Un projet du Programme de Recherches La Bible en ses traditions AISBL
Dirigé par l’École Biblique et Archéologique Française de Jérusalem
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1 Selon Matthieu
VICI COMMENCE L'ÉVANGILE SELON MATTHIEU
Livre de la genèse
Vgénération de Jésus-Christ, fils de David, fils d’Abraham.
2 Abraham engendra Isaac
Isaac engendra Jacob
Jacob engendra Juda et ses frères
3 Juda engendra Pharès et Zara de Thamar
Pharès engendra Esrom
Esrom engendra Aram.
4 Aram engendra Aminadab
Aminadab engendra Naasson
Naasson engendra Salmon
5 Salmon engendra Boes
VBooz de Rachab
VRahab
Boes
VBooz engendra Jessai
VJessé de Routh
VRuth
Jobed
VObed engendra Jessai
VJessé
VJessé engendra le roi David.
6 Byz S TR NesJessai engendra le roi David
Byz V TRLe roi David engendra Solomon
VSalomon de celle Vqui fut [femme] d’Ourias
VUrie
7 Solomon
VSalomon engendra Roboam
Roboam engendra Abia
VAbia
Abia
VAbias engendra Asaf
Byz V S TRAsa
8 Asaf
Byz V S TRAsa engendra Josaphat
Josaphat engendra Joram
Joram engendra Ozias
9 Ozias engendra Joatham
Joatham engendra Achaz
VAhaz
Achaz
VAhaz engendra Ézéchias
10 Ézéchias engendra Manassé
Manassé engendra Amos
Byz V S TRAmon
Amos
Byz V S TRAmon engendra Josias
11 Josias engendra Jéchonias
VJéconias et ses frères au temps de la déportation de Babylone.
12 Après la déportation de Babylone
Jéchonias
VJéconias engendra Salathiel
Salathiel engendra Zorobabel
13 Zorobabel engendra Abioud
VAbiud
Abioud
VAbiud engendra Éliakim
Byz S TRÉliakeim
VÉliaquim
Éliakim
Byz S TRÉliakeim
VÉliaquim engendra Azor
14 Azor engendra Sadok
VSaddoc
Sadok
VSaddoc engendra Achim
Byz S TRAcheim
Achim
Byz S TRAcheim engendra Élioud
VÉliud
15 Élioud
VÉliud engendra Éléazar
Éléazar engendra Matthan
VMathan
Matthan
VMathan engendra Jacob
16 Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie, de laquelle fut engendré
Vest né Jésus, qu'on appelle « Christ ».
17 Donc toutes les générations depuis Abraham jusqu’à David : quatorze générations
depuis David jusqu’à la déportation de Babylone : quatorze générations
depuis la déportation à Babylone jusqu’au Christ : quatorze générations.
18 Or Byz S TR Nesde Jésus [comme] Christ la Byz S TR Nesgenèse se fit ainsi :
comme Marie, sa mère, avait été fiancée à Joseph
il se trouva, avant qu’ils eussent habité ensemble, qu’elle [l']avait dans ses entrailles de par l'Esprit Saint.
18 Or, la génération du Christ se fit ainsi :
comme Marie, sa mère, avait été fiancée à Joseph
il se trouva, avant qu’ils eussent habité ensemble, qu’elle [l']avait dans ses entrailles de par l'Esprit Saint.
19 Joseph, son époux, qui était juste et ne voulait pas la faire montrer du doigt
Vtraduire [en justice]
se proposa de
Vvoulut la renvoyer secrètement.
20 Comme il était dans cette pensée
Vméditait cela
voici, un ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit :
— Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi
Vd'accueillir Marie ton épouse
car certes ce qui est engendré
Vné en elle est de l'Esprit Saint.
21 Et elle enfantera un fils et tu l'appelleras du nom de « Jésus »
car lui-même sauvera son peuple de ses péchés.
22 Tout cela arriva
pour que s'accomplît la parole dite
V Sce qui a été dit par le Seigneur à travers le prophète qui disait :
23 « Voici, la Vierge sera enceinte et enfantera un fils, et on l'appellera du nom d'"Emmanuel" »
ce qui se traduit : « Dieu avec nous ».
24 Réveillé de son sommeil, Joseph fit comme l’ange du Seigneur lui avait prescrit
et il reçut
Vaccueillit son épouse.
25 Et il ne la connut pas jusqu’à ce qu’elle eût enfanté un fils
Byz V S TRson fils premier-né
et il
Selle l'appela de son nom « Jésus ».
2,1 Jésus étant né
VComme Jésus était né à Bethléem de Judée aux jours du roi Hérode
voici, des mages d’Orient arrivèrent
Vvinrent à Jérusalem
2,2 disant :
— Où est le roi des Juifs qui a été enfanté
Vest né ?
Car nous avons vu son étoile à l’orient
et nous sommes venus l’adorer.
2,3 En entendant [cela] le roi Hérode fut troublé, et tout Jérusalem avec lui.
2,4 Et, rassemblant tous les chefs des prêtres et les scribes du peuple,
il s'enquit auprès d'eux : — où le Christ devait naître ?
