La Bible en ses Traditions

Matthieu 27,0 ; 1,1–2,23

Byz V S TR Nes

Selon Matthieu

VICI COMMENCE L'ÉVANGILE SELON MATTHIEU

Livre de la genèse

Vgénération de Jésus-Christ, fils de David, fils d’Abraham.

Abraham engendra Isaac

Isaac engendra Jacob

Jacob engendra Juda et ses frères

Juda engendra Pharès et Zara de Thamar

Pharès engendra Esrom

Esrom engendra Aram.

Aram engendra Aminadab

Aminadab engendra Naasson

Naasson engendra Salmon

Salmon engendra Boes

VBooz de Rachab

VRahab

Boes

VBooz engendra Jessai

VJessé de Routh

VRuth

Jobed

VObed engendra Jessai

VJessé

VJessé engendra le roi David.

 Byz S TR NesJessai engendra le roi David

Byz V TRLe roi David engendra Solomon

VSalomon de celle Vqui fut [femme] d’Ourias

VUrie

Solomon

VSalomon engendra Roboam 

Roboam engendra Abia

VAbia 

Abia

VAbias engendra Asaf

Byz V S TRAsa

Asaf

Byz V S TRAsa engendra Josaphat 

Josaphat engendra Joram

Joram engendra Ozias

Ozias engendra Joatham

Joatham engendra Achaz

VAhaz

Achaz

VAhaz engendra Ézéchias

10 Ézéchias engendra Manassé

Manassé engendra Amos

Byz V S TRAmon

Amos

Byz V S TRAmon engendra Josias 

11 Josias engendra Jéchonias

VJéconias et ses frères au temps de la déportation de Babylone.

12 Après la déportation de Babylone

Jéchonias

VJéconias engendra Salathiel 

Salathiel engendra Zorobabel

13 Zorobabel engendra Abioud

VAbiud

Abioud

VAbiud engendra Éliakim

Byz S TRÉliakeim

VÉliaquim

Éliakim

Byz S TRÉliakeim

VÉliaquim engendra Azor

14 Azor engendra Sadok

VSaddoc

Sadok

VSaddoc engendra Achim

Byz S TRAcheim

Achim

Byz S TRAcheim engendra Élioud

VÉliud

15 Élioud

VÉliud engendra Éléazar

Éléazar engendra Matthan

VMathan

Matthan

VMathan engendra Jacob

16 Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie, de laquelle fut engendré 

Vest né Jésus, qu'on appelle « Christ ».

17 Donc toutes les générations depuis Abraham jusqu’à David : quatorze générations 

depuis David jusqu’à la déportation de Babylone : quatorze générations

depuis la déportation à Babylone jusqu’au Christ : quatorze générations. 

Byz S TR Nes
V

18 Or Byz S TR Nesde Jésus [comme] Christ la Byz S TR Nesgenèse se fit ainsi :

comme Marie, sa mère, avait été fiancée à Joseph

il se trouva, avant qu’ils eussent habité ensemble, qu’elle [l']avait dans ses entrailles de par l'Esprit Saint.

18 Or, la génération du Christ se fit ainsi :

comme Marie, sa mère, avait été fiancée à Joseph

il se trouva, avant qu’ils eussent habité ensemble, qu’elle [l']avait dans ses entrailles de par l'Esprit Saint.

Byz V S TR Nes

19 Joseph, son époux, qui était juste et ne voulait pas la faire montrer du doigt

Vtraduire [en justice]

se proposa de

Vvoulut la renvoyer secrètement.

20 Comme il était dans cette pensée

Vméditait cela

voici, un ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit :

— Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi

Vd'accueillir Marie ton épouse

car certes ce qui est engendré

V en elle est de l'Esprit Saint.

21 Et elle enfantera un fils et tu l'appelleras du nom de « Jésus »

car lui-même sauvera son peuple de ses péchés.

22 Tout cela arriva

pour que s'accomplît la parole dite 

V Sce qui a été dit par le Seigneur à travers le prophète qui disait :

23 « Voici, la Vierge sera enceinte et enfantera un fils, et on l'appellera du nom d'"Emmanuel" »

ce qui se traduit : « Dieu avec nous ».

24 Réveillé de son sommeil, Joseph fit comme l’ange du Seigneur lui avait prescrit

et il reçut

Vaccueillit son épouse.

25 Et il ne la connut pas jusqu’à ce qu’elle eût enfanté un fils 

Byz V S TRson fils premier-né 

et il

Selle l'appela de son nom « Jésus ».

2,1 Jésus étant né

VComme Jésus était né à Bethléem de Judée aux jours du roi Hérode

voici, des mages d’Orient arrivèrent

Vvinrent à Jérusalem

2,2 disant :

— Où est le roi des Juifs qui a été enfanté

Vest né ?

Car nous avons vu son étoile à l’orient

et nous sommes venus l’adorer.

2,3 En entendant [cela] le roi Hérode fut troublé, et tout Jérusalem avec lui.

2,4 Et, rassemblant tous les chefs des prêtres et les scribes du peuple,

il s'enquit auprès d'eux : — où le Christ devait naître ?

2,5 Ils lui dirent : — À Bethléem de Judée

car ainsi a-t-il été écrit par le prophète :

2,6 « Et toi Bethléem, Byz V TR Nesterre de Juda, tu n’es pas la moindre parmi les chefs-lieux

Sroyaumes de Juda

car de toi sortira un chef

Vprince Byz S TR Nes, celui qui paîtra

Vrégira mon peuple Israël. » 

2,7 Alors Hérode, ayant secrètement appelé les mages, se fit préciser par eux

Vse renseigna avec soin auprès d'eux sur le moment où l’étoile était apparue.

2,8 Et, les envoyant à Bethléem, il dit :

— Allez, informez-vous précisément

Vavec soin au sujet de l’enfant.

Et quand vous aurez trouvé, faites-moi l'annonce

Vfaites-moi un rapport 

afin que moi aussi j’aille l’adorer.

2,9 Quant à eux, ayant 

VQuand ils eurent entendu le roi, ils partirent.

Et voici, l’étoile qu’ils avaient vue à l’orient les précédait 

Vmarchait devant eux 

jusqu’à ce que, en venant au-dessus du lieu où était l'enfant, elle s'arrêta.

V' elle vienne s'arrêter au-dessus de là où était l'enfant.

2,10 En voyant l'étoile, ils se réjouirent d'une très grande joie.

2,11 En entrant dans la maison, ils virent

Byz V S TRtrouvèrent l’enfant avec Marie, sa mère,

et, tombant

Vse prosternant, l’adorèrent ;

et, leurs trésors ouverts, ils lui présentèrent

Voffrirent des dons : de l’or, de l’encens et de la myrrhe.

2,12 Et ayant été avertis en songe

Vreçu dans des songes l'oracle de ne pas retourner vers Hérode

par un autre chemin regagnèrent leur région.

2,13 Alors qu'ils s'en étaient retournés

voici, un ange du Seigneur apparut en songe à Joseph, disant :

— Lève-toi, prends l’enfant et sa mère

et fuis en Égypte

et reste là-bas jusqu’à ce que je te dise 

car il arrivera qu'Hérode cherchera l’enfant pour le faire périr

Vperdre.

2,14 Lui, 

SJoseph, s'étant levé, prit avec lui l'enfant et sa mère de nuit et se retira en Égypte.

2,15 Et il fut là-bas jusqu’à la mort d’Hérode

afin que fût accomplie la parole dite 

Vaccompli ce qui avait été dit par le Seigneur à travers le prophète, disant :

« D'Égypte j'ai appelé mon fils. »

2,16 Alors Hérode, voyant que les mages s'étaient joués de lui, fut très en colère

et il envoya tuer tous les enfants Vqui étaient dans Bethléem et dans toute sa région

depuis l’âge de deux ans et au-dessous, d’après le temps qu'il s'était fait préciser par les mages.

2,17 Alors s'accomplit la parole dite

Vce qui a été dit par Jérémie le prophète disant :

2,18 « Une voix en Rama a été entendue, Byz TRlamentations, pleurs et plaintes nombreuses :

Rachel pleure ses enfants ; et elle ne voulait 

Vvoulut pas être consolée, parce qu’ils ne sont plus. »

2,19 Hérode étant mort 

voici, un ange du Seigneur apparut en songe à Joseph en Égypte

2,20  disant :

— Lève-toi, prends l’enfant et sa mère

et va en terre d’Israël

car ils sont morts, ceux qui recherchaient la vie de l’enfant.

2,20 La mort des persécuteurs. Ex 4,19

2,21 Lui, 

SJoseph, s’étant levé, prit l’enfant et sa mère, et entra 

Byz V S TRvint en terre d’Israël.

2,22 Entendant qu’Archélaüs régnait en Judée à la place d’Hérode son père, il craignit de s'y rendre

et, averti en songe, il se retira dans la région de la Galilée

2,23 et il vint s'installer

Vhabiter dans une ville appelée « Nazareth »

afin que s'accomplît le mot dit

Vce qui a été dit par les prophètes :

Il sera appelé « Nazoréen »

V« Nazaréen ».

