La Bible en ses Traditions

Exode 21,0 ; 37,1–22,31 ; 22,15

M G V
S Sam

15 Si un homme

G Vquelqu'un M Va séduit une vierge qui n’est pas

M Gnon Vencore fiancéeV, et a couché

Gcouche avec elle G,

il paiera sa

M Gversera la dot et la prendra pour femme

M Gl'aura pour lui comme femme.

15 ...

Propositions de lecture

34,29–35 Moïse avait-il des cornes ? Toute l'histoire de l'art occidental depuis le 12e s., suivant la version latine des Écritures, affuble Moïse d'appendices cornus : Arts visuels Ex 34,29. Ils  ne doivent cependant pas faire naître chez l'aimable lecteur de doutes sur la fidélité de Séphora : personne n’a jamais soupçonné l’épouse du prophète ! Ils posent, en revanche, une passionnante question biblique. En l'approfondissant, on confirmera une fois encore que la trace écrite du Verbe de Dieu est une partition polyphonique, dont il faut entendre toutes les voix, et qu'en particulier la voix latine du génial saint Jérôme mérite bien le regain d'intérêt que lui portent des éxégètes, en particulier à l'Ecole biblique et achéologique française de Jérusalem.

NON

Moïse ne pouvait porter de ridicules cornes, disent de grandes autorités :

  • Plusieurs pères de l'Église (Clément d'Alexandrie, Origène, Cyrille d'Alexandrie, Grégoire de Nysse...) préfèrent insister sur la lumière de la révélation et de l'Esprit, qui l'avaient rendu éblouissant pour son peuple (Tradition chrétienne Ex 34,29–32).
  • Certains ont imaginé qu'en fait il s'agit d'une bête erreur scribale: avant le 8e s., la bible latine (de saint Jérôme) aurait proposé coronatus « couronné », le cornatus « cornu » actuel  étant dû à l'inattention d'un copiste sur une voyelle... Cependant les commentaires de Jérôme sur le passage, et sur d'autres passages évoquant des cornes, eux-mêmes démentent cette hypothèse (ex : Jérôme Comm. Isa. 17,61.8). 
  • À l'âge d'or de la scolastique, Thomas d'Aquin lui-même, cherche à euphémiser sinon à supprimer le symbole :  Tradition chrétienne Ex 34,29–35. Il le fait en s'appuyant sur deux litteræ différentes dont il dispose pour le texte de l'Exode, mais peut-être aussi par sympathie pour les Juifs : 
  • C'est tout simplement un contresens sur le texte, finissent par trancher des autorités juives : Tradition juive Ex 34,29–35.

Et pourtant, il n'est pas sûr que le procès en antijudaïsme voire en antisémitisme fait aux imagiers médiévaux soit entièrement justifié.

  • En effet, à la même époque, ce n'est pas seulement Moïse ou les Juifs, ce sont les évêques catholiques qui portent des cornes : Liturgie Ex 34,29–35 !

En outre, il y aurait beaucoup à dire sur la connotation négative, voire diabolique des cornes.

  • Les cornes symbolisent souvent une puissance positive, voire celle de Dieu en 2S 22,3. Leur diabolisation n'a pas beaucoup de justifications bibliques : par exemple il faut à saint Jérôme un petit développement herpétologique pour doter de cornes le serpent tentateur : Milieux de vie Gn 3,1. (Quant à savoir comment les cornes ont poussé au diable et à ses sbires, c'est un sujet pour une autre note). 

OUI

De fait, l'interprétation diabolisante ou antijuive qui a été faite parfois des cornes de Moïse apparaît comme un parfait contresens : 

  • pour des raisons historiques : les cornes, dans le milieu où s'élaborèrent les traditions consignées dans la geste mosaïque de l'Exode, ont une connotation très positive. Certes, il ne les place pas sur la tête de Moïse, mais évoque la peau (עור) de son visage, cependant certaines représentations égyptiennes aussi placent les cornes aux tempes, aux joues ou à la mâchoire du pharaon ; en Mésopotamie, et en Canaan aussi, la corne marque la force d’un dieu, les Hébreux y voyaient un signe de puissance divine : Milieux de vie Ex 34,30.
  • pour des raisons littéraires : dans la logique du récit de l’Exode, ses cornes confèrent au personnage de Moïse une caractérisation quasi divine : Procédés littéraires Ex 34,29 ; Procédés littéraires Ex 34,29–35
  • pour des raisons théologiques enfin : Intertextualité biblique Ex 34,29–35Intertextualité biblique Ex 34,29–35. Même dans la tradition juive, le statut de Moïse dans l'antiquité était très élevé : Tradition juive Ex 34,29–35.

QUE DIT LE TEXTE ?

Il y a de bonnes raisons philologiques de penser

  • que le texte lui-même évoque des cornes : Vocabulaire Ex 34,30 ;
  • que dès l'époque où les juifs d'Alexandrie traduisirent le texte, ils s'efforcèrent d'adoucir l'image (Comparaison des versions Ex 34,29 : G et Aquila) pour éviter le risque d'une association trop intime à la divinité ; 
  • mais que Jérôme n'en fut pas effrayé, parce que dans la tradition latine, l'association de la corne avec la lune plutôt qu'avec le soleil diminuait le risque d'idolâtrie (Comparaison des versions Ex 34,29 : V): la lune ne rayonne pas par elle-même, mais seulement en reflétant, par participation, une lumière qu'elle reçoit du soleil.  

Plus généralement concluons avec un très grand savant, ancien élève de l'Ecole biblique et précurseur de nos travaux en exégèse différentielle : 

  • Julio Trebolle, The Jewish Bible and the Christian Bible. An introduction to the history of the Bible, trad. Wilfred G.E. Watson, Leiden-New York : Grand Rapids, Mich. : Brill Eerdmanns, 1998, p.356) : « L’un des aspects intéressants de la Vulgate réside dans les lectures d’Aquila et de Symmaque, que le texte latin permet de retracer. Tout cela confère à la Vulgate une valeur critique inestimable, bien que l’intention de Jérôme n’ait pas été précisément d’établir un texte critique. » 

 

Texte

Vocabulaire

34,30 cornes Sémantique du terme hébraïque qeren קָרַן (qāran) est apparemment un verbe dénominatif dérivé du nom קֶרֶן (qeren), corne.

Cornes

Si le verbe vient du nom, alors qāran suggère que le visage de Moïse était « cornu » d'une certaine manière.

Lumière

Exceptionnellement le terme s'irise de connotations solaires.

  • En M—Ha 3,4, YHWH est décrit ainsi : « Le rayonnement devient comme l'éclair, deux cornes lui [sortent] de la main : là est le secret de sa force » (cf. G—Ha 3,4 : et son éclat sera comme lumière, il y a des cornes dans ses mains et il a établi un amour puissant de sa force »). Dans cette théophanie unique la corne est  symbole non seulement de force, mais aussi de lumière.
  • Peut-être est-ce la trace d'un symbolisme solaire archaïque ? En arabe→, qaron peut signifier non seulement l’antenne ou la corne, mais aussi les premiers rayons du soleil

Peut-être le visage de Moïse devint-il cornu à la façon d'un soleil ou d'un dieu, c'est-à-dire rayonnant de lumière ?