2,5 Ils lui dirent : — À Bethléem de Judée
car ainsi a-t-il été écrit par le prophète :
2,6 « Et toi Bethléem, Byz V TR Nesterre de Juda, tu n’es pas la moindre parmi les chefs-lieux
Sroyaumes de Juda
car de toi sortira un chef
Vprince Byz S TR Nes, celui qui paîtra
Vrégira mon peuple Israël. »
2,7 Alors Hérode, ayant secrètement appelé les mages, se fit préciser par eux
Vse renseigna avec soin auprès d'eux sur le moment où l’étoile était apparue.
2,8 Et, les envoyant à Bethléem, il dit :
— Allez, informez-vous précisément
Vavec soin au sujet de l’enfant.
Et quand vous aurez trouvé, faites-moi l'annonce
Vfaites-moi un rapport
afin que moi aussi j’aille l’adorer.
2,9 Quant à eux, ayant
VQuand ils eurent entendu le roi, ils partirent.
Et voici, l’étoile qu’ils avaient vue à l’orient les précédait
Vmarchait devant eux
jusqu’à ce que, en venant au-dessus du lieu où était l'enfant, elle s'arrêta.
V' elle vienne s'arrêter au-dessus de là où était l'enfant.
2,10 En voyant l'étoile, ils se réjouirent d'une très grande joie.
2,11 En entrant dans la maison, ils virent
Byz V S TRtrouvèrent l’enfant avec Marie, sa mère,
et, tombant
Vse prosternant, l’adorèrent ;
et, leurs trésors ouverts, ils lui présentèrent
Voffrirent des dons : de l’or, de l’encens et de la myrrhe.
2,12 Et ayant été avertis en songe
Vreçu dans des songes l'oracle de ne pas retourner vers Hérode
par un autre chemin regagnèrent leur région.
2,13 Alors qu'ils s'en étaient retournés
voici, un ange du Seigneur apparut en songe à Joseph, disant :
— Lève-toi, prends l’enfant et sa mère
et fuis en Égypte
et reste là-bas jusqu’à ce que je te dise
car il arrivera qu'Hérode cherchera l’enfant pour le faire périr
Vperdre.
2,14 Lui,
SJoseph, s'étant levé, prit avec lui l'enfant et sa mère de nuit et se retira en Égypte.
2,15 Et il fut là-bas jusqu’à la mort d’Hérode
afin que fût accomplie la parole dite
Vaccompli ce qui avait été dit par le Seigneur à travers le prophète, disant :
« D'Égypte j'ai appelé mon fils. »
2,16 Alors Hérode, voyant que les mages s'étaient joués de lui, fut très en colère
et il envoya tuer tous les enfants Vqui étaient dans Bethléem et dans toute sa région
depuis l’âge de deux ans et au-dessous, d’après le temps qu'il s'était fait préciser par les mages.
2,17 Alors s'accomplit la parole dite
Vce qui a été dit par Jérémie le prophète disant :
2,18 « Une voix en Rama a été entendue, Byz TRlamentations, pleurs et plaintes nombreuses :
Rachel pleure ses enfants ; et elle ne voulait
Vvoulut pas être consolée, parce qu’ils ne sont plus. »
2,19 Hérode étant mort
voici, un ange du Seigneur apparut en songe à Joseph en Égypte
2,20 disant :
— Lève-toi, prends l’enfant et sa mère
et va en terre d’Israël
car ils sont morts, ceux qui recherchaient la vie de l’enfant.
2,21 Lui,
SJoseph, s’étant levé, prit l’enfant et sa mère, et entra
Byz V S TRvint en terre d’Israël.
2,22 Entendant qu’Archélaüs régnait en Judée à la place d’Hérode son père, il craignit de s'y rendre
et, averti en songe, il se retira dans la région de la Galilée
2,23 et il vint s'installer
Vhabiter dans une ville appelée « Nazareth »
afin que s'accomplît le mot dit
Vce qui a été dit par les prophètes :
Il sera appelé « Nazoréen »
V« Nazaréen ».
2,1–23 Bethléem (Voir Repères historiques et géographiques 1S 16,4). ou Éphrath, Éphrata. Une ville qui appartenait à la tribu de Juda (1Ch 2,51) , située à 10 kilomètres au sud de Jérusalem. Le roi David et Jésus y sont nés.
, Le parvis de la basilique de la Nativité, photographie, vers 1930
Sainte-Anne, Jérusalem (Ste A-Cont.407)
© Couvent St-Étienne de Jérusalem — É.B.A.F. 1S 16,4
Le parvis de la basilique de la Nativité, dans son état ancien, avec les gros pavés. Le monument byzantin est à l’arrière-plan : la façade orientale, les contreforts ajoutés après-coup et les entrées dans le monument rétrécies en trois moments. À droite, le couvent arménien.
, Le narthex de la basilique de la Nativité, photographie, vers 1930
Sainte-Anne, Jérusalem (Ste A-Cont.409)
© Couvent St-Étienne de Jérusalem — É.B.A.F.
Le narthex de la basilique de la Nativité. Au centre droit, une des belles colonnes monolithes byzantines ; juste derrière elle, sur sa droite, l’escalier de la sortie de la grotte de la Nativité, sous le chœur des Grecs. À gauche, au premier plan, un autel latéral arménien.
, La Grotte de la Nativité, photographie, vers 1930
Sainte-Anne, Jérusalem (Ste A-Cont.404)
© Couvent St-Étienne de Jérusalem — É.B.A.F.
