur donna des hommes d'armes, pour qu'ils demeurent en faction devant la caverne et la surveillent jour et nuit.''

Réception

Liturgie

21–52 Le voile du Temple fut déchiré

« Velum templi scissum est » Répons

Traditionnel, Ténèbres du Golgotha - 1° Nocturne: Répons " velum templi", (cd, 2005)

Dom Jean Claire, Choeur Des Moines de L'Abbaye De Solesme, Ténèbres, Abbaye de Solesmes

© Abbaye de Solesmes→, Mt 27,21-52

24ss PARALITURGIE Première station du chemin de croix 

CONTEMPLATION Jésus est condamné par Pilate.

Jerzy Duda-Gracz (1941-2004), 1 : Jésus devant Pilate, (huile sur toile, 2000-2001), Chemin de croix, 185 x 117 cm

ex voto de l'artiste, narthex, galerie haute du sanctuaire de l'icône miraculeuse, Sanctuaire de Czestochowa, Jasna Gora (Pologne)

© D.R. Jerzy Duda-Gracz Estate→ ; photo : J.-M. N., Mt 27,24-26 ; Mc 15,15 ; Lc 23,24-25 ; Jn 19,16

Il est devant Pilate, mais il a le dos tourné à Pilate. Car la sentence vient d’être prononcée. Pilate, qui est représenté non pas en ecclésiastique comme on pourrait le croire, mais comme un juge. Un juge qui est aveugle : ce qu’il porte sur les yeux n’est pas le signe du bandeau de la justice dans son impartialité, il est vraiment aveugle, il a une canne blanche. Et l’actualité de l’événement du Christ est associée à l’actualité des hommes qui cherchent, à travers celui qui a entre ses mains un micro et qui regarde le Christ s’en aller vers la Passion, mis en scène, sous les projecteurs, sous les perches des micros, l’actualité de ceux qui cherchent la vérité. Mais « qu’est-ce que la vérité ? ». Face à la question de Pilate, la représentation met en scène des hommes et des femmes. Au plan stylistique, vous verrez : des visages ressemblent à des têtes inspirées du folklore populaire polonais, de ces têtes d’argile, de ces marionnettes polonaises. Mais prenons conscience qu’à côté de cette canne, il y a un homme à genoux et une jeune fille. Entre le Christ et cet homme dont le cierge est éteint, il y a cet agneau pascal qui est couché, et des femmes : une femme qui médite devant ce qu’elle vend, simplement deux écuelles de soupe ; et sous les projecteurs de l’actualité, le Christ s’en va, les yeux fermés, car la vérité ne saurait se dire, la vérité réellement va s’éprouver dans le don de cet homme-Dieu. (J.-M. N.)

26–35 Protège Seigneur

« Protege Domine »

Traditionnel, Offertoire - Protege Domine

Chœur des moines de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux

© Abbaye du Barroux→, Jn 19,17s Lc 23,26.33 Mc 15,21-24 Mt 27,26-35

Offertoire chanté pour la fête de l'Exaltation de la Sainte Croix le 14 septembre.

31 PARALITURGIE Adaptation au chemin de croix

CONTEMPLATION Deuxième station : Jésus chargé de sa croix

Jerzy Duda-Gracz (1941-2004), 2 — Jésus est chargé de sa croix, (huile sur toile, 2000-2001),185 x 117 cm

 Chemin de croix ex voto de l'artiste, narthex, galerie haute du sanctuaire de l'icône miraculeuse, Sanctuaire de Czestochowa, Jasna Gora (Pologne)

© D.R. Jerzy Duda-Gracz Estate→ ; photo : J.-M. N., Is 53,4-7 ; Mt 27,31 ; Mc 15,20 ; Jn 19,17

« Voici l’Homme ! » Voici une foule, cette foule que l’on remarque derrière la croix, cette croix qui semble être le sceptre dérisoire de sa royauté, mais dans les yeux levés et en cette couronne d’épines, il y a vraiment un roi qui va s’acheminer sur l’unique trône de la vie, qui est celui de cette présentation, de cette mort. Oui, le Christ dénudé, presque squelettique, va s’avancer. Derrière lui, sur la gauche, il y a les deux larrons, l’un est habillé en prisonnier, l’autre avec le vêtement que l’on donnait dans les camps de concentration. Il y a quelqu’un qui est en fauteuil roulant ; mais regardez bien tout au fond, ces cannes : tous ces estropiés de la vie sont représentés. Dans ce Chemin de croix, on reconnaît effectivement un style que l’on pourrait qualifier d’expressionniste, mais c’est un expressionisme inspiré, c’est un expressionisme associé à la vie : un homme, un ouvrier, avec son débardeur, porte une croix autour du cou ; mais regardez bien cette femme, sur la droite : elle vend des chapelets. Pour vivre donc ce Chemin de croix, il y a véritablement ce don, cette présence, cet accompagnement de la prière des pauvres, mais cette prière si riche de la vie des êtres qui égrènent le temps des hommes et des femmes, qui égrènent le temps de ceux et de celles qui ne savent plus comment prier ni pour qui prier. (J.-M. N.)

32 PARALITURGIE Chemin de croix : cinquième station

CONTEMPLATION Jésus rencontre Simon de Cyrène

Jerzy Duda-Gracz (1941-2004), 5 — Simon de Cyrène, (huile sur toile, 2000-2001), 185 x 117 cm

Chemin de croix ex voto de l'artiste, narthex, galerie haute du sanctuaire de l'icône miraculeuse, Sanctuaire de Czestochowa, Jasna Gora (Pologne)

© D.R. Jerzy Duda-Gracz Estate→ ; photo : J.-M. N.,  Mt 27,32 ; Mc 15,21 ; Lc 23,26 ; Jn 19,16

Jésus en son chemin passe par des espaces nouveaux, dans des villages, et ici un jour de mariage. Un mariage à la polonaise : tout à fait au fond, on voit une église, un couple de jeunes mariés : Il passe dans la vie, Il passe aussi dans la joie. Simon de Cyrène est issu du peuple. Il a une moustache, il a les cheveux blancs. Il y a des gens qui travaillent. Il y a même un violon, un violoniste qui joue ! Mais, pour quelques instants, la fête semble s’arrêter ; parce qu’il n’y a peut-être pas d’amour sans Passion, il n’y a pas de vie sans la réalité de ceux qui œuvrent, de cet homme au fond sur la gauche avec un béret, de cette petite fête de village, parmi les paysans qui sont endimanchés. Il y a en cette croix le bouquet de la mariée, et devant, tout à fait devant, au pied de Simon de Cyrène, une bouteille vide et un verre. Et à droite, il y a du pain, ce pain jeté à terre, ce pain Corps du Christ, ce sac de blé, de farine : le pain de la fraction, le pain du sacrifice, ce Pain qui avance, ce Pain de Vie qui au levain de la foi va donner la Vie. (J.-M. N.)

35s PARALITURGIE Chemin de croix : dixième station

CONTEMPLATION

Jerzy Duda-Gracz (1941-2004), 10 — Jésus est dépouillé de ses vêtements, (huile sur toile, 2000-2001), 185 x 117 cm

Chemin de croix ex voto de l'artiste, narthex, galerie haute du sanctuaire de l'icône miraculeuse, Sanctuaire de Czestochowa, Jasna Gora (Pologne)

© D.R. Jerzy Duda-Gracz Estate→ ; photo : J.-M. N. , Ph 2,5-11 ; Mt 27,35-36 ; Mc 15,24 ; Lc 23,34 ; Jn 19,23-24

Une station absolument remarquable, qui remet dans un sens véritable l’adoration du Saint Sacrement : Jésus est dépouillé de ses vêtements, totalement. Le corps du Christ est associé au dépouillement total, de toute vie. Le Christ, lorsqu’il a été crucifié, était totalement nu. C’est la pudeur qui l’a fait représenter à travers les âges, avec ce qu’on appelle le perizonium, le pagne. Mais tous ceux qui étaient crucifiés étaient totalement nus. Il n’était pas question de pudeur. Cette nudité veut dire qu’il porte toutes les nudités des hommes, il porte toute la réalité de notre humanité. S’il est corps, il est corps dénudé, c’est-à-dire il est corps enfanté, il est corps de Dieu : un corps qui se présente à nous. Et le rapport entre l’hostie, le corps blanc, de cet ostensoir doré, ce qui est vénéré à travers le Corps du Christ, c’est sa Passion et le don de sa vie. De ce corps qui fut bafoué, au coeur de cette Fête-Dieu représentée sous le dais, l’artiste a associé à la fois la Passion et le Corps glorieux. Le Corps de Lumière, ce rayonnement qui préfigure déjà la résurrection, le soleil du petit matin du corps nu enseveli dans le tombeau. C’est le corps dénudé où s’accomplit l’enfantement de toute l’humanité ; c’est le corps dénudé du Christ. Comme le disait le cardinal Wojtyla devant le pape Paul VI lors de la retraite de 1976, « le Corps du Christ révèle la souffrance, il nous met face à nos douleurs et à nos souffrances pour participer pleinement et totalement à sa résurrection ». Effectivement, Jésus passe dans les processions de la Pologne, au milieu de ces bannières, pour qu’on n’oublie pas Celui qui a donné sa vie. (J.-M. N.)

35 L'ayant crucifié PARALITURGIE reliques de la passion : les saints Clous

Art populaire du 19s.

Art populaire, Clou forgé à l'identique de celui de la Basilique Sainte Croix de Jérusalem à Rome (1855), 30,9 x 35 x 7,5 cm

© Photo : Trésors de ferveur→

Art populaire, Clou forgé à l'identique de celui de la Basilique Sainte Croix de Jérusalem à Rome (1876), 28 x 33,5 x 6,8 cm

© Photo : Trésors de ferveur→

→Reliques de la passion

35 PARALITURGIE Chemin de croix : onzième station

CONTEMPLATION Jésus cloué sur la croix

Jerzy Duda-Gracz (1941-2004), 11 — Jésus est cloué à la croix, (huile sur toile, 2000-2001), 185 x 117 cm

Chemin de croix ex voto de l'artiste, narthex, galerie haute du sanctuaire de l'icône miraculeuse, Sanctuaire de Czestochowa, Jasna Gora (Pologne)

© D.R. Jerzy Duda-Gracz Estate→ ; photo : J.-M. N.,  Mt 27,35 ; Mc 15,23 ; Lc 23,33 ; Jn 19,18

 Ici, c’est l’histoire de la Pologne durant la guerre et à travers ses martyrs : Jésus est cloué à la croix. Il manque les bourreaux. On a l’impression que le Christ lui-même se fixe sur cette croix ; il est cloué par la souffrance humaine et par le martyre des victimes ; il est cloué lorsque des êtres sont morts pour la Pologne, pour la patrie et pour la liberté. Il meurt avec ceux qui meurent, il meurt avec ceux qui sont en camp de concentration. Leur souvenir est le symbole de la voie polonaise conduisant à notre résurrection.

Derrière, au fond, on voit de face un wagon, représentant les trains de la mort ; on voit également ce qui n’est pas un cercueil mais le coffre d’une voiture, avec la plaque, à côté du cardinal Wyszynski, cet homme de haute stature.

C’est le coffre d’une voiture dans lequel se trouvait un prêtre, le P. Popieluszko. Ce prêtre a été assassiné en 1984, on s’en souvient tous. Il était l’Aumônier de Solidarnosc. Il est cette figure emblématique de la lutte pour la liberté et contre le régime communiste. Il avait été l’objet de plusieurs attentats ; un jour, on a fini par l’enlever dans le coffre d’une voiture, on a voulu lui donner une sévère leçon et il en est mort, et on l’a trouvé dans un réservoir de la Vistule quelques jours plus tard. Il a été béatifié par le pape Benoît XVI le 6 juin 2010. Nous avons d’autres personnages, pour dire la vérité de cette Passion : au centre, sous la croix où l’on voit toujours les rubans de la Pologne, blanc et rouge, il y a un homme qui s’avance vers son exécution. Mais un autre homme va prendre sa place.

Cet homme avec le vêtement des déportés, c’est le P. Maximilien Kolbe, ce franciscain conventuel qui a voué sa vie tout entière à la Vierge, à l’Immaculée Conception. Cet homme qui a traversé le monde et qui a créé des journaux, cet homme qui a donné sa vie pour un père de famille. L’histoire est encore plus forte : dans le camp de concentration d’Auschwitz, un homme s’est évadé, et il fallait des exécutions en représailles « dissuasives ». Une quinzaine allaient être exécutés et le P. Maximilien Kolbe s’est présenté, a négocié pour qu’on l’exécute à la place du père de famille, ce qui a été fait. Quand il était enfant, il avait eu la vision de la Vierge Marie qui, dit-il, lui aurait présenté deux couronnes : une blanche et une rouge. Encore les couleurs de la Pologne ! Mais en l’occurrence, la blancheur c’était la consécration de sa vie, le rouge c’était le martyre. Il a pris les deux ! Et cet homme qui avait voué sa vie à la Vierge a été exécuté le 14 août, et on l’a mis dans le four crématoire le 15 août ! Continuons dans ce chemin de l’horreur. Ils ne sont pas seuls, il y a tous ces êtres anonymes qui sont associés.

On a également le cardinal Wyszynski, cet homme qui a fait pape Jean-Paul II ! Alors que celui-ci voulait s’appeler Stanislas, le cardinal Wyszynski lui a dit : « Un pape polonais, c’est beaucoup. Stanislas, cela relève de la provocation ! ». Cet homme qui était lié d’une profonde amitié avec Jean-Paul II et qui plus d’une fois lui a dit « Arrêtez, n’en faites pas trop, pas trop vite ! », cet homme avait été emprisonné de 1953 à 1956 ; et dès qu’on a annoncé au pape Pie XII qu’il avait été emprisonné dans un camp pour lui remettre les idées en place, le pape l’a fait cardinal. Politiquement, c’était très fort car cela voulait dire que le gouvernement avait enfermé un « prince de l’Église » : attention au sens de « prince de l’Église », cela veut dire qu’il est un serviteur qui ira jusqu’au martyre, c’est pourquoi les cardinaux sont vêtus de rouge, ils doivent donner leur vie jusqu’au martyre. Le Christ ici a les yeux ouverts, c’est un état de conscience de ce qui se passe à travers les âges, au cœur de la vie. Au cœur de ces hommes et au cœur de ces femmes, de cette Présentation, de cette vieille femme sur la gauche, numérotée. Tous ceux et celles que l’on voit, ce n’est plus une procession, c’est la marche d’un massacre, au cœur des camps, au cœur de la Pologne. (J.-M. N.)

45–50 PARALITURGIE Chemin de croix : douzième station

CONTEMPLATION Jésus et les ténèbres autour de la croix jusqu'à la fin du monde

Jerzy Duda-Gracz (1941-2004), 12 — Jésus meurt sur la croix, entouré de trente saints polonais, (huile sur toile, 2000-2001), 185 x 234 cm

Chemin de croix ex voto de l'artiste, narthex, galerie haute du sanctuaire de l'icône miraculeuse, Sanctuaire de Czestochowa, Jasna Gora (Pologne)

© D.R. Jerzy Duda-Gracz Estate→ ; photo : J.-M. N., Mt 27,45-50 ; Mc 15,33-39 ; Lc 23,44-48 ; Jn 19,25-30

Jésus meurt sur la croix : il est étendu sur la croix, et il est étendu sur la Pologne ; sur toute l’histoire de la Pologne. Ce qui va des premiers martyrs jusqu’à Jean-Paul II. L’artiste meurt en 2004 ; Jean-Paul II est mort en 2005. Et lorsqu’on voit Jean-Paul II au pied de la croix, ce n’est pas simplement un portrait de Jean-Paul II, c’est le portrait de l’Eglise ; et la multitude de croix, ce foisonnement de croix au fond, manifeste que tous ceux qui sont saints et tous ceux qui sont baptisés portent la croix. Et toujours Marie au pied de la croix : l’icône de Notre Dame de Czestochowa. Il y a une intelligence de cette présence, de cette vie et de ce Christ dont le sang coule toujours sur ce peuple ; et ce peuple a aussi, avec d’autres, versé son sang pour la patrie. C’est donc effectivement le Golgotha de Jasna Gora, le Golgotha du sanctuaire de la Pologne. Comme disait Jean-Paul II, Jasna Gora, le sanctuaire, c’est le lieu de la liberté des Polonais. Tout est mêlé, associé : on voit Saint Venceslas, on voit la multitude des saints et des saintes, des ermites, des pasteurs, des prêtres, des fidèles qui sont là, tout le peuple est en marche parce qu’une nation n’existe qu’à travers et que par son histoire. Et Marie dans sa fidélité associe cette présence, où l’Emmanuel qu’elle porte, cet enfant Jésus, prouve sa révélation dans la croix. (J.-M. N.)

52s ICONOGRAPHIE Anastasis et Descente aux enfers  L’icône orientale la plus fréquente montre :

  • Au centre, revêtu de vêtements d’or (ou blancs comme la neige), le Fils de Dieu retrouvant sa créature perdue. Souvent le tissu volette sur ses épaules : le sens du mouvement, de la descente, est ainsi rendu.
  • Le Christ porte un rouleau en main gauche : c’est le « chirographe » du péché, affreuse lettre de change souscrite par nos deux premiers aïeux, donnant le sens de la prédication de la Bonne Nouvelle chez les morts. Le rouleau est parfois déployé, déchiré en son centre.
  • Sous les pieds du Christ figurent les portes arrachées aux enfers et les âmes blanches des justes, qui attendent dans l’ombre. Les enfers s’ouvrent comme une caverne noire, obscure. Les cimes des montagnes soulignent la profondeur de l’anfractuosité, les abysses.
  • Aux côtés du Christ, au premier plan, se trouvent Adam et Ève. Ève est vêtue de rouge, symbole de la chair, de l’humanité (elle est la mère des vivants : Gn 3,20) et a les mains couvertes en signe d’adoration.
  • Derrière Adam et Ève s’alignent des rangées de justes, certains reconnaissables : David (barbu) et son fils Salomon (en habits royaux) ; Jean-Baptiste et Daniel avec leur coiffure caractéristique ; Moïse avec les tables de la Loi en mains, Isaïe et les autres prophètes.

L’histoire connaît quelques variantes, p. ex.

  • le Christ — le rouleau entre les mains, sans la croix (ou avec la croix sur l’épaule plus ou moins soutenue par des anges) — prenant la main d’Adam (et d’Ève), placés latéralement ou symétriquement à sa droite et à sa gauche ;
  • la représentation du monde infernal plus ou moins peuplée ou scénographiquement plus pittoresque.

Andreï Roublev, La descente aux Enfers ou Descente aux Limbes, (tempera sur tilleul, 1408-1410)

Galerie Tretiakov, Russie

©Wikicommons→

Une très vieille homélie anonyme de la vigile de Pâques décrit cette descente du Christ aux enfers :

  • Pseudo-Épiphane de Salamine, Homélie pour le Samedi Saint (PG 43, 444-464) « Adam, en tant que premier père et premier créé de tous les hommes, et en tant que premier mortel, lui qui avait été tenu captif plus profondément que tous les autres, et avec le plus grand soin, il entendit le premier le bruit des pas du Seigneur, qui venait vers les prisonniers. Et il reconnut la voix de celui qui cheminait dans la prison, et, s’adressant à tous ceux qui étaient enchaînés avec lui depuis le commencement du monde, il parla : — J’entends les pas de quelqu’un qui vient vers nous ! Et pendant qu’il parlait, le Seigneur entra, tenant les armes victorieuses de la croix. […] Et lui ayant saisi la main, il lui dit : — Tiens-toi debout, toi qui dormais, lève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera. Je suis ton Dieu et, à cause de toi, je suis devenu ton Fils. Lèves-toi, toi qui dormais car je ne t’ai pas créé pour que tu séjournes ici enchaîné dans l’enfer. Surgis d’entre les morts, je suis la Vie des morts. Lève-toi, toi l’œuvre de mes mains, toi, mon effigie, qui a été faite à mon image […] Regarde sur mon visage les crachats que j’ai reçus pour toi, afin de te replacer dans l’antique paradis. Regarde sur mes joues la trace des soufflets que j’ai subis pour rétablir en mon image ta beauté détruite. Regarde mes mains qui ont été solidement clouées au bois, à cause de toi, qui autrefois a mal étendu tes mains vers le bois. […] Lève-toi et partons d’ici, de la mort à la vie, des ténèbres à la lumière éternelle. Levez-vous et partons d’ici et allons de la douleur à la joie, des chaînes à la liberté, de la captivité aux délices du paradis, de la terre au ciel. Mon Père céleste attend la brebis perdue, un trône de chérubin est prêt, les porteurs sont debout et attendent, la salle des noces est préparée. Les trésors de tout bien sont ouverts, le royaume des cieux qui existait avant tout les siècles vous attend » (trad. tirée de H. Urs von Balthasar, Dieu et l’homme d’aujourd’hui, Foi Vivante 16, Paris : Cerf, 1966, 258-262).
Dans le monde byzantino-slave

On trouve des représentations épisodiques : le Christ bondit hors du sépulcre ; il descend aux enfers et entraîne les justes vers le paradis, précédés par le bon larron. Il apparaît à Pierre et aux autres apôtres sur la mer de Galilée.