Vocabulaire

34,33ss voile LEXICOGRAPHIE Terme rare

  • M : le mot 3 fois employé ici est maswê (מַסְוֶֽה) : c'est un hapax, il n'apparaît nulle part ailleurs dans les Écritures. Le mot lui-même est énigmatique, on n'en connaît guère la racine : il imite verbalement, en quelque sorte, le mystère qui recouvre la métamorphose de Moïse au contact de la parole divine. 
  • G : présente kalumma (κάλυμμα). Les autres occurrences de ce mot dans la Bible grecque désignent toutes le rideau du Temple le Saint du Saint des Saints (Ex 27,16 ; 34,33-35 ; 35,11 ; 39,20 ; 40,5; Nb 3,25 ; 4,8.10-12.14.25 ; cf.  2Co 3,13-16). Les traducteurs ont ibien nterprété la métamorphose dans son contexte cultuel : Procédés littéraires Ex 34,29–35.

Procédés littéraires

34,29–35 cornes + « voile » : Indices théophaniques ?  La métamorphose de Moïse rapportée par la lettre de l'Écriture (Vocabulaire Ex 34,30) peut avoir plusieurs valeurs. 

Connotation théophanique

Amplification visuelle (leur longueur  évoquant celle de rayons lumineux émis par le visage de Moïse irradié de Présence divine), et armes d'attaque et de défense, les cornes sont des attributs divins bien attestés dans l'art du Proche-Orient ancien (cf. Milieux de vie Ex 34,30).

Connotation rituelle : Moïse comme sanctuaire de la présence divine ?

Les cornes apparaissent sur le visage de Moïse dans un contexte fortement liturgique : 

Moïse apparaît ainsi, tel le Temple,  médiateur du divin à l'instar de l'autel muni de cornes, du saint, séparé du peuple par un voile, non sans risque : 

  • Les cornes étaient sur l'idole du « veau d’or » (ou  plus exactement du « jeune taureau ») ; Moïse, ayant détruit l’idole et refusant la représentation de Dieu, remonte sur le Sinaï, quand il redescend, il devient le représentant de Dieu, et « prend, d’une certaine façon, la place du veau d’or » (Thomas Römer, Les cornes de Moïse→).

Typologie christique ?

Dans le Nouveau Testament, Jésus-Christ sera décrit comme le Temple et plus que le Temple, et l'autel et la victime et le Dieu même du sacrifice ultime entre Dieu et son peuple, si bien que Moïse apparaît ici comme un type du Verbe incarné (Intertextualité biblique Ex 34,29–35).

34,29 il ignorait que NARRATION Caractérisation de Moïse La cornification du visage de Moïse résulte de l'intimité vécue avec Dieu : des qualités divines (Milieux de vie Ex 34,30) ont déteint jusque sur le physique de Moïse.

Voici le législateur des Hébreux devenu 

redoutable

  • Rien d'étonnant à ce que le peuple soit saisi de crainte devant lui ; décidément, regarder Dieu ou son représentant est dangereux : Ex 3,6 ; 33,20-23 ; 24,10 !

humble et doux ? 

  • Pour autant, Moïse ne se gonfle pas d'orgueil tel un monarque païen, au contraire, en se voilant (Ex 34,34-35), il prend des mesures pour atténuer la crainte qu'il inspire. Dans la suite du récit, le narrateur d'Ex prend soin de rediriger toute l'attention du lecteur vers le Tabernacle, comme pour signifier que l'exaltation de Moïse avait pour but principal de lui permettre de construire le lieu de la rencontre avec le seul Dieu véritable. 

les deux : ... divin ? 

  • Il n'en demeure pas moins que ce voile empêche de voir la face de Moïse, un peu comme on ne peut voir celle de Dieu sans mourir : Procédés littéraires Ex 34,31s.

34,31s appela + revinrent + parler + s'approcher + commander NARRATION Caractérisation de Moïse : divin ? La façon dont Moïse se comporte avec le peuple et leur réaction à son égard après sa transformation fait écho très précis à celle dont Dieu lui-même interagit avec Moïse et les Israélites dans la narration qui précède.

Le risque est grand de prendre Moïse pour une espèce de dieu.

  • Il pourrait être encore renforcé par l'impression que, muni de cornes à sa seconde descente de la montagne, Moïse est devenu une représentation vivante du divin qui se substitue au veau d'or, idole puérile, alors que l'interdiction de représenter le divin ouvrait le Décalogue.
  • à la toute fin de la Tora, le récit de la mort de Moïse multipliera les indices laissant penser qu'il a été enlevé auprès de Dieu plutôt qu'il n'a subi la mort ordinaire : Intertextualité biblique Dt 34,5ss.
  • une forme de divinisation de Moïse semble attestée dans l'histoire de la réception : cf. Tradition juive Ex 34,29–35 : Ezéchiel le Tragédien ; cf. l'accusation portée contre Étienne en Ac 6,11.

Contexte

Repères historiques et géographiques

19,1–34,35 Emplacement du mont Sinaï

Le mont Sinaï, (numérique, 2022)

M.R. Fournier © BEST AISBL, Lv 1-27 ; Nb 9 ; Ex 3 ; Ex 19-34 

Le mont Sinaï sur cette carte est associé au djebel Musa au sud de la péninsule du Sinaï, où se trouve le monastère Sainte-Catherine. D'autres localisations ont été proposées au nord de la pénisule ou encore au Negeb par ceux qui adoptent un autre itinéraire pour les Hébreux. Toponymie Sinaï, Horeb.

Mohammed Moussa, Vue du sommet du Mont Sinaï (Jabal Musa , جَبَل مُوسَىٰ), (photographie, 2013)

© CC-BY-SA-3.0→,

Milieux de vie

27,1–8 L'autel à cornes Chez les anciens Sémites, les archéologues ont découvert de multiples spécimens d’autels munis de cornes.

1. Construction et évolution de l'autel hébreu

  • Primitivement il était fait de terre (Ex 20,24), ou d’une grande pierre brute (Jg 13,19; 1S 6,14).
  • Ensuite, on put user d’autels construits, mais sans que les pierres ne soient dégrossies (Ex 20,25; Jos 8,31).
  • Celui que la dernière rédaction attribue à Moïse (Ex 27,1-8 ; 38,2) était carré, mesurait 5 coudées de long et de large et 3 coudées de haut, fait de bois d'acacia recouvert d'airain.