À l’intérieur de la basilique, dans la crypte, l’emplacement de la grotte de la Nativité. Ce cliché original montre deux policiers municipaux du mandat britannique montant la garde devant l’autel sous lequel se trouve la célèbre étoile en argent, lieu traditionnel de la naissance de Jésus, et objet de la vénération liturgique des trois communautés chrétiennes y ayant un droit d’accès : Grecs, Arméniens et Catholiques.
26,1–27,66 Les lieux de la Passion
Parcours de Jésus durant sa Passion, (numérique, Jérusalem : 2022)
M.R. Fournier © BEST AISBL, Mt 26-27 ; Mc 14-15 ; Lc 22-23 ; Jn 18-19
Le lieu du →prétoire, tribunal de Ponce Pilate, est incertain. Deux sites sont possibles : la forteresse Antonia et le Palais d'Hérode le Grand. La tradition situe le prétoire à l'Antonia mais les archéologues, aujourd'hui, le placent plutôt dans le palais d'Hérode le Grand.
Esplanade du Temple, Ophel, ville haute, ville basse, palais d’Hérode le Grand, mont Sion, Cénacle, palais hasmonéen, palais de Caïphe, Golgotha, forteresse Antonia, porte dorée, jardin de Gethsémani, mont des Oliviers, colline de Bézétha, théâtre, vallée du Cédron, vallée du Tyropéon, vallée de la Géhenne, via Dolorosa.
1,16 Jacob autem
Communion - Jacob autem
Chœur des moines de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux
1,18 Cum esset
Offertoire - Cum esset
Chœur des moines de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux
1,2 Livre de la génération de Jésus L'arbre de Jessé La représentation de la généalogie du Christ par l'arbre de Jessé (cf. Is 11,1) est un motif récurrent dans toute l'histoire de l'art.
, L'enfance du Christ et l'arbre de Jessé (vitrail, ca. 1144), chapelle de la Vierge
Basilique de Saint-Denis (France) © CC-BY-SA 3.0→
, L'Arbre de Jessé (vitrail, 1145-1155), côté ouest orienté nord
cathédrale Notre-Dame de Chartres (France) © Domaine public→
, L'Arbre de Jessé (vitrail, 1522-1524)
église Saint-Étienne, Beauvais (France) © Domaine public→
Lyévin Varin ou
, Jehan et Balthazard Godon ou , L'Arbre de Jessé (vitrail, 1502-1503), 12,4 x 4,2 m, baie n°116, fenêtre haute du transept sudcathédrale Saint-Étienne, Sens (France), photo : lavieb-aile→ © Domaine public→
, L'Arbre de Jessé (vitrail, 16e s.), collatéral nord, chapelle des évêques
Cathédrale Saint-Lazare, Autun (France), photo : Denis Krieger © Domaine public→
, L'Arbre de Jessé (bois, 17e s.)
Église Saint-François, Porto (Portugal) © CC-BY-2.0→
Cf. Arts visuels Mt 1,16.
1,18 Or, la génération du Christ se fit ainsi Iconographie contemporaine
Éric
(1964 -), Incarnation. Page Chi-Rhô., (enluminure sur vélin : pigments à l'orpiment, minium, garance, ocre doré, lapis-lazuli, vert de gris, cochenille, indigo, 2020), 33 x 25,5 cmColl. part., France
D.R. É. Mortreuil→© BEST aisbl
Enlumineur depuis 2016, É. M. s’inspire de textes bibliques et chrétiens et de la spiritualité scoute pour élaborer des compositions dans la tradition de l’enluminure occidentale, avec une préférence pour le style irlandais « insulaire » (Livre de Kells, Evangiles de Lindisfarne, etc.) et pour le gothique du 13e s.
La page Chi-Rhô (folio 34r du Livre de Kells) est emblématique des manuscrits insulaires. Elle désigne le chrisme, composé des lettres grecques X (khi) et P (rhô), initiales de Jésus-Christ en grec.
, Livre de Kells, (vélin avec de l'encre noire, rouge, mauve ou jaune, ca. 800), Manuscrit illustré de motifs ornementaux, Folio 34r, 33 x 25
Irlande, Bibliothèque du Trinity College Dublin→© BEST aisbl
En s'inspirant de l'illustration Chi-Rhô, É. M. illustre les premiers mots de la péricope de Saint Matthieu : « XPI (Christi) autem generatio sic erat ».
L'enluminure de É. M. intègre aussi des éléments symétriques et circulaires, ainsi que des motifs celtiques médiévaux, comme ceux du Bouclier de Battersea.
, Le bouclier de Battersea, (bronze et verre, ca. 350 BC - 50 BC), 77,7 x 35,7 cm, N° d’inventaire : 1857,0715.1
British Museum→© BEST aisbl
La calligraphie quant à elle est empruntée aux lettres du folio 95r des Évangiles de Lindisfarne.
, Évangiles de Lindisfarne, (Enluminures sur parchemin, ca. 700-715), Manuscrit enluminé, 34 × 27 cm,
N° d’inventaire : Cotton Ms. Nero D.IV, Folio 95r,
Lindisfarne, British Library
L'enluminure Incarnation. Page Chi-Rhô d'É. M. peut évoquer :
2,1 voici, des mages d'Orient vinrent à Jérusalem L'Épiphanie selon la Biblia Pauperum La visite des mages est au centre ; les images latérales représentent le roi David et le roi Salomon. Celui qui est « Roi des rois et Seigneur des seigneurs » (Ap 19,16) surprend par sa petitesse, en comparaison des rois d'Israël qui le flanquent.