57ss PARALITURGIE Chemin de croix : treizième station, Jésus est descendu de la croix

CONTEMPLATION Une actualisation polonaise

Jerzy Duda-Gracz (1941-2004), 13 — Jésus est descendu de la croix, (huile sur toile, 2000-2001), 185 x 117 cm

Chemin de croix ex voto de l'artiste, narthex, galerie haute du sanctuaire de l'icône miraculeuse, Sanctuaire de Czestochowa, Jasna Gora (Pologne)

© D.R. Jerzy Duda-Gracz Estate→ ; photo : J.-M. N., Ga 4,4-5 ; Mt 27,57-59 ; Mc 15,42-45 ; Lc 23,50-53 ; Jn 19,38-42

Il y a là une idée spirituelle de génie, où l'on retrouve l’icône de Notre-Dame de Czestochowa : c’est le thème de la Pietà, c’est à-dire la descente de croix, où Marie porte le Christ soutenu sous les aisselles par une main qui sort de l’icône : Marie donne cette main, alors que de cette main elle montrait l’enfant Jésus, pour révéler que cet Emmanuel, c’est Dieu au milieu de ce peuple. Et la tête du Christ mort est à la place de l’enfant, avec son auréole ! Un ermite blanc, tonsuré, soutient l’icône : le sanctuaire de Czestochowa est confié à un ordre religieux, les Paulins, et c’est l’habit de chœur des Paulins. Et l’on voit des soldats, derrière, et aussi un soldat à genoux, avec le sabre dans son dos : il risque d’être exécuté… Mais il y a des soldats qui ressemblent à des cadavres, des soldats morts, exécutés.

Le Christ regarde, il porte tout cela, il porte à la fois ceux qui exécutent et ceux qui meurent. C’est bien pour cela que lorsqu’on prie pour les victimes, il faut aussi prier pour les bourreaux, pour leur conversion. La main tendue de cette Mère qui présente le Christ est prière, et lorsqu’on prie Notre Dame de Czestochowa, on prie à travers et par tout ce chemin de croix.

Ainsi les choses s’accomplissent, ainsi la vie se révèle, ainsi tout se dit : Marie est là, Marie est présente, mais ce n’est pas que Marie, c’est Marie mère de Dieu et mère de l’Église, et c’est l’Église qui porte le Christ souffrant, pour porter toute souffrance. (J.-M. N.)

60s PARALITURGIE Chemin de croix : quatorzième station, Jésus est mis au tombeau

CONTEMPLATION Une actualisation polonaise

Jerzy Duda-Gracz (1941-2004), 14 — Le Christ au tombeau, (huile sur toile, 2000-2001), 185 x 117 cm

Chemin de croix ex voto de l'artiste, narthex, galerie haute du sanctuaire de l'icône miraculeuse, Sanctuaire de Czestochowa, Jasna Gora (Pologne)

© D.R. Jerzy Duda-Gracz Estate→ ; photo : J.-M. N., Jn 19,41-42 ; Mt 27,57-61 ; Mc 15,46-47 ; Lc 23,50-56

Le Christ au tombeau : dans quel tombeau ? Il est dans le tombeau des camps de concentration. On y voit les fils barbelés ; on y voit les livres qui ont été brûlés, des livres où l’on a voulu effacer la mémoire de la vie. Des cierges entourent Celui qui est au tombeau, enfoui dans l’horreur de cette humanité. Dans ce fatras de piliers qui encerclaient les hommes à l’intérieur des camps et dont plusieurs ont la forme de croix, tout s’écroule, mais aussi tout se libère. Car c’est bien dans le tombeau que tout se libère. Aujourd’hui au cimetière polonais d’Oswiecim, c’est la montagne des croix profanes : on voit une montagne où sont plantées une succession de croix, de croix qui disent la vie des êtres, de communautés, l’histoire de ceux et de celles qui ont combattu pour la liberté, des croix que l’on dépose encore. Les croix de la mémoire qui ne sont pas simplement un enfouissement au cœur de la mort, parce que si on regarde une croix, c’est parce qu’on a foi en la résurrection : on ne croit pas en un Dieu mort mais en un Dieu vivant ! Ce troisième jour, « ô mort, où est ta victoire ? » ; « En mourant il a détruit notre mort et en ressuscitant il nous a redonné la vie ». (J.-M. N.)

66 Principes sacerdotum

Antienne et Cantique "Principes" Magnificat

Ténèbres au tombeau - Vêpres: Antienne et Cantique "Principes" Magnificat, (CD, 2005)

Dom Jean Claire, Choeur Des Moines de L'Abbaye De Solesmes

© Abbaye de Solesmes→, Mt 27,66

Tradition chrétienne

1–66 La mort de Jésus. Clamans voce magna : inscriptions médiévales.

15e siècle : 

  • Vers 1400 : Allemagne, Lüneburg, Kloster Ebstorf, vitrail : "jhesus pendens in cruce tradidit spiritum" DI 76, n° 27, 87.
  • Vers 1425 : Allemagne, Osnabrück, cathédrale, croix : "clamans voce magna emisit spiritum"  DI 26, n° 36, 45.
  • 4e quart du 15e s. :  Allemagne, Hanovre Musée Auguste Kostner, antependium : "Jhesus clamans voce magna emisit spiritum" DI 76, n° 62, 142.

2.26.29.34

  • Méliton de Sardes  Pascha 79,575 ''Car, ayant donné et le fouet à son corps et les épines à sa tête (cf. Mt 27,26.29; Jn 19,2), tu lias encore ses bonnes mains (cf. Mt 27,2) qui te formèrent à partir de la terre, et tu abreuvas de fiel (cf. Mt 27,34) sa bonne bouche, celle qui t'avait nourri de la vie, et tu mis à mort le Seigneur le jour de la Grande Fête.''

2–5 et l'ayant entravé,  ils l'emmenèrent... alors Judas ... poussé par le remords... Le repentir de Judas

Origène étudie le 'repentir' de Judas

Le repentir ou mieux le remords de Judas donna prise au diable :

  • Origène  Comm. Jn  32, 241-245  ''[...] c'est en effet, parce que des résidus de bonnes intentions subsistaient en lui, que, voyant Jésus condamné, lorsque 'l'ayant entravé, ils l'emmenèrent et le livrèrent à Pilate le gouverneur' (Mt 27,2), Judas, 'poussé par le remords, vint et rapporta les trente pièces d'argent aux grands prêtres et aux anciens en disant : J'ai péché en livrant un sang innoncent' (Mt 27,2-3) c'est alors que, à la suite de leur réponse : 'Que nous importe ? À toi de voir' (Mt 27,4), l'avare Judas, 'ayant jeté les pièces d'argent dans le temple et s'étant retiré il se pendit' (Mt 27,5), sans attendre de voir le dénouement du procès de Jésus devant Pilate. Son remords ne fut pas pur de tout péché, ni sa perversité sans mélange de quelque bien. Car si son remords avait été pur, à l'imitation du brigand qui dit : 'Souviens-toi de moi, Jésus, quand tu viendras dans ton règne' (Lc 23,42), il aurait fait, en s'approchant du Sauveur, ce qui dépendait de lui afin d'en obtenir le pardon pour la trahison déjà perpétrée. Si, d'autre part, il avait banni de son âme toute notion de bien, il n'aurait pas eu de remords en voyant Jésus condamné, il aurait, au contraire, renchéri sur sa trahison par des accusations du même genre ; mais il aurait aussi joui en avare des trente pièces d'argent qu'il avait reçues [...] il n'aurait pas songé à repousser cet argent, ne l'aurait pas restitué aux grands prêtres et aux anciens et n'aurait pas confessé devant eux : 'J'ai péché en livrant un sang juste (Mt 27,4), par quoi il s'accusait lui-même et faisait l'éloge du Maître. Quant à se pendre, nul autre ne l'y poussa, si ce n'est celui qui avait jeté en son coeur le dessein de livrer (cf. Jn 13,2) le Sauveur : dans ces deux occasions, il donna prise au diable (cf. Ep 4,27).''

Judas, tiraillé par des sentiments opposés :

  • Origène  Cels. 2,11  ''Judas était tiraillé par des jugements opposés et contradictoires, il ne mit pas toute son âme à être hostile à Jésus, ni toute son âme à garder le respect d'un disciple envers son maître. [...] dans sa détermination, Judas, avec l'avarice et la décision perverse de livrer son maître, avait dans son âme quelque chose de mêlé, suscité en lui par les paroles de Jésus, et qui ressemblait, pour ainsi dire, à un reste de bonté ? Car il est écrit : Alors Judas qui l'avait livré, voyant qu'il était condamné, poussé par le remords, rapporta les trente pièces d'argent aux grands prêtres et aux anciens, disant : J'ai péché en livrant un sang juste. Ils dirent : Que nous importe  ? À toi de voir. Jetant alors les pièces d'argent dans le temple, il se retira et s'en alla se pendre (Mt 27,3-5) [...] il est clair que les enseignement de Jésus avaient pu susciter en lui quelque remords, et que le traître ne les avait pas totalement méprisés et rejetés.''

2 le livrèrent à Ponce Pilate

  • Const. ap.  5,14,10  ''... ils le livrèrent à Pilate, le gouverneur romain (Mt 27,2), en lançant contre lui de nombreuses et graves accusations...''

2b le livrèrent à Ponce Pilate le gouverneur Pourquoi ?

3–7 Judas ... poussé par le remords...

  • Irénée de Lyon  Epid.. 81 ''... Judas, qui était au nombre des disciples du Christ, ayant conclu un pacte avec les Juifs [...] et ayant reçu d'eux trente statères du pays, leur livra le Christ (cf. Mt 26,14-16); puis, saisi de remords de ce qu'il avait fait, il rapporta l'argent aux chefs des Juifs et alla se pendre; mais eux, estimant qu'il n'était pas permis de mettre cet argent dans leur trésor, puisque c'était le prix du sang, en achetèrent le champ d'un potier pour servir à la sépulture des étrangers (Mt 27,3-7).''

3s poussé par le remords... j'ai livré un sang innocent.

  • Épiphane de Salamine  Haer. 38,7 "Comment donc celui qui avait pensé accomplir une œuvre bonne, finalement dit : 'Je suis pris de remords, ayant livré un sang innocent', et il rapporta les pièces d’argent. (cf. Mt 27,3s)"

4s j'ai péché en livrant un sang juste... il alla se pendre Cf. Tradition chrétienne Jn 13,30 Or il était nuit Symbole de la nuit

9s Ils ont pris les trente pièces d'argent...  Accomplissement des prophéties

  • Irénée de Lyon  Epid. 81 '' Le prophète Jérémie dit encore : 'Et ils ont pris les trente pièces d'argent, prix de Celui qui a été mis à prix, de Celui qu'ont mis à prix les fils d'Israël, et ils les ont données pour le champ du potier, selon que me l'avait commandé le Seigneur' (Mt 27,9s). En effet, Judas, qui était au nombre des disciples du Christ, ayant conclu un pacte avec les Juifs – car il voyait qu'ils voulaient le mettre à mort [...]''

La citation de Jérémie qui est en fait une citation libre de Za 11,11s combiné avec des éléments de Jérémie, est une reproduction du texte de Matthieu abrégé :

  • Tertullien  Marc.  4,40,2  ''... celui qui accomplissait les prophéties. Il est en effet écrit : En échange du fait qu'ils ont vendu le juste (Am 2,6). Car, aussi bien le montant que l'aboutissement du prix payé à Judas, rapporté ensuite par lui dans son repentir, et mis dans l'achat du champ du potier (cf. Mt 27,10), ainsi que le récit en est contenu dans l'évangile de Matthieu (cf. Mt 27,3-8), Jérémie les prophétise : Et ils ont reçu trente pièces d'argent, pour prix de celui qui fut mis à pris [...] et il les ont données pour le champ du potier' (Mt 27,10s; cf. Za 11,12s).''

26,59–63 ; 27,11–14.17s.28s.39 Jésus se taisait ... Le silence majestueux de Jésus 

La magnanimité de Jésus 

La majesté du silence de Jésus atteste sa grandeur d'âme. Plus loin durant sa passion, sous la cruauté des bourreaux, il montrera une fermeté et une douceur telles qui surpassent toute virtuosité stoïcienne.

  • Origène  Cels.  Préface 1-2  ''Notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, victime d'un faux témoignage, se taisait, accusé, il ne répondait rien, bien persuadé que toute sa vie et ses actions parmi les Juifs surpassaient toute voix réfutant le faux témoignage et toutes paroles répondant aux accusations. [...] Or Jésus, victime d'un faux témoignage, se taisait : il suffit à présent de citer l'attestation de Matthieu, car celle de Marc est équivalente. Voici le texte de Matthieu : Le grand prêtre et le sanhédrin cherchaient un faux témoignage contre Jésus afin de le faire mourir et ils n'en trouvèrent pas, bien que beaucoup de faux témoins s'étaient présentés. Finalement il s'en présenta deux qui dirent : Cet homme a dit : Je peux détruire le temple de Dieu et le rebâtir en trois jours. (Mt 26,59-61). Le grand prètre se leva et lui dit : Tu ne réponds rien ? Qu'est-ce que ces gens témoignent contre toi ? Mais Jésus se taisait (Mt 26,62-63a). En outre, accusé, il ne répondait pas, car il est écrit : Jésus fut amené en présence du gouverneur. Celui-ci l'interrogea : Es-tu le roi des Juifs ? Jésus lui répliqua : Tu le dis. Mais quand il était accusé par les grands prêtres et les anciens, il ne répondait rien. Alors Pilate lui dit : N'entends-tu pas tout ce qu'ils allèguent contre toi ? Mais il ne lui répondit sur aucun point, à l'extrême étonnement du gouverneur (Mt 27,11-14). Quel sujet d'étonnement en effet, même pour des gens moyennement doués : l'accusé, victime du faux témoignage, pouvait se défendre, prouver qu'aucune charge ne l'atteignait, faire un long panégyrique de sa propre vie et de ses miracles, manifestement venus de Dieu, pour frayer au juge la voie d'une sentence favorable : bien loin de le faire, il n'eut que mépris et noble dédain pour ses accusateurs. Et que le juge, à la moindre défense, eût sur-le-champ libéré Jésus, c'est ce que montrent soit la parole qu'on rapporte de lui : Lequel des deux voulez-vous que je vous relâche : Barabbas ou Jésus qu'on appelle Christ ?, soit ce qu'ajoute l'Écriture : Il savait qu'on l'avait livré par jalousie (Mt 27,17s). Or Jésus ne cesse d'être en butte aux faux témoignages, et il n'est pas d'instant, vu la malice qui règne chez les hommes, où il ne soit accusé. Et lui, aujourd'hui encore, se tait devant ces attaques et ne répond point de sa propre voix ; mais il a sa défense dans la vie de ses véritables disciples, témoignage éclatant des faits réels, victorieux de toute calomnie, et il réfute et renverse les faux témoignages et les accusations.'' 
  • Origène  Cels.  7, 55  ''Après la liste de ces grands hommes, il [Celse] ajoute : Qu'est-ce que votre Dieu a dit de pareil dans son supplice ? On peut lui répondre : son silence au milieu des coups et des nombreux outrages (cf. Mt 26,63) manifeste plus de fermeté et de patience que toutes les paroles dites par les Grecs soumis à la torture [...] Même insulté et revêtu de la robe pourpre, la couronne d'épines autour de la tête et à la main le roseau en guise de sceptre (cf. Mt 27,14.28s.39), il garda une extrême douceur sans une parole vulgaire ou indignée contre les auteurs capables de ce forfait.''

11 Barabbas Tu es rex Judaeorum ? Dicit illi Jesus : Tu dicis ; inscriptions médiévales.

12e siècle :

  • Vers 1100 : France, Toulouse (31), Saint-Sernin, plaque pourtour du coeur : "R[EX]" CIFM 7, 32.
  • Ibid, porte de Miègeville, tympan, sur le nimbe crucifère "R/E/X" CIFM 7, 43.
  • début 12e s. : France, Conques (12), tympan : "[R]ex" CIFM 9, 19.
  • France, Bouzon-Gellenave (32), chrisme de tympan :  CIFM 10, n°71, 77.
  • France, Fourcès (32), Moulin de Sainte-Gemme, chrisme : , n° 77, 81.
  • France, Lagardère (32), chrisme : CIFM 10, 83.
  • France, Lahitte (32), chrisme : CIFM 10,n° 82, 84.
  • France, Marcilhac-sur-Célé (46), chapiteau, nimbe crucifère : "R/E/X" CIFM 9, 103.
  • France, Périgueux (24), Musée, croix d'absolution en plomb : CIFM 5, 48.
  • France, Saint-Gladie-Arrive-Munien (64), chrisme : CIFM 10, n° 185 bis, 259.
  • Espagne, Saint-Jacques -de-Compostelle, cathédrale, musée, dans le nimbe crucifère : "R/E/X" →Galice romane, pl.28.

14 Argument prophétique Le Ps 21 est cité en entier dans le Dialogue (Dial. 98), et est commenté dans la suite cf. Dial. 99ss. Justin attache à ce psaume un grande importance, il est pour lui une pièce maîtresse dans l'argumentation prophétique. Il a donné le premier commentaire suivi qui nous soit parvenu de ce psaume. 

La citation qui suit montre que les mots du verset 16e 'ma langue s'est collée à mon larynx' sont une prophétie du silence de Jésus devant Pilate :

  • Justin le Martyr  Dial.  102,5 "L'expression : 'Comme un tesson de terre cuite s'est desséchée ... ma langue s'est collée à mon larynx', était encore semblablement une annonce des choses qui selon la volonté du Père devaient s'accomplir par lui [le Christ]. Car la puissance de son verbe vigoureux... s'interrompit ... tandis qu’il se taisait et ne voulait rien répondre à rien devant Pilate, comme il apparaît dans les Mémoires de ses apôtres."
  • → Justin le Martyr  Dial. 103,9 " Le verset : 'comme un tesson de terre cuite s'est desséché ma force, et ma langue s'est collée à mon larynx', comme j'ai déjà dit, était l’annonce à l’avance de son silence, car il ne répondait rien du tout... "

16s un prisonnier fameux appelé Barabbas...

  •  Origène  Comm. Mt   27,16-18 "Dans beaucoup d’exemplaires [de l’évangile], il n’est pas dit que Barabbas s’appelait aussi Jésus ; et c’est peut-être juste, de peur que le nom de Jésus ne convienne aussi à un scélérat."
  • Jérôme de Stridon  Comm. Mt  27,16 "Ce [Barabbas] dans l’évangile selon les Hébreux est interprété 'Fils de leur Maître', lui qui avait été condamné pour sédition et meurtre."
  • Pierre de Laodicée Chaînes "Étant tombé par hasard sur des manuscrits très anciens, j’y ai trouvé que Barabbas lui-même s’appelait aussi Jésus. La question de Pilate s’y trouvait ainsi formulée ; Qui des deux voulez-vous que je vous relâche : Jésus Barabbas ou Jésus nommé Christ ? (cf. Mt 27,16s) À ce qu’il semble, en effet, le nom patronymique du brigand était 'Barabbas', ce qui veut dire : 'Fils du Maître'."

18s Il savait en effet que c'était par jalousie qu'ils l'avaient livré... car j'ai beaucoup souffert...

Pilate et sa femme 

  • Origène Cels.  2,34  ''Il n'a pas vu que c'est moins Pilate qui l'a condamné, car il savait que c'était pas jalousie qu'ils l'avaient livré (Mt 27,18), que la nation juive. [...] Et pouruoi a-t-il omis intentionnellement l'histoire de la femme de Pilate ? Elle avait vu un songe, et en avait été assez remuée pour envoyer dire à son mari : Ne te mêle pas de l'affaire de ce juste ; car j'ai beaucoup souffert aujourd'hui en songe à cause de lui (Mt 27,19).

19 La femme de Pilate. Nhil tibi et justo illi, multo enim passa sum hodie per visum propter eum : inscription médiévale.

12e siècle :

  • Italie, Monreale (Sicile), cathédrale, transept : "Jehesus ductus est ante Pilatum. Nihil tibi ex justo illo, multa enim passa sum per visum propter eum" O. Demus The mosaics, 162.