En 1973, l’archéologue israélien Yohanan Aharoni, (qui avait déjà découvert à Tell Arad un autel en pierres non équarries (10e-8e s. av. J.-C.), découvrit parmi des pierres de remploi un autel à cornes de l'ancien Israël à Tell Beer-Sheva, au cours de fouilles dans les magasins royaux de Beersabée restaurés par le roi Ézéchias (716-687 av. J.-C.) après l’invasion destructrice du roi assyrien Sennachérib (en 701 av. J.-C.).

Autel à cornes de Tell Beer Sheva, (pierre taillée, 8e s. av. J.-C. ?), 1,57 X 1,57 X 1,57 m

Musée d'Israël, Jérusalem © Domaine public→ dimensions : Ex 27,1 ; 38,1 ; 2Ch 6,13 ; serpent idole 2R 18,4 ; Am 5,5 ; 8,14

 En rassemblant des pierres aux tailles étranges, il reconstitua un autel à sacrifices complet, muni de ses cornes aux quatre coins, de 1,57 m largeur et de hauteur (cornes comprises) : converties en coudées, ces dimensions donnent exactement trois coudées royales, comme requis par Ex 27,1 ; 38,1 ; 2Ch 6,13.

L’une des pierres porte la gravure d’un serpent enroulé. Symbole de fertilité dans tout le Proche-Orient ancien, de puissance thaumaturgique (Ex 7,15), de guérison autant que de maladie (Nb 21,4-9), il finit en idole jusqu’à l’époque d’Ézéchias (2R 18,4).

L'autel à cornes de Tell Beer Sheva, (photogravure soulignant le dessin du serpent)

© D.R. Interbible, Fair Use→,  serpent idole 2R 18,4 ; Am 5,5 ; 8,14

 Outre cette gravure, le fait que les pierres soient taillées expliquerait-il la condamnation du sanctuaire par le prophète Amos (Am 5,5 ; 8,14) ? Le pieux Ezéchias (2R 18,3-4) pourrait avoir fait démanteler cet autel pour cette raison. (Noter cependant Yigael Yadin le rajeunit de 100 ans : pour lui, le mur où les pierres ont été retrouvées en remploi a probablement été détruit à l'époque où les Babyloniens ont conquis et détruit Jérusalem en 587 av. J.-C.).

2. Symbolismes

Cf. Girard 20161,473.

  • cosmique : tout comme le temple carré ou rectangulaire, l’autel correspond à un espace sacré qui synthétise en petit l’univers entier.
  • féminin : lorsque Moïse consacre le Tabernacle dans le désert, il aspergea l'autel des holocaustes avec l'huile d'onction sept fois (Lv 8,10-11 ), et le purifia en oignant ses quatre cornes avec le sang d'un taureau offert en sacrifice d'expiation , « et versa le sang au pied de l'autel et le sanctifia, pour y faire l'expiation » (Lv 8,14-15). La base de l’autel, « tel un utérus vorace, reçoit le sang et réabsorbe la vie sacrifiée » En même temps, l’autel servait de matrice protectrice: tout criminel poursuivi jouissait de l’immunité totale lorsqu’il s’agrippait aux cornes de l’autel (vieille coutume du « droit d’asile » dans les sanctuaires).
  • masculin : Le mot « autel » lui-même [latin alt-are] porte étymologiquement l’idée de hauteur [alt-um]. On dit même: « ériger un autel ».

Ce symbolisme est peut-être redoublé dans les cornes de l’autel.

3. Symbolisme redoublé dans les cornes

Les cornes ont plusieurs significations et fonctions, à tel point qu'elles servent aux prophètes pour des action (1R 22,11 et 2Ch 18,10) ou vision (Za 2,1-4) symboliques :

  • Elles intensifient le symbolisme cosmique de l’autel par leur nombre : 4 (points cardinaux, vents, etc.) renvoie à la totalité cosmique.

  • Elles lui ajoutent un aspect de verticalité : les cornes dressées évoquent la montée du sacrifice ou de l’offrande vers le ciel.

Certainement liées à la représentation des dieux du Proche-Orient ancien, dont elles ornaient les coiffes en signe de leur souveraineté sur le monde de la création (Milieux de vie Ex 34,30), peut-être sont-elles organes-témoins d’un dieu-taureau ou bélier à l’arrière-plan extra-biblique et païen de ce type d’autel ? Elles apportent à l'autel des attributs divins :

  • Elles symbolisent la force, humaine et surhumaine : elles métaphorisent une armée dévastatrice (cf. Dt 33,17 ; Mi 4,13) ou même une puissance démonique en Ps 22,22 ; elles font partie de la panoplie des monstres symboles du Mal : Dn 7,7-8.11.20-21.24 ; 8,3-9.20-22; Ap 12,3 ; 13,1.11 ; 17,3.7.12.16. « Ventiler des cornes » signifie disperser des ennemis qu'on a battus : cf. Littérature Ez 5,10.

  • Elles symbolisent la fécondité (par métonymie du taureau, symbole de puissance mâle : Ps 75,11 ; 89,18.25 ; 112,9 etc.) : en certaines occasions, le rituel exigeait qu’on prenne un peu du sang des victimes animales pour en imbiber les cornes de l’autel.

  • Elles ont un lien avec la lumière : Vocabulaire Ex 34,30.

Finalement, les cornes de l’autel matérialisaient en quelque sorte la présence divine

  • Un tabou interdisait de mettre à mort le fugitif qui se réfugiait au temple et saisissait les cornes de l’autel : il tombait sous la protection de Dieu (Ex 21,141R 1,50s ; 2,28).
  • Les cornes étaient un tel symbole de la Présence que c’est en les cassant qu’on faisait perdre à un autel son caractère sacré (Am 3,14).

28,2–39 LITURGIE Ornements du grand prêtre La tenue liturgique du grand prêtre, telle qu'elle est connue par des sources bibliques : Ex 28,4-40 ; 29,8-9 ; 39,27-30 et extrabibliques : par exemple, Josèphe A.J. 3,172-178 ; Let. Aris. 96-99) semble correspondre à une époque où le culte fut pleinement établi et développé, pas avant l'époque post-exilique, plus qu'aux temps de l'errance au désert. 

En voici une reconstitution contemporaine. 

Théo Truschel, Les vêtements du grand prêtre, (image numérique, 2020)

D.R. Théo Truschel © BEST aisbl

Ex 28,4-40 ; 29,8-9 ; 39,27-30 ; Lv 21,10

En une seule image, voici un essai de visualisation de l'ensemble des ornements décrits en Ex 28,2-39 ; voir aussi les descriptions plus détaillées de l'éphod (Milieux de vie Ex 28,6–14), du pectoral (Milieux de vie Ex 28,15–30), et du (ou des ?) mystérieux Umim et Thummim (Milieux de vie Ex 28,29s). 