(continuant ), « Abner, chef de l'armée de Saül, se rend chez David, l'Épiphanie, La reine de Saba se rend chez Salomon », (impression xylographique, 1460s, Pays-Bas ou Rhin inférieur), 27,5 x 20,5 cm
Planche C, f.3v de Biblia pauperum seu historiæ Veteris et Novi Testamenti, Bibliothèque nationale de France→,
David et Salomon, sceptre en main et couronne sur la tête, encadrent l'Épiphanie. Ils se distinguent de Jésus qui n'est pas assis sur un trône à baldaquin, mais sur les genoux de Marie. Celle-ci tient délicatement entre ses mains celui qu'annoncent les paroles d'Isaïe dans le phylactère au-dessus : « Et ils adoreront les traces de tes pas » (Is 60,14).
2,11b se prosternant l'adorèrent L'adoration des mages
L’épisode de la visite des mages est la première à frapper l’imagination des artistes, qui la représentent selon un modèle assez vite standardisé : suivant l’étoile dans la direction de Marie et de son fils qui attendent leurs exotiques visiteurs, ils marchent en procession rythmique.
, Adoration des mages (fresque, 3e-4e s. ap. J.-C.), peinture murale, au-dessus d'une arche
Catacombe de Priscille, Capella Graeca, Rome (Italie) © Collection personnelle→
C'est la première attestation du nombre des mages : Matthieu mentionnant trois types d'offrandes, il semble qu'on en déduisit qu'elles étaient portées par trois personnes.
Les mages occupent le plus d’espace dans la composition, sur l’axe central au sommet de l’arc : le spectateur est pris dans leur mouvement de recherche intense du Fils. La mise en scène fait entrer le spectateur dans un récit de quête et de découverte, dont il devient participant — adorant Dieu fait enfant — en s’appropriant les attitudes des personnages.
Les postures d’offrande et de réception de dons abondent dans l’art gréco-romain ancien et le choix des offrandes informe sur l’identité du donateur aussi bien que du destinateur.
L’attitude rappelle celle du culte de l’empereur dans les cérémonies impériales.
Dans leurs célébrations et prédications, les Églises locales semblent s’être diversement concentrées sur les évangiles de Matthieu et de Luc. La popularité du thème des Rois mages dans l’art, avant celui de la mangeoire, peut être un signe d’une préférence pour Matthieu plutôt que Luc, mais pourrait tout simplement venir de sa capacité de synthétiser les deux récits et même de faire allusion au prologue de Jean.
À Rome, les évangiles de Luc et de Jean sont préférés pour Noël. Dans la mosaïque de Sainte-Marie Majeure, les Mages arrivent devant un enfant et sa mère, impériaux, sans présence d’aucun des bergers du récit lucanien.
, Adoration des mages (mosaïque, ca. 435), arc triomphal, côté gauche, deuxième registre à partir du haut
Basilique Santa Maria Maggiore, Rome (Italie) © CC-BY-SA 3.0→
Sur la mosaïque de Sainte-Marie-Majeure, les Mages arrivent devant un enfant et sa mère impériaux, sans la présence d’aucun des bergers du récit lucanien.
Adoration des mages (mosaïque, 6e s.), mur gauche de la nef
église Saint-Apollinaire-le-Neuf, Ravenne (Italie) © CC-BY-SA 4.0→
Dierick
(ca. 1420-1475), Tryptique de la Dernière Cène (huile sur panneau, 1464-1468), 185 × 294 cmMusée de Louvain (Belgique) © Domaine public→
(ca. 1370-1427), L'adoration des mages (tempera sur panneau, 1423), 301,5 x 283 cm
Galerie des Offices, Florence (Italie) © Domaine public→
Chez
comme chez , à Florence, le plus jeune roi mage prend les traits de Laurent le Magnifique.(ca. 1395-1455), L'adoration des rois mages (fresque, 1438-1446)
Musée national San Marco, Florence (Italie) © Domaine public→
Jean
(1420-), L'adoration des rois mages (enluminure sur parchemin, ca. 1452-1460), 21 x 15 cmHeures d'Étienne Chevalier, Bibliothèque Condé © Domaine public→
Pieter
(ca. 1526-1569), L'adoration des Rois (huile sur bois, 1564), 111,1 x 83,2 cmNational Gallery, Londres (Royaume-Uni) © Domaine public→
Pieter
(1525-1565), L’Adoration des mages sous la neige (huile sur panneau, 1567), 35 × 55 cmMusée Oskar Reinhart « Am Römerholz », Winterthur (Suisse) © Domaine public→
La scène est située dans un village des Flandres sous la neige, un univers bien connu du peintre. À l’écart sur la gauche du tableau, dans une pauvre masure au toit prêt à s’écrouler, Marie présente son enfant ; Joseph dans l’ombre regarde, les deux Mages se prosternent devant elle, le troisième est avec le petit groupe qui s’avance.
Rien ne brille. Même pas les offrandes divines, masquées par la neige ou les lourds manteaux bruns. Il faut une loupe pour discerner la scène, humble et modeste, microcosme d’un événement qui va bouleverser le cours de l’histoire de l’humanité.