Contexte

Repères historiques et géographiques

2,1–23 Bethléem (Voir Repères historiques et géographiques 1S 16,4). ou Éphrath, Éphrata. Une ville qui appartenait à la tribu de Juda (1Ch 2,51) , située à 10 kilomètres au sud de Jérusalem. Le roi David et Jésus y sont nés.

Pères blancs de Ste-Anne, Le parvis de la basilique de la Nativité, photographie, vers 1930

Sainte-Anne, Jérusalem (Ste A-Cont.407)

© Couvent St-Étienne de Jérusalem — É.B.A.F. 1S 16,4 

Le parvis de la basilique de la Nativité, dans son état ancien, avec les gros pavés. Le monument byzantin est à l’arrière-plan : la façade orientale, les contreforts ajoutés après-coup et les entrées dans le monument rétrécies en trois moments. À droite, le couvent arménien.

Récit biblique

  • Rachel mourut en mettant au monde Benjamin sur la route de Béthel, à Bethléem. Son mari Jacob l'enterra sur place (Gn 35,16-19). 
  • Les Lévites habitaient à Bethléem (Jg 17,7). 
  • Élimélek et Noémi, les beaux-parents de Ruth, étaient de Bethléem avant qu'ils ne s'installent à Moab (Rt 1,2). Après la mort de son mari et de ses fils, Noémi y revint avec Ruth, qui finit par épouser Booz, un parent d'Élimélek (Rt 4,13). Leur fils, nommé Obed, est le grand-père de David (Rt 4,22).
  • Suivant l'ordre de Dieu, Samuel oignit David à Bethléem (1S 16,13). 
  • Après l'attaque de David contre les Philistins, ceux-ci se retirèrent à Bethléem. Trois des soldats de David se frayèrent un passage à travers le camp des Philistins pour ramener de l'eau du puits de la porte de Bethléem (2S 23,14-15). 
  • La ville appartenait à la tribu de Juda (1Ch 2,51). 
  • Roboam, le petit-fils de David, fortifia la ville (2Ch 11,6). 
  • Le prophète Michée déclara que le futur souverain d'Israël sortirait de Bethléem (Mi 5,1). 
  • 123 habitants de Bethléem furent répertoriés parmi ceux qui rentrèrent de l'Exil au 4e s. av. J.-C. (Esd 2,21) et retrouvèrent leur ancienne maison.
  • La famille de Joseph était de Bethléem (Lc 2,4) et Jésus y est né (Mt 2,1-8 ; Jn 7,42). 

Traditions interprétatives

  • À partir du 6e s. ap. J.-C., la tradition chrétienne considéra que l'étoile des mages était tombée dans le puits de l'église (Adamnan Loc. sanct. v.256 ; Ps.-Épiphane le Moine Enarr. Syr. 11).
  • À la fin du 7e s. ap. J.-C., on montrait aux pèlerins un rocher situé à l'extérieur des murs de la ville. On disait alors que l'eau du premier bain de Jésus y avait été versée et qu'il été rempli d'eau depuis (Adamnan Loc. sanct. v.256).
  • La tradition chrétienne byzantine localisa le tombeau de diverses figures bibliques à Bethléem. Eusèbe de Césarée Onom. 15v, s. 'Bethleem' écrit que les tombeaux d'Isaïe et de David étaient visibles dans la ville ; Pèl. Bordeaux a également vu les tombeaux du prophète Ézéchiel, Asaph, Job et Salomon à Bethléem. Égérie Itin. L1 écrit que les tombeaux des rois de Juda étaient situés dans une vallée de Bethléem. Au cours du 6e s. ap. J.-C., Pèl. Piacenza V178 précise que les tombes de David et de Salomon étaient situées dans la banlieue de Bethléem, non loin du centre-ville. Il mentionne également une basilique dédiée à saint David. À l'époque d'Adamnan, l'église se trouvait toujours sur l'emplacement supposé de la tombe de David (Adamnan Loc. sanct. 4,1). La tradition chrétienne, en plaçant la tombe de David à Bethléem, entra en concurrence avec la tradition juive qui la situe à Jérusalem.
  • Ps.-Épiphane le Moine (Enarr. Syr. 11) rapporte que la maison familiale du roi David était visible à gauche de l'église de la Nativité.
  • La tradition byzantine a également localisé les tombeaux des Saints Innocents à Bethléem (LAR 55 ; Pèl. Piacenza V178).
  • Jérôme rapporta qu'il avait enterré sainte Paula à côté de la grotte (Jérôme Ep. 108) ; sa propre tombe fut identifiée à proximité et montrée aux pèlerins ultérieurs (Pèl. Piacenza v178).

Autres sources écrites

Histoire du site d'après des historiens anciens, les sources chrétiennes et talmudiques

  • Après avoir réprimé la révolte de Bar Kochba en 135 ap. J.-C., l'empereur Hadrien expulsa les Juifs de Judée, y compris de la région de Bethléem (Tertullien Jud. 13,3 ; Lam. Rab. 1,15).
  • Entre les règnes d'Hadrien et de Constantin, le site était un lieu cultuel dédié à Tammuz / Adonis (Jérôme Ep. 58).
  • En 384, Jérôme s'établit à Bethléem puis fut rejoint deux ans plus tard par Paula et sa fille Eustochium. Ensemble, ils transformèrent Bethléem en un centre monastique majeur (Jérôme Ep. 108).
  • L'impératrice Eudocia fit construire un palais à Bethléem (Vita Bars. 121).
  • Selon Eutychius d'Alexandrie (Jauhar 17,3), après le soulèvement samaritain de 529 ap. J.-C., l'empereur Justinien voulait que l'église soit reconstruite dans un style magnifique. Cependant, insatisfait et déçu des choix faits par l'architecte, il le fit exécuter. L'église de la Nativité a traversé les âges, même si elle a été modifiée et agrandie au fil des siècles.
  • Selon une lettre synodale envoyée après le concile de Jérusalem de 836, les Perses épargnèrent l'église en 614 car les mages représentés sur les mosaïques de la façade portaient le sarrau de prêtres zoroastriens (Bayet 1879, 77).
  • Eutychius d'Alexandrie (Jauhar 18, « Le califat d'Omar » 7) écrit que le calife Omar avait visité l'église et avait prié à l'intérieur du transept sud orienté vers La Mecque. Il publia un document officiel autorisant les musulmans à y prier mais leur interdisant de modifier quoi que ce soit à l'intérieur de l'église. Eutychius poursuit en affirmant que les musulmans contrevinrent, plus tard, à l'édit d'Omar, en détruisant les mosaïques et en transformant l'ensemble du transept en mosquée.
  • L'historien du 13e s., Yāqūt al-Hamawī (Mu‘ğam al-buldān 779 ; voir Le Strange 1890, 300) rapporte également que le calife Omar avait épargné l'église mais en avait transformé le transept sud en mosquée. Il ne mentionne aucun document officiel réglementant l'utilisation du bâtiment.
  • Bethléem fut l'une des premières villes conquises par les croisés en 1099 (Guillaume de Tyr Hist. 8,24). Le clergé occidental y établit un nouveau monastère : il s'installa dans la partie nord de l'église, tandis que le clergé local se plaça dans la partie sud. L'église fut érigée en cathédrale et les deux premiers rois de Jérusalem y furent couronnés.

Sources archéologiques

  • L'église actuelle de la Nativité est le résultat de 1700 années de modifications successives depuis l'époque de Constantin.
  • L'église constantinienne était une basilique carrée dotée de quatre rangées de neuf colonnes. La basilique était divisée en une nef avec deux nefs de chaque côté, toutes pavées de mosaïques. À l'extrémité orientale de la basilique, une structure octogonale a été construite sur la grotte de la Nativité. Deux chambres rectangulaires reliaient l'octogone à l'église principale ; elles étaient également pavées de mosaïques. À l'intérieur de l'octogone se trouvait une structure octogonale plus petite qui fermait l'ouverture de la grotte et avait un sol en mosaïque élaboré.
  • Au cours du 6e s. ap. J.-C., une tentative de remplacement de l'octogone par un bâtiment arrondi échoua et une triple abside en trèfle fut érigée à la place. L'ensemble du bâtiment a été modifié : il a gagné en longueur, la nef a été élargie, l'atrium a été étendu à l'ouest, un narthex a été ajouté et l'église a été fortifiée. Deux entrées de la grotte ont été faites sur les côtés nord et sud de l'abside et équipées de portes en bronze.

Pères blancs de Ste-Anne, Le narthex de la basilique de la Nativité, photographie, vers 1930

Sainte-Anne, Jérusalem (Ste A-Cont.409)

© Couvent St-Étienne de Jérusalem — É.B.A.F.

Le narthex de la basilique de la Nativité. Au centre droit, une des belles colonnes monolithes byzantines ; juste derrière elle, sur sa droite, l’escalier de la sortie de la grotte de la Nativité, sous le chœur des Grecs. À gauche, au premier plan, un autel latéral arménien.

  • L'église a été rénovée par les croisés, qui ont bloqué les deux entrées latérales et réduit la taille de la principale. Une porte en bois fut sculptée. L'église était richement décorée de peintures et de mosaïques. Elles représentent des scènes du Nouveau Testament, la généalogie de Jésus selon les évangiles de Matthieu et de Luc, des anges, les décisions des sept conseils œcuméniques et des six conseils provinciaux qui ont été reconnues par les Églises orientale et méridionale. Des représentations de saints décoraient les parties supérieures des piliers.