28,6–14 ; 29,5 ; 39,2–7 éphod Un nom polysémique pour un objet énigmatique

Théo Truschel, Évocation du grand prêtre revêtu des ornements sacrés (image numérique, 2020)

D.R. Theo Truschel © BEST aisbl

Métonymie

L'hébreu biblique applique le nom d'éphod (étymologie incertaine) à plusieurs réalités différentes :

  • l'antique vêtement des prêtres : l'éphod bad, sorte de « pagne de lin », couvrant peu le corps, que portaient les ministres du culte, cf. 1S 2,18 ; 22,18 ;  2S 6,14.20) ; 
  • l'éphod instrument de culte (Jg 8,27 ; 17,5 ; 18,14.17.20), utilisé pour des pratiques divinatoires, espèces de sorts sacrés visant à consulter Dieu (cf. 1S 2,28 ; 14,3.18 ; 21,10 ; 23,6-11 ; 30,7) ;
  • l'éphod du grand prêtre, sorte de corselet rebrodé en fils précieux, maintenu par une ceinture et des bretelles formant épaulettes, sur lesquelles sont sertis deux gemmes gravés aux noms des tribus d'Israël.

À ce corselet est attaché

Approximations

De toute évidence, les auteurs antiques eux-mêmes sont dans une certaine confusion :

  • Même dans l'« histoire sainte » racontée par l'Écriture, l'usage de l'éphod divinatoire, avec les sorts sacrés, n'est plus attesté après David.­ 
  • en Pr 16,33 l'éphod-pectoral placé sur la poitrine du grand prêtre en Ex 28,6 est assimilé à l'éphod-réceptacle des sorts sacrés, 1S 2,28 ;
  • Flavius Josèphe A.J. 3.214-18 conçoit l'éphod comme un outil de divination sans bien distinguer entre les douze pierres du pectoral (Milieux de vie Ex 28,15–30) et les deux pierres du scapulaire peut-être identifiables au Urim et auThummim (Milieux de vie Ex 28,29s). 

28,15–30 ; 39,10–14 Pectoral du grand prêtre

LITURGIE Symbolismes

Voici un essai de visualisation de l'objet décrit par Ex 28,17-22

Théo Truschel, Pectoral du grand prêtre, (image numérique, 2020),

D.R. Théo Truschel © BEST aisbl

Le pectoral (ḥōšen: Ex 28,15) est une sorte de plastron ceint par dessus l'éphod (Milieux de vie Ex 28,6–14).

  • attaché au cou par des chaînes d'or, il couvre toute la poitrine ;
  • il est enrichi de 4 rangées de 3 pierres précieuses serties dans de l'or. Quoi que difficiles à identifier en hébreu (un peu moins en grec), ces pierres pourraient être les suivantes : rang 1 : sardoine, topaze et émeraude ; rang 2 : escarboucle, saphir et diamant ; rang 3 : améthyste, agate et opale ; rang 4 : chrysolithe, onyx et jaspe.
  • Ces pierres sont incisées (à la manière des sceaux précieux des rois et des notables, bien connus en archéologie), portant chacune le nom d’une des douze tribus d’Israël. En les attribuant par ordre de naissance des fils de Jacob, on peut les imaginer gravées ainsi : rang 1 : Ruben, Siméon et Lévi ; rang 2 : Juda, Issachar et Zabulon ; rang 3 : Dan, Nephtali et Gad ; rang 4 : Asher, Joseph, Benjamin.

Voici d'autres hypothèses selon trois traductions modernes : 

Les pierres du pectoral : identifications selon trois traductions récentes

© Théo Truschel

Dans les Écritures, ces pierres (et leur gloire sacerdotale ?) sont plusieurs fois convoquées soit pour évoquer une Cité future toute entière offerte au Seigneur (Is 54,11s ; Ap 21,19 ; cf. a contrario Ez 28,13), soit pour élargir la gloire du grand prêtre aux dimensions du cosmos lui-même (Sg 18,24) ! 

RELIGION Oracle ?

D'après une opinion talmudique, dont on trouve déjà une trace chez Flavius Josèphe, les lettres gravées sur les pierres du pectoral se mettaient à briller miraculeusement pour former des mots, donnant des oracles plus clairs que ceux qu'on obtenait par le moyen divinatoire antérieur (cf. Milieux de vie Ex 28,29s) avec lequel on tend cependant avec le confondre comme le montre cette gravure ancienne.

Jan Luyken, De Gods spraak door Urim en Thummin [Dieu parle à travers l'Ourim et le Toumim] (gravure sur papier, ca 1683–1704), 14.36 x 8.58 cm

Amsterdam Museum→ © Domaine public

Ex 28,30 ; Lv 8,8 ; Nb 27,21 ; Dt 33,8 ; 1S 14,41 ; 1S 28,6 ; Esd 2,63 ; Ne 7,65 

  • Josèphe A.J. 3.214-18 « Voici qui est plus merveilleux encore : c'est qu'au moyen des douze pierres, que le grand-prêtre portait sur la poitrine insérées dans la trame de l'essèn, Dieu annonçait la victoire à ceux qui se disposaient à combattre. En effet, une telle lumière s’en échappait, tant que l'armée ne s'était pas ébranlée, qu'il était constant pour tout le peuple que Dieu était là pour les secourir. De là vient que ceux des Grecs qui vénèrent nos usages parce qu'ils n'ont rien à leur opposer appellent l'essèn logion (oracle). Mais essèn et sardoine ont cessé de briller deux cents ans avant que je composasse cet écrit, parce que Dieu s'est irrité de la transgression des lois. Mais nous aurons meilleure occasion d'en parler : pour l'instant je reviens à la suite de mon récit » (trad. Reinach).

C'est de la mort de Jean Hyrcan et de l'abolition de la théocratie que Josèphe semble ainsi dater la fin de ce mode de divination. 

28,29s « doctrine » et « vérité » RELIGION Le Urim et le Thummim Cet objet (ou ces objets) constituent une des énigmes les plus populaires de la Bible, au point d'avoir été repris dans les légendes fondatrices des Rosicruciens, des Mormons, ou dans des romans d'initiation comme L'alchimiste de Paulo Coelho, et peut-être même dans la devise de l'Université de Yale (« Light and Truth », cf. infra). 