Jésus se donne à voir à ceux qui le cherchent, cette présence ne se perçoit pas à l’œil nu. Pour les villageois affairés, c’est un jour banal. Pour découvrir cet enfant, il faut marcher, passer par ce monde enneigé, où le quotidien devient le lieu de la rencontre : c’est là au milieu des gens « comme les autres » que
invite le contemplateur de son petit tableau à accueillir l’ordinaire de la vie pour être conduit au seuil du mystère.Il faut aiguiser son regard pour voir Celui qui humblement se donne à vivre, écouter le silence de cette Épiphanie ; laisser fondre la neige du cœur pour voir fleurir le printemps de la vie… À chacun de découvrir dans la banalité de son propre quotidien les signes fragiles de Sa Présence… (Père J.-M. Nicolas)
Pierre Paul
(1577-1640), L'adoration des rois mages (huile sur toile, ca. 1617-1618), 328 × 251 cmMusée des Beaux-Arts de Lyon (France) © Domaine public→
Nicolas
(1594-1665), L'Adoration des mages (huile sur toile, 1633), 160 × 182 cmGemäldegalerie Alte Meister, Dresde (Allemagne) © Domaine public→
Leonaert
(1596-ca 1674), L'adoration des mages (huile sur panneau, 1628-1630), 43 x 53 cmDetroit Institute of Arts, Detroit, MI (États-Unis) © Domaine public→
George
(1861-1950), Roi Mage Balthazar (gouache sur papier, ca. 1926), 54 x 36 cmCollection particulière, France © Succession Desvallières→
Un roi mage aux coloris de rêve bleu vient parler d’un mystère joyeux lors de l’exposition du deuxième groupe chez Druet au printemps 1926 aux côtés de grandes compositions graves remémorant la Grande Guerre. Par la suite, Desvallières proposa l’œuvre à l’exposition consacrée à son maître Gustave
et ses élèves.2,13 La fuite en Égypte selon la Biblia Pauperum Dans la Biblia pauperum, cette planche marque le début d'un deuxième volet.
Les planches A à D formaient un premier groupe couvrant l'Annonciation jusqu'à la première souffrance du Christ (sa circoncision).
Les planches E à H forment un deuxième groupe, délimité par la fuite en Égypte et le retour d'Égypte. La deuxième souffrance du Christ se distingue de la circoncision dans la mesure où le danger est représenté. Alors que dans la Présentation de Jésus au Temple, seule la nudité de Samuel suggérait la circoncision (Arts visuels Lc 2,22–39), le danger est ici manifeste. Que ce soit à travers Ésaü et son arc (signe distinctif qui réapparaît sur la Planche K : Arts visuels Lc 2,4), l'âne en mouvement ou les fantassins qui pourchassent David, cette page est marquée par le danger et la fuite.
(continuant ), « Fuite de Jacob, La fuite en Égypte, Fuite de David pourchassé par Saül », (impression xylographique, 1460s, Pays-Bas ou Rhin inférieur), 27,5 x 20,5 cm
Planche E, f.5v de Biblia pauperum seu historiæ Veteris et Novi Testamenti, Bibliothèque nationale de France→,
Enchâssée entre la fuite de Jacob et l'évasion de David, la fuite en Égypte fait partie des épreuves que Joseph, Marie et Jésus doivent endurer. Les agresseurs, absents de la scène centrale, sont présents dans les images latérales.
2,16 il envoya tuer tous les enfants qui étaient dans Bethléem et de toute sa région Le massacre des innocents selon la Biblia Pauperum Première planche où Marie n'est pas représentée, elle apparaît toutefois en typologie, sous les traits de Josaba, fille de Joram, qui soustrait Joas pour le remettre à la nourrice (panneau droit).
(continuant ), « Massacre des prêtres de Nov par Saül, Le massacre des innocents, Massacre de la descendance royale par Athalie », (impression xylographique, 1460s, Pays-Bas ou Rhin inférieur), 27,5 x 20,5 cm
Planche G, 7v de Biblia pauperum seu historiæ Veteris et Novi Testamenti, Bibliothèque nationale de France→,
Les massacres des prêtres de Nov et de la descendance royale par la reine Athalie présentent des ressemblances typologiques. À travers l'assassinat des prêtres oints (messies), c'est le Messie que l'on cherche à atteindre. De même, Joas, qui a été soustrait aux mains d'Athalie pour rester en vie auprès de sa nourrice, représente le Christ. Bien qu'il ne soit pas cité dans la généalogie selon saint Matthieu, Joas est l'un des maillons de la promesse faite à David : « l'enfant soustrait à la mort figure le Christ secrètement arraché au massacre du roi Hérode » (Lectio Droit).
2,19–23 va en terre d'Israël La Sainte Famille revient d'Égypte selon la Biblia Pauperum Le Retour d'Égypte revêt ici une grande importance : il marque à la fois la fin du thème comprenant la Fuite en Égypte et le Retour (planches E à H), et plus largement celui de l’Enfance du Christ (planches A à H), qui représente un cinquième de l’ensemble de l'œuvre.