24s ; 28,1 commence à lui le premier jour de la semaine. je suis innocent du sang de ce juste. son sang sur nous Prière pour Israël pendant la vigile pascale 

  • Const. ap.  5,19,3-4  ''Jusqu'à ce que commence à luire le premier jour de la semaine (Mt 28,1), c'est-à-dire le dimanche, restez éveillés, depuis le soir jusqu'au chant du coq, et, rassemblés dans l'église, veillez, en priante et en invoquant Dieu pendant votre veille, en lisant la Loi, les Prophètes et les Psaumes jusqu'au chant du coq ; puis après avoir baptisé vos catéchumènes, lu l'Évangile avec crainte et tremblement et prêché au peuple le salut, mettez fin à votre deuil et priez Dieu qu'Israël se convertisse et que lui soient donnés une occasion de conversion (cf. He 12,17) et le pardon de son impiété. Parce que le juge étranger s'était lavé les mains en disant : Je suis innocent du sang de ce juste, voyez vous-mêmes (Mt 27,24), Israël s'écria : Son sang sur nous et sur nos enfants (Mt 27,25).''

24 La flagellation. Innocens ego sum : inscription médiévale.

12e siècle :

  • Vers 1160 : Belgique, Bruxelles, Musées royaux d'art et d'histoire, autel portatif de Stavelot : "Pilatus : Innocens ego sum a sanguine justi hujus" Art mosan 1961 Gauthier 1972, n° 95, 351.

25 son sang sur nous 

  • Tertullien  Marc. 2,15,3  "Et du reste, si tu acceptes l'évangile de la vérité, tu reconnaîtras à qui s'applique la sentence de celui qui fait payer aux fils les fautes des pères : elle s'applique évidemment à ceux qui, plus tard, devaient s'infliger spontanément à eux-mêmes cette sentence : Que son sang soit sur nos têtes et sur celles de nos fils ! (cf. Mt 29,25) C'est pourquoi la providence de Dieu, ayant déjà entendu cet arrêt, l'établit pour tous."

25b Son sang, sur nous et sur nos enfants (V) Inscriptions médiévales. 

12e s.

  • France, Châlons-en-Champagne, cathédrale, vitrail de la crucifixion : Sanguis ejus super nos et super filios nostros →CCM 56, 120.

Ce vitrail, réalisé dans le deuxième quart du XIIe siècle et restauré dans les années 1950, a pour thème central la Crucifixion, entourée des figures de l'Eglise et de la Synagogue dans des demi-lobes, et de dix scènes et textes de l'Ancien Testament qui annoncent la Passion. Par son style, il s'apparente à l'art mosan. Placée sous la Crucifixion, la Synagogue apparaît en buste avec les yeux bandés et s'oppose à l'Eglise qui, elle, est représentée au-dessus de la croix. La Synagogue regroupe deux des dix-sept inscriptions de la verrière : ele tient dans la main droite le phylactère avec cette formule sur le sang qui coule de génération en génération. Nombreux sont les auteurs médiévaux (Raban Maur, Anselme de Laon, Paschase Radbert, Rupert de Deutz etc.) qui ont commenté cette citation montrant que cette malédiction poursuivait les Juifs jusqu'à leur époque. A la cathédrale de Châlons-en-Champagne, la citation de Matthieu entrait en résonnance avec une autre référence biblique extraite des psaumes (Ps 69,23 : Fiat mensa eorum coram ipsis in laqueum), qui se trouvait sur le pourtour du lobe de la Synagogue, aujourd'hui fragmentaire. Là encore, le commentaire est constant chez les auteurs chrétiens. Hilaire de Poitiers écrit (Tractatus in LXVIII psalmum, 19, éd. PL 9 col. 482): « Cette table est celle où est reçue la nourriture de la vie spirituelle. Les Juifs n'ont pas compris ce qui était annoncé par la Loi et les Prophètes. Comme pris au piège par les écrits, ils manquaient du sens de l'intelligence, leurs yeux étaient obscurcis en sorte qu'ils ne voyaient pas. »

  • Vers 1160 : Belgique, Bruxelles, Musées royaux d'art et d'histoire, autel portatif de Stavelot :  "Judei : Sanguis ejus super nos et super filios nostros" Gauthier 1972, n°95, 351.

26 La flagellation. tradidis eis autem : inscription médiévale.

12e siècle : 

  • Vers 1160 : Belgique, Bruxelles, Musées royaux d'art et d'histoire, autel portatif de Stavelot : "Flagellatio Domini" Gauthier 1972, n°95, 352.

15e siècle :

  • Vers 1425 : Allemagne, Osnabrück, cathédrale, croix : "tradidit eis autem flagellatum Jesum ut crucifigeretur." DI 26, n° 36, 45.

27–31 TEXTE  Dans les évangiles, c'est lors de la comparution de Jésus devant le Sanhédrin que ces mauvais traitements sont infligés à Jésus par les Juifs. Les soldats de Pilate en feront autant et plus sur ses ordres :

  • Ac. Pil. B 10,1 "Une fois cette sentence prononcée par Pilate, les Juifs se mirent à frapper Jésus, les uns avec des bâtons, d'autres avec les mains, d'autres avec les pieds ; d'autres encore lui crachaient au visage."

28 la couronne d'épines. Chlamydem coccineam.

11e siècle : 

  • Fin 11e s. : France, Poitiers (86), Saint-Hilaire, peintures murales, Saint Martin : "Chlamydem (rouge)"

29 une couronne avec des épines

 Désignation prophétique de la couronne d'épines

Les épines de la couronne font allusion aux 'épines' de la parabole du Semeur :

  • Clément d'Alexandrie  Paed. 2,8,73 ''... c'est être inconséquent, après avoir appris comment le Seigneur a été couronné d'épines, que de nous railler de la vénérable passion du Seigneur [...] En effet, c'est nous que la couronne du Seigneur désignait prophétiquement, nous qui étions autrefois stériles (cf. Mt 13,7). [...] Or, Jésus ils l'ont couronnés lorsqu'il était élevé [sur la croix].''

29 Flagellation Ave rex Judeorum. : inscriptions médiévales.

12e siècle :

  • Vers 1180 : Allemagne, Berlin, Kunstgewerbemuseum, reliquaire en forme de coupole : "Ave rex" DI 35, n°18, 25.

13e siècle : 

  • Fin 13e s. : Autriche, Vorarlberg, Bregenz, abbaye cistercienne de Mehrerau, calice de l'abbaye de Wettingen, titulus de la croix : "Ave" CIMAH 3, n° 58, 184-185.

15e siècle : 

  •  Vers 1425 : Allemagne, Osnabrück, Musée diocésain, croix : "plectentes coronam de spinis imposuerunt" DI 26, n°35, 44.

31s.35 pour le crucifier. à porter sa croix. l'ayant crucifié Esquisse d'une réflexion théologique et symbolique du mystère de la croix

Convenances de la croix

L'obéissance par la croix face à la désobéissance par l'arbre et le symbole cosmique de la rédemption

L'obéissance du Fils de Dieu par le moyen du bois de la croix détruit la désobéissance d'Adam perpétrée au moyen du bois et la préfiguration cosmique de la croix : le Verbe imprimé en forme de croix dans l'univers devenu visible sur la croix :

  • Irénée de Lyon  Epid.  33-34  ''Et la transgression qui s'était perpétrée par le moyen du bois fut détruite par l'obéissance qui s'accomplit par le moyen du bois, cette obéissance par laquelle le Fils de l'homme obéit à Dieu lorsqu'il fut cloué au bois, abolissant par là la science du mal (cf. Gn 3,5) et procurant la science du bien [...] Donc par l'obéissance (cf. Rm 5,19) par laquelle il a obéi jusqu'à la mort (cf. Ph 2,8) en pendant au bois (cf. Ga 3,13), il a détruit l'antique désobéissance qui s'était perpétrée par le moyen du bois (cf. Gn 3,6). Et, parce que lui-même est le Verbe du Dieu tout-puissant, Verbe qui, au plan invisible, est coextensif à la création tout entière et soutient (cf. Sg 1,7) sa longueur et sa largeur et sa hauteur et sa profondeur (cf. Ep 3,18) — car c'est par le Verbe de Dieu que l'univers est régi —, il fut aussi crucifié (cf. Mt 27,35) en ces quatre dimensions, lui, le Fils de Dieu qui se trouvait déjà imprimé en forme de croix dans l'univers : il fallait en effet que le Fils de Dieu, en devenant visible, produisît au jour son impression en forme de croix <dans> l'univers, afin de révéler, par sa posture visible de crucifié, son action au plan <in>visible, à savoir que c'est lui qui illumine la hauteur, c'est-à-dire les choses qui sont dans les cieux (cf. Col 1,20), qui soutient la profondeur, c'est-à-dire les choses qui sont dans les régions de dessous la terre (cf. Ep 4,9), qui étend la longueur depuis le Levant jusqu'au Couchant (cf. Mt 24,27), qui dirige à la manière d'un pilote la largeur du Pôle et du Midi, et qui appelle de toutes parts les dispersés (cf. Is 11,12 ; Jn 11,52) à la connaissance du Père.''
  • Irénée de Lyon  Haer. 5,17,4  ''Puisque nous l'avions perdu par le bois, c'est par le bois qu'il est redevenu visible pour tous, montrant en lui-même la hauteur, la longueur et la largeur (cf. Ep 3,18)...''
  • Irénée de Lyon  Haer.  5,18,3  ''Car l'Auteur du monde, c'est en toute vérité le Verbe de Dieu. C'est lui notre Seigneur : lui-même, dans les derniers temps, s'est fait homme, alors qu'il était déjà dans le monde (cf. Jn 1,10) et qu'au plan invisible il soutenait toutes les choses créées (cf. Sg 1,7) et se trouvait imprimé en forme de croix dans la création entière, en tant que Verbe de Dieu gouvernant et disposant toutes choses. Voilà pourquoi il est venu de façon visible dans son propre domaine (Jn 1,11), s'est fait chair (Jn 1,14) et a été suspendu au bois (cf. Ac 5,30.10,39 ; Ga 3,31 ; Dt 21,22s), afin de récapituler toutes choses en lui-même (cf. Ep 1,10).''

Il semble qu'Irénée fasse allusion à un mot de Platon tel que le cite Justin le Martyr  1 Apol. 60, 1 '' Ce que Platon dit dans le Timée (cfPlaton  Tim. 36B) en dissertant sur la nature du Fils de Dieu, à savoir qu'Il l'a imprimé en forme de croix dans l'univers, c'est encore à Moïse qu'il l'a emprunté...'' Il faut encore comprendre que dans la pensée d'Irénée pour le Logos divin, être imprimé en forme de croix dans l'univers, n'est pas autre chose qu'être présent, d'une présence créatrice, continuelle, directrice et illuminatrice, à cet univers dans sa totalité de ses dimensions.

Autres raisons données par Athanase

Athanase reprend une autre symbolique très antique, connue aussi d'Irénée (cf. Irénée de Lyon Haer.  5,17 4), des mains étendues rassemblant les deux peuples  et le thème de la purificaiton de l'air :

  • Athanase d’Alexandrie  Or. incarn.  25,1-16.26,1  ''...pourquoi il ne subit pas une autre mort mais celle de la croix, qu'il apprenne à son tour que c'était précisément cette forme de mort qui tournait à notre avantage, et c'est elle que le Seigneur accepta non sans raison pour nous. [...] si la mort du Seigneur est une rançon pour tous, et que cette mort renverse la barrière de séparation, et que se réalise la vocation des Gentils, comment nous aurait-il appelés, s'il n'avait pas été crucifié ? Car c'est seulement sur la Croix que l'on meurt les mains étendues. Aussi convenait-il que le Seigneur subît cette mort et étendît les mains : de l'une il attirerait l'ancien peuple, de l'autre les Gentils, et il réunirait les deux en lui. Et cela, lui-même l'a dit, en indiquant par quelle mort il rachèterait tous les hommes : quand je serai élevé, je les attirerai tous à moi (Jn 12,32). De plus, si l'ennemi de notre race, le diable, tombé du ciel, erre dans les régions inférieures de l'air, et s'il y exerce son empire sur les démons qui l'entourent et qui lui ressemblent par la désobéissance [...] l'Apôtre dit à ce sujet : Selon le prince de l'empire de l'air (Ep 2,2) [...] Le Seigneur est donc venu pour abattre le diable, purifier l'air, et nous ouvrir le chemin qui fait monter au ciel, comme le dit l'Apôtre : à travers le voile, c'est-à-dire sa chair (He 10,20), et cela devait se faire par la mort; mais par quelle mort, sinon celle arrivée dans les airs, je veux dire par la croix ? Seule meurt dans les airs, celui qui meurt sur la croix. C'est donc avec raison que le Seigneur a subi celle-là. Ainsi, élevé de terre, il a purifié l'air de toutes les machinations du diable et des démons [...] mais il a recréé le chemin qui monte vers les cieux, en frayant la route [...] Car le Verbe lui-même n'avait pas besoin qu'on lui ouvrît les portes (cf. Ps 23,7), lui qui est le Seigneur de tous : aucune des créatures n'était fermée pour leur créateur ; mais c'est nous qui en avions besoin, nous qu'il a porté vers les hauteurs grâce à son propre corps. Car de même qu'il l'a livré pour tous à la mort, de même il a frayé par lui la route qui fait monter vers les cieux. La mort pour nous sur la croix fut donc sensée et adaptée : la cause en paraît raisonnable à tout point de vue, et se fonde sur des arguments valables : ce n'est pas autrement que par la croix que devait s'opérer le salut de tous. En effet, même ainsi il refusa de se rendre invisible sur la croix, mais il a fait témoigner la création tout entière de la présence de son créateur ...''

Symbole cosmique 

Extension cosmique de l'oeuvre de la rédemption

L'explication cosmique de la croix, enracinée en Jn 12,32 et Ep 3,18s, thème très ancien, repris et enseigné par Irénée via Justin,  s'est répandue dans l'antiquité chrétienne : 

  • Méliton de Sardes  Pascha   96  ''Celui qui suspendit la terre est suspendu, celui qui fixa les cieux est fixé, celui qui consolida tout est retenu sur le bois, celui qui est Maître est outragé.'' (117)
  • Méliton de Sardes  Frag.  Du Logos sur la croix 14,12-14  ''Il se tenait devant Pilate et il était assis avec son Père : il était fixé au bois et il soutenait l'univers.'' (241)
  • → Origène  Hom. Gen.  2,5,6-8  ''L'Apôtre, en un passage où il parlait du mystère de la croix plus mystiquement, a cette parole : Afin que vous connaissiez la longueur, la largeur, la hauteur et la profondeur (Ep 3,18).'' (99)

L'homélie suivante est inspirée d'Hippolyte. Il décrit la fonction consolidatrice de la croix :

  • Hom. pasc.  50-51,8-10    ''Et en conséquence, à la place du bois plantant le bois, à la place de la main perverse qui s'était tendue autrefois dans un geste d'impiété clouant sa propre main immaculée dans un geste de piété, il a montré en sa personne toute la vraie vie pendue [à l'arbre]. [...] Cet arbre m'est une plante de salut éternel [...] c'est l'échelle de Jacob et le chemin des anges, au sommet duquel le Seigneur est vraiment appuyé. Cet arbre aux dimensions célestes s'est élevé de la terre aux cieux, se fixant, plante éternelle, au milieu du ciel et de la terre, soutien de toutes choses et appui de l'univers, support de toute la terre habitée et joint du monde, tenant assemblée la variété de la nature humaine et cloué par les chevielles invisibles de l'Esprit, afin qu'ajusté au divin, il n'en soit plus détaché. Touchant par son faîte le sommet des cieux, affermissant la terre par ses pieds, et étreignant de tous côtés par ses mains immenses l'esprit nombreux de l'air entre ciel et terre, il était tout entier en tout et partout.''(176-178)
  • Grégoire de nysse  Hom. pasc.  2,7  ''Il revient au seul grand Paul, [...] d'expliquer ce mystère, tout comme dans un passage de son épître aux Éphésiens il a dévoilé ce secret en disant : Afin d'avoir la force de comprendre avec tous les saints ce qu'est la largeur, la longueur, la profondeur et la hauteur, et de connaître l'amour du Christ qui surpasse toute connaissance (Ep 3,18s). Cet oeil divin de l'Apôtre n'a pas médité en vain sur la forme de la croix [...] Il a vu dans cette forme, constituée de quatre bras partant de son centre, l'image de la puissance universelle et de la providence de celui qui est apparu en elle. [...] il indique clairement qu'il n'est rien au monde qui ne soit soutenu par la nature divine [...] puissance qui supporte l'univers. [...] le grand Apôtre dit que celui qui est au-dessus de tout nom (Ph 2,10) est adoré sous le nom de Jésus-Christ, dans les cieux, sur la terre et sous la terre (Ph 2,10). Là encore, à travers ces paroles, il répartit l'adoration du Christ selon la forme de la croix : la région céleste adore le Seigneur dans la partie supérieure de la croix, la région du monde dans le milieu, tandis que la région souterraine s'attache au bas de la croix.'' (65-67)
  • Grégoire de Nysse  Or. catech.  32,36-57   ''D'autre part, la croix renferme-t-elle encore quelque enseignement plus profond ? C'est ce que pourraient savoir ceux qui sont experts dans le dévoilement du sens caché. Voici ce qui, à ce sujet, nous vient de la tradition. [....]  En effet, c'est le propre de la divinité de pénétrer toutes choses et de se répandre dans toutes les parties de la nature des êtres vivants : car rien ne saurait subsister dans l'être, sans rester en celui qui est ; et la nature divine est ce qui est au sens propre et premier, elle que la permanence des être créés nous oblige à croire présente dans tous les êtres. Par la croix, dont la forme en elle-même est quadripartite, si bien qu'à partir du centre où se trouve le point de convergence de l'ensemble, on peut compter quatre prolongements, nous apprenons que celui qui y fut étendu au moment où se réalisait l'économie selon la mort, est celui-là même qui relie et ajuste à lui-même l'univers...'' (289-291)

31 la Flagellation. Conspuitur ne nos viciorum : inscription médiévale.

12e siècle : 

32 un homme de Cyrène du nom de Simon

Simon souffrit la passion

Irénée mentionne l'hérésie de Basilide selon qui le Christ Jésus ne fut pas crucifié et ne souffrit pas la Passion :

  • Irénée de Lyon  Haer. 1,24,4 ''... il ne souffrit pas lui-même la Passion, mais un certain Simon de Cyrène fut réquisitionné et porta sa croix à sa place. Et c'est ce Simon qui, par ignorance et erreur, fut crucifié, après avoir été métamorphosé par lui pour qu'on le prît pour Jésus; quant à Jésus lui-même, il prit les traits de Simon et, se tenant là, se moqua des Archontes. Étant en effet une Puissance incorporelle et l'Intellect du Père inengendré, il se métamorphosa comme il voulut, et c'est ainsi qu'il remonta vers Celui qui l'avait envoyé, en se moquant d'eux...''

33–56 Crucifixion. Vita crucis ligno : inscriptions médiévales.

12e siècle :

  • Italie, Monreale (Sicile), cathédrale, transept : - Jhesus ductus ad crucis pasionem - Crucifixio Jesu Christi  - Descensio corporis Christi -Corpus Christi ponitur in sepulcro -Resurectio Christi" Demus 1970, 162.
  • Mi 12e: Le Puy, cathédrale, porte Saint-Gilles : "Vita crucis ligno patitur discrimina mortis" CIFM 18, 114.

34s.38.45s.50.60  Récit de la Passion Le compilateur de CA a repris en partie à la Didascalie une chronologie qui lui est particulière  :

  • Const. ap.  5,14,14-17  ''Les bourreaux se saisirent du Seigneur de gloire (cf. 1Co 2,8) et le clouèrent au bois ; à la sixième heure (cf. Jn 19,14) ils le crucifièrent (cf. Mt 27,35), mais ils avaient obtenu la sentence le concernant à la troisième heure (cf. Mc 15,25) ensuite ils lui donnèrent à boire du vinaigre avec du fiel (Mt 27,34), puis ils se partagèrent ses vêtements en tirant au sort (Mt 27,35) ; ensuite ils crucifièrent deux malfaiteurs avec lui (Mt 27,38 ; Lc 23,33), de chaque côté, afin que s'accomplît ce qui est écrit (cf. Jn 19,24) : Ils m'ont donné comme aliment du fiel et pour la soif ils m'abreuvèrent de vinaigre ( Ps 68,22). Et encore : Ils se sont partagé mes vêtements et sur ma tunique ils ont jeté le sort (Ps 21,19 ; Jn 19,24). Et ailleurs : Et il fut compté avec les mauvais (Is 53,12 ; Mc 15,28). Puis ce furent les ténèbres pendant trois heures, de la sixième à la neuvième heure (Mt 27,45), selon qu'il est écrit : Et il n'y aura ni jour ni nuit, mais le soir, la lumière (Za 14,7). Et vers la neuvième heure Jésus poussa un grand cri et dit au Père : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? (Mt 27,46) Et peu après il cria d'une voix forte (Mt 27,50) : Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font (Lc 23,34). Puis il ajouta : Entre tes mains je remets mon esprit (Lc 23,46 ; Ps 30,6), il expira et il fut enseveli avant le coucher du soleil dans un tombeau neuf (Mt 27,60).''