La grotte de la Nativité

  • Bien que les évangiles ne mentionnent pas le fait que Jésus soit né dans une grotte, cette tradition s'est répandue très tôt, probablement parce qu'il y a effectivement des grottes dans la région de Bethléem. Les premières déclarations concernant la grotte de la Nativité se trouvent dans les écrits de Justin le Martyr Dial. 78,5 ainsi que dans le Protév. Jc. 18,1 du 2e s. av. J.-C. Plus tard, elles furent reprises par Origène Cels. 1,51,  Jérôme Ep. 58 et Jérôme Ep. 108, V316, 84. Cette grotte est accessible à partir de l'église de la Nativité. Elle est reliée à plusieurs autres grottes que la tradition identifie à l'étude de Jérôme, ainsi qu'à son tombeau. Il est dit que sainte Paule et sainte Eustochium y sont également enterrées.

Pères blancs de Ste-Anne, La Grotte de la Nativité, photographie, vers 1930

Sainte-Anne, Jérusalem (Ste A-Cont.404)

© Couvent St-Étienne de Jérusalem — É.B.A.F.

À l’intérieur de la basilique, dans la crypte, l’emplacement de la grotte de la Nativité. Ce cliché original montre deux policiers municipaux du mandat britannique montant la garde devant l’autel sous lequel se trouve la célèbre étoile en argent, lieu traditionnel de la naissance de Jésus, et objet de la vénération liturgique des trois communautés chrétiennes y ayant un droit d’accès : Grecs, Arméniens et Catholiques.

26,1–27,66 Les lieux de la Passion

Parcours de Jésus durant sa Passion, (numérique, Jérusalem : 2022)

M.R. Fournier © BEST AISBL, Mt 26-27 ; Mc 14-15 ; Lc 22-23 ; Jn 18-19

Le lieu du →prétoire, tribunal de Ponce Pilate, est incertain. Deux sites sont possibles : la forteresse Antonia et le Palais d'Hérode le Grand. La tradition situe le prétoire à l'Antonia mais les archéologues, aujourd'hui, le placent plutôt dans le palais d'Hérode le Grand.

Bibliographie
  • Dominique-Marie Cabaret, La topographie de la Jérusalem antique (Cahiers de la Revue Biblique 98), Peeters : 2020.
Toponymie

Esplanade du Temple, Ophel, ville haute, ville basse, palais d’Hérode le Grand, mont Sion, Cénacle, palais hasmonéen, palais de Caïphe, Golgotha, forteresse Antonia, porte dorée, jardin de Gethsémani, mont des Oliviers, colline de Bézétha, théâtre, vallée du Cédron, vallée du Tyropéon, vallée de la Géhenne, via Dolorosa.

Réception

Liturgie

1,16 Jacob autem

Communion "Jacob autem"

Communion - Jacob autem

Chœur des moines de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux

© Abbaye du Barroux→, Mt 1,16

1,18 Cum esset

Offertoire "Cum esset"

Offertoire - Cum esset

Chœur des moines de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux

© Abbaye du Barroux→, Mt 1,18

Arts visuels

1,2 Livre de la génération de Jésus  L'arbre de Jessé La représentation de la généalogie du Christ par l'arbre de Jessé (cf. Is 11,1) est un motif récurrent dans toute l'histoire de l'art.

Dans des vitraux célèbres

  • Basilique Saint-Denis (12e s.)

    Anonyme, L'enfance du Christ et l'arbre de Jessé (vitrail, ca. 1144), chapelle de la Vierge

    Basilique de Saint-Denis (France) © CC-BY-SA 3.0→

  • Cathédrale de Chartres (12e s.)

    Anonyme, L'Arbre de Jessé (vitrail, 1145-1155), côté ouest orienté nord

    cathédrale Notre-Dame de Chartres (France) © Domaine public→

  • Beauvais (16e s.)

    Anonyme, L'Arbre de Jessé (vitrail, 1522-1524)

    église Saint-Étienne, Beauvais (France) © Domaine public→

  • Cathédrale Saint-Étienne de Sens (début 16e s.)

Lyévin Varin ou Voirin, Jehan Verrat et Balthazard Godon ou Gondon, L'Arbre de Jessé (vitrail, 1502-1503), 12,4 x 4,2 m, baie n°116, fenêtre haute du transept sud

cathédrale Saint-Étienne, Sens (France), photo : lavieb-aile→ © Domaine public→

  • Cathédrale Saint-Lazare d'Autun (16e s.)

Anonyme, L'Arbre de Jessé (vitrail, 16e s.), collatéral nord, chapelle des évêques

Cathédrale Saint-Lazare, Autun (France), photo : Denis Krieger © Domaine public→

Dans la sculpture baroque

Anonyme, L'Arbre de Jessé (bois, 17e s.)

Église Saint-François, Porto (Portugal) © CC-BY-2.0→

Dans la peinture moderne : Joseph enchevêtré à l'arbre de Jessé ? 

Cf. Arts visuels Mt 1,16

1,18 Or, la génération du Christ se fit ainsi Iconographie contemporaine

Enluminure

Éric Mortreuil (1964 -), Incarnation. Page Chi-Rhô., (enluminure sur vélin : pigments à l'orpiment, minium, garance, ocre doré, lapis-lazuli, vert de gris, cochenille, indigo, 2020),  33 x 25,5 cm

Coll. part., France

D.R. É. Mortreuil→© BEST aisbl

Enlumineur depuis 2016, É. M. s’inspire de textes bibliques et chrétiens et de la spiritualité scoute pour élaborer des compositions dans la tradition de l’enluminure occidentale, avec une préférence pour le style irlandais « insulaire » (Livre de Kells, Evangiles de Lindisfarne, etc.) et pour le gothique du 13e s.

La page Chi-Rhô (folio 34r du Livre de Kells) est emblématique des manuscrits insulaires. Elle désigne le chrisme, composé des lettres grecques X (khi) et P (rhô), initiales de Jésus-Christ en grec. 

Anonyme, Livre de Kells, (vélin avec de l'encre noire, rouge, mauve ou jaune, ca. 800), Manuscrit illustré de motifs ornementaux, Folio 34r, 33 x 25

Irlande, Bibliothèque du Trinity College Dublin→© BEST aisbl

En s'inspirant de l'illustration Chi-Rhô, É. M. illustre les premiers mots de la péricope de Saint Matthieu : « XPI (Christi) autem generatio sic erat ».

L'enluminure de É. M. intègre aussi des éléments symétriques et circulaires, ainsi que des motifs celtiques médiévaux, comme ceux du Bouclier de Battersea.

Anonyme, Le bouclier de Battersea, (bronze et verre, ca. 350 BC - 50 BC), 77,7 x 35,7 cm, N° d’inventaire : 1857,0715.1

British Museum→© BEST aisbl

La calligraphie quant à elle est empruntée aux lettres du folio 95r des Évangiles de Lindisfarne.

Anonyme, Évangiles de Lindisfarne, (Enluminures sur parchemin, ca. 700-715), Manuscrit enluminé, 34 × 27 cm,

N° d’inventaire : Cotton Ms. Nero D.IV, Folio 95r,

Lindisfarne, British Library

L'enluminure Incarnation. Page Chi-Rhô d'É. M. peut évoquer : 

  • La vision du char d'Ez 1, où les quatre évangélistes sont symbolisés par leurs figures traditionnelles : l’homme, le bœuf, le lion et l’oiseau. Le dessin des roues (Ez 1,15) s’inspire des éléments circulaires du Bouclier de Battersea.
  • Les multiples points verts et orangés représentent la descendance innombrable d'Abraham.
  • L'encadrement contient des passages du Credo relatifs à l'incarnation et le mot « Hosanna » en lettres runiques.

2,1 voici, des mages d'Orient vinrent à Jérusalem L'Épiphanie selon la Biblia Pauperum La visite des mages est au centre ; les images latérales représentent le roi David et le roi Salomon. Celui qui est « Roi des rois et Seigneur des seigneurs » (Ap 19,16) surprend par sa petitesse, en comparaison des rois d'Israël qui le flanquent. 

Anonyme (continuant Albrecht Pfister), « Abner, chef de l'armée de Saül, se rend chez David, l'Épiphanie, La reine de Saba se rend chez Salomon », (impression xylographique, 1460s, Pays-Bas ou Rhin inférieur), 27,5 x 20,5 cm 

Planche C, f.3v de Biblia pauperum seu historiæ Veteris et Novi Testamenti, Bibliothèque nationale de France→,

© Domaine public→

Registre supérieur

Lectures
  • à g. On lit au deuxième livre des Rois, au chapitre 3, qu'Avner, le chef de l'armée de Saül, vint trouver David à Jérusalem pour qu'il ramène à lui tout le peuple d'Israël qui s'était alors attaché à la maison de Saül. Ce qui figurait la venue des Mages auprès du Christ, qui adoraient le Christ avec des présents mystiques (cf. 2S 3).
  • à dr. On lit au troisième livre des Rois, au chapitre 10, que la Reine de Saba, ayant appris la renommée de Salomon, vint à Jérusalem avec de grands présents pour l'adorer, elle qui était une reine paienne. Ce qui figurait bien les peuples paiens venus de loin adorer le Seigneur avec des présents (cf. 1R 10).
Prophètes
  • à g. David : « Les rois de Tarsis et les îles offriront des présents » (Ps 72,10).
  • à dr. Isaïe : « Et ils adoreront les traces de tes pas » (Is 60,14).