(continuant ), « Retour de David après la mort de Saül, La Sainte Famille revient d'Égypte, Retour de Jacob au pays de Canaan », (impression xylographique, 1460s, Pays-Bas ou Rhin inférieur), 27,5 x 20,5 cm
Planche H, f.8r de Biblia pauperum seu historiæ Veteris et Novi Testamenti, Bibliothèque nationale de France→,
La planche consacré au retour d'Egypte est construit en miroir avec la planche consacré à la fuite. Contrairement à la fuite en Égypte (Arts visuels Mt 2,13), le retour dans la région de Galilée est marqué par le fait que Jésus est assez grand pour marcher. Prenant le chemin inverse de celui indiqué sur la planche E, la Sainte Famille est entourée, comme lors de la fuite, par David et Jacob. Seulement, ceux qui apparaissaient respectivement à gauche (Jacob) et à droite (David) lors de la fuite (planche E), apparaissent ici renversés, comme si le retour avait inversé leur position (David à gauche et Jacob à droite).
1,18–2,19 Histoire de la Nativité Une intense poésie se dégage de ce film d'animation russe.
Mikhail
, Noël (мультфильм Михаила Алдашина), (film d'animation, 1997)musique : Johann Sebastian ; L. van , Symphonie No. 7 en A Major, Op. 92: II. Allegretto (Rafael Frühbeck de Burgos; Wyn Morris ; London Symphony Orchestra).
, Concerto en D minor pour clavecin, BWV 1052 (Clavecin: Jim Long)Prod. : Primoluz, Рождество © Licence YouTube standard, Mt 1,1-2,19 ; Lc 1,26-2,20
Le film Noël du réalisateur et artiste Mikhail Aldashin cherche à faire toucher au miracle de la naissance du Sauveur parmi les hommes. L'intrigue respecte le texte canonique, en y ajoutant bien des traits naïfs et émouvants tirés des récits apocryphes. Mikhail Aldashin est l'un des principaux réalisateurs du studio Pilot. Ses films ont remporté le succès dans de nombreux pays, dans divers festivals internationaux. Le film Noël, tourné en 1997 la même année, a reçu le prix de la meilleure réalisation et la première place dans une classification professionnelle au Festival panrusse d'animation de Tarus ; au Golden Fish International Film Festival à Moscou et de nombreuses autres récompenses.
La scène de l’appel des trois mages endormis dans le même lit et tirés de leur sommeil par un petit ange qui les touche du doigt vient directement d’un chapiteau du 12e s. de la cathédrale Saint-Lazare d’Autun, sculpté par maître Gislebertus : Arts visuels Mt 2,1s
26,1–28,20 La Passion dans Il Vangelo secondo Matteo, chef-d'œuvre de Pier Paolo Pasolini (réal., scén., 1922-1975) Film noir et blanc à petit budget, réalisé par un homosexuel athée marxiste, ce film reste un choc, comparé aux œuvres ultérieures de Pasolini (p. ex. Salò, ou Les 120 journées de Sodome, en 1975). Pasolini s'était dit fasciné par l'éclat littéraire et l'efficacité narrative de l'évangile selon Mt. Son film, dédié au « glorieux Pape Jean XXIII », met en scène tout l’évangile selon Mt, qu’il suit fidèlement, surtout dans les dialogues. Cette fidélité littérale ne l’empêche pas de proposer une représentation très personnelle de la passion de Jésus, où il fait intervenir sa propre mère Susanna Pasolini pour interpréter la Vierge Marie avec une retenue bouleversante (cf. ci-dessous « la figure de Marie »).
Pier Paolo
Il Vangelo secondo Matteo, film, 137', Italie-France : Arco film-Lux Compagnie cinématographique, 1964.Photographie : Tonino Delli Colli ; musique : Jean-Sébastien Bach, Wolfgang Amadeus Mozart, Sergueï Prokofiev, Anton Webern, Père Guido Haazen (Missa Luba), Sometimes I Feel like a Motherless Child (Negro spiritual), chants de l’Armée Rouge ; distribution : Enrique Irazoqui (Jésus), Mario Socrate (Jean-Baptiste), Margherita Caruso/Susanna Pasolini (Marie)
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La représentation est à la fois réaliste, par le décor naturel, et hiératique, par une succession de tableaux qui évoquent la scénographie d’un opéra. La musique joue d’ailleurs un rôle important pour préciser le sens des séquences, comme un commentaire sans paroles. La figure de Jésus est celle d’un prophète imprécateur, au verbe violent, qui entraîne les foules et déchaîne l’hostilité croissante des chefs et des pharisiens. Cette énergie se déploie jusqu’à l’arrestation. Jésus est d’ailleurs filmé souvent seul dans le plan, séparément des disciples. Les traits fins et distingués de l’acteur qui interprète le Christ contrastent avec la beauté brute et rustique des visages des disciples : Jésus est la perfection de l’humanité. Les gros plans nombreux sur ces visages évoquent l'Église comme peuple de Dieu ou le Peuple lui-même. On y voit surtout des hommes de tous âges, des vieilles femmes et des enfants, peu de jeunes femmes.
De plus, la pauvreté formelle adoptée comme langage cinématographique résonne fortement avec les enseignements du Christ : les canons néoréalistes permettent d’insister sur l’humanité de Jésus, rompant avec la vision « héroïcisante » des studios hollywoodiens. L’ambition néoréaliste de mettre à l’honneur les humbles, tout en soulignant le caractère réellement inédit du quotidien, renvoie aussi à la prophétie de Jésus : « Aujourd'hui s'accomplit cette Écriture — à vos oreilles » (Lc 4,21). Ce film fut récompensé, entre autres, par le prix spécial du jury au Festival de Venise et le grand prix de l'Office catholique du cinéma.