Les mots

Étymologie et sens
  • Les formes singulières ur et tumm ont parfois été rapprochés des termes babyloniens urtu et tamitu qui signifieraient oracle et instruction. On les a aussi rapprochés des mythologiques « Tablettes de la destinée » placées sur la poitrine de dieux ou de rois Adssyro-babyloniens ; cependant, ces tablettes conféraient puissance et primauté, elles n'avaient pas de fonction illuminatrice ni médiatrice entre les dieux et les hommes. 
  • On a rapproché Thummim de l'égyptien Thmei, représentant Thémis qui défend à la fois la justice et la vérité, dont les prêtres-juges égyptiens portaient l'effigie ; cependant ces pendantifs n'avaient pas de fonction divinatoire. 
  • On a proposé que אוּרִים (Urim) dérive de אּרּרִים (Arrim), qui signifie condamné : ainsi, Urim ou Thummim signifieraient coupable ou non coupable, en référence au jugement divin concernant un accusé. 
  • L'un commence  par la première, l'autre par la dernier lettre de l'alphabet 'alef et taw. Dans leur vocalisation traditionnelle, תּוּמִים (Thummim) semble dérivé de la racine consonantique תּמִם (tmm), signifiant perfection ; אוּרִים (Urim) dérive du mot signifiant lumière ou évidence. Urim et Thummim ont traditionnellement été traduits par lumières et perfections (cf. Théodotion), ou, en prenant l'expression allégoriquement, par révélation et vérité, ou doctrine et vérité (cf. Symmaque1 Esd.5,40 ; Vulgate de Jérôme et Hexapla d'Origène).
  • →b. Yoma 73b explique le mot Ourim par lumière.
Nombre

Les mots sont au pluriel, mais le contexte suggère qu'il s'agit d'un pluriel intensif, visant à rehausser la majesté des référents qu'ils visent (un peu comme le voussoiement pour s'adresser à une seule personne).

La fonction, l'usage et l'histoire

Le Urim et le Thummim servent (sert ?) à déterminer la volonté divine dans des domaines qui dépassaient la connaissance humaine, en une divination qui peut être espèce de loterie ou de tirage au sort sacrée, ou la lecture d'un signe (lumineux) sur ou dans l'objet ou les objets en question.

  • Le Urim et le Thummim donnaient une réponse par oui ou par non (cf. Jos 7,13-14 ; Jg 18,5-6 ; 20,26-28 ; 1S 10,20-21 ; 14,41-42 ; 1S 23,1-2 ; 30,8 ; 2S 5,19), ou bien un refus de réponse (sans doute en faisant sortir les deux ensemble ? : cf. 1S 28,6), si bien que consultation était parfois longue (cf. 1S 14,36-42).  
  • Autant Moïse s'adresse directement à Dieu, autant ses successeurs doivent passer par le Urim et le Thummim (cf. Nb 27,21) ; seuls les prêtres (Lv 8,8) ou les chefs du peuple pouvaient y avoir recours ; chaque fois que Moïse évoque les différentes tribus, il loue en particulier Lévi pour avoir reçu le Urim et le Thummim (cf. Dt 33,8). 
  • Le plus long récit biblique d'une de leurs utilisations semble être donné, de façon assez cryptique et critique, en 1S 14,24-48 (cf. 1S 14,36-42 : Comparaison des versions 1S 14,41).
  • Dans l'histoire sainte racontée par la Bible, l'usage tombe en désuétude après le règne de David et n'est pas rétabli (cf. Esd 2,63 = Ne 7,65) : les oracles prophétiques semblent se substituer à cette ancienne manière d'apprendre la volonté de Dieu. 
  • D'après →m. Soṭa 9,14 l'oracle du Urim et du Thummim cessa « depuis la mort des premiers prophètes » c'est-à-dire (cf. →m. Soṭa 9,48b), depuis l'époque dite du Second temple, Aggée, Zacharie et Malachie étant considérés comme « derniers prophètes. »

Flavius Josèphe transmet la croyance antique selon laquelle des phénomènes lumineux dans le Urim et le Thummim signalaient la présence de Dieu : 

  • Josèphe A.J. 3.214-18 « Toutefois je veux rappeler d'abord un détail que j'avais laissé de côté touchant les vêtements du grand-prêtre. Moïse ne laissait aux coupables manœuvres des imposteurs aucune occasion de s'exercer, au cas où il y aurait eu des gens capables d'abuser de l'autorité divine, car il laissait Dieu absolument maître de présider aux sacrifices, quand il lui plaisait, ou de n'y pas assister. Et ce point, il a voulu qu'il apparût clairement non seulement aux Israélites, mais encore à tous les étrangers qui pourraient se trouver parmi eux. De ces pierres, en effet, que j'ai dit précédemment que le grand-prêtre portait sur ses épaules, — c'étaient des sardoines, et je crois superflu d'en indiquer les propriétés, qui sont parvenues à la connaissance de tout le monde —, il arrivait, lorsque Dieu assistait aux cérémonies sacrées, que celle qui servait d'agrafe sur l'épaule droite se mettait à briller, car une lumière en jaillissait, visible aux plus éloignés, et qui auparavant n'appartenait nullement à la pierre. Ce seul fait doit sembler merveilleux à ceux qui ne font pas les sages en décriant les choses divines » (trad. Reinach). 

Les choses

Même si Josèphe les assimile aux deux pierres des épaulettes du pectoral (Ex 28,9-12), en contradiction avec Ex 28,30, on n'a aucune documentation sur leur taille, leur forme ni le matériau dont ils étaient faits, bien qu'ils soient décrits comme des objets familiers pour Moïse.

  • Le Urim et le Thummim, distincts des 12 pierres du pectoral (Milieux de vie Ex 28,15–30) et des 2 pierres des épaulettes de l'éphod (Milieux de vie Ex 28,5–14) semblent avoir été conservés dans une poche intérieure carrée ou une pochette de l'éphod, de sorte que le grand prêtre pouvait le porter contre sa poitrine lorsqu'il entrait dans le Temple.
  • La désignation de du pectoral comme « pectoral du jugement » (Ex 28,15) au moment où l'on doit y placer leUrim et le Thummim (Ex 28,29-30), indique peut-être que ceux-ci ou celui-ci étai(en)t utilisé(s) pour prendre des décisions.

Galet de sélénite, fragment de tourmaline noire (photographie) ©D.R→

Ces cristaux ne sont ici rien d'autre qu'une évocation de l'énigmatique « Urim et Tummim » biblique, qui pourraient avoir relevé de la pséphomancie, ou divination par les pierres.

  • On a proposé, d'après les étymologies, qu'il se fût agi d'un objet clair et d'un objet sombre (caillou, bout de bois, dés, images allégoriques de Vérité et de Justice comme on en trouve au cou de momies de prêtres-juges égyptiennes ? Les traducteurs alexandrins auraient ainsi rendu Urim et Thummim en Justice et Vérité). 
  • Des parallèles ont également été établis avec la pratique de la pséphomancie (divination par des pierres marquées ou des cailloux tirés d'un récipient) en Mésopotamie : cf. Victor Hurowitz, "Urim and Thummim in light of a psephomancy ritual from Assur," (LKA 137),  Journal of the Ancient Near Eastern Society 21 (1992) 95-115).

olise peut-être l'autorité divine qui inspire la procédure. 

  • Il pourrait s'être agi d'un seul cristal précieux dont l'éclat ou le reflet particuliers aurait signalé un message de YHWH. Cf. Cornelis Van DamThe Urim and Thummim: A Means of Revelation in Ancient Israel (Winona Lake, Indiana: Eisenbrauns, 1997, p.224). Le grand prêtre sortait l'objet du pectoral, et la lumière qui y brillait éventuellement signalait que YHWH lui transmettait une révélation : l'Urim et le Thummim impliquait ainsi une lumière physique permettant au grand prêtre de voir de ses yeux.