Triptyque central et distiques afférents

Panneau central
  • L'Épiphanie (Mt 2)
  • Distique central : « Le Christ est adoré : l'or, l'encens, la myrrhe sont déposés. »
Panneau gauche
  • Avner, chef de l'armée de Saül, se rend chez David (2S 3)
  • Distique gauche : « Ce peuple désigne les paiens | désireux de s'attacher au Christ. »
Panneau droit
  • La Reine de Saba se rend chez Salomon (1R 10)
  • Distique droit : « Celle-ci, de manière figurée, désigne | les païens venant au Christ. »

Prophètes inférieurs

  • à g. Isaïe : « Vers lui afflueront tous les païens et des peuples nombreux viendront » (Is 2).
  • à dr. Balaam : « Une étoile se lèvera de Jacob et un rameau surgira de la racine » (Nb 24).

Commentaire de l'Épiphanie selon la Biblia Pauperum

David et Salomon, sceptre en main et couronne sur la tête, encadrent l'Épiphanie. Ils se distinguent de Jésus qui n'est pas assis sur un trône à baldaquin, mais sur les genoux de Marie. Celle-ci tient délicatement entre ses mains celui qu'annoncent les paroles d'Isaïe dans le phylactère au-dessus : « Et ils adoreront les traces de tes pas » (Is 60,14).

L'étoile
  • Dans l'image centrale, l'un des mages pointe du doigt le coin supérieur droit où figure une étoile, tandis que les coins équivalents des images adjacentes restent vides, bien que les deux sceptres pointent dans la même direction. L’Astre désiré depuis des générations se manifeste enfin en Jésus à Bethléem.
  • Une étoile véritable resplendit dans les cieux, des étoiles brodées de main humaine ornent le baldaquin de Salomon. À la fois préfiguration et contraste, l'une est dans le firmament des cieux tandis que les autres sont sur la tenture d'un roi terrestre. Pourquoi l'imagier place-t-il des étoiles sur le trône de Salomon et non sur celui de David ? L'un des titres les plus utilisés pour Jésus est celui de « fils de David » : Salomon, fils de David est donc son type par excellence : Tradition chrétienne Mt 12,42. D'autre part, les étoiles sont placées sur le baldaquin de Salomon étant donné qu'il est considéré comme un magicien et un astrologue : Tradition juive 1R 5,9–14.
Roi et rois
  • De même, les couronnes que portent sur la tête les rois d'Israël contrastent avec la couronne de l'Épiphanie posée à terre. Le premier roi-mage s'est découvert et fait son offrande ; derrière lui les deux autres attendent de faire de même. Ces couronnes déposées au pied de l'enfant témoignent de la reconnaissance des rois terrestres envers le roi céleste.
  • Les émissaires ne sont plus agenouillés devant un roi, une couronne, un sceptre et un trône, mais face à Dieu fait homme : Jésus, petit enfant. Son royaume n'est pas de ce monde : nouveau-né vêtu de langes, intrônisé dans le giron de sa mère, elle-même surélevée sur une estrade, il manifeste une souveraineté vraiment absolue : la coupe qu'il touche de ses mains se différencie de celle présentée à Salomon : plus qu'un simple ciboire, sa forme sphérique l'apparente à  l'orbe de la terre (Littérature Sg 1,14) : c'est lui le roi de l'univers. 

2,11b se prosternant l'adorèrent L'adoration des mages

5e s.

L’épisode de la visite des mages est la première à frapper l’imagination des artistes, qui la représentent selon un modèle assez vite standardisé : suivant l’étoile dans la direction de Marie et de son fils qui attendent leurs exotiques visiteurs, ils marchent en procession rythmique.

Anonyme, Adoration des mages (fresque, 3e-4e s. ap. J.-C.), peinture murale, au-dessus d'une arche

Catacombe de Priscille, Capella Graeca, Rome (Italie) © Collection personnelle→

C'est la première attestation du nombre des mages : Matthieu mentionnant trois types d'offrandes, il semble qu'on en déduisit qu'elles étaient portées par trois personnes.

Les mages occupent le plus d’espace dans la composition, sur l’axe central au sommet de l’arc : le spectateur est pris dans leur mouvement de recherche intense du Fils. La mise en scène fait entrer le spectateur dans un récit de quête et de découverte, dont il devient participant — adorant Dieu fait enfant — en s’appropriant les attitudes des personnages.

Les postures d’offrande et de réception de dons abondent dans l’art gréco-romain ancien et le choix des offrandes informe sur l’identité du donateur aussi bien que du destinateur.

L’attitude rappelle celle du culte de l’empereur dans les cérémonies impériales.

Dans leurs célébrations et prédications, les Églises locales semblent s’être diversement concentrées sur les évangiles de Matthieu et de Luc. La popularité du thème des Rois mages dans l’art, avant celui de la mangeoire, peut être un signe d’une préférence pour Matthieu plutôt que Luc, mais pourrait tout simplement venir de sa capacité de synthétiser les deux récits et même de faire allusion au prologue de Jean.

À Rome, les évangiles de Luc et de Jean sont préférés pour Noël. Dans la mosaïque de Sainte-Marie Majeure, les Mages arrivent devant un enfant et sa mère, impériaux, sans présence d’aucun des bergers du récit lucanien.

Anonyme, Adoration des mages (mosaïque, ca. 435), arc triomphal, côté gauche, deuxième registre à partir du haut

Basilique Santa Maria Maggiore, Rome (Italie) © CC-BY-SA 3.0→

Sur la mosaïque de Sainte-Marie-Majeure, les Mages arrivent devant un enfant et sa mère impériaux, sans la présence d’aucun des bergers du récit lucanien.

6e s.

Anonyme Adoration des mages (mosaïque, 6e s.), mur gauche de la nef

église Saint-Apollinaire-le-Neuf, Ravenne (Italie) © CC-BY-SA 4.0→

15e s. flamand

Intégré parmi d'autres scènes

Dierick Bouts (ca. 1420-1475), Tryptique de la Dernière Cène (huile sur panneau, 1464-1468), 185 × 294 cm

Musée de Louvain (Belgique) © Domaine public→

15e s. italien

Gentile da Fabriano (ca. 1370-1427), L'adoration des mages (tempera sur panneau, 1423), 301,5 x 283 cm

Galerie des Offices, Florence (Italie) © Domaine public→

Fresques de Florence

Chez Fra Angelico comme chez Gozzoli, à Florence, le plus jeune roi mage prend les traits de Laurent le Magnifique.

Fra Angelico (ca. 1395-1455), L'adoration des rois mages (fresque, 1438-1446)

Musée national San Marco, Florence (Italie) © Domaine public→

Enluminure du 15e s. 

Jean Fouquet (1420-), L'adoration des rois mages (enluminure sur parchemin, ca. 1452-1460), 21 x 15 cm

Heures d'Étienne Chevalier, Bibliothèque Condé © Domaine public→

16e s.

Pieter Bruegel l'Ancien (ca. 1526-1569), L'adoration des Rois (huile sur bois, 1564), 111,1 x 83,2 cm

National Gallery, Londres (Royaume-Uni) © Domaine public→

CONTEMPLATION Dans les Flandres renaissantes : l’Épiphanie dans la blancheur du silence 

Pieter Bruegel l’Ancien (1525-1565), L’Adoration des mages sous la neige (huile sur panneau, 1567), 35 × 55 cm

Musée Oskar Reinhart « Am Römerholz », Winterthur (Suisse) © Domaine public→

La scène est située dans un village des Flandres sous la neige, un univers bien connu du peintre. À l’écart sur la gauche du tableau, dans une pauvre masure au toit prêt à s’écrouler, Marie présente son enfant ; Joseph dans l’ombre regarde, les deux Mages se prosternent devant elle, le troisième est avec le petit groupe qui s’avance.

Rien ne brille. Même pas les offrandes divines, masquées par la neige ou les lourds manteaux bruns. Il faut une loupe pour discerner la scène, humble et modeste, microcosme d’un événement qui va bouleverser le cours de l’histoire de l’humanité.

Jésus se donne à voir à ceux qui le cherchent, cette présence ne se perçoit pas à l’œil nu. Pour les villageois affairés, c’est un jour banal. Pour découvrir cet enfant, il faut  marcher, passer par ce monde enneigé, où le quotidien devient le lieu de la rencontre : c’est là au milieu des gens « comme les autres » que Bruegel invite le contemplateur de son petit tableau à accueillir l’ordinaire de la vie pour être conduit au seuil du mystère.

Il faut aiguiser son regard pour voir Celui qui humblement se donne à vivre, écouter le silence de cette Épiphanie ; laisser fondre la neige du cœur pour voir fleurir le printemps de la vie… À chacun de découvrir dans la banalité de son propre quotidien les signes fragiles de Sa Présence… (Père J.-M. Nicolas)

17e s.