La représentation de la passion à proprement parler occupe 28 min, dans la seconde moitié du film. Dans les choix opérés par le réalisateur, trois caractéristiques influent profondément sur le message délivré par l’œuvre : Pasolini a une intelligence politisée du message évangélique ; il adopte une lecture chronologique et littérale de Mt ; il représente la passion de points de vue majoritairement externes.
Pasolini dans ses choix de mise en scène, décrit Jésus comme un tribun, un homme politique animé par un immense désir de justice.
Il adopte une narration strictement chronologique, qui suit littéralement le texte de l’évangile, omettant toutefois certains épisodes relatés dans Mt. Cette construction linéaire, si elle confère un caractère de simplicité et de pauvreté au récit de la passion, exprime de manière limitée l’unité profonde dont est tissée la vie du Christ.
La caméra adopte le point de vue externe de Pierre jusqu’à son reniement, puis de Judas jusqu’à sa pendaison, enfin de Jean jusqu’à la crucifixion. Il en découle que la majorité des images de la passion est éloignée du cœur de l’action : l’œil de la caméra observe une suite de tableaux à distance respectueuse, sans s’approcher du visage ni du corps du Christ. Hormis la pauvreté formelle adoptée dans cette œuvre, la Passion de Pasolini fait peu entrer dans le caractère stupéfiant de l’amour de Dieu tel qu’il est révélé dans la mort du Christ, car cette représentation laisse le spectateur à l’extérieur de l’humanité du messie et de sa réalité incarnée et personnelle. Pasolini ne montre pas non plus l’événement universel et cosmique (en tant qu’il réalise une conversion, un retournement de la marche du monde) que constitue la passion de Jésus.
Une conséquence de telles options est l’impression d’extériorité qui se dégage de la dernière partie du film : Jésus, après avoir déclamé ses enseignements sur un ton impérieux, souffre sa passion et meurt loin du spectateur. La distance installée par le metteur en scène avec le Christ souffrant occulte largement la violence inexprimable de la passion, qui est le sacrifice d’amour de Dieu pour ses enfants et ses frères, les hommes. Avec le recul, on comprend les raisons pour lesquelles cette œuvre a pu rencontrer un tel succès critique, tant cette représentation de la passion, tout en semblant réaliste, est peu dérangeante.
À l’écran, selon un procédé fréquent dans le cinéma italien de l’après-guerre, Jésus est incarné simultanément par un duo d’acteurs, avec l’apparence d’Enrique Irazoqui aux cheveux noirs, aux yeux noirs et sans arcade (juif basque qui, comme les autres interprètes, n'était pas un acteur professionnel) et la voix d’Enrico Maria Salerno. Le décalage entre les images capturées en extérieur d’un interprète non professionnel et la voix puissante enregistrée en studio d’un acteur confirmé peut être vu comme le signe de la double nature du Christ. Ce Jésus éructe les paraboles et prophétise avec une férocité vive, comme un agitateur syndical. Il est nerveux avec ses inquisiteurs et brusque avec ses apôtres. C'est un homme-Dieu pressé d'accomplir sa mission. Plus tôt mort, plus tôt ressuscité.
La perfection formelle du visage d’Irazoqui rappelle les représentations du Greco ; son regard légèrement asymétrique renvoie au mystère que dégagent les portraits du Christ dans l’art russe de l’icône. Fidèle au texte de Mt, Pasolini insiste sur l’union de Jésus au Père en montrant la prière solitaire du Christ avant sa passion, sur le point d’entrer dans Jérusalem. Il montre la souffrance portée par Jésus dans son agonie en empruntant à La Passion de Jeanne d’Arc de Carl la douleur béate et muette du visage du condamné : regard hébété, fixité, stupéfaction à l’aube du don total de soi.
Il faut néanmoins admettre que l’acteur principal manque singulièrement d’épaisseur, en particulier dans les scènes de la passion, ce qui peut être imputé au jeune âge d’Irazoqui, qui n’avait que 19 ans (et non 33) lors du tournage.
Il Vangelo de Pasolini frappe par le souffle d’impatience et de colère impérieuse qui jaillit de la personne du Christ et qui secoue toute l’œuvre. La Bonne Nouvelle présentée ici semble être un principe de vie réagissant à l’injustice sociale répandue dans le monde. Par suite, la justice de Dieu semble primer sur la miséricorde de Dieu, appauvrissant le sens fondamental de la passion. On est loin de la plume déchirante de Péguy qui met les mots suivants dans la bouche du Père décrivant la passion de Jésus :
Chez Pasolini, le cœur de Jésus semble plus vibrant de colère que brisé d’amour. Sa colère et son exigence de justice l’emportent sur sa compassion et sa miséricorde. À la lumière des engagements de Pasolini auprès du Parti communiste italien, on peut s’interroger sur la justesse de cette interprétation : la colère attribuée ici au Christ est-elle la colère de Dieu, ou plutôt la colère du réalisateur projetée sur ce qu’il comprend de la personne du Christ ?
