« Qui sème le vent récolte la tempête » : ce proverbe célèbre (Os 8,7) apparaît dans ce livre, qui est le premier des →Prophètes mineurs.
L'un des prophètes classiques du 8e siècle av. J.-C., Osée prêcha à Israël dans le royaume du Nord, dont il était probablement originaire. Il commença sa mission vers 750 av. J.-C., sous le règne prospère de Jéroboam II (783-743 av. J.-C.). La fin du prophète Osée échappe à l'histoire : les récits du siège et de la destruction de Samarie (-721) ne le mentionnent pas.
Le livre d'Osée (Os) comprend deux parties principales.
- Les trois premiers chapitres développent un thème principal : le récit de quelques épisodes de la vie conjugale d'Osée (Os 1 ; 3), construit un parallélisme entre le Seigneur et le prophète, Israël et la femme infidèle d'autre part.
- La deuxième partie (Os 4-14) est moins unifiée que la première : des messages prophétiques brefs y traitent de sujets variés, tels la perversion religieuse d'Israël et les événements politiques tumultueux de l'époque.
Osée dénonça vigoureusement les péchés de son peuple, mais il ouvrit aussi des perspectives de salut (Os 11,7-11 ; 14,2-9). Si Israël a été infidèle à son Dieu et a donc mérité un châtiment, le Seigneur le ramènera au désert (Os 2,16), parlera à son cœur et le fera revivre sous des tentes (Os 12,10s), pour qu'il le rencontre à nouveau et retrouve sa fidélité d'antan.
Le style d'Osée est passionné. Il a de quoi : sa mission commence par une injonction divine scandaleuse : celle de prendre pour femme une prostituée (Os 1,2 ; 3,1 ; cf. Os 4,14) ! Ses phrases, brèves et rythmées, tissent un langage parfois obscur : plus que celle de tout autre prophète, sa prédication naît de sentiments intenses, tels que l'amour, la colère et la déception face à l'indifférence et à la rébellion du peuple.
Osée est très présent dans le Nouveau Testament. Il est cité dès l'apparition des lettres de Paul, qui interprète ce verset d'Osée « Je dirai à “Pas-mon-peuple ” : — Tu es mon peuple” » (Os 2,25) comme une prophétie de l'inclusion des nations païennes (Rm 9,25-26 ; 1P 2,10). Les évangiles eux aussi recourent à Osée. Par exemple, en Matthieu, Jésus dit deux fois avec Osée « — C’est la miséricorde que je veux et non le sacrifice, la connaissance de Dieu plus que les holocaustes ». (Os 6,6 : Mt 9,13 = Mt 12,7). Le même évangile tire aussi d’Osée l'appel à Israël, « d’Égypte j’ai appelé mon fils » (Os 11,1), en l’appliquant à Jésus et à sa famille (Os 11,1 ; Mt 2,15).
TEXTE
Critique textuelle
La transmission difficile du texte hébreu (Os 7,5s.12 ; 8,6.10.13 ; 9,8.13 ; 10,10 ; 11,6s, etc.) n'aide pas pour l'interprétation. La Septante apporte quelques éclaircissements mais dans certains cas elle semble lire un texte différent.
Procédés littéraires caractéristiques
Une écriture énigmatique
La difficulté d'interpréter le livre provient de plusieurs traits : les oracles sont d'une grande brièveté, et paraissent parfois être des extraits, ou même des résumés. Les allusions voilées, le contexte inexistant, le style concis et la syntaxe très souple font de ce texte une énigme complexe.
Une écriture symbolique
Les noms donnés par Osée à ses enfants (Os 1,4s) sont des noms symboliques chargés d’un sens prophétique. Il en va de même pour le changement d’appellation de l’époux par l’épouse infidèle (Os 2,18).
Proposition d’une structure du livre
- Titre (Os 1,1)
- Le mariage d’Osée et sa valeur symbolique (Os 1,2–3,5).
- Crimes et châtiment d’Israël (Os 4,1-14,1).
- Conversion et rentrée en grâce d’Israël (Os 14,2-9).
- Avertissement final (Os 14,10).
L'ordre de groupement des oracles est difficile à saisir dans sa logique. Dans l'ensemble, la composition est parsemée de répétitions.
Genres littéraires : un drame personnel?
Osée proclame publiquement son drame personnel, non pour faire sensation ou s’attirer la compassion, mais parce que c’est pour lui le moyen de présenter son message de manière persuasive à Israël. La force du récit ne tient pas à l’événement, au demeurant banal, ni au récit en lui-même, qui dans la bouche d’un autre n’aurait été qu’une rumeur quelconque. C’est le fait que le locuteur, Dieu, soit la victime elle-même qui garantit l’effet de son œuvre. L’implication affective et existentielle du prophète dans son message est ainsi le ressort de sa force rhétorique.