Rubens 

Pierre Paul Rubens (1577-1640), L'adoration des rois mages (huile sur toile, ca. 1617-1618), 328 × 251 cm

Musée des Beaux-Arts de Lyon (France) © Domaine public→

Nicolas Poussin 

Nicolas Poussin (1594-1665), L'Adoration des mages (huile sur toile, 1633), 160 × 182 cm

Gemäldegalerie Alte Meister, Dresde (Allemagne) © Domaine public→

Leonaert Bramer

Leonaert Bramer (1596-ca 1674), L'adoration des mages (huile sur panneau, 1628-1630), 43 x 53 cm

Detroit Institute of Arts, Detroit, MI (États-Unis) © Domaine public→

20e s.

George Desvallières (1861-1950), Roi Mage Balthazar (gouache sur papier, ca. 1926), 54 x 36 cm

Collection particulière, France © Succession Desvallières→

Un roi mage aux coloris de rêve bleu vient parler d’un mystère joyeux lors de l’exposition du deuxième groupe chez Druet au printemps 1926 aux côtés de grandes compositions graves remémorant la Grande Guerre. Par la suite, Desvallières proposa l’œuvre à l’exposition consacrée à son maître Gustave Moreau et ses élèves.

2,13 La fuite en Égypte selon la Biblia Pauperum Dans la Biblia pauperum, cette planche marque le début d'un deuxième volet.

Les planches A à D formaient un premier groupe couvrant l'Annonciation jusqu'à la première souffrance du Christ (sa circoncision).

Les planches E à H forment un deuxième groupe, délimité par la fuite en Égypte et le retour d'Égypte. La deuxième souffrance du Christ se distingue de la circoncision dans la mesure où le danger est représenté. Alors que dans la Présentation de Jésus au Temple, seule la nudité de Samuel suggérait la circoncision (Arts visuels Lc 2,22–39), le danger est ici manifeste. Que ce soit à travers Ésaü et son arc (signe distinctif qui réapparaît sur la Planche K : Arts visuels Lc 2,4), l'âne en mouvement ou les fantassins qui pourchassent David, cette page est marquée par le danger et la fuite.

Anonyme (continuant Albrecht Pfister), « Fuite de Jacob, La fuite en Égypte, Fuite de David pourchassé par Saül », (impression xylographique, 1460s, Pays-Bas ou Rhin inférieur), 27,5 x 20,5 cm

Planche E, f.5v de Biblia pauperum seu historiæ Veteris et Novi Testamenti, Bibliothèque nationale de France→,

© Domaine public→

Registre supérieur

Lectures
  • à g. On lit dans la Genèse, au chapitre 27, que lorsque Rébecca, la mère d'Esaü et Jacob, apprit qu'il pourrait arriver d'un moment à l'autre que Jacob fût tué, elle fit partir son fils Jacob de son pays vers un pays étranger afin qu'il échappât au meurtre. Ce qui figurait bien la fuite du Christ au pays d'Égypte quand Hérode le chercha alors qu'il venait de naître, pour le faire mettre à mort (Gn 27).
  • à dr. On lit au premier livre des Rois, au chapitre 19, que le roi Saül envoya des gardes pour rechercher David afin de le tuer. Mais la femme de David, du nom de « Mikal », le fit descendre par une fenêtre à l'aide d'une corde et c'est ainsi qu'il échappa à ceux qui le recherchaient. Le roi Saül signifie Hérode qui rechercha le Christ pour le faire mettre à mort lorsque Joseph l'emmena avec Marie en Égypte et c'est ainsi qu'il échappa aux mains [de ceux] qui le recherchaient (1S 19).
Prophètes
  • à g. Isaïe : « Voici que le Seigneur entrera en Égypte et les idoles seront ébranlées » (Is 19,1).
  • à dr. David : « Voici que je me suis éloigné en fuyant et je suis demeuré dans la solitude » (Ps 55,8).

Triptyque central et distiques afférents

Panneau central
  • La fuite en Égypte (Mt 2)
  • Distique central : « À la funeste colère d'Hérode échappe le Christ enfant ».
Panneau gauche
  • Distique gauche : « Jacob, par crainte de [son] frère | abandonna la maison paternelle ».
Panneau droit
  • Fuite de David pourchassé par Saül (1S 19)
  • Distique droit : « David, grâce à Mikal | évita les pièges de Saül contre lui ».

Prophètes inférieurs

  • à g. Jérémie : « J'ai laissé ma maison et abandonné mon habitation » (Jr 12,7).
  • à dr. Osée : « Ils iront chercher le Seigneur et ils ne le trouveront pas » (Os 5,6).

Commentaire de la fuite en Égypte selon la Biblia Pauperum

Enchâssée entre la fuite de Jacob et l'évasion de David, la fuite en Égypte fait partie des épreuves que Joseph, Marie et Jésus doivent endurer. Les agresseurs, absents de la scène centrale, sont présents dans les images latérales. 

Détails remarquables
  • Sur l'image de droite, les troupes de Saül se massent à l'entrée d'une forteresse, tandis que le roi David, assuré par sa femme Mikal, s'enfuit en rappel. On le reconnaît grâce à sa tenue et à son chapeau, identiques à ceux qu'il porte en tant que prophète sur la partie supérieure droite de la planche. Chaque prophète a en effet une tenue et un chapeau qui lui sont propres ! On reverra David porter ce même chapeau dans l'image gauche de la planche H lors de son retour après la mort de Saül, mais aussi lors de sa bataille avec Goliath dans l'image gauche de la planche •H•. De plus, à chaque fois qu'il apparaît en tant que prophète, il porte ce même chapeau.
  • Le motif du bâton apparaît dans les images de gauche et du centre : David et Joseph s'en servent pour porter leur frêle bagage constitué en tout et pour tout d'une modeste pièce de tissu. Peut-être fait-il écho du bâton de Moïse durant l'Exode, à la sortie d'Égypte ? Dans une visée typologique, ces deux images ont en commun le désert comme paysage. La continuité du relief en arrière-plan les place d'ailleurs dans le même décor, concrétisant l'unité profonde de l'histoire sainte.
  • On note une différence majeure entre l'image centrale et les deux images latérales : si, dans l'Ancien Testament, la fuite impliquait une séparation (Jacob quittant père et mère et David s'éloignant de Mikal), elle se place sous le signe de la communion exemplaire de la Sainte Famille dans le Nouveau Testament. 

2,16 il envoya tuer tous les enfants qui étaient dans Bethléem et de toute sa région Le massacre des innocents selon la Biblia Pauperum Première planche où Marie n'est pas représentée, elle apparaît toutefois en typologie, sous les traits de Josaba, fille de Joram, qui soustrait Joas pour le remettre à la nourrice (panneau droit).

Anonyme (continuant Albrecht Pfister), « Massacre des prêtres de Nov par Saül, Le massacre des innocents, Massacre de la descendance royale par Athalie », (impression xylographique, 1460s, Pays-Bas ou Rhin inférieur), 27,5 x 20,5 cm

Planche G, 7v de Biblia pauperum seu historiæ Veteris et Novi Testamenti, Bibliothèque nationale de France→,

© Domaine public→

Registre supérieur

Lectures
  • à g. On lit au premier livre des Rois, au chapitre 22, que le roi Saül fit tuer tous les prêtres du Seigneur à Nov parce qu'ils avaient accueilli David qui fuyait et qu'ils lui avaient donné à manger du pain sanctifié. Saül signifie Hérode; David signifie en fait le Christ, et les prêtres, les enfants innocents qu'Hérode fit tuer à cause du Christ.
  • à dr. On lit au quatrième livre des Rois, au chapitre 11, que la reine Athalie, en voyant son fils mort, fit tuer tous les fils du roi afin qu'ils ne règnent pas à la place de leur père. Mais alors la sœur du roi [parvint à] soustraire le plus jeune fils qui plus tard devint roi. La cruelle reine signifie Hérode qui, à cause du Christ, fit tuer les enfants. Et l'enfant soustrait à la mort figure le Christ secrètement arraché au massacre du roi Hérode.
Prophètes
  • à g. David : « Venge, Seigneur, le sang de tes serviteurs qui fut versé » (Ps 79,10).
  • à dr. Proverbes : « Un lion rugissant et un ours affamé, tel [est] un prince impie sur un peuple pauvre » (Pr 28,15).

Triptyque central et distiques afférents

Panneau central
  • Le massacre des innocents (Mt 2)
  • Distique central : « Ceux-ci, à la place du Christ, à ce monde ont été enlevés ».
Panneau gauche
  • Massacre des prêtres de Nov par Saül (1S 22)
  • Distique gauche : « Saül, à cause de David | mit à mort les oints du Seigneur ».
Panneau droit
  • Massacre de la descendance royale par Athalie (2R 11)
  • Distique droit : « Par un seul [qui fut] enlevé | une descendance royale secrètement est donnée ».

Prophètes inférieurs

  • à g. Jérémie : « Une voix de pleurs et de gémissements a été entendue à Rama » (Mt 2,18)
  • à dr. Osée : « Ils ont régné par eux-mêmes et non par moi » (Os 8,4).