34,30 cornes RELIGION du Proche-Orient ancien. Des hommes et des dieux : les cornes comme attribut divin Diverses attestations iconographiques du Proche Orient ancien permettent de penser que le narrateur d'Exode 34 imagine bien Moïse avec des cornes, et non pas simplement rayonnant. Les divinités du Proche-Orient ancien apparaissent souvent avec des cornes, soit comme une partie de leur « corps», soit portées comme une coiffe. Israël n’a pas hésité à en attribuer aussi à son Dieu, comme expression de sa foi dans la puissance de salut de ce dernier (2S 22,3).

Mésopotamie

La tiare à cornes, coiffe réservée aux divinités mésopotamiennes, s'est enrichie de paires de cornes au fil du temps (rappel : empire d’Agadé, dynastie d’Akkad fondée par Sargon : 2340-2200 | règne de Naram-Sîn:  2254 – 2218 | époque néo-sumérienne : 2150 – 2100 av. J.-C.).

Empreinte du sceau-cylindre VA 243 , (serpentine, ca 2350–2150 av. J.-C.), 3 x 1 cm, Uruk, Mésopotamie

Vorderasiatische Museum, Berlin (Allemagne) 

 photo : Anton Moortgat, Vorderasiatische Rollsiegel. Ein Beitrag zur Geschichte der Steinschneidekunst, Berlin (1940) : 101 © Domaine public

La scène représente une interaction rituelle ou administrative dans un style typique des sceaux-cylindres mésopotamiens. Un dieu trône, une charrue dans la main levée, face à un autre dieu (tous deux porteurs de coiffes à cornes), introduisant un adorateur humain (sans cornes) porteur d'un chevreau. La divinité assise, est probablement une figure majeure du panthéon. Si les motifs cosmiques du registre supérieur sont associés au soleil, ce pourrait être Šamaš (Utu). On peut aussi penser à Enlil : Dieu de l’air et de l’autorité, souvent représenté dans des scènes administratives ; ou encore à Anu  chef du panthéon sumérien, parfois associé à un trône céleste.

Le nombre de cornes indique la plus ou moins grande puissance du dieu. 

Stèle d'Hammourabi (1810−1750 av. J.-C.), (gravure et sculpture sur basalte noir, entre 1793 et 1751 av. J.-C., Suse ?), 225 x 79 x 47 cm

sb 8, Département des Antiquités Orientales, salle 227,, Musée du Louvre (Paris), © Domaine public→ 

Le relief montre Hammurabi debout devant le dieu Shamash assis, coiffé de la tiare à quadruples cornes. L'attribut solaire des flammes jaillit de ses épaules. 

Signalétique divine

L'attribution de cornes à des humains est rare, elle signale leur statut élevé, en voie vers la divinisation peut-être.

  • Ainsi sur la stèle de victoire de Naram-Sin en Mésopotamie (vers  2250 av. J.-C.), le monarque d'Agade est-il représenté avec des cornes reliées à son casque conique. Quoique grand et victorieux, lui-même n'est pas (encore) un dieu, en contraste avec les divinités symbolisées au sommet de la stèle par des symboles astronomiques.

Anonyme, Stèle de Narâm-Sîn, roi d'Akkad, célébrant sa victoire contre les Lullubi du Zagros (détail d'un relief sur calcaire gréseux, ca 2350- 2200 av. J.-C.), stèle entière : 200 × 105 × 27 cm

Département des Antiquités Orientales, Richelieu, rdc, salle 2, Apporté de Sippar à Suse comme butin de guerre au 12e s. av. J.-C., Musée du Louvre, Paris © Domaine public→ 

Égypte

Sur certaines images, diverses figures anthropomorphes ne sont identifiables comme dieux que par la présence de cornes, leur absence signalant que la figure est seulement humaine. 

Anonyme (13e s. av. J.-C.), Le pharaon Horemheb entre Osiris et Hathor, (fresque)

Décoration dans la tombe de Horemheb (KV.57), détail de la frise du puits, mur oriental, Vallée des Rois, Thèbes ouest, Égypte

D.R. photo Jean-Pierre Dalbéra © CC-BY-2.0→

Au c. :  Horemheb (dernier pharaon de la dix-huitième dynastie, qui rétablit le culte d'Amon après les expériences de Toutankhamon et de son père Aménophis IV) ; Osiris (à g.) porte fouet et sceptre royaux ; Hathor (à dr.), maîtresse de l'Ouest, du Ciel et de tous les dieux, est coiffée d'une perruque à bandes surmontée des cornes de vache enfermant le disque solaire.

Remarquable, dans le contexte d'Ex 34,20-35 est l'association entre le rayonnement  du soleil et les cornes ou les couronnes, comme ici.  

  • Les pharaons des 18e et 19e dynasties (ca 1550-1186 av. J.-C.) portent la couronne Atef avec ses cornes de bélier caractéristiques, signalant leur statut divin ou demi-divin.

Anonyme, Le roi Touthmosis III portant la couronne Atef, (relief polychrome sur calcaire, ca 1479-1425 av. J.-C. ?), Deir el-Bahari, musée de Louxor, Égypte

D.R. photo Olaf Tausch © CC-BY-3.0→ 

Anonyme (13e s. av. J.-C.), Triade de Ramsès II avec Amon et Mout, (sculpture sur granit, Nouvel Empire, XIXe dynastie, règne de Ramsès II, vers 1279-1213 av. J.-C), 170 x 113,5 x 94 cm., temple d'Amon à Karnak, Égypte

Musée égyptien de Turin, Italie © Fair use→

Ramsès II, portant des cornes de bélier, siège entre Amon, le dieu du vent et de la fertilité, et la déesse Mout compagne d'Amon, portant les grandes cornes de vache.

À Ougarit

Anonyme, Stèle de Baal au foudre, (calcaire blanc, 15e-13e s. av. J.C.), 142 × 50 × 28 cm, stèle cintrée, Ras Shamra, Ougarit, Syrie

Département des Antiquités Orientales, salle 301 n° AO 15775, Musée du Louvre, Paris

© Domaine public→Jr 7,9

Cette stèle représente le dieu de l'orage et de la pluie Baal. Celui-ci marche vers la droite levant une massue de son bras droit et plantant dans le sol une lance. Il porte une barbe et une haute coiffe à cornes de taureau, l'identifiant comme divinité. Deux longues mèches de cheveux enroulées aux extrémités tombent sur sa poitrine. Le dieu est vêtu d'un pagne orné de fines rayures, à sa ceinture un poignard à gaine à bout recourbé se situe juste au-dessus d'un personnage nettement plus petit. Cette figure est posée sur un piédestal, elle porte une robe châle à galon. Ce petit personnage représente certainement le roi d'Ougarit, vêtu d'une tenue de cérémonie, faisant un geste de prière, se plaçant ainsi sous la protection du dieu. Le dieu Baal était l'un des dieux les plus importants du Levant, il déclenchait l'orage en brandissant sa masse d'arme, sa lance arborescente symbolise la foudre et les bienfaits de la pluie. Des textes découverts à Ras Shamra, écrits en ougaritique, décrivent le combat entre Baal depuis sa résidence de la montagne et Mot, dieu de la mort et de la sécheresse. D'autres évoquent son combat contre Yam, dieu de la mer. C'est peut-être ce qu'évoquent les lignes ondulées gravées sur la base qui symboliseraient la montagne et la mer.