34 ils lui donnèrent ... du vinaigre mêlé de fiel Accomplissement des Écritures

  • Irénée de Lyon  Epid. 82 ''Lorsqu'ils l'eurent crucifié, comme il demandait à boire, 'ils lui présentèrent du vinaigre mêlé de fiel' (Mt 27,34). Cela même avait aussi été prédit par la bouche de David : 'Ils m'ont donné du fiel pour ma nourriture et, dans ma soif, ils m'ont abreuvé de vinaigre' ( Ps 68,22).''
  • Méliton de Sardes  Pascha 79,573-574 ''Lors de l'immolation du Seigneur, vers le soir, tu préparas des clous pointus [...] du vinaigre et du fiel (Mt 27,34).''
  • Méliton de Sardes  Pascha 80,582-583 ''Tu buvais du vin et mangeais du pain, mais lui du vinaigre et du fiel (Mt 27,34).''
  • Const. ap.  5,6,9  ''...après avoir été flagellé, il fut cloué à la croix, on lui fit boire du vinaigre et du fiel (Mt 27,34), et après avoir accompli toutes les Écritures...''

34b après l'avoir goûté, il ne voulut pas boire.

  • Origène  Cels.  7,13  ''Ceux qui conspirent contre l'Évangile de la vérité présentent sans cesse au Christ de Dieu le fiel de leur malice et le vinaigre de leur perversité ; et lui, après avoir goûté, ne voulut pas boire (Mt 24,34b).''

35 l'ayant crucifié ils partagèrent ses vêtements Argument prophétique Dans ce passage de son Apologie, Justin utilise diverses prophéties concernant la mission du Christ. Les Actes de Ponce Pilate qui y sont mentionnés ne sont pas à confondre avec ceux que l'on trouve dans l'Évangile de Nicodème. Il s'agit vraisemblablement de documents officiels rédigés sous Ponce Pilate et que Justin suppose conservés aux archives impériales.

  • Justin le Martyr  1 Apol.  35,8-9  ''Et après l'avoir crucifié, ils tirèrent au sort ses vêtements, et ceux qui l'avaient crucifié se [les] partagèrent... Vous pouvez vous en assurer en lisant les Actes rédigés sous Ponce Pilate.''

Ici dans son Dialogue, Justin introduit le jet des dés, suivant en cela Jn 19,24 ou les Actes de Pilate mentionnés en 1 Apol. 35, 8-9 :

  • Justin le Martyr  Dial.  97,3  '' ... et ceux qui l'avaient crucifié se partagèrent ses vêtements jetant les dés, chacun ce qu'il voulait choisir selon le jet du sort.''
  • → Justin le Martyr  Dial. 104,2 ''Et que, après l'avoir crucifié, ceux qui l'avaient crucifié se partagèrent ses vêtements, je l'ai déjà montré.''
  • Ac. Pil. 10.1 '' ... et là, les Juifs placèrent la croix, puis ils dévêtirent Jésus et les soldats prirent ses vêtements et se les partagèrent ... ''

39–43  Argument prophétique Dans ce passage de 1 Apol., Justin fait parler 'l'Esprit prophétique à propos du Christ' :

  • Justin le Martyr 1 Apol. 38,6-8 "Et de même, lorsqu'il dit : Ils ont grimacé des lèvres, ils ont hoché la tête, en disant : Qu’il se sauve lui-même !, vous pouvez apprendre que toutes ces choses sont arrivées au Christ par les Juifs. Car tandis qu’il était crucifié, ils remuaient les lèvres et hochaient la tête (cf. Mt 27,39): Toi qui as éveillé des morts, sauve-toi toi-même ! (cf. Mt 27,42)"

Dans la suite de son commentaire du Ps 21 qui décrit toute l'économie du salut, Justin poursuit sa démonstration du lien entre l'Écriture et le Christ :

  • Justin le Martyr Dial. 101,3 "Car ceux qui le regardaient crucifié, et hochaient chacun la tête, et remuaient les lèvres et, reniflant des narines de l’un à l’autre, ils disaient pour ironiser — ce qui est écrit aussi dans les Mémoires des apôtres — : 'Il se disait fils de Dieu, qu’il descende et marche ; que Dieu le sauve'!"
  • Tatien  Ev. Conc. "Il a vivifié celui-ci, et il ne peut se vivifier lui-même... Il en a délivré d’autres, et il ne peut se délivrer lui-même (cf. Mt 27,42)."
  • Ac. Pil. 10,5 "Mais les Juifs qui se tenaient [là] et voyaient, se riaient de lui et disaient : Si vraiment tu disais que tu es fils de Dieu, descends de la croix, et aussitôt, pour que nous croyions en toi (cf. Mt 27,42s) ! D’autres disaient, en se riant : Il en a sauvé d’autres, il en a guéri d’autres... et il ne peut se guérir lui-même (cf. Mt 27,41) !"

40.42 Si tu es Fils de Dieu, descends de la croix... et nous croirons en toi

  • Origène  Comm. Rom.  8,5,10  ''Mais les Juifs, jusqu'à maintenant, sont en recherche sur le Christ et interrogent les Écritures à son sujet, et ils ne le trouvent pas ; car sa croix est un scandale pour les Juifs (cf. 1Co 1,23) ; et c'est pourquoi il leur dit : Tout le jour j'ai tendu mes mains vers un peuple incrédule et rebelle (Is 65,2), c'est-à-dire que, alors qu'il était suspendu sur la croix, ceux-là non seulement ne le trouvèrent pas mais en outre ils dirent : Si tu es Fils de Dieu, descends maintenant de la croix et nous croirons en toi (Jn 27,40.42). Mais écoute ce qui est dit encore dans la Sagesse de Salomon : Il ne sera pas trouvé par ceux qui le mettent à l'épreuve (Sg 1,2).''

45.51s Irénée montre que les prophètes ont parlé du Christ et non d'un autre :

  • Irénée de Lyon  Haer. 4,34,3 ''Car à la mort d'aucun ancien le soleil ne se coucha en plein midi, ni le voile du temple ne se déchira, ni la terre ne trembla, ni les rochers ne se fendirent, ni les morts ne ressuscitèrent; [...] Ce n'est donc pas d'un autre que parlaient les prophètes, mais du Seigneur, en qui se sont rencontrés tous les signes prédits.''

45 À partir de la sixième heure l'obscurité ... sur toute la terre  Argument prophétique

  • Irénée de Lyon  Haer. 4,33,12 ''D'autres [prophètes] ont dit : 'En ce jour-là, dit le Seigneur, le soleil se couchera en plein midi et il y aura des ténèbres sur la terre en un jour serein...'' (Am 8,9): ils annonçaient ouvertement par là ce coucher de soleil survenu lors de sa crucifixion, à partir de la sixième heure...''

46 Eli, Eli... Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?

Argument prophétique

Justin montre que le Ps 21 a été dit du Christ 'dès les temps anciens' :

  • Justin le Martyr  Dial.  99,1 "Car, crucifié, il dit : 'Dieu, Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?' "
  • Tatien  Ev. Conc. "Eli, Eli, pourquoi m’as-tu abandonné ?" ms B de la traduction arménienne "El, El, pourquoi m’as-tu abandonné ?"
Exégèse gnostique

Irénée rapporte l'exégèse gnostique :

  • Irénée de Lyon  Haer. 1,8,2 ''Quant aux passions subies par Achamoth, le Seigneur, assurent-ils, les a manifestées. Ainsi, en disant sur la croix : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? (Mt 27,46c), il a fait connaître que Sagesse avait été abandonnée par la lumière et arrêtée par Limite dans son élan vers l'avant...''

46 Mon Dieu, Mon Dieu, pourquoi m'avez vous abandonné ? Clamavit Jesus voce magna dicens : Eli, Eli, lamma sabacthani : inscription médiévale.

13e siècle :

  • France, Angers (49), église des Dominicains, épitaphe de l'évêque Michel Villoiseau : "Clamasti ter : Heli" CIFM 24, 52.

52s de nombreux corps de saints... ressuscitèrent   Le Christ descend en enfer pour libérer les saints captifs : 

  • Origène  Comm. Rom.  5,1,36-37  ''Mais le Christ est descendu en enfer, non seulement pour ne par être lui-même détenu par la mort (cf. Ac 2,24), mais pour en retirer aussi ceux qui étaient en ce lieu, non pas tant par suite d'une faute de désobéissance, que par leur condition mortelle, comme il est écrit : De nombreux corps de saints qui dormaient, resuscitèrent avec lui et entrèrent dans la cité sainte (Mt 27,52-53). En cela sont accomplies aussi les paroles du prophète qui dit, en parlant du Christ : Montant dans les hauteurs, il a emmené des captifs (Ps 67,19). Et de cette manière, par sa résurrection, il a certes déjà détruit le royaume de la mort ; c'est pourquoi il est écrit qu'il a libéré des captifs.''

Cf. Tradition chrétienne Mt 12,29 Origène

  • Épiphane de Salamine  Haer. 46,5  "Et ressuscitèrent en effet beaucoup de corps des saints, comme il est écrit dans l'évangile, et ils entrèrent avec lui dans la ville sainte. (Mt 27,52b-53a)"
  • Épiphane de Salamine  Haer.  75,8 "Comme dit le saint évangile : Beaucoup de corps de saints ressuscitèrent et entrèrent avec lui dans la ville sainte (Mt 27,52b-53a)."

54 Le centurion et ceux qui avec lui gardaient Jésus... Cf. Tradition chrétienne Jn 10,18

Les manifestations divines à la mort de Jésus

  • Origène  Cels.  2,36  ''Mais Celse, qui tire des griefs contre Jésus et les chrétiens de textes évangéliques qu'il ne sait même pas interpréter correctement et tait ce qui établit la divinité de Jésus, veut-il se rendre attentif aux manifestations divines ? Qu'il lise alors l'évangile et qu'il y voie entre autres ce passage : Le centurion et ceux qui avec lui gardaient Jésus, témoins du séisme et des prodiges survenus, furent saisis d'une grande frayeur et dirent : Vraiment celui-ci était Fils de Dieu (Mt 27,54).''

60 La mise au tombeau. in momento suo : inscription médiévale.

16e siècle : 

  • Vers 1500 : France, Allemans-du-Dropt (47), église, peintures murales : "in monumento suo novo quod exciderat (in petra)" Mesuret 1967, 113-114.

62–66 Les princes des prêtres et les Pharisiens allèrent ... auprès de Pilate ... scellant la pierre, avec des gardes La garde du tombeau

  • Hippolyte de Rome  Dan.  3,27  ''Tel est le travail de la méchanceté. Les satrapes craignaient qu'en cachette le roi n'ordonnât de tirer Daniel de la fosse, aussi ils avaient cru bon de faire sceller la dalle. Ce furent les mêmes précautions que prirent les princes des prêtres et les Pharisiens à l'égard du Sauveur, quand ils firent sceller la pierre et y firent placer des gardes' (cf. Mt 27,62-66).''
  • Év. Nic. 12,4 [XII, 2] "Ainsi donc, le vendredi étant achevé, le samedi de bonne heure les Juifs se rendirent chez Pilate et lui dirent : 'Seigneur, ce mystificateur a dit, de son vivant, qu'après trois jours il ressusciterait. Afin que ses disciples ne le dérobent pas de nuit et ne mystifient pas le  peuple par cette fraude, ordonne que l'on garde son tombeau.' Pilate, pour cette raison, leur remit cinq cents soldats qu'ils installèrent autour du tombeau pour le garder, après avoir mis des sceaux sur la pierre du tombeau." (282)

63c Après trois jours Surprenant

  • Paschase Radbert Exp. Matt. 12,4660 s’étonne de la mauvaise foi des grands prêtres lors du procès, car ils auraient bien pu faire le rapprochement entre la promesse de rebâtir le Temple en trois jours, et celle de ressusciter le troisième jour. 

Mystique

26b il le leur livra Celui qui est condamné injustement devient le souverain juge du fidèle

  • Gertrude d'Helfta Exerc. 7,99-109 « De grâce, ô Amour : mon Jésus, lui, ton royal captif, dont toutes les forces ont été épuisées parce que les entrailles de ta miséricorde avaient été émues, ce Jésus qu’à cette heure même avec une telle violence, tu as traîné devant ses juges, pour le charger des péchés du monde entier, alors qu’il était sans tache, si ce n’est la seule cause de mon amour et mes péchés dont tu lui demandais raison ; oui, lui très innocent, lui très cher, lui condamné par amour de mon amour, lui pour moi livré à la mort, je veux aujourd’hui le recevoir de toi, ô très cher Amour, pour le compagnon de mon jugement. Donne-le-moi pour otage, afin que je l’aie pour présider à toute l’affaire de mon jugement » (1,266-267).

38a deux brigands Le Christ, modèle d’anéantissement

  • Vincent de Paul Entretiens « Aurions-nous quelque crainte d’être reconnus pour misérables, voyant l’innocent traité comme un malfaiteur, et mourir entre deux criminels comme le plus coupable ? Prions, Messieurs, qu’il nous préserve de cet aveuglement ; demandons-lui la grâce de tendre toujours en bas ; confessons devant lui et devant les hommes que nous ne sommes de nous-mêmes que péché, qu’ignorance et que malice. Souhaitons qu’on le croie, qu’on le dise et qu’on nous en méprise. Enfin ne perdons aucune occasion de nous anéantir par cette sainte vertu » (356).

Philosophie

25 sang Notion de responsabilité La question de la responsabilité de la mort du Christ est vraisemblablement très ancienne (Propositions de lecture Mt 27,25) Mais, pour y répondre, il faut tout d'abord commencer par s'interroger sur la notion de responsabilité. Le responsable d'un acte n'est pas nécessairement son auteur. Ce dernier est celui qui accomplit physiquement une action. Les auteurs de la mort de Jésus sont ainsi les soldats romains qui l'ont cloué sur la Croix, voire le centurion qui lui a transpercé le coeur de sa lance. Faut-il tenir ces soldats pour responsables de cette horreur ? Aucun évangéliste ne semble le faire.

La notion de responsabilité est corrélée à celle de liberté. Les soldats auraient pu désobéir mais tout acte de mutinerie était implacablement puni de mort dans l'armée romaine et la notion de "liberté de conscience" n'était pas connue des Grecs ou des Romains. Le responsable d'un acte est celui qui en répond, autrement dit qui en rend compte et qui en accepte la juste rétribution, à savoir la récompense s'il a bien agi, et le châtiment en cas contraire. Il faut néanmoins distinguer responsabilité et culpabilité. Cette dernière suppose la première, autrement dit la possibilité d'une action libre dont on puisse répondre. Mais la notion de culpabilité va plus loin que celle de responsabilité. Selon Thomas d'Aquin, le coupable est celui qui a librement accompli un acte (responsable) mauvais, en en connaisssant et en en désirant la malinité. Si les responsables de la mort de la Jésus avait conscience de condamner à mort le Messie et Fils de Dieu, ils peuvent alors être qualifiés de coupables. →Responsables de la mort de Jésus

Islam

50 D'après le Coran, Jésus n'est pas mort

  • Coran 4,157-158 : "Ils ont dit : 'Oui, nous avons tué le Messie, Jésus, fils de Marie, le Prophète de Dieu'. Mais ils ne l’ont pas tué ; ils ne l’ont pas crucifié, cela leur est seulement apparu ainsi. Ceux qui sont en désaccord à son sujet restent dans le doute ; ils n’en ont pas une connaissance certaine ; ils ne suivent qu’une conjecture ; ils ne l’ont certainement pas tué, mais Dieu l'a élevé vers lui : Dieu est puissant et juste'."

Les "versets de la crucifixion" évoquent un thème qui n'est clairement pas central dans le Coran ou dans l'islam. La question de la crucifixion s'inscrit d'ailleurs avant tout comme un élément d'une polémique anti-juive. En effet, les versets qui précèdent condamnent les Juifs et les versets qui suivent les accusent également. La mise à mort de Jésus y fait échos au thème de l'assassinat des prophètes par les juifs qui ont le coeur "incirconcis" (Coran 4,153). La crucifixion telle qu'elle est racontée dans le Coran répond à un double objectif qui correspond à deux polémiques que l'islam entretient avec les Juifs et les Chrétiens :

  • Polémique contre les Juifs : les versets de la crucifixion de Jésus rappelle la violence des Juifs contre les prophètes et les envoyés de Dieu. Ils rappellent également leur impuissance puisqu'ils n'ont pas réussi à tuer Jésus et qu'ils sont victimes d'une illusion. Ils font également preuve d'orgueil puisqu'ils se vantent d'avoir tué un prophète. 
  • Polémique contre les Chrétiens : la question de la mort et de la résurrection de Jésus étant un élément central la divinité du Christ chez les Chrétiens, l'affirmation selon laquelle Jésus n'est pas mort sur la croix est centrale pour contester l'idée d'une divinité de Jésus. Cette polémique contre les Evangiles canoniques semble s'être appuyée sur une littérature péri-testamentaire gnostique comme Ac. Jn.. Les auteurs musulmans ont donc accusé les quatre Evangiles d'être des falsifications de la vérité dont certains apocryphes sont témoins. L'hypothèse d'un lien entre Coran 4,157-158 et la littérature péri-testamentaire est renforcée par l'obscurité de la formulation que D. Masson traduit par "cela leur est seulement apparu ainsi" et qui en arabe est "shubbiha lahum" difficilement traduisible mais dont le sens précis est également discuté (le sens global d'une illusion quant à la crucifixion ne fait pas débat). Les orientalistes ont en effet rapproché cette expression des phrasés que l'on peut trouver dans Ac. Jn.

Les histoires des prophètes et l'exégèse coranique ont proposé plusieures explications concrètes à l'idée obscure proposée par l'expression "shubbiha lahum". Plusieurs (notamment Tabari) ont proposé que celui qui donne l'impression d'être Jésus était un compagnon qui lui ressemblait. Les Juifs auraient alors crucifié celui qui ressemblait à Jésus et les disciples auraient été victimes aussi de l'illusion. D'autres, comme al-Maturidi, ont proposé que l'image ressemblant à Jésus aurait été un juif crucifié à sa place. Une autre solution, très populaire, consiste à dire que Judas fut rendu semblable à Jésus et fut crucifié à sa place. Cette version a été popularisé par l'Evangile de Barnabé (Év. Barn). 

Le Coran estime enfin que la crucifixion est un châtiment indigne d'un prophète puisque c'est une peine infâmante que Pharaon prononçait contre ses ennemis. 

Littérature

24 prit de l’eau et se lava les mains FRANÇAIS BIBLIQUE

  • S'en laver les mains : dans le langage courant, l'expression signifie que l'on refuse toute responsabilité dans une affaire.

55b en le servant Interprétation « féministe » antichrétienne : l’aliénation séculaire des femmes par Jésus

  • Rimbaud Poésies « Les Premières communions » se terminent par ce quatrain : « Christ ! ô Christ, éternel voleur des énergies, / Dieu qui pour deux mille ans vouas à ta pâleur, / Cloués au sol, de honte et de céphalalgies, / Ou renversés, les fronts des femmes de douleur » (65).

58a demanda le corps de Jésus Dieu-fait-homme Charles Péguy développe dans la dernière partie de son livre Dialogue de l’histoire et de l’âme charnelle un long commentaire de la Passion selon saint Matthieu, qui affirme avec force sa conviction dans la réalité du corps de Jésus :

  • Péguy Véronique « S’il n’avait point eu ce corps, mon ami, s’il avait été, s’il était resté pur esprit, s’il s’était fait ange, s’il avait été incharnel, s’il n’avait point été l’âme charnelle enfin, s’il ne s’était point fait cette âme charnelle, une âme charnelle, comme nous, comme les nôtres, s’il n’avait point souffert cette mort charnelle, tout tombait, mon enfant, tout le système tombait ; tout le christianisme tombait; car il n’était point homme tout à fait » (1961, 470).

Arts visuels

1–66 Ecce homo

19e s.