Commentaire du massacre des innocents selon la Biblia Pauperum

Les massacres des prêtres de Nov et de la descendance royale par la reine Athalie présentent des ressemblances typologiques. À travers l'assassinat des prêtres oints (messies), c'est le Messie que l'on cherche à atteindre. De même, Joas, qui a été soustrait aux mains d'Athalie pour rester en vie auprès de sa nourrice, représente le Christ. Bien qu'il ne soit pas cité dans la généalogie selon saint Matthieu, Joas est l'un des maillons de la promesse faite à David : « l'enfant soustrait à la mort figure le Christ secrètement arraché au massacre du roi Hérode » (Lectio Droit). 

Détails remarquables
  • Dans chacune des images, un mouvement diagonal va de la partie supérieure gauche à la partie inférieure droite : sur l'image centrale, Hérode pointe une mère en pleurs du bout de son sceptre ; le roi Saül désigne un prêtre de la même manière dans l'image de gauche, tandis qu'à droite, le bras gauche d'Athalie est au-dessus de la prochaine victime à exécuter. La position de son bras est d'ailleurs identique à celle des épées des autres images faisant écho aux glaives sanglants. 
  • Si les images de gauche et du centre sont en apparence saturées et confuses, chacune étant dominée par un roi, l'image de droite apporte de l'ordre et de l'harmonie à travers les deux femmes couronnées. Du chaos au cosmos, la symétrie est visible dans les deux enfants gisant à terre, ainsi que dans l'arrière-plan où l'on retrouve les deux femmes (Athalie et Josaba) : l'une évoque le crime, l'autre la Vierge à l'enfant.

2,19–23 va en terre d'Israël  La Sainte Famille revient d'Égypte selon la Biblia Pauperum Le Retour d'Égypte revêt ici une grande importance : il marque à la fois la fin du thème comprenant la Fuite en Égypte et le Retour (planches E à H), et plus largement celui de l’Enfance du Christ (planches A à H), qui représente un cinquième de l’ensemble de l'œuvre.

Anonyme (continuant Albrecht Pfister),  « Retour de David après la mort de Saül, La Sainte Famille revient d'Égypte, Retour de Jacob au pays de Canaan », (impression xylographique, 1460s, Pays-Bas ou Rhin inférieur), 27,5 x 20,5 cm

Planche H, f.8r de Biblia pauperum seu historiæ Veteris et Novi Testamenti, Bibliothèque nationale de France→,

© Domaine public→

Registre supérieur

Lectures
  • à g. On lit au deuxième livre des Rois, au chapitre 2, qu'après la mort du roi Saül, David consulta le Seigneur qui lui répondit de revenir en terre de Juda. David signifie en fait le Christ qui, après la mort d'Hérode, revint en terre de Juda, comme l'atteste l'Évangile en disant: « l'Ange du Seigneur apparut: prends l'enfant et sa mère et va etc... car ils sont morts ceux qui en voulaient à la vie de l'enfant ».
  • à dr. On lit dans la Genèse, aux chapitres 31 et 32, que Jacob, retournant dans son pays d'où il avait fui par peur de son frère Esaü, fit passer devant lui les brebis et les bœufs, les chameaux et les ânes tandis que lui-même suivait avec femmes et enfants. Jacob qui fuyait son frère signifie le Christ, lui qui fuit le roi Hérode, signifié par Esaü, et, une fois Hérode mort, revint en terre de Juda.
Prophètes
  • à g. David : « Visite-nous, Seigneur, en ton salut ! » (Ps 106,4).
  • à dr. Osée : « Égypte, ne pleure pas: le Seigneur t'a prise en pitié ». (Os)

Triptyque central et distiques afférents

Panneau central
  • La Sainte Famille revient d'Égypte (Mt 2,19)
  • Distique central : « Il retourne vers les lieux saints, Jésus qui abandonne l'Égypte. »
Panneau gauche
  • Retour de David après la mort de Saül (2S 2)
  • Distique gauche : « Saül mort | dans [sa] patrie David retourna ».
Panneau droit
  • Retour de Jacob au pays de Canaan (Gn 31)
  • Distique droit : « Jacob brûle d'aller revoir [son] père | [mais] il redoute [son] frère ».

Prophètes inférieurs

  • à g. Osée : « D'Égypte j'ai appelé mon fils » (Os 11,1).
  • à dr. Zacharie : « Je reviendrai vers Jérusalem avec compassion » (Za 1,16).

Commentaire de La Sainte Famille revient d'Égypte selon la Biblia Pauperum

La planche consacré au retour d'Egypte est construit en miroir avec la planche consacré à la fuite. Contrairement à la fuite en Égypte (Arts visuels Mt 2,13), le retour dans la région de Galilée est marqué par le fait que Jésus est assez grand pour marcher. Prenant le chemin inverse de celui indiqué sur la planche E, la Sainte Famille est entourée, comme lors de la fuite, par David et Jacob. Seulement, ceux qui apparaissaient respectivement à gauche (Jacob) et à droite (David) lors de la fuite (planche E), apparaissent ici renversés, comme si le retour avait inversé leur position (David à gauche et Jacob à droite). 

Détails remarquables
  • Dans les trois panneaux de la Fuite en Égypte (planche E : Arts visuels Mt 2,13), le mouvement se fait de gauche à droite ; ici, il se fait de droite à gauche.
  • Le fait que Jésus se tient debout, le bâton à la main, symbolise le début de son autorité. De fait, dans l'image centrale, Joseph est à peine visible, laissant la place au Christ. Il est le petit hégémon, le guide, le nouveau Moïse.
  • Dans l'image de gauche, le Seigneur qui apparaît à David n'est autre que le Christ dans dans une lumière rayonnante. Cette apparition rappelle celle de l'Annonciation (planche A : Arts visuels Ps 72,6), du buisson ardent (planche B : Arts visuels Lc 2,1–7) et du veau d'or (planche F : Arts visuels Is 19,1).
  • Le retour de Jacob contraste avec sa fuite (Arts visuels Mt 2,13) puisqu'il revient entouré de sa famille et de son troupeau. En effet, il est non seulement accompagné de ses femmes et enfants, mais aussi de tous les biens qu'il a acquis : moutons, bovins, chameaux, ânes, et même, étrangement, des petits cochons ou des marcassins.

Cinéma

1,18–2,19 Histoire de la Nativité Une intense poésie se dégage de ce film d'animation russe.

Mikhail Aldashin, Noël (мультфильм Михаила Алдашина), (film d'animation, 1997)

musique :  Johann Sebastian Bach, Concerto en D minor pour clavecin, BWV 1052 (Clavecin: Jim Long) ; L. van Beethoven, Symphonie No. 7 en A Major, Op. 92: II. Allegretto (Rafael Frühbeck de Burgos; Wyn Morris ; London Symphony Orchestra).

Prod. : Primoluz, Рождество © Licence YouTube standard, Mt 1,1-2,19 ; Lc 1,26-2,20

Le film Noël du réalisateur et artiste Mikhail Aldashin cherche à faire toucher au miracle de la naissance du Sauveur parmi les hommes. L'intrigue respecte le texte canonique, en y ajoutant bien des traits naïfs et émouvants tirés des récits apocryphes. Mikhail Aldashin est l'un des principaux réalisateurs du studio Pilot. Ses films ont remporté le succès dans de nombreux pays, dans divers festivals internationaux. Le film Noël, tourné en 1997 la même année, a reçu le prix de la meilleure réalisation et la première place dans une classification professionnelle au Festival panrusse d'animation de Tarus ; au Golden Fish International Film Festival à Moscou et de nombreuses autres récompenses.

La scène de l’appel des trois mages endormis dans le même lit et tirés de leur sommeil par un petit ange qui les touche du doigt vient directement d’un chapiteau du 12e s. de la cathédrale Saint-Lazare d’Autun, sculpté par maître Gislebertus : Arts visuels Mt 2,1s

26,1–28,20 La Passion dans Il Vangelo secondo Matteo, chef-d'œuvre de Pier Paolo Pasolini (réal., scén., 1922-1975) Film noir et blanc à petit budget, réalisé par un homosexuel athée marxiste, ce film reste un choc, comparé aux œuvres ultérieures de Pasolini (p. ex. Salò, ou Les 120 journées de Sodome, en 1975). Pasolini s'était dit fasciné par l'éclat littéraire et l'efficacité narrative de l'évangile selon Mt. Son film, dédié au « glorieux Pape Jean XXIII », met en scène tout l’évangile selon Mt, qu’il suit fidèlement, surtout dans les dialogues. Cette fidélité littérale ne l’empêche pas de proposer une représentation très personnelle de la passion de Jésus, où il fait intervenir sa propre mère Susanna Pasolini pour interpréter la Vierge Marie avec une retenue bouleversante (cf. ci-dessous « la figure de Marie »).

Pier Paolo Pasolini, Il Vangelo secondo Matteo, film, 137', Italie-France : Arco film-Lux Compagnie cinématographique, 1964.