Des cornes...  et de la lumière !

Dans l'imagerie divine du Proche-Orient ancien les cornes divines étaient souvent associées à une lumière (cf. Vocabulaire Ex 34,30). En Mésopotamie, par exemple les cornes ont un rapport avec l'aura des dieux appelée « melammu », lumière brillante qui rayonnait en particulier de leur tête (Enuma Elish 4,58) ou de leur armement, et qu'ils pouvaient donner en partage à des humains, en particulier les rois (cf. l'équation corne = lumière autour du messie davidique en Ps 132,17 ; ou encore Ha 3,4).

Réception

Comparaison des versions

34,29 des cornes : V | G : l'apparence de son visage était chargée de gloire | M : rayonnait la peau de son visage. Comment raconter la gloire divine ? 

  • M—qāran est généralement traduit rayonner, briller, mais cela semble être plus une paraphrase ; être cornu ou avoir des cornes semble une traduction très justifiable : Vocabulaire Ex 34,30.
  • G : τὸ πρόσωπον Μωυσῆ ὅτι δεδόξασται [son visage était glorifié] explique et rationalise le symbole : la transformation de Moïse est une simple apparence prise par son visage ; seul Dieu rayonne véritablement de gloire. 
  • Aquila (connu par Jérôme, Comm. in Amos III,7, PL 25, col.1067) conserve l'image littérale : « l'apparence de son visage était devenue cornue » (J.W. Wevers, Exodus, Septuaginta II.1, Göttingen : Vandenhoeck & Ruprecht, 1991, 383). 
  • V : cornuta esset facies sua. Jérôme ne traduit pas « la peau » qu'il considère peut-être comme une expression périphrastique pour insister sur la transformation du seul visage. Cette traduction très littérale retient quelque chose du lien possible des cornes et de la lumière en hébreu (Vocabulaire Ex 34,30), s'il est vrai que cornu en latin peut désigner une corne du croissant de lune (Virgile Georg. 1,433). 

Les Targoums (Onqelos, Ps-Jonathan, fragmentaire, Neofiti, ou samaritain) semblent délibérément traduire le terme de « peau » (עור) comme s’il s’agissait du mot « lumière » (אור), en s'appuyant sur des graphies assez semblables pour faciliter la lecture d'un passage à l'imagerie difficile à accepter. 

  • Tg. Onqelos sur Ex 34,29 : וַהֲוָה כַּד נְחַת משֶׁה מִטּוּרָא דְסִינַי וּתְרֵין לוּחֵי סַהֲדוּתָא בִּידָא דְמשֶׁה בְּמֵחֲתֵיהּ מִן טוּרָא וּמשֶׁה לָא יְדַע אֲרֵי סְגֵי זִיו יְקָרָא דְאַפּוֹהִי בְּמַלָּלוּתֵיהּ עִמֵּיהּ:  : « Lorsque Moshé descendit de la montagne du Sinaï, les deux tables du témoignage étaient dans la main de Moshé lorsqu'il descendit de la montagne. Moshé n’avait pas connaissance du grand rayon de gloire de son visage quand [Dieu] lui parlait ». 

Frontispice de la bible Polyglotte d’Alcalà→ (1514-1517), (gravure sur bois) © Domaine public

Intertextualité biblique

34,29–35 TYPOLOGIE  christique : Moïse type du Verbe incarné ?

  • La gloire descend en un homme (Ex 34,29-35) – la gloire descend dans la Tente (Ex 40,34-36). 
  • Les deux sont messagers de Dieu, Sauveur, Face et Messager (cf. Is 63 : nostalgie de la geste de  Moïse en Is 63,11-14). 
  • 2Co 3,7-4,6 interprète la scène en termes d’ancienne et nouvelle alliance et prolonge l’analogie : voile sur le visage de Moïse, voile devant le Sanctuaire, voile sur la Tora. Jésus dévoile tout.

Liturgie

23,16 La fête de la Récolte Shavouoth La fête des Semaines, Shavouoth (qui signifie « semaines » en hébreu), correspond à la Pentecôte. Elle est aussi appelée :

  • « fête des Prémices »,
  • « fête de la Moisson »,
  • « époque du don de notre Tora »,
  • « Atseret » (« conclusion »).

Avec Pâque et la fête des Tentes, Shavouoth est l'une des trois fêtes de pèlerinage (regalim) pendant laquelle on montait au Temple de Jérusalem.

yathradoothu, Célébrations au Mur du Temple à Jérusalem

(Vidéo numérique, 2022)

© Licence YouTube Standard→

À l’origine c’est une fête agricole célébrant le début des moissons puis dès la période hellénistique elle a acquis son sens actuel de commémoration du don de la Tora au Sinaï.

INSTITUTION

La fête est aussi mentionnée en

CALENDRIER

Cette fête a lieu cinquante jours après Pâque, le 6 du mois de Sivan dans le calendrier hébreu, date qui tombe au mois de mai ou de juin du calendrier grégorien. En dehors d’Israël, la fête dure deux jours, les 6 et 7 de Sivan.

La date de cette fête, qui n’est pas explicitement précisée dans le texte biblique, fit l’objet de controverses dans l’Antiquité. Dans la mesure où ce passage figure dans un chapitre décrivant un calendrier rituel fixé dans un ordre chronologique, il est certain que le point de départ du décompte est lié aux deux fêtes qui viennent d’être évoquées, Pessah et les jours suivants, les Azymes. La détermination de la date de Shavouoth dépend seulement du sens que l’on donne à l’expression « lendemain du sabbat » (Lv 23,15), seule indication de la Tora, et notamment au terme « sabbat » dans la première occurrence de la fête. Il peut signifier soit « le jour du sabbat », pour une lecture littérale, soit « le jour de la fête » pour une interprétation fondée sur l’usage d’appeler le sabbat « fête », comme dans Lv 23,24 ou Lv 23,32. Selon l’interprétation littérale, on commence le décompte à partir du dimanche suivant les six jours des Azymes. Dans ce cas, la date de la fête n’est pas fixe, puisque Pâque peut tomber n’importe quel jour de la semaine. La fête avait lieu un dimanche, lendemain du sabbat autour du 15 Sivan. Des textes de Qumrân témoignent de ce choix et de la controverse avec les Pharisiens :