CONTEXTE
Auteur et datation
Osée, hôšēa‘ "YHWH a sauvé", vient du royaume du Nord et débute son ministère sous Jéroboam II (783-743) mais il ne semble pas avoir connu la chute de Samarie en 721. Cette période troublée qui connaît les conquêtes assyriennes de 734-732 (→Téglath-Phalasar III, roi d'Assyrie), des révoltes intérieures – quatre rois assassinés en quinze ans –, est aussi un moment de décadence religieuse. On ne connaît véritablement de la vie du prophète que ce qu'il en dit (Os 1-3).
Formation
Il est difficile de connaître les circonstances de composition du livre d'Osée. Des passages (ces en première personne) pouvaient être écrits par le prophète lui-même. Après la chute de Samarie, les oracles d'Osée sont repris dans le royaume de Juda et connaissent une ou deux révisions, dont les traces demeurent (Os 1,1 ; 1,7 ; 5,5 ; 6,11 ; 12,3). Le dernier verset (Os 14,10) est une addition d'après l'exil. Mis à part quelques accidents de transmission enfin, l'authenticité des paroles d'Osée est garantie par la langue et le style qui lui sont personnels.
RECEPTION
Canonicité
La Bible hébraïque et les versions donnent au livre d'Osée la première place parmi les Douze, sans doute parce qu'on l'estimait, ainsi que Joël, antérieur à Amos pourtant son aîné.
Importance traditionnelle
Intertextualité
Le livre d'Osée a eu une grande influence sur les prophètes suivants et l'AT. Le livre Jérémie a repris l'image matrimoniale des relations entre YHWH et son peuple (Jr 2-3). Ézéchiel et la seconde partie d'Isaïe s’en inspirent aussi.
Le Nouveau Testament s'inspire d'Osée voire le cite à de nombreuses reprises.
- Jésus le cite (Mt 9,13 ; 12,7 ; voir Mt 23,23 et Mc 12,33) ; Mt 2,15 interprète de façon typologique Os 11,1 sur la sortie d'Égypte ; Lc 23,30 fait redire à Jésus la menace de Os 10,8 (cf. Ap 6,16) ;
- Paul (1Co 15,55) confère une grandeur nouvelle à l'un de ses oracles (Os 13,14). Il applique à l’élection des païens les prophéties du retour en grâce d'Israël en Os 1,10 ; 2,23 (Rm 9,25s).
- 1P 2,10 attribue à l’Eglise les noms symboliques des enfants d'Osée.
- L'allégorie matrimoniale des relations entre YHWH et son peuple est appliquée aux rapports entre Jésus et son Église (2Co 11,2 ; Ep 5,25-33 ; Ap 19,7 ; 21,2 ; voir encore Mt 22,2s ; 25,1s ; Jn 3,29). Les mystiques chrétiens reprennent cette image pour tous les fidèles.
Exégèse chrétienne
Quelques Pères de l’Eglise citent et commentent Osée :
- Os 6,1ss comme prophétie de la résurrection du Christ au troisième jour, « selon les Écritures » (1Co 15,4). le premier applique
- (†235) cite le premier le mariage d’Osée à des fins de polémique contre les Gnostiques.
- Quelques fragments d’un commentaire sur Osée de (†398) ont été conservés.
- (†420) propose une lecture allégorique, comme pour neutraliser le motif scandaleux du mariage avec la prostituée.
Suivent les commentaires, entre autres, de :
- (†1541), (†1570), (†ca. 1586), (†1587), (†1598),
- (†1626), (†1651), (†1667), (†1681), (†1696),
- (†1803).
(Voir aussi les commentaires sur l’ensemble des douze →Prophètes mineurs.
Réception culturelle
- Les célèbres verrières des prophètes dans la cathédrale d’Augsbourg, réputées être parmi les plus anciens vitraux in situ d’Europe (créés entre 1065 et la première moitié du 12e siècle) font place à Osée représenté avec un rouleau où se lit : « Ecce eruditor omnium Dominus » (cf. Os 5,2 dans la Vulgate).
- Une enluminure d’Osée enlaçant Gomer introduit souvent le livre d’Osée dans les bibles médiévales.
- A la Renaissance, peint Osée avec Jonas (1510).
- A cause de son vibrant plaidoyer pour une réforme religieuse, les réformateurs ont trouvé en Osée un modèle et un précurseur ; aussi l’ont-ils volontiers représenté. Par exemple, sont connus le Paysage de montagne traversé par un fleuve avec le prophète Osée et son épouse Gomer du peintre flamand (†1607), ou encore Osée priant du graveur flamand (†1656).