Photographie : Tonino Delli Colli ; musique : Jean-Sébastien Bach, Wolfgang Amadeus Mozart, Sergueï Prokofiev, Anton Webern, Père Guido Haazen (Missa Luba), Sometimes I Feel like a Motherless Child (Negro spiritual), chants de l’Armée Rouge ; distribution : Enrique Irazoqui (Jésus), Mario Socrate (Jean-Baptiste), Margherita Caruso/Susanna Pasolini (Marie)

 © Licence YouTube standard

La représentation est à la fois réaliste, par le décor naturel, et hiératique, par une succession de tableaux qui évoquent la scénographie d’un opéra. La musique joue d’ailleurs un rôle important pour préciser le sens des séquences, comme un commentaire sans paroles. La figure de Jésus est celle d’un prophète imprécateur, au verbe violent, qui entraîne les foules et déchaîne l’hostilité croissante des chefs et des pharisiens. Cette énergie se déploie jusqu’à l’arrestation. Jésus est d’ailleurs filmé souvent seul dans le plan, séparément des disciples. Les traits fins et distingués de l’acteur qui interprète le Christ contrastent avec la beauté brute et rustique des visages des disciples : Jésus est la perfection de l’humanité. Les gros plans nombreux sur ces visages évoquent l'Église comme peuple de Dieu ou le Peuple lui-même. On y voit surtout des hommes de tous âges, des vieilles femmes et des enfants, peu de jeunes femmes.

De plus, la pauvreté formelle adoptée comme langage cinématographique résonne fortement avec les enseignements du Christ : les canons néoréalistes permettent d’insister sur l’humanité de Jésus, rompant avec la vision « héroïcisante » des studios hollywoodiens. L’ambition néoréaliste de mettre à l’honneur les humbles, tout en soulignant le caractère réellement inédit du quotidien, renvoie aussi à la prophétie de Jésus : « Aujourd'hui s'accomplit cette Écriture — à vos oreilles » (Lc 4,21). Ce film fut récompensé, entre autres, par le prix spécial du jury au Festival de Venise et le grand prix de l'Office catholique du cinéma.

La passion

La représentation de la passion à proprement parler occupe 28 min, dans la seconde moitié du film. Dans les choix opérés par le réalisateur, trois caractéristiques influent profondément sur le message délivré par l’œuvre : Pasolini a une intelligence politisée du message évangélique ; il adopte une lecture chronologique et littérale de Mt ; il représente la passion de points de vue majoritairement externes.

  • Pasolini dans ses choix de mise en scène, décrit Jésus comme un tribun, un homme politique animé par un immense désir de justice.

  • Il adopte une narration strictement chronologique, qui suit littéralement le texte de l’évangile, omettant toutefois certains épisodes relatés dans Mt. Cette construction linéaire, si elle confère un caractère de simplicité et de pauvreté au récit de la passion, exprime de manière limitée l’unité profonde dont est tissée la vie du Christ.

  • La caméra adopte le point de vue externe de Pierre jusqu’à son reniement, puis de Judas jusqu’à sa pendaison, enfin de Jean jusqu’à la crucifixion. Il en découle que la majorité des images de la passion est éloignée du cœur de l’action : l’œil de la caméra observe une suite de tableaux à distance respectueuse, sans s’approcher du visage ni du corps du Christ. Hormis la pauvreté formelle adoptée dans cette œuvre, la Passion de Pasolini fait peu entrer dans le caractère stupéfiant de l’amour de Dieu tel qu’il est révélé dans la mort du Christ, car cette représentation laisse le spectateur à l’extérieur de l’humanité du messie et de sa réalité incarnée et personnelle. Pasolini ne montre pas non plus l’événement universel et cosmique (en tant qu’il réalise une conversion, un retournement de la marche du monde) que constitue la passion de Jésus.

Une conséquence de telles options est l’impression d’extériorité qui se dégage de la dernière partie du film : Jésus, après avoir déclamé ses enseignements sur un ton impérieux, souffre sa passion et meurt loin du spectateur. La distance installée par le metteur en scène avec le Christ souffrant occulte largement la violence inexprimable de la passion, qui est le sacrifice d’amour de Dieu pour ses enfants et ses frères, les hommes. Avec le recul, on comprend les raisons pour lesquelles cette œuvre a pu rencontrer un tel succès critique, tant cette représentation de la passion, tout en semblant réaliste, est peu dérangeante.

Jésus

À l’écran, selon un procédé fréquent dans le cinéma italien de l’après-guerre, Jésus est incarné simultanément par un duo d’acteurs, avec l’apparence d’Enrique Irazoqui aux cheveux noirs, aux yeux noirs et sans arcade (juif basque qui, comme les autres interprètes, n'était pas un acteur professionnel) et la voix d’Enrico Maria Salerno. Le décalage entre les images capturées en extérieur d’un interprète non professionnel et la voix puissante enregistrée en studio d’un acteur confirmé peut être vu comme le signe de la double nature du Christ. Ce Jésus éructe les paraboles et prophétise avec une férocité vive, comme un agitateur syndical. Il est nerveux avec ses inquisiteurs et brusque avec ses apôtres. C'est un homme-Dieu pressé d'accomplir sa mission. Plus tôt mort, plus tôt ressuscité.

La perfection formelle du visage d’Irazoqui rappelle les représentations du Greco ; son regard légèrement asymétrique renvoie au mystère que dégagent les portraits du Christ dans l’art russe de l’icône. Fidèle au texte de Mt, Pasolini insiste sur l’union de Jésus au Père en montrant la prière solitaire du Christ avant sa passion, sur le point d’entrer dans Jérusalem. Il montre la souffrance portée par Jésus dans son agonie en empruntant à La Passion de Jeanne d’Arc de Carl Dreyer la douleur béate et muette du visage du condamné : regard hébété, fixité, stupéfaction à l’aube du don total de soi.

Il faut néanmoins admettre que l’acteur principal manque singulièrement d’épaisseur, en particulier dans les scènes de la passion, ce qui peut être imputé au jeune âge d’Irazoqui, qui n’avait que 19 ans (et non 33) lors du tournage.

Colère de Dieu, colère des hommes

Il Vangelo de Pasolini frappe par le souffle d’impatience et de colère impérieuse qui jaillit de la personne du Christ et qui secoue toute l’œuvre. La Bonne Nouvelle présentée ici semble être un principe de vie réagissant à l’injustice sociale répandue dans le monde. Par suite, la justice de Dieu semble primer sur la miséricorde de Dieu, appauvrissant le sens fondamental de la passion. On est loin de la plume déchirante de Péguy qui met les mots suivants dans la bouche du Père décrivant la passion de Jésus :

  • Péguy Porche « Cette aventure par laquelle mon Fils m’a lié les bras. Pour éternellement liant les bras de ma justice, pour éternellement déliant les bras de ma miséricorde » (307).

Chez Pasolini, le cœur de Jésus semble plus vibrant de colère que brisé d’amour. Sa colère et son exigence de justice l’emportent sur sa compassion et sa miséricorde. À la lumière des engagements de Pasolini auprès du Parti communiste italien, on peut s’interroger sur la justesse de cette interprétation : la colère attribuée ici au Christ est-elle la colère de Dieu, ou plutôt la colère du réalisateur projetée sur ce qu’il comprend de la personne du Christ ?

Le mystère de la croix

Pasolini montre sans ambiguïté le don libre que le Christ fait de lui-même dans sa passion : Jésus après l’institution de l’Eucharistie, sourit à ses disciples comme un époux qui connaît la plénitude après l’union nuptiale ; au prétoire, après le couronnement d’épines, il marche librement vers sa croix, son bâton à la main ; au Golgotha, il crie peu lorsqu’il est cloué sur sa croix, contrairement au brigand crucifié à ses côtés.

Toutefois par d’autres aspects non négligeables, Pasolini ne donne pas la pleine mesure du don personnel du Fils de Dieu fait homme. Ainsi la flagellation du Christ est ignorée. De plus, dans l’interprétation que le réalisateur fait de la réquisition de Simon de Cyrène, Jésus, désormais déchargé de sa croix et apparemment en bonne santé, cesse de porter sa croix et marche aux côtés du Cyrénéen qui a endossé son fardeau. Étranger à l’ultime étape de sa vie terrestre, le Christ paraît dès lors désincarné. La lecture que fait Pasolini du texte de Mt, quoique poétique, est un contresens : ici le Verbe de Dieu fait homme pour assumer le péché du monde fait porter son joug par son prochain menacé de mort, alors même qu’il est venu assumer la souffrance et le péché de tous les prochains.

La figure de Marie

Le rôle de Marie lors de la passion du Christ est tenu par Susanna Pasolini, la mère de Pasolini. Elle est une Vierge éplorée de douleur, tordue de souffrance devant le spectacle de son fils supplicié et mis à mort devant elle. Malgré le jeu convaincant de son actrice, le réalisateur butte sur le double écueil du choix de son interprète et de la difficulté à percer le mystère de la nouvelle Ève :

  • En donnant ce rôle clef à sa propre mère, Pasolini fait en quelque sorte le choix d’apparaître lui-même comme le messie crucifié. (Nombreux sont d’ailleurs les critiques que, par certains aspects, la vie du Christ résonne avec la vie du cinéaste.)