Antonio Ciseri (1821-1891), Ecce homo, (huile sur toile, 1860-1880), 292 x 380 cm

Galleria dell'Arte Moderna, Palazzo Pitti, Florence, © Domaine public→, Jn 19, Mt 27

Le peintre néoclassique représente dans une œuvre presque grandeur nature ce passage de l'Évangile. L'angle est original : nous sommes dans le palais de Pilate. Au premier plan, à droite, la femme de Pilate se détourne tristement : elle a tenté d'empêcher cela en racontant à son mari le rêve qu'elle a eu au sujet de Jésus, mais en vain. Les lignes de fuite, bien que discrètes parce que liées aux architectures de l'arrière plan, attirent le regard vers le point signifiant toute l'intensité dramatique du moment : l'espace situé entre le corps de Jésus et la main de Pilate, cette main qui livre, et qui prétend se laver du crime.

3s Judas, pris de remords, chez les grands prêtres

17e s.

Rembrandt (1606-1669), Judas rend les trente pièces d'argent (huile sur paneau de chêne, 1629), 79 × 102,3 cm

Lythe, North Yorkshire, Mulgrave Castle © Wikicommons→.

5 il s'en alla et se pendit La mort de Judas

12e s.

Gislebertus, La mort de Judas (12e s.), chapiteau, cathédrale d'Autun

Domaine public © Wikicommons→, Mt 27

13 Quand le Christ devient objet de militance

Peinture contemporaine 

Blanchard Doug (âge: non renseigné), The Passion of Christ : A Gay Vision (pigments sur toile), 2014

 Collection privée © Droits réservés→

La symbolique du Christ en croix au 21e s. ne se suffit pas à des lectures religieuses : pour preuve, nombre d’artistes s’en saisissent pour exprimer l’universalité de la souffrance humaine et appuyer diverses militances, dont la cause des homosexuels. Prenant pour toile de fond le décor d’une ville moderne, ce tableau dénonce les visages haineux qui crucifient cet homme. (V.L.)

24 prit de l'eau et se lava les mains Pilate se lave les mains

Fin du 15e s. 

Hans Holbein l'Ancien (1465-1524), Le Christ devant Pilate (huile et tempera sur bois, 1494-1500)

© Wikicommons→

17e s.

Anonyme Calvaire de Saint-Thégonnec (granit, 1610), Enclos paroissial de Saint-Thégonnec

 © Wikicommons→

19e s.

William Turner (1775–1851), Pilate se lave les mains (huile sur toile, 1830), 91,4 × 122 cm

Tate collection, Londres © Wikicommons→

26–31 Christ à la colonne

20e s.

George Desvallières (1861-1950), Christ à la colonne (huile sur toile, 1910), 161 x 149 cm

Musée d’Orsay, Paris © RMN Martine Beck→

Au Salon d’automne 1910, Desvallières expose le Christ à la colonne, image puissante de sa foi retrouvée, à côté de La Grèce (CR 1319), fleuron de sa peinture allégorique. Il choisit de présenter ces deux toiles ensemble, un peu à la manière d’un premier testament. L’inspiration du Christ à la colonne lui est venue pendant un voyage en Espagne, au printemps 1910, au cours duquel il réalise une petite étude aquarellée (CR 1335), au dos d’une carte postale de l’église Saint-Jean de Ségovie. L’artiste voyage avec Marguerite et Richard, René Prinet, son épouse, Jeanne, et André Saglio. Ensemble, ils visitent la cathédrale de Ségovie, dans laquelle George remarque sans doute le Cristo Yacente, le Christ gisant (1631-1636), de Gregorio Fernández (1576-1636) ; dans la sacristie de la cathédrale de Burgos, il est probablement aussi frappé par le Christ à la colonne (vers 1525) de Diego Siloé (1495-1563), autre sculpture polychrome du corps de Jésus, recouvert des stigmates de la flagellation. Cette iconographie doloriste et réaliste des artistes espagnols l’inspire sur-le-champ ; il compose le petit dessin coloré pour cette future œuvre magistrale. Le Christ de la passion, le corps lacéré de traits de sang, la tête inclinée sous sa couronne d’épines, porte toute la souffrance du monde pour lequel il a donné sa vie et à qui les hommes pécheurs demandent pardon : sur le fond noir, à droite, l’artiste a écrit en capitales « Seigneur ayez pitié de nous ». Une corde épaisse retient le supplicié à une colonne lumineuse qui annonce, avec l’auréole placée au-dessus de lui, la résurrection du Fils de Dieu. Cette vision est offerte au Salon d’automne 1910, année consacrée aux arts décoratifs.

  • Louis Vauxcelles remarque immédiatement ce « Christ flagellé, pathétique comme un Christ de primitif espagnol » (L’Art décoratif, octobre 1910, p. 170). D’autres y voient toujours l’admiration de son auteur pour les maîtres italiens.
  • Dans une lettre à Frantz Jourdain, Henry Marcel, l’administrateur de la Bibliothèque nationale et futur directeur des Musées nationaux, écrit : « Ce magnifique “Christ à la colonne”, qui évoque les plus belles images de la Renaissance italienne, et où Mantegna et Signorelli reconnaîtraient l’âpreté incisive, le grand caractère de leurs créations. »
  • Les critiques soulignent la ferveur du peintre converti : « C’est la création d’un esprit qui s’est mis réellement en présence de son sujet, l’a traité avec une entière conviction, comme une scène vraie et vécue, d’une actualité éternelle. » (Hamel)
  • Après la guerre et le retour de son ami du front d’Alsace, Maurice Denis écrit : « Les œuvres de Desvallières qu’on voit aux Salons, le Christ à la colonne, le Bon Larron, le Drapeau du Sacré- Cœur, ne sont pas seulement de pathétiques images et de fervents actes de foi, mais encore d’admirables pages décoratives, composées, charpentées, solidement écrites. » (1919, p. 163) Il s’est porté acquéreur de la toile, pour la plus grande joie de Desvallières : « Comment vous remercier, cher ami, de cet achat ! Je suis très sincèrement touché à l’idée de voir ce Christ chez vous » (25 juin 1919). En novembre, tous deux s’engagent dans la grande aventure des Ateliers d’art sacré… (Cf. T. I., p. 114-133)
  • En 1937, Raymond Escholier rappelle que, si le peintre a célébré la Vierge et le Christ, « c’est surtout vers 1910 que la Grâce le touche et le marque au front pour rénover l’art chrétien », avec « le chef-d’œuvre, le Christ à la colonne, véhément ex-voto qui évoque Morales et Valdés Leal ».

Deux ans plus tard, dans son importante Histoire de l’art religieux, Maurice Denis situe Desvallières dans le courant « romantique, celui qui s’apparente au baroque, au Greco, à la piété espagnole. Il est impossible de ne pas y rattacher l’oeuvre immense de George Desvallières, le représentant génial du lyrisme et du mysticisme d’après-guerre, l’un des plus grands noms de l’art d’aujourd’hui. Il avait peint un “Christ à la colonne”, un “Sacré-Cœur” pathétique comme un Grünewald […] » (p. 298), écrit-il, rapprochant, à raison, les deux œuvres dans lesquelles le peintre représente Celui qu’il aimait nommer « Notre-Seigneur-Jésus-Christ ». Une image de dévotion paraîtra, intitulée « Le Christ à la colonne (Georges [sic] Desvallières) », sous la photographie sépia, éditée, comme celle du Sacré-Cœur, par L’Art catholique. Plusieurs répliques seront par la suite commandées au peintre, dont deux sont répertoriées au catalogue, celle de Louis Meley (CR 1713), en 1922, et celle d’Eugène Chevalier (CR 2428), en 1939.

27–50 Instruments de la Passion

Art populaire du 18e s.

Art populaire, Croix avec la lance et l'éponge à l'extrémité de la branche d'hysope (18e s.), reliquaire à papiers roulés, France

© Photo : Trésors de ferveur→

Art populaire, Crucifix entouré des instruments de la Passion (début 18e s.), 33,7 x 24,4 x 1,5 cm, Clarisses de Chambéry

© Photo : Trésors de ferveur→

28 Christ dépouillé de ses vêtements

20e s.

George Desvallières (1861-1950), Christ dépouillé de ses vêtements  (huile et essence sur papier marouflé,ca. 1926), 64,8 x 37 cm

collection particulière, Paris © P. Henriot→

D’abord exposé à Genève, le tableau est remarqué au Salon d’art religieux de janvier 1927 comme un « magnifique morceau où se retrouve la tradition de Gustave Moreau dans un torse d’une impeccable plastique, d’une noblesse de ligne, d’un modelé admirables » (Ladoué). Devant la croix sur la droite, un terrible bourreau dévoile le Fils de Dieu.

Dans son livre, Le Christ dans l’art français, Paul Doncœur reproduit l’œuvre et commente : « Il y a encore trop d’intention dans le beau « Christ dépouillé » de G. Desvallières si tragique. Le corps étiré, bridé, dénudé est aussi vrai que celui de la crèche, corps comme les nôtres, vrai corps d’homme, mais tant marqué de souffrance. Tout le reste n’existe plus ; cet étirement de verticales, qu’importe leur objet ? La seule chose qui demeure en nos yeux, c’est le corps offert ; « Prenez et mangez car ceci est mon corps livré pour vous. » L’artiste n’est plus que l’ami et il ne voit que l’Ami. Ainsi nous-mêmes, oubliant tout ce qui d’abord nous occupait, ne pensons-nous plus qu’à l’amour qui consomme son offrande. » (Doncœur) L’artiste traita cette scène plus tragiquement dans la 10e station de ses chemins de croix de Wittenheim (CR 2075) et du Saint-Esprit (CR 2334).

31–38 La Crucifixion ou Le Calvaire

17e s.

Malgré le drame de la scène, nul ne semble remarquer l'absence de lumière, excepté l'homme nu se relevant, vêtu d'un drap. Dans cette œuvre figurent les six phénomènes extraordinaires racontés par l'évangile de saint Matthieu.

Nicolas Poussin (1594-1665), La Crucifixion ou Le Calvaire, (huile sur toile, 1645 - 1646), 148 × 218 cm

Wadsworth Atheneum, Hartford (Connecticut) © Wikicommons→

18e s.

Art populaire, Le Crucifix miraculeux des clarisses de Chambéry (début 18e s.), estampe sur papier, 35 x 22 cm

© Photo : Trésors de ferveur→

35–56 Les acteurs de la crucifixion dans les représentations visuelles

Moyen Âge

Le nombre de personnages présents autour du Christ en croix (→Histoire de la représentation visuelle de la croix et du crucifié) est relativement restreint et limité : le Crucifié est souvent entouré des deux larrons, en présence ou non de la Vierge et de saint Jean, parfois d’une foule (plus ou moins nombreuse) aux pieds de la croix. Entre composition narrative, symbolique et méditative, la production est donc remarquablement abondante et diversifiée.

Personnages « historiques »
  • la Vierge, saint Jean : Duccio di Buoninsegna (1305-1308, Windsor) ; Maître de Santa Chiara (1315-1330, Paris) ; Bernardo Daddi (1325-1340, New York) ; Ugolino di Nerio (1330-1335, Madrid) ; Jacobello Alberegno (1360-1390, Venise) : Mariotto di Nardo (1395-1400, Avignon) ;

Duccio di Buoninsegna (1255-1319), Triptyque : crucifixion et autres scènes, (tempera sur panneau, 1302-1308), 44,9 x 31,4 cm

Collection royale du Royaume-Uni

Domaine public © Wikimedia commons→, Lc 23 ; Mt 27 ; Jn 19 ; Mc 15

Maître de Santa Chiara (1315-1330, Paris) :

Maître de Santa Chiara (actif entre 1290 et 1330), Le Calvaire, (huile et or sur bois, ca. 1330), 27 x 18 cm

Musée du Louvre, Paris

CC © Wikimedia commons→, Lc 23 ; Mt 27 ; Jn 19 ; Mc 15

Ugolino di Nerio (1330-1335, Madrid) :

Ugolino di Nerio (1280-1330), Crucifixion avec la Vierge et saint Jean l'évangéliste, (tempera sur panneau, 1330-1335), 135 x 90 cm

Musée national Thyssen-Bornemisza, Madrid, Esapgne

Domaine public © Wikimedia commons→, Lc 23 ; Mt 27 ; Jn 19 ; Mc 15

Simone Martini (1284-1344), Polyptyque Orsini : Crucifixion, (tempera sur panneau, 14e s.), 24,4 x 15,5 cm

Musée royal des Beaux-Arts d'Anvers, Belgique

Domaine public © Wikimedia commons→, Lc 23 ; Mt 27 ; Jn 19 ; Mc 15

  • le centurion qui se convertit devant la mort du Christ (souvent, dans l’iconographie, identifié au porte-lance) ;
  • les soldats (entre autres ceux jouant aux dés la tunique) ;
  • des spectateurs plus anonymes, représentant des témoins du moment, voire une véritable foule : Giovanni Pisano (1302-1310, Pise) ; Giotto (1305-1306, Padoue et 1330, Berlin et Strasbourg) ; Duccio di Buoninsegna (1308-1311, Sienne) ; Maître de Monteoliveto (1315, New York) ; Simone Martini (1330-1340, Anvers) ; Pietro Lorenzetti (1340-1344, New York) ; Bartolomeo Bulgarini (14e s., Paris) ; Andrea de Florence (1365-1368, Florence) ; Jacopo di Cione (1368-1370, Londres) ; Jean de Beaumetz (1390, Paris et Cleveland) ; Agnolo Gaddi (1390-1396, Florence) ; Mariotto di Nardo (1395-1400, Avignon).

Jacopo di Cione (1325-1399), Crucifixion, (1369-1370), 154 x 138,5 cm

National Gallery, Londres, Domaine public © Wikimedia commons→, Lc 23 ; Mt 27 ; Jn 19 ; Mc 15

Pietro Lorenzetti (1340-1344, New York) :

Pietro Lorenzetti (actif entre 1320 et 1344), Crucifixion, (détrempe et feuille d'or sur bois, ca. 1340), 41,9 x 31,8 cm

Metropolitan Museum of Art, New York, domaine public→, Lc 23 ; Mt 27 ; Jn 19 ; Mc 15

Personnages « historiques » mais venus du passé ou du futur

Pietro Cavallini (1240-1330), Crucifixion, (fresque, ca. 1308)

San Domenico Maggiore, Naples, Italie

Domaine public © Wikimedia commons→, Lc 23 ; Mt 27 ; Jn 19 ; Mc 15

  • ; Giotto (1310, Assise) ; Puccio Capanna (1330, Raleigh et 1344, Assise) ; Bernardo Daddi (1338-1340, Berlin et 1350, Limerick) ; Francesco di Vanuccio (1356-1389, Paris) ; Jacobello Alberegno (1360-1390, Venise) ; Fra Angelico (1441-1442, Florence) ;

Puccio Capanna (14e s.), Crucifixion, (fresque, ca. 1344)

Sacro Convento, basilique Saint-François d'Assise, Italie

Domaine public © Wikimedia commons→, Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19

Jacobello Alberegno (1360-1390, Venise) :

Jacobello Alberegno (1367-?), Triptyque, (tempera sur panneau, 1360-1390), 45 x 56 cm

Gallerie dell'Accademia, Venise

Domaine public © Wikimedia commons→, Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19

  • à partir de la fin du Moyen Âge, les commanditaires ou donateurs de l’œuvre se faisant représenter en prière au pied de la croix, parfois la famille entière quand il s’agit de laïcs : Francesco di Vanuccio (1380, Berlin) ; Giovanni di Paolo (1455, Canberra).

Giovanni di Paolo (1403-1482), Crucifixion avec le donateur Jacopo di Bartolomeo, (tempera sur panneau, ca. 1455), 114,5 x 88,5 cm

National Gallery of Australia, Australie, Domaine public © Wikimedia commons→, Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19

Personnages allégoriques
  • L’Église (recueillant le sang christique) et la Synagogue (se détournant) : on les trouve ailleurs dans l’iconographie, mais leur place principale est d’encadrer la Crucifixion.

→Histoire de la représentation visuelle de la croix et du crucifié Crucifixions allégoriques

Motifs symboliques
  • Le soleil et la lune ;
  • le rideau du Temple qui se déchire ;
  • Adam rappelé au pied de la croix par son crâne seul, ou couché dans son tombeau, ou en en ressuscitant : Maître de Santa Chiara (1315-1330, Paris) ; Jacobello Alberegno (1360-1390, Venise) ;
  • Dieu le Père venant recueillir l’âme du Fils ;
  • l’ange venant recueillir l’âme du bon larron ;
  • le démon venant prendre l’âme du mauvais larron ;
  • les anges recueillant dans un calice le sang du Christ qui jaillit ostensiblement du côté (le plus souvent droit) : Giotto (1305-1306, Padoue) ; Puccio Capanna (1330, Raleigh) ; Lorenzo Monaco (1405-1410, Florence) ;

Lorenzo Monaco (ca. 1370-ca. 1425), Crucifixion, (tempera et or sur panneau, 1405-1410), 50 x 27 cm

Galleria dell'Accademia, Florence, Italie

Domaine public © Wikimedia commons→, Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19

  • le symbole typologique du pélican (intégré dans une représentation de la Crucifixion) ;
  • le symbole typologique du lion ressuscitant les lionceaux ;
  • le Christ en croix entouré des →Arma Christi (Instruments de la Passion) (un motif que l'on retrouve notamment dans les compositions de Messe de saint Grégoire) ;
  • le lion et la licorne du Ps 22,21 : Psautier de Stuttgart, fol. 27 (cf. Heck et Cordonnier 2011, 413).

L'iconographie ad minima se retrouve aussi en enluminure, vitrail, sculpture et sur des objets liturgiques ou des ornements sacerdotaux en émail, ivoire, orfèvrerie ou broderie (plaques de reliure, coffrets, tabernacles, autels portatifs, mitres, croix épiscopales, etc.).

À l'aube de l'époque moderne

Différents types s’affirment.

Scènes historiées

dans de grandes compositions narratives :

  • Jacopo Bellini (15e s., Paris) ; Conrad von Soest (1404-1414, Bad Wildungen) ; Jean Malouel (1416, Paris) ; Jan van Eyck (1430, New York) ; Fra Angelico (1420, New York et 1441-1442, Florence) ; Dirk Bouts (1455, Grenade) ; Jean Fouquet (15e s., Chantilly et 1455, Loches) ; Andrea Mantegna (1456-1459, Paris) ; Piero della Francesca (1460, New York) ; Hans Pleydenwurff (1460, Munich) ; Donatello (1465, Florence) ; Hans Memling (1465, Chantilly et Budapest, et 1491, Lübeck) ; Hugo van der Goes (1465-1468, Gand) ; Giovanni Boccati (1470, Venise) ; Stoss Veit (1477-1489, Cracovie) ; Bartolomé Bermejo (1480, Daroca) ; Francesco Francia (1485, Bologne) ; Galeazzo Mondella dit Moderno (1490, Paris) ; Benvenuto di Giovanni (1491, Washington) ; Rueland Frueauf le Jeune (1496, Neuburg).

