« Nous n’avons pas un grand prêtre incapable de compatir à nos faiblesses car il a été éprouvé en tout d’une manière semblable, hormis le péché. Avançons donc avec assurance vers le trône de la grâce pour obtenir miséricorde et trouver la grâce d’un secours opportun » (He 4,15-16). Ces versets évoquant le Seigneur Jésus qui donne accès à la miséricorde divine, donnent bien le ton de la lettre aux Hébreux. Encouragée « parole d'exhortation » (He 13,22 ; cf. Ac 13,15), elle présente la foi qui permet d'éloigner la communauté chrétienne des risques de la lassitude (He 4,11-13 ; He 6,11-12 ; He 10,35 ; He 12,15) face aux difficultés et aux persécutions.
Rigoureusement composée autour du thème fondamental du sacerdoce unique du Christ, la lettre aux Hébreux a parfois été considérée comme un traité théologique. Vu son ton très exhortatif, cependant, il s'agit plus probablement d'une homélie écrite qui se termine à la manière d'une lettre. Son plan d'ensemble est clair et symétrique, obéissant bien à son intention théologique. La clé de sa structure est une alternance d'invitations et d'enseignements qui affirment les fondements de la foi, sections qui s'interprètent et se préparent mutuellement. Les principales sections de la lettre sont au nombre de trois : He 1,1-4,13 ; He 4,14-10,31 ; He 10,32-13,25.
La lettre aux Hébreux présente le Christ comme le →prêtre unique de la Nouvelle Alliance. Le Christ, uni aux hommes dans leur condition et leurs souffrances parce qu'il est l'un d'eux, mais uni d’abord à Dieu parce qu'il est son propre Fils, est le seul Médiateur entre Dieu et les hommes. Il offre le →sacrifice parfait, celui de sa propre mort (He 7,22 ; 8,6.10 ; 9,15 ; 10,16-18). Le thème de l'acte sauveur du Christ est largement exposé selon les principales catégories cultuelles, avec deux conséquences fondamentales : (1) la supériorité de la nouvelle économie du salut, car l'ancien culte ne peut conduire à la perfection car il est faible et inefficace (He 7,18-19 ; 10,1-2.11) et (2) l'exhortation à ne pas abandonner la foi chrétienne (Ac 2,1-3 ; 3,12 ; 6,4-6).
L'auteur de la lettre aux Hébreux maîtrise bien la rhétorique ancienne, mais aussi les Écritures juives telles qu'elles étaient interprétées dans le judaïsme hellénistique. La lettre contient 35 citations directes de l'AT et 80 allusions, mobilisant librement les Écritures dans la pluralité de leurs versions et manuscrits, selon la pratique herméneutique antique (voir la note de synthèse BEST→ sur→« l'accomplissement des Écritures »). La longueur de certaines citations est étonnante : par exemple, le célèbre passage sur la nouvelle alliance Jr 31,31-34 est cité intégralement en He 8,8-12, puis à nouveau en He 10,15-18, sous une forme abrégée. Le schéma de la promesse et de l'accomplissement (He 1,5,13 ; 5,5 ; 8,8,12) montre comment le salut offert dans la première alliance a été définitivement accompli par le salut en Christ. Ce schéma est déployé par l'herméneutique du midrash (He 3,7-4,11 déploie ainsi Ps 95,7-11), du pesher (He 2,6-9 actualise Ps 8 pour l'époque de la lettre), de l'allégorie (He 3,6 et He 13,13) et de la typologie, cette dernière étant dominée par le somptueux parallèle (He 7) entre la figure mystérieuse de Melchisédech et le Christ.
TEXTE
Critique textuelle
Grec
Les quatre onciaux Sinaïticus (4e s., א), Alexandrinus (A, 5e s.), Mosquensis (K, 9e s.) et le palimpseste Porfirianus Chiovensis (P, 9e s.) témoignent de l'épître aux Hébreux. D'autres manuscrits en donnent un texte lacunaire, Vaticanus (B, 4e s.), le Codex Ephraemi rescriptus (C, 5e s.), le Claromontanus (Dp, 6e s.), le Coislinianus (Hp, 6e s.) et le Sangermanensis (E, 9e s.). Quelques papyri P13 (3e s.) et P46 (Papyrus Chester Beatty II, ca. 200 ap. J.-C.), contiennent des fragments, et la version antiochienne se retrouve dans le Codex Angelicus (L, 9e s.).
Les versions
- La vetus latina est dans le Claromontanus (Dp), proche du Codex Bezae (D, 4e-5e s.) avec des variantes.
- La Vulgate se trouve dans le Codex Frisingensis (r, 6e-7e s.).
- Les deux versions coptes, la Sahidique (3e-4e s.) et la Bohaïrique (6e-7e s.), suivent un texte grec en bon état et sont utiles.
- Pour le syriaque, on a la version harcléenne (616-617), traduite du grec par l'évêque jacobite .
C'est donc le texte alexandrin qui domine. Le texte de l'épître est transmis en bon état, avec peu de variantes d'importance.
Le texte de l'épître présente un petit problème textuel concernant la Vulgate : en He 8,11, certain témoins grecs disent « Aucun d'eux n'enseignera plus son concitoyen (polítên) », mais la Vulgate et quelques autres traductions lisent « prochain (plêsion, lat. proximus) », ce qui correspond au grec du Textus Receptus.
Proposition d’une structure
L'épître aux Hébreux se concentre sur la personne du Fils de Dieu, et alterne l'exposé de la doctrine du Christ grand-prêtre avec des exhortations. On reconnaît ainsi un double fil d'argumentation, entre exégèse christologique et développements à propos de la foi.
