« La charité est patiente, elle est serviable, la charité n’est pas jalouse, la charité ne fanfaronne pas, n'agit pas mal, elle ne s'enfle pas... » (1Co 13,4) Qui n'a pas entendu ce passage lors d'un mariage? Pour Paul, c'est la clé de la vie chrétienne.
Alors qu’il se trouvait à Éphèse lors de son troisième voyage (1Co 16,8 ; Ac 19,1-20), il reçut des nouvelles inquiétantes concernant Corinthe. Paul, qui avait fondé la communauté et continuait à s'en occuper, répond à la fois aux questions qui lui sont adressées et aux situations dont il a été informé. Certains membres interprétaient l'enseignement chrétien comme une sagesse supérieure réservée à quelques initiés (1Co 1,10-4,21). La communauté n’était pas capable de réagir devant un cas d’union incestueuse (1Co 5,1-13). Certains membres faisaient appel à des tribunaux païens (1Co 6,1-11) ; d'autres encore recouraient à la prostitution (1Co 6,12-20) ou aux sacrifices des temples païens (1Co 10,14-22).
Les maux de la communauté se reflétaient aussi sur la vie liturgique. Paul déplore en particulier les désordres irrespectueux qui ont lieu lors de la célébration de l'Eucharistie (1Co 11,17-22). Il signale aussi des prières charismatiques (glossolalie, prophétie, parler en langues), attribuées à l'Esprit Saint, pratique qui semblait occulter les œuvres de charité (1Co 13,1-2,8), et était parfois utilisée de manière désordonnée (1Co 14,1-40). En effet, Paul propose un chemin parfait, celui de la charité, symbolisé et réalisé dans le Corps du Christ (1Co 12,12-30), l'→Église.
Des femmes se présentaient à l'assemblée la tête découverte (contrairement aux traditions de l'époque) (1Co 11,3-16) : peut-être se disputaient-elles le droit de s'adresser à l'assemblée (1Co 14,34-35) ? On peut encore souligner un ensemble de problèmes révélateurs d'un déséquilibre communautaire : la consommation de viande sacrifiée aux idoles (1Co 8,1-13), certaines questions relevant de l’éthique sexuelle (1Co 7,1-7), des doctrines divergentes sur le retour du Christ (1Co 7,25-40) ainsi que sur la résurrection corporelle finale.
On peut distinguer les divisions majeures de la première épître aux Corinthiens comme suit :
I. Paul commence par les salutations d'usage dans l'art épistolaire, transfigurées par sa foi en Christ. (1Co 1,1-9)
II. Il expose longuement le problème des divisions entre les fidèles (1Co 1,10-6,20).
III. Face à ces divisions, il répond par l'unité dans la charité et dans l'Église, Corps du Christ (1Co 7,1-14,40).
IV. La fin de l'épître se concentre sur la doctrine de la Résurrection (1Co 15,1-58). Elle contient en particulier l'embryon de ce qui deviendrait le Credo central des Églises chrétiennes : Christ est mort et ressuscité selon les Écritures (1Co 15,3-7).
V. Le dernier chapitre constitue un épilogue où Paul revient à l'organisation de ses levées de fonds et de ses déplacements (1Co 16)
C'est « selon les Écritures » que Paul annonce et développe sa foi dans le Messie. Allusions, citations, épisodes et motifs de la première Alliance sont largement mobilisés comme autant d'éléments consignés « en vue de notre enseignement ». Il s'agit du mystère d'une présence de Jésus Christ à son Peuple dès avant l'incarnation que Paul adresse aux lecteurs modernes quand il affirme, par exemple, « Ils ont tous bu le même breuvage spirituel, car ils buvaient à un rocher spirituel qui les suivait , et ce rocher était Christ » (1Co 10,4). (Cf. Nb 20,7-11.)
TEXTE
Critique textuelle
La conservation du texte de la première épître est excellente, mise à part peut-être, une retouche qui précèderait la date des manuscrits. Il y a très peu de leçons « occidentales » ou « alexandrines », et les corrections antiochiennes sont rares et ne présentent aucune difficulté de compréhension.
Procédés littéraires
1Co revêt une grande diversité de styles et de nombreuses émotions y sont exprimées, sans nuire à la solidité de la réflexion.
CONTEXTE
Datation et circonstances
- Après avoir prêché à Corinthe vers 50-51, et converti un grand nombre de fidèles, Paul doit, à distance, affronter les difficiles problèmes de la jeune communauté confrontée au paganisme grec et au cosmopolitisme de cette grande cité.
- On considère généralement, en confrontant les épîtres et les Actes, que Paul a d'abord écrit une première lettre, non conservée, puis une seconde, 1Co, vers 54, dans laquelle il répond à des interrogations de la communauté.
Importance doctrinale
La première épître aux Corinthiens est une mine d'informations sur les premiers problèmes auxquels furent confrontées les jeunes communautés, tant dans la vie spirituelle que dans leurs rapports avec les autres. « Le Christ ne m’a pas envoyé baptiser, mais annoncer l’Évangile » (1Co 1,1 ). « J’ai reçu du Seigneur ce que je vous ai aussi transmis : le Seigneur Jésus, la nuit où il était livré prit du pain et ayant rendu grâces, le rompit et dit : — Prenez, mangez, ceci est mon corps rompu pour vous faites cela en mémoire de moi » (1Co 11,23-24). Entre témoignage personnel de l'Apôtre sur sa fonction spécifique et première attestation historique du rite central de l'existence chrétienne, la première épître de Paul à l'Église de Corinthe donne un aperçu complet de la vie d'une communauté chrétienne et des rôles respectifs de ses membres. Paul donne à ses réponses un caractère plus profond et spirituel en les inscrivant dans un horizon eschatologique et ecclésial.
Hellénisme et christianisme
S'adressant à des Grecs, le propos de Paul devient plus réflexif. Mais l'apôtre rappelle aussi la force du message de la Croix – véritable folie pour le monde, mais sagesse pour Dieu – et l'union au Christ, qui fonde la vie de la foi.
RECEPTION
Canonicité
- (†ca. 99) est le premier à attester de l’existence de 1 Co, quand il écrit aux Corinthiens : « Reprenez la lettre du bienheureux Paul l’apôtre. Que vous a-t-il écrit en premier, au début de l'évangélisation ? En vérité c'est sous l'inspiration de l'Esprit qu'il vous a envoyé une lettre à son sujet et au sujet de Céphas et d’Apollos, car dès ce moment-là aussi vous formiez des cabales » (Aux Corinthiens 47,1ss).
- Plusieurs allusions se constatent chez (†155).
- On la cite ou on s'en sert également chez (†107), (†202), (†215), (†258) et (†230).
- Elle appartient au canon paulinien de (†ca. 160) : l’Apostolicon, , ainsi qu'au Fragmentde Muratori (fin 2e s.)
Importance traditionnelle
Outre les commentaires sur l’ensemble des épîtres de Paul (cités ci-dessus), la première épître aux Corinthiens est aussi commentée, entre autres, par :
- (†444),
- (†1560), (†1562), (†1598),
- (†1600), (†1624), (†1635), (†1675), (†1696), (†1699),
- (†1704) et (†1755).