Conrad von Soest (1360-?), Retable de Bad Wildungen, (tempera sur bois, 1403), 152 x 188 cm

église paroissiale Saint Nikolaus, Bad Wildungen, Hesse, Allemagne

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Jean Fouquet (15e s., Chantilly) :

Jean Fouquet (1420-?), Crucifixion, (enluminure sur parchemin, ca. 1452-1460), 16,5 x 12 cm

Musée Condé, Chantilly, Domaine public © Wikimedia commons→, Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19

Andrea Mantegna (1456-1459, Paris) :

Andrea Mantegna (1431-1506), Crucifixion, (tempera et huile sur panneau, 1457-1460), 76 cm x 96 cm

retable pour le maître-autel de l'église San Zeno, Vérone, Italie, Musée du Louvre, Paris

Domaine public © Wikimedia commons→, Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19

Piero della Francesca (1460, New York) :

Piero della Francesca (?-1492), Polyptyque de saint Augustin : Crucifixion, (tempera sur panneau, ca. 1460), 37 x 41 cm

Frick Collection, New York, Domaine public © Wikimedia commons→, Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19

Hans Pleydenwurff (1460, Munich) :

Hans Pleydenwurff (1420-1472), Crucifixion, (huile sur panneau, ca. 1470), 192 x 181 cm

Alte Pinakothek, Munich, Allemagne, Domaine public © Wikimedia commons→, Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19

  • Jan Provost (1500, Bruges) ; Lucas Cranach (1500-1503, Vienne et 1538, Boston) ; Jérôme Bosch (1500-1504, Venise) ; Andrea Solario (1503, Paris) ; Giovanni-Antonio Bazzi dit Il Sodoma (1510-1515, Sienne) ; Hans Baldung Grien (1512, Berlin) ; Antonio Campi (16e s., Paris) ; Gaudenzio Ferrari (1513, Varallo) ; Albrecht Altdorfer (1520, Budapest) ; Jörg Breu (1524, Budapest) ; Jean I Pénicaud (1530, Paris) ; Bernard van Orley (1534, Bruges) ; Jean II Pénicaud (1540, Paris) ; Pedro de Campana (1550, Paris) ; Maarten van Heemskerck (1543, Gand et 1545-1550, Saint Pétersbourg) ; Jacopo Tintoretto dit Le Tintoret (1565 et 1568, Venise et 1550-1570, Munich) ; Paolo Caliari dit Véronèse (1580-1582, Venise et 1582, Paris) ; Frans Francken (1585, Séville) ; Pieter I Brueghel (1594, Munich) ; Giovanni Battista Ricci (16e Rome) ; etc.
  • Pieter II Brueghel (1617, Budapest) ; Peter Paul Rubens (1619-1620, Anvers) ; Rembrandt Harmenszoon van Rijn dit Rembrandt (ca. 1633, Munich) ; Giovanni Lanfranco (1637-1639, Naples) ; Nicolas Poussin (1645, Hartford) ; Karel Dujardin (1661) ; 
  • Giandomenico Tiepolo (ca. 1745, Saint Louis) ; etc.
Vierge Marie et saint Jean

Parfois accompagnés des saintes femmes ou de figures de sainteté de l’ordre commanditaire de l’œuvre :

  • Lorenzo Monaco (1400-1405, New York) ; Lorenzo Ghiberti (1404-1424, Florence) ; Conrad Witz (15e s., Berlin) ; Jan de Beer (15e s., Paris) ; Masaccio (1426, Naples) ; Giovanni di Paolo (1430-1435, Altenburg) ; Stéphane Lochner (1435, Nuremberg) ; Fra Angelico (1438-1450, Florence et 1440-1450, Cambridge et Paris) ; Donatello (1440, Paris) ; Rogier van der Weyden (1440, Berlin, 1445, Vienne et 1460, Escurial, Philadelphia et Bruxelles) ; Andrea del Castagno (1440-1441 et 1455, Florence et 1450, Londres) ; Piero della Francesca (1445-1462, Sansepolcro) ; Giovanni Bellini (1455, Venise) ; Francesco Botticini (1440-1460, Londres) ; Antonello da Messina (1450-1455, Bucarest et 1475, Anvers et Londres) ; Paolo Uccello (1460-1465, Madrid) ; Hugo van der Goes (1470, Venise) ; Francesco del Cossa (1473-1474, Washington) ; Jérôme Bosch (1480-1485, Bruxelles) ; Fernando Gallego (1480, Madrid) ; Pietro Vannucci dit Le Pérugin (1481-1485, Washington, 1493-1496, Lyon et 1503-1506, Sienne) ; Carlo Crivelli (1490-1495, Milan) ; Sandro Botticelli (1497, Cambridge) ; Gérard David (1495-1500, New York et 1515, Berlin).

Piero della Francesca (1445-1462, Sansepolcro) :

Piero della Francesca (?-1492), Polyptyque de la miséricorde : Crucifixion, (tempera et huile sur panneau, ca. 1460), 81 x 57 cm

pinacle du polyptyque de la Miséricorde, Museo civico, Sansepolcro, Italie

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  • Jan Provost (1500, Bruges et New York) ; Colin Nouailher (16e s., Écouen) ; Raffaello Sanzio dit Raphaël (1502-1503, Londres) ; Lucas Cranach (1503, Munich, 1515-1520, Colmar et 1536, Washington) ; Marco Palmezzano (1505, Avignon) ; Matthias Grünewald (1501-1505, Bâle et Washington, 1505, Londres, 1510-1515, Colmar et 1523-1524, Karlsruhe) ; Albrecht Altdorfer (1512, Kassel et 1526, Berlin) ; Bramantino (1515, Milan) ; Hans Geller (1515-1520, Paris) ; Adrien Isenbrant (1518-1535, Hambourg) ; Quentin Massys (1520, Anvers) ; Joos van Cleve (1520, New York et 1525, Boston) ; Cornelis Engebrechtsz (1525-1527, New York) ; Simon Bening (1525-1530, Los Angeles) ; Bernardino Luini (1530, Saint Pétersbourg) ; Léonard Limosin (1557, Écouen) ; Tiziano Vecellio dit Le Titien (1558, Ancône) ; Christophe Schwarz (1560-1580, Munich) ; Paolo Caliari dit Véronèse (1580, Venise) ; Otto van Veen (fin 16e début 17e s., Neubourg) ; Federico Barocci (1590-1595, Urbin) ; etc.

Jan Provost (1462-1525/1529), Crucifixion, (huile sur panneau de chêne, ca. 1501-1505), 116,6 x 171,1 cm

musée Groeninge, Bruges

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Jésus seul...

Entouré ou non des larrons, il apparaît régulièrement dans une solitude totale :

  • Andrea Di Bartolo (1415, Washington) ; Fra Carnevale (1450, Urbin) ; Vincenzo Foppa (1456, Bergame) ; Pedro Berruguete (1493-1499, Ségovie) ;

Fra Carnevale (1420-1484), Crucifixion, (tempera et huile sur bois, ca. 1450), 103 x 67 cm

Galleria Nazionale delle Marche, Urbino, Italie

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  • Giovanni Bellini (1501-1503, collection privée) ; Tiziano Vecellio dit Le Titien (1555, Escurial).

Après le concile de Trente, les représentations du Christ seul se multiplient, qu'il soit encore vivant ou déjà mort :

  • Dominikos Theotokopulos dit Le Greco (1585-1590, Amsterdam et ca. 1600, Cincinnati) ; Peter Paul Rubens (1612, Munich) ; Antoon Van Dyck (1622, Venise) ; Francisco de Zurbaran (1627, Chicago et 1627-1629, Séville) ; Rembrandt Harmenszoon Van Rijn dit Rembrandt (1631, Le Mas d’Agenais) ; Diego Rodriguez de Silva y Vélazquez dit Vélazquez (1632, Madrid) ; Guido Reni (1637, Rome) ; Jan Boeckhorst (1640, Anvers) ; Alonso Cano (1640, Saint Pétersbourg) ; Jusepe de Ribera (1643, Vittoria) ; Bartolomé Esteban Murillo (ca. 1650-1660, New York et 1675-1680, Madrid) ; Philippe de Champaigne (1655, Grenoble) ; Pierre Puget (1680, Paris) ;

Peter Paul Rubens (1620, Anvers)

Peter Paul Rubens (1577-1640), Le Christ crucifié, (huile sur toile, 1610-1611), 219 x 122 cm

musée royal des Beaux-Arts d'Anvers, Belgique

Domaine public © Wikimedia commons→, Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19

Francisco de Zurbaran (1627, Chicago ) :

Francisco de Zurbarán (1598-1664), Le Christ en croix, (huile sur toile, 1627)

The Art Institute of Chicago, États-Unis © Wikicommons→

Rembrandt (1631, Le Mas d’Agenais) :

Rembrandt Harmenszoon Van Rijn dit Rembrandt (1606-1669), Christ en croix, (huile sur toile montée sur panneau, 1631), 99,9 x 72,6 cm

église de Saint-Vincent, Le Mas-d'Agenais, France

Domaine public © Wikimedia commons→, Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19 

Diego Vélazquez (ca. 1632, Lyon) :

Diego Vélazquez (1599-1660), Christ crucifié, (huile sur toile, ca. 1632), 248 x 169 cm

Musée du Prado, Madrid

Domaine public © Wikimedia commons→, Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19 

  • Louis de Silvestre (1734, Dresde) ; Francisco De Goya (1780, Madrid) ; Jacques-Louis David (1782, Mâcon) ;

Jacques-Louis David (1748-1825), Christ en croix, (huile sur toile, 1782), 276 x 188 cm

église Saint-Vincent, Mâcon, France, Domaine public © Wikimedia commons→, Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19 

  • Eugène Delacroix (ca. 1837, Yale, 1847, Francfort, ca. 1853, Ottawa) ; Thomas Eakins (1880, Philadelphie) ; Nikolaï Gay (1892, Paris) ; Odilon Redon (1897, coll. priv. et 1910, Paris) ; etc.

Thomas Eakins (1844-1916), Crucifixion, (huile sur toile, 1880), 243,8 x 137,2 cm

Philadelphia Museum of Art, États-Unis

Domaine public © Wikimedia commons→, Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19 

Une tendance à toujours plus de réalisme se fait jour, à mesure que l'exégèse se veut plus historique. 

Aimé Morot (1850–1913), Martyre de Jésus de Nazareth, (huile sur toile, 1883),

Musée des Beaux-Arts, Nancy (France)

Domaine public→ © (photo Marc Baronnet)  CC BY-SA 3.0 

... ou isolé

La formule qui ne présente qu’un nombre restreint de personnages et permet, par son cadrage resserré, d’insister davantage sur la figure souffrante du Christ, qu'il soit encore vivant ou déjà mort :

  • Annibale Carracci (1583, Bologne) ; Dominikos Theotokópulos dit Le Greco (1580, Paris, 1588, Athènes et 1596-1600, Madrid) ; Santi di Tito (1593, Florence) ;

Santi di Tito (1536-1603), La Vision de saint Thomas d'Aquin, (huile sur panneau de bois, 1593), 362 x 233 cm

basilique San Marco, Florence

Domaine public © Wikimedia commons→, Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19 

  • Abraham van Diepenbeeck (17e s., Paris) ; Gaspard de Crayer (17e s., Lille) ; Abraham Janssens (17e s., Valenciennes) ; Bartolomeo Cesi (17e s., Ajaccio) ; Michel Dorigny (17e s., Paris) ; Laurent de la Hyre (17e s., Saint-Denis) ; Quentin Varin (1612, Beauvais) ; Antoon van Dyck (1615-1630, Paris) ; Jacob Jordaens (1620, Rennes) ; Peter Paul Rubens (1620, Anvers) ; Simon Vouet (1622, Gênes, 1620-1630, Paris et 1636, Lyon) ; Guido Reni (1624, Nothumberland) ; Hendrick ter Brugghen (1625, New York) ; Diego Vélasquez (1632, Madrid) ; Nicolas Tournier (1635, Paris et 1637, Rome) ; Eustache le Sueur (1643, Londres) ; Giulio Carpioni (1648, Venise) ; Francisco de Zurbarán (1660, Madrid).

Abraham van Diepenbeeck (17e s., Paris)

Abraham van Diepenbeeck (1596-1675), La Crucifixion, (huile sur panneau, 1630-1675), 62 x 44,5 cm

collection privée

Domaine public © Wikimedia commons→, Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19 

Simon Vouet (1636, Lyon)

Simon Voüet (1590-1649), Crucifixion, (huile sur toile, 1636), 216 × 146 cm

Musée des Beaux-Arts de Lyon

Domaine public © Wikimedia commons→, Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19 

  • Franz Christoph Janneck (1730) ; Pierre Subleyras (1744, Milan) ; Pompeo Batoni (1762, Boston) ; Francisco de Goya (1780, Madrid) ; etc.
Scènes non scripturaires

La peinture peut se faire méditative. Le peintre Charles Le Brun considère qu’en représentant la foule qui assistait à la crucifixion « les peintres satisferaient mal la piété des personnes contemplatives, parce que tant de divers objets interrompraient leur méditation et leur ferveur » :

  • Charles Le Brun Le Christ en croix adoré ou secouru par les anges (17e s., Paris).

Charles Le Brun (1619-1690), Crucifixion, (huile sur panneau, 1637), 52 x 41 cm

Musée des Beaux-Arts Pouchkine, Moscou, Russie, Domaine public © Wikimedia commons→, Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19 

Depuis le 19e s.

Aux côtés des représentations du Christ seul (cf. supra), on retrouve également les grandes formules des siècles précédents.

Vierge Marie et saint Jean

Plus ou moins identifiables, ils sont parfois maintenus dans des scènes de source plus explicitement johannique :

  • 19e s. : Eugène Delacroix (1835, Vannes, 1850, Paris et 1853, Londres) ; Hippolyte Flandrin (1839-1853, Paris) ; Gustave Moreau ; Pierre-Paul Prud'hon (1822) ; Henry Siddons Mowbray ; Odilon Redon (1897, coll. priv. et 1904, Birmingham) ;
  • 20e s. : Max Ernst (1913, Cologne) ; Salvador Dali (1954, New York) ; Otto Dix (1960) ; Jacques Villon (1960) ; Albert Gleizes (1928, 1935) ; Giacomo Manzù ; Henri Matisse ; Pablo Picasso (1930) ; Georges-Henri Rouault (1939) ; Bernard Buffet (1951).

Autres exemples : Arts visuels Mt 27,55s.

Grande narration...

La formule narrative représentant la foule ou insérant la scène dans une vaste histoire du salut fut parfois adoptée :

  • Eugène Delacroix (1846, Baltimore) ; Gustave Moreau (ca. 1870) ; James Ensor ; 

Eugène Delacroix (1798-1863), Crucifixion, (huile sur toile, 1846), 80 x 64,2 cm

Walters Art Museum, Baltimore, États-Unis

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  • Max Klinger (1890, Leipzig) présente le Christ ainsi que les deux larrons entièrement nus ;
  • Edvard Munch Golgotha (1900, Oslo) Suggéré sans aucun détail, le crucifié est presque un « blanc » sur la toile, qui détaille en premier plan le premier rang d’une foule compacte massée auprès de la croix. À gauche, un vieil homme chenu semble commenter, un clown blanc et un masque cruels semblent se moquer, les femmes pleurent avec réserve ; en plein milieu un homme chauve et distingué fixe le spectateur de ses yeux grands ouverts ;

Edvard Munch (1863-1944), Golgotha, (huile sur toile, 1900), 80 x 120 cm

Munch Museum, Oslo, Norvège

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  • Marc Chagall La crucifixion blanche (1935, Chicago) Le crucifix est dressé au cœur d’un village de Russes blancs en Pologne ; autour de la croix du supplicié, dont le perizonium est un châle de prière juif, l’avancée des soldats allemands sur la droite résulte partout en scènes de pillage impliquant le rouleau de la Tora, pleurs mêlés de désillusions, fuite et exil. Le crucifix est au centre des événements politiques qui menacent les symboles les plus sacrés du judaïsme ;
... ou solitude

La tendance à centrer les représentations sur la figure du crucifié, dans un isolement parfois total, développée naturellement par les sculpteurs, mais également par certains peintres est prolongée par les artistes de l’époque contemporaine, qui reflètent l’évolution de la christologie (Mt 27,46b).

  • Arcabas, Craigie Aitchison, Francis Bacon, Pierre Burgallo, Gérard Titus-Carmel, Macha Chmakoff, Salvador Dali, Max Ernst, Eric Gill, Pierre Moignard, Pablo Picasso, Paul Robert, Antonio Saura, Egon Schiele, Graham Sutherland, Franz von Stuck, etc.
Iconographies plus insolites ou originales
  • Paul Gauguin (1889, Buffalo) Les saintes femmes sont des bretonnes ;

Henri Eugène Paul Gauguin (1848-1903), Le Christ jaune, (huile sur toile, 1889), Crucifixion, 92,1 × 73 cm

Pont-Aven, Albright-Knox Art Gallery, Buffalo (U.S.A.)

domaine public © Wikicommons→

Catalogues raisonnés W.327: Georges Wildenstein, Gauguin : I. Catalogue, 1964. S.151: Gabriele Mandel Sugana (1972) L'opera completa di Gauguin, Milan: Rizzoli, no. 151. Trois femmes à genoux au pied d'un calvaire breton, pourraient être une simple halte de trois paysannes du début du 20e s. Mais il pourrait s'agit aussi d'une évocation de la crucifixion elle-même, avec les saintes femmes et Marie au pied de la croix. Un petit personnage, en arrière plan du tableau, escalade un mur pour s'éloigner de la croix. C'est peut-être Judas, mais c'est peut-être bien Pierre, aussi, et tout homme, pécheur, qui regarde la croix.

  • Francis Picabia (1924-1925, Paris) La Vierge Marie et saint Jean sont remplacés par André Breton et Louis Aragon ;
  • Renato Guttuso Crocifissione (1942, Rome) Trois femmes dont l'une nue (Marie-Madeleine) s'agitent au pied de la croix ; de même deux soldats (nus également) : l'un tenant un bâton (Longin ?), l'autre le porte-éponge et deux dés.
  • Giacomo Manzù (1942-1957, Paris) Adam et Ève implorent le Christ en croix ;
  • Salvador Dalí Christ de saint Jean de la Croix (1951, Glasgow) Dans une perspective plongeante impressionnante, un Christ aux cheveux courts, non blessé, presque accolé à la croix, regarde vers le bas où des matelots accostent dans une baie impassible ;
  • Paul Delvaux (1951-1952, Bruxelles et 1954, Ixelles) Trois squelettes sont crucifiés au-dessus d'une foule d'autres et de soldats en armure. Sur un tableau du même genre (1957), seul le Christ a encore la peau sur les os, crucifié au milieu d'une foule de squelettes très nombreuse ;
  • Francis Bacon Trois études de figures au pied d'une crucifixion (1944, Londres), Trois études pour une crucifixion (1962, New York) et Crucifixion (1965, Munich) Triptyques terrifiants présentant des figures déformées sur fond orange-rouge : dans le 1er, on ne voit pas le crucifié mais trois figures animales ; dans le 2e, des figures charnues se contorsionnent, le panneau de droite présentant une carcasse de viande pendant à l'envers ; elle se retrouve sur le panneau central de la 3e.

Autres exemples : Arts visuels Mt 27,55s.

45s Douzième station : Jésus meurt sur la Croix

20e s.  George Desvallières (1861-1950)

1930

George Desvallières (1861-1950), Douzième station : Jésus meurt sur la Croix, (Huile sur toile marouflée, 1930), 150 x 361 cm

Eglise Sainte-Barbe, Wittenheim (Haut-Rhin) © P.Lemaitre→

Sommet de tout le Chemin de Croix, la douzième station, sur le bas-côté droit de la nef, présente le Christ crucifié entre les deux larrons, devant le ciel noir de Jérusalem zébré d’éclairs terrifiants. Les regards du Christ et du bon larron sont tournés vers le ciel. Le second larron à droite laisse pencher sa tête vers le sol. Dans son article de 1933, le père Couturier choisit cette illustration pour parler entre autres des stations « magnifiques » du Chemin de Croix d’Alsace de son maître qui, pour lui, sont plutôt « de grandes esquisses passionnées ». Il rappelle le premier souci de Desvallières, montrer avant tout combien le Christ a souffert pour l’humanité : « Ce n’est pas du tout par parti-pris, nous disait-il, mais il me semble qu’en poussant plus loin, j’affaiblirais l’expression. » (Couturier) Pauline Peugniez, après un tour en Alsace avec un groupe d’élèves d’art sacré, écrira : « Nous voyions ces jours-ci en compagnie d’autres peintres, l’église de Wittenheim, en Alsace, décorée par Monsieur Desvallières et nous revenions de cette visite aussi émus qu’au musée de Colmar qui abrite pourtant l’admirable Gruenewald [sic]. » (Hébert-Stevens). L’abbé Vital Bourgeois, curé des lieux, écrit à Desvallières combien la vue de Christ l’aide dans son difficile ministère. Il trouve dans cette contemplation des « leçons de dévouement, d’amour et de courage jusqu’au bout. » (Bourgeois, 13 février 1939) Une gravure non répertoriée de la Tête du Christ a été éditée (collection du musée Rolin).

1933

George Desvallières (1861-1950), Douzième station de Chemin de Croix : Christ en Croix, (Huile et essence sur papier ocre, ca. 1933), 103 x 51 cm

Musée d’Histoire, Belfort © Succession Desvallières→

Ce beau Christ se détache sur un paysage de ville dévastée sous un ciel bleu outremer. Il est probable que George Desvallières l’ait offert au musée de Belfort après la mort du sculpteur Camille Lefèvre, le 23 mai 1933, ami de l’artiste, vice-président du Salon d’automne. Un don de ses œuvres et de sa collection parvient au musée de Belfort, le 2 octobre 1934, en présence de Madame Camille Lefebvre. « Le legs fait au Musée par le sculpteur Camille Lefèvre et sa femme a été installé dans une salle spéciale, inaugurée le 2 octobre, en présence de Mme Camille Lefèvre et de M. Desvallières, représentant le Salon d’Automne, dont Camille Lefèvre était vice-président. Ce legs comprend un bel ensemble des œuvres de Camille Lefèvre, sculptures, peintures et dessins, et, en outre, des morceaux importants de Rodin et de Dalou ; des peintures de Carrière, Guillaumin, Renoir, Luce et Whistler : des céramiques de Lenoble et de Delaherche. Le tout a été habilement présenté par le conservateur M. Delarbre, qui s’est ingénié déjà à renouveler et rajeunir son musée par l’entrée de nombre d’œuvres d’artistes contemporains des jeunes générations. » (Une salle Camille Lefèvre, Bulletin des Musées de France, 6e année, no9, novembre 1934, Musées Nationaux, p. 188 ; musée de Belfort).