- Après une introduction sur la personne du Fils (He 1,1-2,4)
- Paul commente le Ps 8 (He 2,5-18)
- Et introduit le thème de la foi (He 3-4).
- Retour au Christ prêtre (He 5,1-10)
- Exhortations à la foi et à l'espérance (He 5,11-6,20)
- Le sacerdoce du Christ hérite de l'AT (He 7)
- Et se révèle supérieur (He 8-9)
- Car il est le vrai sacrifice efficace (He 10)
- L'auteur invite alors à la persévérance (He 11-12)
- Avant de conclure (He 13).
Genres littéraires
Plusieurs genres sont invoqués pour qualifier cette épître, à mi-chemin entre lettre et homélie. Certaines expressions relèvent d'un discours oral (répétitions, absence de transitions), mais d'autres d'une composition plus écrite (comme la structure concentrique des passages sur le sacerdoce du Christ).
CONTEXTE
Auteur
Si la canonicité de l'épître fait rarement doute, son attribution à Paul est refusée en Occident jusqu'au 4e s., et acceptée en Orient avec réticence.
L'épître se distingue des lettres pauliniennes par sa langue et son style, ainsi que par l'absence d'adresse, mais s'en rapproche par des manières communes de traiter le thème de la foi. On a donc proposé un auteur du cercle paulinien, de culture grecque, bon orateur ; les noms évoqués sont nombreux mais il n'y a pas de consensus critique.
Lieu et datation
L'épître a été écrite vraisemblablement après les débuts de la prédication apostolique, en la présentant comme déjà advenue, peut-être avant la chute de Jérusalem (aucune allusion à la destruction du Temple, mais aucune non plus au Temple). Les données sont très minces et peu précises, et les commentateurs la datent depuis une date très ancienne, avant les grandes épîtres, jusqu’au-delà du 1er s.
Destinataires
L'épître évoque principalement le danger de l'apostasie (He 6,4-8 ; 10,19-39) et cherche a rassurer de jeunes convertis. On estime donc qu'elle était destinée à des juifs devenus chrétiens vivant dans un milieu hellénistique ou à des païens intéressés par le judaïsme. Quoi qu'il en soit, ils connaissent la Septante, ainsi que certaines traditions d'interprétation.
Formation
On estime généralement que l'épître résulte de la réunion de deux homélies.
RECEPTION
Canonicité
En Orient
L’épître est admise très tôt comme canonique par l'Église d'Orient, bien que des doutes subsistent sur son attribution à Paul.
- Le de 264 exploite l'autorité de cette lettre contre Paul de Samosate et la cite parmi d'autres écrits de Paul ou comme Écriture.
- (†386) l'insère parmi les « quatorze épîtres de Paul ». a agi de même en 367 lorsqu'il a défini le canon de l'Église d'Alexandrie, dont il était le patriarche.
En Afrique
- ; (†258) et (†ca. 384) ne mentionnent jamais He. (†230) ne connaît que treize épîtres de Paul
- Le de 393 et le troisième en 397, ajoutent Hébreux aux écrits pauliniens : « Pauli Apostoli epistolae tredecim, ejusdem ad Hebraeos una ».
- L'assimilation, vraisemblablement due à l'influence d’ (†430), est complète dans le canon 29 du sixième (419) : « Pauli epistolas quatuordecim ».
En Occident
- L'Église d'Occident est plus réticente encore. En Gaule, (†202) l'ignore. A Rome, (†ca. 99) s'en inspire mais ne la cite pas. (†235) l'utilise sans croire à son authenticité. Le Canon de Muratori ne connaît que treize épîtres pauliniennes. L'Ambrosiaster (ca. 375) ne la commente pas.
- À la fin du 4e s., , évêque de Brescia, ne l'attribue pas à Paul mais en fait l'éloge. Son successeur (†ca. 410) croit à la paternité de l'Apôtre, comme à Milan (†397), (†367) en Gaule et (†385) en Espagne.
- La canonicité de l'Épître aux Hébreux est définie le 4 février 1441 dans le décret Pro Jacobitis du , puis le 8 avril 1546 par le , qui refuse de définir également son authenticité. Le 24 avril 1870, le reprend sans modification la définition de Trente.
Importance traditionnelle
L’épître aux Hébreux est extrêmement citée et commentée par les exégètes, critiques et théologiens en raison de sa doctrine, de sa forme littéraire ou des questions qu’elle soulève. Parmi les auteurs patristiques, on peut citer :
- (†254)
- (†373),
- (†407) : Homélies, (†428), (†444), (†ca. 457),
- (†ca. 540), (†585),
- (†604),
- , (†749).
Bon nombre d’interprétations de Pères grecs sont également connues par les scholies des chaînes :
- (†379), (†390), (†ca. 395).
Au Moyen Âge, les commentaires de :
- (†804), (†après 826), (†ca. 828), (ca. 850), (†856), (†858), (ca. †860), (ca. †865),
- (ca. 990),
- (†1089),
- (†1101), (†1120), (†ca. 1126), (†1141), l’École d’ (†1142), (†1150), (†1160), (†1167), (†1174),
- (†1263), (†1274), (†ca. 1295),
- (†1471) la Glose ordinaire.
Le temps de la Réformation connaît les œuvres, entre autres, de :
- (†1531), (†1560), (†1561), (+1564), (†1591), (†1595),
- (†1622), (†1649), (†ca. 1655), (†1655), (†1683), (†1687), (†1696),
- (†1709), (†1711), (†1726), (†1727), (†1735), (†1757), (†1788), (+1803).