  • Pasolini ne communique guère au spectateur les réalités profondes qui font que la souffrance de Marie au pied de la croix dépasse considérablement la peine de Susanna Pasolini, fût-elle en train de contempler son propre fils agonisant : Marie au Calvaire distingue dans la personne de son fils à la fois le fruit de ses entrailles et le Dieu vivant et vrai qui épouse notre humanité pour porter toute souffrance. Étant unie mystiquement au cœur de son fils, elle traverse la mort comme Jésus traverse la mort. Cependant si elle porte « celui qui porte tout », on peut dire aussi que sa force et sa dignité reçues de Dieu surpassent celles de toutes les mères : dans son union mystique au cœur de Dieu, Marie garde intacte sa certitude que Jésus est le Fils de Dieu, et intacte sa confiance dans l’amour tout-puissant et miséricordieux du Père. À ce titre le jeu accablé de Susanna Pasolini, s’il est juste sur un plan strictement humain, ne rend pas pleinement compte de l’amour de Marie marchant au Golgotha avec Jésus.

Antijudaïsme ?

Chez Pasolini, Jésus marche jusqu'à sa mort, à travers la campagne de Matera, dans les Pouilles, près du talon de la botte italienne. La foule le poursuit et le presse ; un cri jaillit "Son sang soit sur nos enfants !" (Mt 27,25). Pasolini, poète avant d'être cinéaste, ne voulut pas censurer le verset d'un texte qu'il voulait honorer ; et, en mettant en scène des Italiens pourchassant les Italiens, il typifie une malédiction moins de race ou de religion que de clan.

L’Église

Une mosaïque de musiques émaille l’œuvre de Pasolini : des extraits des œuvres de Bach, Webern, Mozart, Prokofiev, de la Missa Luba (messe congolaise), de Negro spirituals (déchirant Sometimes I Feel like a Motherless Child) et de chants révolutionnaires russes enrichissent les images de la vie simple du Christ et nous enseignent sur ce qu’est l’Eglise :

  • Ces thèmes récurrents sont une représentation de la multiplicité des demeures dans la maison du Père : l’Église ressemble à une famille et l’Église est universelle ; elle accueille tout homme, comme Dieu ouvre ses bras à tout homme.

  • La répétition de ces musiques variées évoque aussi la prière tournoyante et sans cesse recommencée du psalmiste.

  • Enfin, on peut deviner dans les choix de musique de Pasolini les possibles défigurations du message évangélique. Ainsi, après la résurrection du Christ, l’Église en marche est représentée comme un peuple d’insurgés avec les armes à la main, courant vers un avenir lumineux au son des chœurs de l’Armée Rouge.

Conclusion

Il Vangelo secondo Matteo de Pasolini bénéficie des canons du néoréalisme italien et rompt heureusement, par sa pauvreté formelle, avec la proposition hollywoodienne connue jusque-là. Toutefois, dans une lecture littérale (quoique poétisée et politisée) de l’évangile, le réalisateur semble ne pas adhérer au cœur de la foi chrétienne, qui est que Dieu, fait homme dans la personne de Jésus, a porté le péché de chaque homme et de l’humanité pour que tout homme soit sauvé. C’est pourquoi cette œuvre recèle un certain nombre de limites lorsqu’elle rend compte du message évangélique, et ressemble au récit qu’un reporter extérieur ferait du parcours exceptionnel d’un leader exceptionnel.

La passion dans Il Vangelo secondo Matteo, verset par verset

Après la référence, on donne un bref commentaire, suivi du minutage.

  • Mt 26,1-5 : complot contre Jésus (1:38). 
  • Mt 26,6-13 : la protestation « des disciples » contre l'onction vient de Judas seul ; Marie Madeleine perçoit avec effroi le choix que Judas fait, dans son cœur, de trahir le Christ (1:39-41). 
  • Mt 26,14-16: trahison de Judas (1:41-42).
  • Mt 26,25 : dénonciation de Judas (1:42-43). 
  • Mt 26,26 : la communion au pain (1:43). 
  • Mt 26,27:  lors de la communion au calice, Jésus sourit (contentement de l’époux après avoir consommé ses noces ; 1:43-44).
  • Mt 26,30: le jardin des Oliviers (1:44).
  • Mt 26,38: pendant l’agonie de Jésus, la lumière disparaît ; la pellicule noircit (1:45-49).
  • Mt 26,39: Jésus tombe, mais pas face contre terre (1:45-49).
  • Mt 26,43: en train de dormir En train de dormir : Jésus prie en 2 fois et pas 3 (il ne réveille ses disciples qu’une seule fois, puis les soldats arrivent) (1:45-49).
  • Mt 26,49: un baiser le baiser de Judas Ignoré par Pasolini (1:45-49).
  • Mt 26,51-52: Jésus, par sa parole, empêche que l’oreille du garde soit arrachée par le disciple zélé (1:48-49).
  • Mt 26,55 : l’arrestation de Jésus (1:49).
  • Mt 26,59 : pendant l’interrogatoire au sanhédrin, un point de vue de Pierre, qui déambule, perdu dans les rues de Jérusalem. Jérusalem est montrée comme une ville en ruines (1:50).
  • Mt 26,65 a: déchira ses vêtements l’indignation de Caïphe : Caïphe se déshabille plutôt qu’il ne déchire ses vêtements (1:52).
  • Mt 26,67-68 : les outrages chez le grand prêtre sont suggérés (cohue). Cette scène est montrée de loin, avec le point de vue de Pierre qui est un spectateur éloigné. Pasolini qui insiste tout au long de son œuvre sur la colère du Christ devant l’injustice faite aux hommes par les hommes, édulcore l’injustice faite par les hommes à l’Homme (1:53).
  • Mt 26,70 b: Je ne sais pas ce que tu veux dire le reniement de Pierre : Le coq n’est pas montré ; Pierre est montré perdu sur une rue pavée dévorée de mauvaises herbes (Cf. la parabole). On s’éloigne de Pierre pour rejoindre Judas (1:53-54).
  • Mt 27,4-5 les remords de Judas : Puis point de vue de Judas pour montrer Jésus emmené chez Pilate pour mourir (1:55-57).
  • Mt 27,5 Mort de Judas : Judas se pend nu. Il a tout perdu. Il se retrouve seul dans la création, séparé de Dieu, comme Adam après le péché originel ? (1:57).
  • Ajout de Pasolini : Jean et Marie chez Pilate (1:57-58).
  • Mt 27,1 Devant le gouverneur : Jésus chez Pilate est montré du point de vue de Jean, avec les yeux de Jean (1:58).
  • Mt 27,11 b: le gouverneur l’interrogea l’interrogatoire par Pilate (1:58).
  • Mt 27,24 b: se lava les mains le lavement des mains Pilate prononce les paroles du lavement des mains mais ne se lave pas les mains (1:58).
  • Mt 27,26-27 dans le prétoire la flagellation et les outrages au prétoire Jésus marche librement vers sa mort, un bâton de pèlerin à la main jusqu’à ce que ce dernier soit remplacé par la croix. A part un mouvement de cohue, Jésus n’est pas supplicié (1:59).
  • Mt 27,31 c : ils l’emmenèrent la montée au Calvaire : Marie est cramponnée à Jean. Susana Pasolini est tres convaincante en mère assistant au supplice de son fils ; cependant elle n’est pas n’importe quelle mère. Lorsque son fils meurt, il porte le monde et dans sa compassion qui est une union mystique, un cœur à cœur avec le Fils de Dieu qui aime l’humanité à mourir d’amour pour elle, Marie aussi porte le monde. Elle ne peut dès lors être représentée comme « simplement » éplorée (évaporée).  Les soldats donnent à boire à Jésus pour monter au Calvaire. Marie se bat pour être proche de son fils (1:59).
  • Mt 27,32 a : un Cyrénéen du nom de Simon Simon de Cyrène : Jésus tombe une fois, puis Simon de Cyrène est réquisitionné pour porter (seul). Jésus n’a pas un cheveu décoiffé, pas une égratignure. Rupture entre la promenade dominicale d’un Christ étranger/indifférent/désincarné [ou encore philosophe face] à son fardeau. Ici Jésus sous-traite le problème (2:01).
  • Mt 27,35 a l’ayant crucifié la crucifixion (2:03). L’image s’interrompt pour expliquer, par une parole du Christ, le caractère mystérieux (incompréhensible ?) de la Passion : « Vous verrez mais ne comprendrez pas… »
  • Mt 27,38  deux brigands le bon et le mauvais larron : Visibles mais non identifiés (2:02).
  • Mt 27,45 de la ténèbre sur toute la terre l’obscurcissement à la sixième heure (2:04).
  • Mt 27,48 b : vinaigre la gorgée de vinaigre (2:05).
  • Mt 27,51-53 les signes accompagnant la mort du Christ : Seul le tremblement de terre est représenté. Un groupe de femmes en noir jaillit en courant d’une habitation (2:06).
  • Mt 27,59-60 Ensevelissement de Jésus : Cortège comprenant Marie et Jean. Plusieurs jeunes hommes pieds nus, habillés comme des moines franciscains (sans capuche), portent le corps de Jésus jusqu’à son tombeau (2:07-08).
  • Mt 28,1 vinrent pour voir le sépulcre visite des saintes femmes au tombeau (2:09).
  • Mt 28,2 et voici la résurrection Le visage de Marie s’illumine de gratitude, sans trace de surprise lorsque la pierre roule découvrant le tombeau vide (2:10).
  • Mt 28,16-20 : apparition du Christ ressuscité aux disciples (2:11).

(avec fr. Benoît Ente o.p.)