1935

George Desvallières (1861-1950), Douzième station : Jésus meurt sur la Croix, (Huile sur toile marouflée, 1935), 125 x 126 cm

Église du Saint-Esprit, Paris 12e arr. © P.Lemaitre→

La mort du Seigneur encadre, avec les dixième et onzième stations (CR 2336), la grande fresque de l’histoire de l’Église de Jean Dupas. Alors qu’au chemin de croix de l’église Sainte-Barbe de Wittenheim, Jésus et le bon larron tournaient leur visage vers le ciel zébré d’éclairs, ici, le Christ rend son dernier souffle en esquissant un mouvement vers le bon larron qui lui lance un regard suppliant. Sa croix domine toute la composition et à ses pieds la vigne porte des grappes de raisin, symbole de l’espérance invoquée par l’artiste aux pires moments de l’existence.

50 Crucifixion

20e s.

George Desvallières (1861-1950), Crucifixion, (Huile sur toile marouflée, ca. 1937), 320 x 346 cm, Panneau central

Chapelle de l'ancien grand séminaire, Meaux © Succession Desvallières→.

Au fond, de part et d’autre du grand crucifix, dans un halo de lumière intense, le peintre déploie en symétrie deux scènes bibliques : la Présentation au Temple (2399a) à gauche, offrande de l’Enfant-Jésus au sanctuaire par Marie et Joseph, dont on connait la première esquisse (2398) et le Sacrifice d’Abraham (2399c) à droite, où le patriarche est prêt à offrir son fils Isaac (Gn 22,1-19). Le père Régamey, quand il découvre l’œuvre, admire « deux grands actes d’offrande et de sacrifice en beau rapport avec la messe et bien choisis pour la méditation de futurs prêtres ». Effectivement, les deux évènements rapportés préfigurent le don du Christ sur la croix, qui se renouvelle par l’intermédiaire du prêtre dans le mystère de l’eucharistie. Sur les côtés et en partie inférieure du panneau, Desvallières peint des draperies et des symboles.

51 Sur le tabernacle vivant

Installation contemporaine

Zogmayer Leo (1949- ), 2015, Eglise Dornbarcher, Vienne (Autriche)

Droits réservés © terredecompassion →

En 2015, l’église Dornbarcher a vu son crucifix disparaître durant quelques mois, dissimulé derrière l’œuvre monumentale que l’artiste Leo Zogmayer a positionnée en amont du maître-hôtel — un voile blanc, déployé dans cet espace habituellement réservé aux représentations de la passion. Une marque rougeâtre vient trancher le mur de tissu en plein cœur, faisant écho aux souffrances endurées par le Christ en même temps qu’à son essence céleste, rendue visible dans la chair humaine pour le bien de tous. Quant à ce qui demeure caché derrière l’étoffe, cela renvoie à cette part d’invisible insaisissable qui participe de la foi chrétienne — les mystères divins que l’œil humain ne peut connaître mais qu’une ouverture du cœur peut pénétrer. (V.L.)

52s La résurrection des morts

20e s.

George Desvallières (1861-1950), La Résurrection des morts, (Huile sur toile marouflée, ca. 1944), 125 x 163 cm

Collection particulière, France © SEBERT→

L’artiste imagine en plusieurs dimensions et sur différents supports la résurrection des morts qu’il avait déjà traitée dans les années 1930 et où il s’était représenté avec son épouse Marguerite (CR 2362-2364). Cette dernière œuvre en largeur, après les quatre esquisses précédentes, fait apparaître un couple plus jeune et apporte des couleurs plus chaleureuses. Le jeune homme vient tirer de la tombe un proche qu’il prend dans ses bras dans une ambiance apocalyptique, avec le réalisme des grands blocs des pierres tombales éparses et ouvertes. La luminosité des rayons qui tombent en biais sur la scène et quelques fleurs parsemées dans la nuit font naître l’espérance.

54 le centurion et ceux qui avec lui gardaient Jésus Hommes de guerre et Crucifié

20e s.

George Desvallières (1861-1950), La guerre, (Illustration, 1934), 18,4 x 13,8 cm

Collection particulière, Paris, © Succession Desvallières.

Illustration pour le livre de Monsieur Vincent (p.19)  illustrant le chaos de la guerre autour de la croix du Christ.

55s Les femmes au pied de la croix

Art contemporain

François-Xavier de Boissoudy (1966-...), Jérusalem, (lavis d'encre, 2015-2016), 125 x 125 cm

Coll. part., © Fr-X. de Boissoudy→, Jn 11,50 ; Mt 27,55-56 ; Mc 15,40-41 ; Lc 23,49

Derrière les trois croix noires du Golgotha se dessine la ville de Jérusalem en arrière-plan, lavée et illuminée par le sacrifice de son sauveur.

Sr Catherine Bourgeois, Samedi saint, (huile sur toile, 2015), Stabat Mater dolorosa, ca. 100 X 70 cm, Abbaye St-Pierre de Solesmes

Coll. privée, D.R.→ © photo. P.-A. Rochon

Lm 2,13 ; Mt 27,55-56 ; Lc 22,49-56 ; Jn 19,25-27 ; Mc 14,40-41 

L'ermite contemplative voit l'océan de douleur jadis prophétisé de la fille de Sion (Lm 2,13) remplir de larmes amères les yeux de Marie au pied de la Croix. 

57–61 Jésus mort descendu de la croix.

17e s. : la Piétà vue par Nicolas Poussin et Seghers Daniel

Piétà en pied

Nicolas Poussin (1594-1665), Descente de Croix, (huile sur toile, ca 1626), Descente de Croix, 119 × 98 cm, Collection d'Heinrich von Brühl,

Musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg © Wikicommons→

Plan rapproché

Nicolas Poussin (1594-1665), Seghers Daniel (1590-1661), Piéta, (huile sur toile, ca. 1626-1627), Pendant de la Vierge à l'enfant de Brighton, redécoupé, 57,5 × 48,5 cm

Musée Thomas-Henry, Cherbourg © Wikicommons→

La décoration florale est attribuée à Daniel Seghers.

20e s.

Voici une nouvelle Pietà au pied de la Croix avec la sainte mystique qui se substitue à la Vierge.

George Desvallières (1861-1950), Sainte Thérèse d’Avila, Pietà, (Huile et essence sur papier marouflé sur toile, 1929), 89 x 108,5 cm, Collection particulière, Paris © SEBERT→

En 1927, le projet d’illustration de sainte Thérèse d’Avila de Louis Bertrand (CR 1991) est envisagé et l’artiste compose et expose alors un cycle sur la sainte mystique. Ce grand panneau représente une nouvelle Pietà au pied de la Croix avec la sainte mystique qui se substitue à la Vierge. Le peintre doublement inspiré avec CR 1992, peint la carmélite qui tient à nouveau le Christ descendu de la Croix dans ses bras, avec une compassion et une tendresse dignes d’une mère. Il lui donne les traits de sa fille Sabine qui partage désormais la vie d’une communauté de Clarisses.

Une phrase de Louis Bertrand n’est pas passée inaperçue aux yeux de l’artiste : « D’autres, sans aucun doute, avant elle et depuis elles ont osé dire la même chose. Mais aucune n’a jamais apporté de preuves aussi fortes à l’appui de son témoignage » (Bertrand, p. 20). Exposé aussi chez Druet en 1929 et intitulée Sainte Thérèse d’Avila. – « Je l’ai tenu dans mes bras comme la Vierge de la cinquième angoisse », elle sera présentée au Salon des Tuileries au printemps et à la dernière grande rétrospective de 1937. Ce cycle, réalisé avant la décision des commanditaires, ne fut pas retenu pour l’illustration du livre (cf. Président de la société Les Exemplaires, 19 février 1929).

Dans la revue L’Art sacré de mars-avril 1948, le père Couturier choisit de reproduire cette œuvre pour illustrer son article sur l’art religieux, « Bilan de l’époque 1920-1940. Réalisations. » En 1984, dans le catalogue de l’exposition au Japon, s’il est dit, à propos de ce tableau, que le peintre s’inspire encore de Gustave Moreau, il est ajouté qu’il a trouvé sa voie personnelle : « Ce tableau est très représentatif du style de Desvallières, à l’âge mur qui se caractérise par une manière proche de l’expressionisme en un sens tragique qui fait penser aux compositions de Grünewald ou du Greco » (p. 56).

59 ; Jn 19,40 ; Lc 23,53 ; Mc 15,46 l'enveloppa d'un drap Saint Suaire

Art populaire du 18e s.

Art populaire, Saint Suaire de Turin (17e s.), reliquaire à papiers roulés, France

© Photo : Trésors de ferveur→

Description

Au centre, accompagnée de l'inscription Il verissimo ritratto del Santissimo Sudario (représentation véridique du Saint Suaire), se trouve une reproduction fidèle de la relique contenue dans le reliquaire : le fameux linceul dans lequel le Christ aurait été enveloppé avant d'être mis au tombeau. À gauche, la colonne de la flagellation ; à droite, la croix ainsi que deux des instruments de la Passion, l'éponge au bout du la branche d'hysope et la lance de laquelle un soldat aurait transpercé le corps du Christ selon Jn 19,34.

Art contemporain

Szymon Ryczek (1991 - ), Sans titre, (linogravure, 2020), (120 x 80 cm)

© Courtesy Vera Icon→, Mc 15,46

66 Ellipse

Art contemporain

François-Xavier de Boissoudy (1966-...), Jérusalem, (lavis d'encre, 2015-2016), 100 x 125 cm

Coll. part., © Fr-X. de Boissoudy→, Mt 27,66 ; Mc 15,47 ; Lc 23,56 ; Jn 19,41

La pierre est roulée. Dans la nuit du samedi au dimanche, la lumière de Pâques transfigure les ténèbres de la ville endormie. C’est une lumière qui vient d’en bas, qui remonte du séjour des morts, ramenant avec elle toute l’espérance accomplie des prophètes de l’Ancien Testament. La croix est là, bientôt illuminée elle aussi par la gloire de la résurrection.

Musique

17–23 Ecce Homo Le dialogue entre Pilate et les ennemis de Jésus, concentré dans le sublime ecce homo que le quatrième évangile fait prononcer par Pilate, a inspiré de nombreux compositeurs.

17e s.

Guillaume Bouzignac (1587-1643), Ecce Homo!,

William Christie (dir.), Les Arts Florissants ft. Les Pages de la Chapelle

© Licence YouTube standard→, Jn 19,5s.15  Mt 27,23.17.21s

Paroles

– Ecce homo! – Crucifige eum! – Tolle, crucifige eum! – Regem vestrum crucifigam? – Tolle, crucifige eum! – Quid enim mali fecit, – Tolle, crucifige eum! – Ecce Rex vester! – Non habemus Regem nisi Caesarem. – Dimittam illum in Pascha? – Non hunc, sed Barabam! – Quid faciam de Jesu?

Voici l'homme. Crucifie-le ! Tue-le, curcifie-le ! Crucifierais-je votre roi ? Tue-le, crucifie-le ! Qu'a-t-il donc fait de mal ? Tue-le, crucifie-le ! Voici votre roi ! Nous n'avons pas de roi, si ce n'est César. Relâcherais-je celui-là pour Pâque ? Pas celui-ci, mais Barabas ! Que ferais-je de Jésus ? 

Compositeur

Guillaume Bouzignac, né vers 1587 en Languedoc (probablement à Narbonne ou à Saint-Nazaire-d'Aude), et mort après 1643, est un prêtre, maître de musique et compositeur français actif dans la première moitié du 17e s.

35–45 Were you there (when they crucified my Lord)

20e s.

Johnny Cash (1932-2003), Were You There (When They Crucified My Lord) 

© Licence YouTube standard→

Composition

Johnny Cash propose avec ce titre une reprise d'un negro spiritual, chant religieux entonné par les esclaves noirs lors du travail dans les plantations de champs de coton dans le sud des États-Unis.

Paroles

Were you there when they crucified my Lord ? (Were you there ?) / Were you there when they crucified my Lord ? / O sometimes it causes me to tremble ! tremble ! tremble ! Were you there when they crucified my Lord ? —— Were you there when they nail'd him to the cross ? (Were you there ?) / Were you there when they nail'd him to the cross ? / O sometimes it causes me to tremble ! tremble ! tremble ! / Were you there when they nail'd him to the cross ? —— Were you there when they pierced him in the side ? (Were you there ?) / Were you there when they pierced him in the side ? O sometimes it causes me to tremble ! tremble ! tremble ! / Were you there when they pierced him in the side ? —— Were you there when the sun refused to shine ? (Were you there ?) / Were you there when the sun refused to shine ? / O sometimes it causes me to tremble ! tremble ! tremble ! / Were you there when the sun refused to shine ?

Traduction

Étais-tu là quand ils ont crucifié mon Dieu ? (Mt 27,35 // Mc 15,24 // Lc 23,33 // Jn 19,18) (Étais-tu là ?) / Étais-tu là quand ils ont crucifié mon Dieu ? / Oh, parfois cela me fait trembler, trembler, trembler ! / Étais-tu là quand ils ont crucifié mon Dieu ? —— Étais-tu là quand ils l'ont cloué à la croix ? / (Étais-tu là ?) Étais-tu là quand ils l'ont cloué à la croix ? / Oh, parfois cela me fait trembler, trembler, trembler ! / Étais-tu là quand ils l'ont cloué à la croix ? —— Étais-tu là quand ils ont transpercé son flanc ? (Jn 19,34) (Étais-tu là ?) / Étais-tu là quand ils ont transpercé son flanc ? / Oh, parfois cela me fait trembler, trembler, trembler ! / Étais-tu là quand ils ont transpercé son flanc ? —— Étais-tu là quand le soleil n'a pas voulu briller ? (Mt 27,45 // Mc 15,33 // Lc 23,44) / Étais-tu là quand le soleil n'a pas voulu briller ? / Oh, parfois cela me fait trembler, trembler, trembler ! / Étais-tu là quand le soleil n'a pas voulu briller ?

45s.50 L'obscurité se fit

17e s.

Marc-Antoine Charpentier (1643-1704), Tenebrae factae sunt, H129, 1690

Michel Corboz (dir.), Orchestre de la Foundation Gulbenkian de Lisbonne, Philippe Huttenlocher (basse)

© Licence YouTube standard→, Mt 27,45s.50 Lc 23,44ss

Paroles

Tenebrae factae sunt, dum crucifixissent Jesum Judaei: et circa horam nonam exclamavit Jesus voce magna: Deus meus, ut quid me dereliquisti? Et inclinato capite, emisit spiritum. Exclamans Jesus voce magna ait: Pater, in manus tuas commendo spiritum meum. Et inclinato capite, emisit spiritum.

Les ténèbres se firent après que les Juifs crucifièrent Jésus : et vers neuf heures, Jésus s'exclama d'une voix forte : mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? Et, après avoir incliné la tête, il expira. Jésus s'exclamant d'une voix forte dit : Père, entre tes mains, je remets mon esprit. Et après avoir incliné la tête, il expira. 

Compositeur

Marc-Antoine Charpentier, né en Île-de-France en 1643 et mort à Paris le 24 février 1704, est un compositeur et chanteur baroque français. Sa musique est issue d'un mélange des styles français et italien, auxquels elle emprunte de nombreux éléments. Il a composé des œuvres sacrées telles que des oratorios, des messes, des psaumes, des magnificats. Il a également composé plusieurs opéras, des sonates, préludes pour orchestre, des noëls instrumentaux.

26,3.47 ; 27,46 Les ténèbres se firent

18e s.

Johann Michael Haydn (1737-1806), Tenebrae factae sunt, 1772

Mandák Kórus

© Licence YouTube standard→, Mt 25,45ss Jn 19,30 Lc 23,46

Paroles

Tenebrae factae sunt, dum crucifixissent Jesum Judaei: et circa horam nonam exclamavit Jesus voce magna: Deus meus, ut quid me dereliquisti? Et inclinato capite, emisit spiritum. V. Exclamans Jesus voce magna ait: Pater, in manus tuas commendo spiritum meum. Et inclinato capite, emisit spiritum.

Les ténèbres se sont faites pendant que les Juifs crucifiaient Jésus : et vers neuf heures, Jésus s'exclama d'une voix forte : Mon Dieu pourquoi m'as-tu abandonné ? Et après avoir incliné la tête, il expira. Jésus s'exclamant d'une voix forte dit : Père, entre tes mains je remets mon esprit. Et après aovir incliné la tête, il expira.

Composition

Michael Haydn est un compositeur autrichien, né le 14 septembre 1737 à Rohrau (Autriche) et décédé le 10 août 1806 à Salzbourg. Il est le frère cadet de Joseph Haydn (1732–1809). Ses œuvres comportent plus de huit cents compositions, essentiellement religieuses.

46 Les sept paroles du Christ en croix

21e s.

« The Seven Last Words op.36 »

Kris Oelbrandt, OCSO (1972-), The Seven Last Words op. 36, 2015

Jenny Spanoghe (alto)

© Kris Oelbrandt→, Lc 23,34-46 Jn 19,26-30 Mt 27,46

Composition

La solitude de Jésus sur la croix est traduite dans l'effectif de cette composition: un violon (ou alto) non-accompagné, abandonné par tout le monde, sans contact avec la terre. La pièce suit les sept dernières paroles à travers sept miniatures. Un "motif de croix" reconnaissable sert comme ponctuation entre les paroles: un accord très court et fort (verticalité) suivi d'une longue seconde soutenue douce (horizontalité).

  • I. (00:00 - 00:40)

La première parole (Lc 23,34: "Père, pardonne-leur ...") est un jeu très virtuose, diabolique, on dirait fou, dépeignant ceux qui "ne savent pas ce qu’ils font."

  • II. (00:40 - 02:12)

Dans la deuxième (Lc 23,43: "... aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis.") deux voix chantent librement et paisiblement ensemble.

  • III. (02:12 - 03:50)

La jonction de la Mère et du disciple (Jn 19,26-27: troisième parole) se traduit en une valse noble, intime, pleine d'une joie intérieure.

  • IV. (03:50 - 05:19)

Apogée et centre pivot des sept paroles, la quatrième parole "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?" (voir aussi Mc 15,34 et Ps 22,2) est mis en musique en glissandi répétés de dissonants criants dans le suraigu.

  • V. (05:19 - 07:20)

"J'ai soif" (Jn 19,28: cinquième parole) est évoqué par des sons expérimentaux, imitant des gémissements et des souffles secs.

  • VI. (07:20 - 08:01)

"Tout est accompli" (Jn 19,30: sixième parole) est reflété par seulement quelques harmoniques, ne donnant que les contours d'une mélodie presque évaporée. 

  • VII. (08:01 - 10:05)

La septième parole (Lc 23,46:  "Père, entre tes mains je remets mon esprit." - voir aussi Ps 31,6) est une mélodie sereine, dépassionnée.

« Septem verba Christi op.38 »

Kris Oelbrandt, OCSO (1972-), Septem Verba Christi op. 38, 2015

Abdij Maria Toevlucht

© Kris Oelbrandt→, Lc 23,34-46 Jn 19,26-30 Mt 27,46

Composition

Motets en latin sur les sept dernières paroles du Christ en croix. Contrairement aux «The Seven Last Words» qui sont très atonaux et expressionnistes, les «Septem verba Christi» sont dans un langage néo-modal.

  • I. (00:00 - 01:12)

La première parole (Lc 23,34: "Père, pardonne-leur ..."; "Pater, dimitte illis ...") se concentre sur la proclamation tranquille, paisible du texte.

  • II. (01:12 - 02:00)

La deuxième (Lc 23,43: "... aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis."; "... Hodie mecum eris in Paradiso") est plus mélismatique, évoquant l'atmosphère céleste.

  • III. (02:00 - 03:06)

La jonction de la Mère et du disciple (Jn 19,26-27: troisième parole) devient évident avec des mélismes à deux voix, un fleuve tranquille de deux mélodies qui coulent ensemble.