Pasolini montre sans ambiguïté le don libre que le Christ fait de lui-même dans sa passion : Jésus après l’institution de l’Eucharistie, sourit à ses disciples comme un époux qui connaît la plénitude après l’union nuptiale ; au prétoire, après le couronnement d’épines, il marche librement vers sa croix, son bâton à la main ; au Golgotha, il crie peu lorsqu’il est cloué sur sa croix, contrairement au brigand crucifié à ses côtés.
Toutefois par d’autres aspects non négligeables, Pasolini ne donne pas la pleine mesure du don personnel du Fils de Dieu fait homme. Ainsi la flagellation du Christ est ignorée. De plus, dans l’interprétation que le réalisateur fait de la réquisition de Simon de Cyrène, Jésus, désormais déchargé de sa croix et apparemment en bonne santé, cesse de porter sa croix et marche aux côtés du Cyrénéen qui a endossé son fardeau. Étranger à l’ultime étape de sa vie terrestre, le Christ paraît dès lors désincarné. La lecture que fait Pasolini du texte de Mt, quoique poétique, est un contresens : ici le Verbe de Dieu fait homme pour assumer le péché du monde fait porter son joug par son prochain menacé de mort, alors même qu’il est venu assumer la souffrance et le péché de tous les prochains.
Le rôle de Marie lors de la passion du Christ est tenu par Susanna Pasolini, la mère de Pasolini. Elle est une Vierge éplorée de douleur, tordue de souffrance devant le spectacle de son fils supplicié et mis à mort devant elle. Malgré le jeu convaincant de son actrice, le réalisateur butte sur le double écueil du choix de son interprète et de la difficulté à percer le mystère de la nouvelle Ève :
En donnant ce rôle clef à sa propre mère, Pasolini fait en quelque sorte le choix d’apparaître lui-même comme le messie crucifié. (Nombreux sont d’ailleurs les critiques que, par certains aspects, la vie du Christ résonne avec la vie du cinéaste.)
Pasolini ne communique guère au spectateur les réalités profondes qui font que la souffrance de Marie au pied de la croix dépasse considérablement la peine de Susanna Pasolini, fût-elle en train de contempler son propre fils agonisant : Marie au Calvaire distingue dans la personne de son fils à la fois le fruit de ses entrailles et le Dieu vivant et vrai qui épouse notre humanité pour porter toute souffrance. Étant unie mystiquement au cœur de son fils, elle traverse la mort comme Jésus traverse la mort. Cependant si elle porte « celui qui porte tout », on peut dire aussi que sa force et sa dignité reçues de Dieu surpassent celles de toutes les mères : dans son union mystique au cœur de Dieu, Marie garde intacte sa certitude que Jésus est le Fils de Dieu, et intacte sa confiance dans l’amour tout-puissant et miséricordieux du Père. À ce titre le jeu accablé de Susanna Pasolini, s’il est juste sur un plan strictement humain, ne rend pas pleinement compte de l’amour de Marie marchant au Golgotha avec Jésus.
Chez Pasolini, Jésus marche jusqu'à sa mort, à travers la campagne de Matera, dans les Pouilles, près du talon de la botte italienne. La foule le poursuit et le presse ; un cri jaillit "Son sang soit sur nos enfants !" (Mt 27,25). Pasolini, poète avant d'être cinéaste, ne voulut pas censurer le verset d'un texte qu'il voulait honorer ; et, en mettant en scène des Italiens pourchassant les Italiens, il typifie une malédiction moins de race ou de religion que de clan.
Une mosaïque de musiques émaille l’œuvre de Pasolini : des extraits des œuvres de Bach, Webern, Mozart, Prokofiev, de la Missa Luba (messe congolaise), de Negro spirituals (déchirant Sometimes I Feel like a Motherless Child) et de chants révolutionnaires russes enrichissent les images de la vie simple du Christ et nous enseignent sur ce qu’est l’Eglise :
Ces thèmes récurrents sont une représentation de la multiplicité des demeures dans la maison du Père : l’Église ressemble à une famille et l’Église est universelle ; elle accueille tout homme, comme Dieu ouvre ses bras à tout homme.
La répétition de ces musiques variées évoque aussi la prière tournoyante et sans cesse recommencée du psalmiste.
Enfin, on peut deviner dans les choix de musique de Pasolini les possibles défigurations du message évangélique. Ainsi, après la résurrection du Christ, l’Église en marche est représentée comme un peuple d’insurgés avec les armes à la main, courant vers un avenir lumineux au son des chœurs de l’Armée Rouge.
Il Vangelo secondo Matteo de Pasolini bénéficie des canons du néoréalisme italien et rompt heureusement, par sa pauvreté formelle, avec la proposition hollywoodienne connue jusque-là. Toutefois, dans une lecture littérale (quoique poétisée et politisée) de l’évangile, le réalisateur semble ne pas adhérer au cœur de la foi chrétienne, qui est que Dieu, fait homme dans la personne de Jésus, a porté le péché de chaque homme et de l’humanité pour que tout homme soit sauvé. C’est pourquoi cette œuvre recèle un certain nombre de limites lorsqu’elle rend compte du message évangélique, et ressemble au récit qu’un reporter extérieur ferait du parcours exceptionnel d’un leader exceptionnel.
Après la référence, on donne un bref commentaire, suivi du minutage.
(avec fr. Benoît Ente o.p.)