  • IV (03:06 - 03:59)

La quatrième parole "Deus meus, ut quid dereliquisti me?" (voir aussi Mc 15,34 et Ps 22,2) est le centre pivot des sept paroles. C'est pourquoi elle est traitée de manière spéciale, c'est-à-dire dans un langage plus atonal, donnant expression aux mots dramatiques de Jésus. Les dynamiques sont également plutôt dans le forte, tandis que les autres se situent dans les dynamiques douces.

  • V. (03:59 - 05:00)

"J'ai soif" (Jn 19,28: cinquième parole) n'est en latin qu'un seul mot: sitio. Des quintes ouvertes et une pédale sur "si" (à la fois la syllabe et la note musicale) créent une atmosphère de désert.

  • VI. (05:00 - 05:59)

"Tout est accompli", "consummatum est" (Jn 19,30: sixième parole) est une longue séquence d'harmonies qui glissent de manière chromatique en bas.

  • VII. (05:59 - 07:42)

La septième parole (Lc 23,46:  "Père, entre tes mains je remets mon esprit."; "Pater, in manus tuas comendo spiritum meum." - voir aussi Ps 31,6) reprend la musique de la première parole, les deux commencant par l'acclamation "Pater".

Partition→

Cinéma

26,1–28,20 La Passion dans Il Vangelo secondo Matteo, chef-d'œuvre de Pier Paolo Pasolini (réal., scén., 1922-1975) Film noir et blanc à petit budget, réalisé par un homosexuel athée marxiste, ce film reste un choc, comparé aux œuvres ultérieures de Pasolini (p. ex. Salò, ou Les 120 journées de Sodome, en 1975). Pasolini s'était dit fasciné par l'éclat littéraire et l'efficacité narrative de l'évangile selon Mt. Son film, dédié au « glorieux Pape Jean XXIII », met en scène tout l’évangile selon Mt, qu’il suit fidèlement, surtout dans les dialogues. Cette fidélité littérale ne l’empêche pas de proposer une représentation très personnelle de la passion de Jésus, où il fait intervenir sa propre mère Susanna Pasolini pour interpréter la Vierge Marie avec une retenue bouleversante (cf. ci-dessous « la figure de Marie »).

Pier Paolo Pasolini, Il Vangelo secondo Matteo, film, 137', Italie-France : Arco film-Lux Compagnie cinématographique, 1964.

Photographie : Tonino Delli Colli ; musique : Jean-Sébastien Bach, Wolfgang Amadeus Mozart, Sergueï Prokofiev, Anton Webern, Père Guido Haazen (Missa Luba), Sometimes I Feel like a Motherless Child (Negro spiritual), chants de l’Armée Rouge ; distribution : Enrique Irazoqui (Jésus), Mario Socrate (Jean-Baptiste), Margherita Caruso/Susanna Pasolini (Marie)

 © Licence YouTube standard

La représentation est à la fois réaliste, par le décor naturel, et hiératique, par une succession de tableaux qui évoquent la scénographie d’un opéra. La musique joue d’ailleurs un rôle important pour préciser le sens des séquences, comme un commentaire sans paroles. La figure de Jésus est celle d’un prophète imprécateur, au verbe violent, qui entraîne les foules et déchaîne l’hostilité croissante des chefs et des pharisiens. Cette énergie se déploie jusqu’à l’arrestation. Jésus est d’ailleurs filmé souvent seul dans le plan, séparément des disciples. Les traits fins et distingués de l’acteur qui interprète le Christ contrastent avec la beauté brute et rustique des visages des disciples : Jésus est la perfection de l’humanité. Les gros plans nombreux sur ces visages évoquent l'Église comme peuple de Dieu ou le Peuple lui-même. On y voit surtout des hommes de tous âges, des vieilles femmes et des enfants, peu de jeunes femmes.

De plus, la pauvreté formelle adoptée comme langage cinématographique résonne fortement avec les enseignements du Christ : les canons néoréalistes permettent d’insister sur l’humanité de Jésus, rompant avec la vision « héroïcisante » des studios hollywoodiens. L’ambition néoréaliste de mettre à l’honneur les humbles, tout en soulignant le caractère réellement inédit du quotidien, renvoie aussi à la prophétie de Jésus : « Aujourd'hui s'accomplit cette Écriture — à vos oreilles » (Lc 4,21). Ce film fut récompensé, entre autres, par le prix spécial du jury au Festival de Venise et le grand prix de l'Office catholique du cinéma.

La passion

La représentation de la passion à proprement parler occupe 28 min, dans la seconde moitié du film. Dans les choix opérés par le réalisateur, trois caractéristiques influent profondément sur le message délivré par l’œuvre : Pasolini a une intelligence politisée du message évangélique ; il adopte une lecture chronologique et littérale de Mt ; il représente la passion de points de vue majoritairement externes.

  • Pasolini dans ses choix de mise en scène, décrit Jésus comme un tribun, un homme politique animé par un immense désir de justice.

  • Il adopte une narration strictement chronologique, qui suit littéralement le texte de l’évangile, omettant toutefois certains épisodes relatés dans Mt. Cette construction linéaire, si elle confère un caractère de simplicité et de pauvreté au récit de la passion, exprime de manière limitée l’unité profonde dont est tissée la vie du Christ.

  • La caméra adopte le point de vue externe de Pierre jusqu’à son reniement, puis de Judas jusqu’à sa pendaison, enfin de Jean jusqu’à la crucifixion. Il en découle que la majorité des images de la passion est éloignée du cœur de l’action : l’œil de la caméra observe une suite de tableaux à distance respectueuse, sans s’approcher du visage ni du corps du Christ. Hormis la pauvreté formelle adoptée dans cette œuvre, la Passion de Pasolini fait peu entrer dans le caractère stupéfiant de l’amour de Dieu tel qu’il est révélé dans la mort du Christ, car cette représentation laisse le spectateur à l’extérieur de l’humanité du messie et de sa réalité incarnée et personnelle. Pasolini ne montre pas non plus l’événement universel et cosmique (en tant qu’il réalise une conversion, un retournement de la marche du monde) que constitue la passion de Jésus.

Une conséquence de telles options est l’impression d’extériorité qui se dégage de la dernière partie du film : Jésus, après avoir déclamé ses enseignements sur un ton impérieux, souffre sa passion et meurt loin du spectateur. La distance installée par le metteur en scène avec le Christ souffrant occulte largement la violence inexprimable de la passion, qui est le sacrifice d’amour de Dieu pour ses enfants et ses frères, les hommes. Avec le recul, on comprend les raisons pour lesquelles cette œuvre a pu rencontrer un tel succès critique, tant cette représentation de la passion, tout en semblant réaliste, est peu dérangeante.

Jésus

À l’écran, selon un procédé fréquent dans le cinéma italien de l’après-guerre, Jésus est incarné simultanément par un duo d’acteurs, avec l’apparence d’Enrique Irazoqui aux cheveux noirs, aux yeux noirs et sans arcade (juif basque qui, comme les autres interprètes, n'était pas un acteur professionnel) et la voix d’Enrico Maria Salerno. Le décalage entre les images capturées en extérieur d’un interprète non professionnel et la voix puissante enregistrée en studio d’un acteur confirmé peut être vu comme le signe de la double nature du Christ. Ce Jésus éructe les paraboles et prophétise avec une férocité vive, comme un agitateur syndical. Il est nerveux avec ses inquisiteurs et brusque avec ses apôtres. C'est un homme-Dieu pressé d'accomplir sa mission. Plus tôt mort, plus tôt ressuscité.

La perfection formelle du visage d’Irazoqui rappelle les représentations du Greco ; son regard légèrement asymétrique renvoie au mystère que dégagent les portraits du Christ dans l’art russe de l’icône. Fidèle au texte de Mt, Pasolini insiste sur l’union de Jésus au Père en montrant la prière solitaire du Christ avant sa passion, sur le point d’entrer dans Jérusalem. Il montre la souffrance portée par Jésus dans son agonie en empruntant à La Passion de Jeanne d’Arc de Carl Dreyer la douleur béate et muette du visage du condamné : regard hébété, fixité, stupéfaction à l’aube du don total de soi.

Il faut néanmoins admettre que l’acteur principal manque singulièrement d’épaisseur, en particulier dans les scènes de la passion, ce qui peut être imputé au jeune âge d’Irazoqui, qui n’avait que 19 ans (et non 33) lors du tournage.

Colère de Dieu, colère des hommes

Il Vangelo de Pasolini frappe par le souffle d’impatience et de colère impérieuse qui jaillit de la personne du Christ et qui secoue toute l’œuvre. La Bonne Nouvelle présentée ici semble être un principe de vie réagissant à l’injustice sociale répandue dans le monde. Par suite, la justice de Dieu semble primer sur la miséricorde de Dieu, appauvrissant le sens fondamental de la passion. On est loin de la plume déchirante de Péguy qui met les mots suivants dans la bouche du Père décrivant la passion de Jésus :

  • Péguy Porche « Cette aventure par laquelle mon Fils m’a lié les bras. Pour éternellement liant les bras de ma justice, pour éternellement déliant les bras de ma miséricorde » (307).

Chez Pasolini, le cœur de Jésus semble plus vibrant de colère que brisé d’amour. Sa colère et son exigence de justice l’emportent sur sa compassion et sa miséricorde. À la lumière des engagements de Pasolini auprès du Parti communiste italien, on peut s’interroger sur la justesse de cette interprétation : la colère attribuée ici au Christ est-elle la colère de Dieu, ou plutôt la colère du réalisateur projetée sur ce qu’il comprend de la personne du Christ ?

Le mystère de la croix

Pasolini montre sans ambiguïté le don libre que le Christ fait de lui-même dans sa passion : Jésus après l’institution de l’Eucharistie, sourit à ses disciples comme un époux qui connaît la plénitude après l’union nuptiale ; au prétoire, après le couronnement d’épines, il marche librement vers sa croix, son bâton à la main ; au Golgotha, il crie peu lorsqu’il est cloué sur sa croix, contrairement au brigand crucifié à ses côtés.

Toutefois par d’autres aspects non négligeables, Pasolini ne donne pas la pleine mesure du don personnel du Fils de Dieu fait homme. Ainsi la flagellation du Christ est ignorée. De plus, dans l’interprétation que le réalisateur fait de la réquisition de Simon de Cyrène, Jésus, désormais déchargé de sa croix et apparemment en bonne santé, cesse de porter sa croix et marche aux côtés du Cyrénéen qui a endossé son fardeau. Étranger à l’ultime étape de sa vie terrestre, le Christ paraît dès lors désincarné. La lecture que fait Pasolini du texte de Mt, quoique poétique, est un contresens : ici le Verbe de Dieu fait homme pour assumer le péché du monde fait porter son joug par son prochain menacé de mort, alors même qu’il est venu assumer la souffrance et le péché de tous les prochains.

La figure de Marie

Le rôle de Marie lors de la passion du Christ est tenu par Susanna Pasolini, la mère de Pasolini. Elle est une Vierge éplorée de douleur, tordue de souffrance devant le spectacle de son fils supplicié et mis à mort devant elle. Malgré le jeu convaincant de son actrice, le réalisateur butte sur le double écueil du choix de son interprète et de la difficulté à percer le mystère de la nouvelle Ève :

  • En donnant ce rôle clef à sa propre mère, Pasolini fait en quelque sorte le choix d’apparaître lui-même comme le messie crucifié. (Nombreux sont d’ailleurs les critiques que, par certains aspects, la vie du Christ résonne avec la vie du cinéaste.)

  • Pasolini ne communique guère au spectateur les réalités profondes qui font que la souffrance de Marie au pied de la croix dépasse considérablement la peine de Susanna Pasolini, fût-elle en train de contempler son propre fils agonisant : Marie au Calvaire distingue dans la personne de son fils à la fois le fruit de ses entrailles et le Dieu vivant et vrai qui épouse notre humanité pour porter toute souffrance. Étant unie mystiquement au cœur de son fils, elle traverse la mort comme Jésus traverse la mort. Cependant si elle porte « celui qui porte tout », on peut dire aussi que sa force et sa dignité reçues de Dieu surpassent celles de toutes les mères : dans son union mystique au cœur de Dieu, Marie garde intacte sa certitude que Jésus est le Fils de Dieu, et intacte sa confiance dans l’amour tout-puissant et miséricordieux du Père. À ce titre le jeu accablé de Susanna Pasolini, s’il est juste sur un plan strictement humain, ne rend pas pleinement compte de l’amour de Marie marchant au Golgotha avec Jésus.

Antijudaïsme ?

Chez Pasolini, Jésus marche jusqu'à sa mort, à travers la campagne de Matera, dans les Pouilles, près du talon de la botte italienne. La foule le poursuit et le presse ; un cri jaillit "Son sang soit sur nos enfants !" (Mt 27,25). Pasolini, poète avant d'être cinéaste, ne voulut pas censurer le verset d'un texte qu'il voulait honorer ; et, en mettant en scène des Italiens pourchassant les Italiens, il typifie une malédiction moins de race ou de religion que de clan.

L’Église

Une mosaïque de musiques émaille l’œuvre de Pasolini : des extraits des œuvres de Bach, Webern, Mozart, Prokofiev, de la Missa Luba (messe congolaise), de Negro spirituals (déchirant Sometimes I Feel like a Motherless Child) et de chants révolutionnaires russes enrichissent les images de la vie simple du Christ et nous enseignent sur ce qu’est l’Eglise :

  • Ces thèmes récurrents sont une représentation de la multiplicité des demeures dans la maison du Père : l’Église ressemble à une famille et l’Église est universelle ; elle accueille tout homme, comme Dieu ouvre ses bras à tout homme.

  • La répétition de ces musiques variées évoque aussi la prière tournoyante et sans cesse recommencée du psalmiste.

  • Enfin, on peut deviner dans les choix de musique de Pasolini les possibles défigurations du message évangélique. Ainsi, après la résurrection du Christ, l’Église en marche est représentée comme un peuple d’insurgés avec les armes à la main, courant vers un avenir lumineux au son des chœurs de l’Armée Rouge.

Conclusion

Il Vangelo secondo Matteo de Pasolini bénéficie des canons du néoréalisme italien et rompt heureusement, par sa pauvreté formelle, avec la proposition hollywoodienne connue jusque-là. Toutefois, dans une lecture littérale (quoique poétisée et politisée) de l’évangile, le réalisateur semble ne pas adhérer au cœur de la foi chrétienne, qui est que Dieu, fait homme dans la personne de Jésus, a porté le péché de chaque homme et de l’humanité pour que tout homme soit sauvé. C’est pourquoi cette œuvre recèle un certain nombre de limites lorsqu’elle rend compte du message évangélique, et ressemble au récit qu’un reporter extérieur ferait du parcours exceptionnel d’un leader exceptionnel.

La passion dans Il Vangelo secondo Matteo, verset par verset

Après la référence, on donne un bref commentaire, suivi du minutage.

  • Mt 26,1-5 : complot contre Jésus (1:38). 
  • Mt 26,6-13 : la protestation « des disciples » contre l'onction vient de Judas seul ; Marie Madeleine perçoit avec effroi le choix que Judas fait, dans son cœur, de trahir le Christ (1:39-41). 
  • Mt 26,14-16: trahison de Judas (1:41-42).
  • Mt 26,25 : dénonciation de Judas (1:42-43). 
  • Mt 26,26 : la communion au pain (1:43). 
  • Mt 26,27:  lors de la communion au calice, Jésus sourit (contentement de l’époux après avoir consommé ses noces ; 1:43-44).
  • Mt 26,30: le jardin des Oliviers (1:44).
  • Mt 26,38: pendant l’agonie de Jésus, la lumière disparaît ; la pellicule noircit (1:45-49).
  • Mt 26,39: Jésus tombe, mais pas face contre terre (1:45-49).
  • Mt 26,43: en train de dormir En train de dormir : Jésus prie en 2 fois et pas 3 (il ne réveille ses disciples qu’une seule fois, puis les soldats arrivent) (1:45-49).
  • Mt 26,49: un baiser le baiser de Judas Ignoré par Pasolini (1:45-49).
  • Mt 26,51-52: Jésus, par sa parole, empêche que l’oreille du garde soit arrachée par le disciple zélé (1:48-49).
  • Mt 26,55 : l’arrestation de Jésus (1:49).
  • Mt 26,59 : pendant l’interrogatoire au sanhédrin, un point de vue de Pierre, qui déambule, perdu dans les rues de Jérusalem. Jérusalem est montrée comme une ville en ruines (1:50).
  • Mt 26,65 a: déchira ses vêtements l’indignation de Caïphe : Caïphe se déshabille plutôt qu’il ne déchire ses vêtements (1:52).
  • Mt 26,67-68 : les outrages chez le grand prêtre sont suggérés (cohue). Cette scène est montrée de loin, avec le point de vue de Pierre qui est un spectateur éloigné. Pasolini qui insiste tout au long de son œuvre sur la colère du Christ devant l’injustice faite aux hommes par les hommes, édulcore l’injustice faite par les hommes à l’Homme (1:53).
  • Mt 26,70 b: Je ne sais pas ce que tu veux dire le reniement de Pierre : Le coq n’est pas montré ; Pierre est montré perdu sur une rue pavée dévorée de mauvaises herbes (Cf. la parabole). On s’éloigne de Pierre pour rejoindre Judas (1:53-54).
  • Mt 27,4-5 les remords de Judas : Puis point de vue de Judas pour montrer Jésus emmené chez Pilate pour mourir (1:55-57).
  • Mt 27,5 Mort de Judas : Judas se pend nu. Il a tout perdu. Il se retrouve seul dans la création, séparé de Dieu, comme Adam après le péché originel ? (1:57).
  • Ajout de Pasolini : Jean et Marie chez Pilate (1:57-58).
  • Mt 27,1 Devant le gouverneur : Jésus chez Pilate est montré du point de vue de Jean, avec les yeux de Jean (1:58).
  • Mt 27,11 b: le gouverneur l’interrogea l’interrogatoire par Pilate (1:58).
  • Mt 27,24 b: se lava les mains le lavement des mains Pilate prononce les paroles du lavement des mains mais ne se lave pas les mains (1:58).
  • Mt 27,26-27 dans le prétoire la flagellation et les outrages au prétoire Jésus marche librement vers sa mort, un bâton de pèlerin à la main jusqu’à ce que ce dernier soit remplacé par la croix. A part un mouvement de cohue, Jésus n’est pas supplicié (1:59).
  • Mt 27,31 c : ils l’emmenèrent la montée au Calvaire : Marie est cramponnée à Jean. Susana Pasolini est tres convaincante en mère assistant au supplice de son fils ; cependant elle n’est pas n’importe quelle mère. Lorsque son fils meurt, il porte le monde et dans sa compassion qui est une union mystique, un cœur à cœur avec le Fils de Dieu qui aime l’humanité à mourir d’amour pour elle, Marie aussi porte le monde. Elle ne peut dès lors être représentée comme « simplement » éplorée (évaporée).  Les soldats donnent à boire à Jésus pour monter au Calvaire. Marie se bat pour être proche de son fils (1:59).
  • Mt 27,32 a : un Cyrénéen du nom de Simon Simon de Cyrène : Jésus tombe une fois, puis Simon de Cyrène est réquisitionné pour porter (seul). Jésus n’a pas un cheveu décoiffé, pas une égratignure. Rupture entre la promenade dominicale d’un Christ étranger/indifférent/désincarné [ou encore philosophe face] à son fardeau. Ici Jésus sous-traite le problème (2:01).
  • Mt 27,35 a l’ayant crucifié la crucifixion (2:03). L’image s’interrompt pour expliquer, par une parole du Christ, le caractère mystérieux (incompréhensible ?) de la Passion : « Vous verrez mais ne comprendrez pas… »
  • Mt 27,38  deux brigands le bon et le mauvais larron : Visibles mais non identifiés (2:02).
  • Mt 27,45 de la ténèbre sur toute la terre l’obscurcissement à la sixième heure (2:04).
  • Mt 27,48 b : vinaigre la gorgée de vinaigre (2:05).
  • Mt 27,51-53 les signes accompagnant la mort du Christ : Seul le tremblement de terre est représenté. Un groupe de femmes en noir jaillit en courant d’une habitation (2:06).
  • Mt 27,59-60 Ensevelissement de Jésus : Cortège comprenant Marie et Jean. Plusieurs jeunes hommes pieds nus, habillés comme des moines franciscains (sans capuche), portent le corps de Jésus jusqu’à son tombeau (2:07-08).
  • Mt 28,1 vinrent pour voir le sépulcre visite des saintes femmes au tombeau (2:09).
  • Mt 28,2 et voici la résurrection Le visage de Marie s’illumine de gratitude, sans trace de surprise lorsque la pierre roule découvrant le tombeau vide (2:10).
  • Mt 28,16-20 : apparition du Christ ressuscité aux disciples (2:11).

(avec fr. Benoît Ente o.p.)