  • Jub. 6 « C'est à ce sujet que je te donne des ordres et des instructions pour que tu les leur communiques, car après ta mort, tes fils les déformeront en sorte qu'ils ne donneront plus à l'année trois cent soixante-quatre jours seulement et ainsi il se tromperont au sujet du mois, de la saison, du sabbat, et ils mangeront du sang avec tout ce qui est chair. »
  • 11QTa « Tu compteras sept semaines complètes depuis le jour où vous aurez apporté la gerbe, vous compterez jusqu’au lendemain du septième sabbat. Vous compterez cinquante jours et vous apporterez une oblation nouvelle au Seigneur. »

Selon les sages du Talmud, il faut compter à partir du 16 Nissan, c’est-à-dire, le soir du premier jour de Pâque. Pour eux, le sabbat désigne le jour de la fête de Pâque, que ce soit ou non un sabbat :

  • m. Menaḥ. 10,3 (= Menaḥ. 65a) « Des émissaires étaient envoyés par le tribunal la veille du jour de la fête, ils mettaient en gerbe les épis, pour qu’ils soient faciles à moissonner. Et [tous les habitants] des environs les attachaient ensemble, sans les ôter du sol, pour que la moisson soit faite de belle manière [c’est un rite et non un travail]. Quand il est bien évident que le soir est tombé, ils disent : "Le soleil est-il couché ?" Les autres répondent : "Oui." Ils répètent : "Le soleil est-il bien couché ?" Ils répondent : "Oui." Les émissaires disent : "avec cette faucille ?" Ils disent : "Oui." "Avec cette faucille ?" "Oui." "Avec ce panier ?" "Oui." "Avec ce panier ?" "Oui." (Si c’est un sabbat) : "ce sabbat ?" "Oui." "Ce sabbat ?" "Oui." "Devons-nous couper ?" "Oui." "Devons-nous couper ?" "Oui." L’émissaire demande trois fois [l’accord des autres] pour chaque tâche à accomplir, et l’assemblée répond : "oui, oui, oui." On demande : Pourquoi faut-il répéter de cette manière ? À cause des béothusiens [groupe juif de l’époque du Second temple, proche des Saducéens, qui niaient la validité de la Loi orale]. Ceux-ci disent : il n’y a pas de moisson de l’omer à la fin du premier jour de fête de Pâque. [Le rite sous forme de dialogue avait pour but de confirmer que le décompte des cinquante jours précédant la fête (omer) commençait le 16 Nissan, que ce soit un sabbat ou non. La date de Shavouoth est ainsi fixée cinquante jours plus tard, le 6 Sivan]. Cette date est conservée de nos jours.

Par ailleurs, dans l’Antiquité tardive est apparu le principe du redoublement des jours de fête majeurs en diaspora :

  • Beṣa 4b « Disons que Rav Asi démontre que les deux jours (de fête) ne forment qu’une seule sainteté. »

Cette pratique, originellement apparue à cause des incertitudes du calendrier, fut par la suite maintenue pour des raisons théologiques :

  • y' Erub. 3,10 « Rabbi Abba dit au nom de rabbi Hyya au nom de rabbi Jonathan : "Les fils de ma mère se sont emportés contre moi. Et ils m'ont fait garder les vignes, ma vigne à moi, je ne l'avais pas gardée. Pourquoi m’ont-ils fait garder les vignes ? Parce que ma vigne à moi, je ne l'avais pas gardée. Pourquoi ai-je gardé deux jours en Syrie ? Parce que je n'avais pas gardé un seul jour dans le pays." »

Le erouv, qui donne son titre au traité, sert à délimiter, pour des raisons pratiques, un espace à partir duquel on peut calculer ce que l’on peut transporter le jour du sabbat sans enfreindre la sainteté du jour. Pour Shavouoth et certaines autres solennités, le erouv est symboliquement délimité dans le temps : on élargit le périmètre temporel de la fête pour être sûr de la garder. C’était le premier motif des deux jours d’observance, à cause de l'incertitude de la date. Dans ce passage, l’exil (en Syrie) est considéré comme un châtiment de l’infidélité du peuple, qui doit la réparer en célébrant les solennités pendant deux jours. C’est la raison qui fonde la différence d’observance entre Israël et le reste du monde aujourd’hui.

CÉLÉBRATIONS SYNAGOGALES

Dans le judaïsme rabbinique

La fête de Shavouoth ne comporte pas de rite particulier. L’essentiel de la célébration est intégré à la liturgie synagogale, où on lit les passages de la Tora portant sur l’institution de la fête ainsi que sur la révélation du Sinaï. La plupart des rituels accomplis sont similaires à ceux des fêtes de réjouissance majeures, notamment l’allumage de bougies et la récitation du Hallel. Outre la veillée d’étude pratiquée dans certaines communautés, on lit en entier le livre de Ruth :

  • Sof. 14,18 « On lit la première moitié du livre de Ruth à la fin du premier jour de Shavouoth, et on le termine le deuxième jour. D’autres disent qu’il faut faire comme pour les autres fêtes, c’est-à-dire lire les rouleaux respectifs à la fin du sabbat précédant la fête. On a décidé qu’aucune de ces deux prescriptions n’est contraignante, sauf s’il y a une coutume établie [pour la communauté]. »

Cependant aucun traité du Talmud n'est dédié à cette fête bien qu'elle soit l'une des trois convocations annuelles au Temple de Jérusalem (avec Souccot et Pessah qui font chacune l'objet d'un traité). Cette omission pourrait être le signe d'une polémique avec les chrétiens qui reprennent le sens de cette fête comme don de la Tora au Sinaï dans Ac 2.

Textes

Sont lus le premier jour de la fête :

Sont lus le second jour (hors d'Israël) :

En Israël, où le jour de Shavouoth est férié, la fête a pris depuis le début du 20e siècle une dimension champêtre mettant en avant les productions agricoles. Des processions de villages et de kibboutz sont donc organisées, modelées sur la description d’une cérémonie d’offrande des prémices au Temple tirée du Talmud. De nombreux spectacles sont également organisés.

Orel Gozlan, Mizmor de Shavouoth (psaume 68)

(Tradition Hazanout Ashkénaze, Enregistrement numérique audio, 2017)

© Orel Gozlan→

Pendant la période biblique et celle du Temple de Jérusalem

L’offrande collective des prémices de la nouvelle récolte du blé est définie dans le Deutéronome comme un pèlerinage au Temple de Jérusalem (Dt 16,11.16) et s’accompagnait de nombreux sacrifices publics et individuels, détaillés à plusieurs reprises dans la Torah (Lv 23,18-20 ; Nb 28,26-30).

David Becker, Champ de blé mûr

(Photographie numérique, 2018)

© Licence Unsplash→

Dans le livre de Tobie (Tb 2,1ss), vraisemblablement composé au 2e siècle av. J.-C., un juif installé dans l’empire assyrien — c’est-à-dire cinq siècles plus tôt — célèbre Shavouoth dans la ville de Ninive en prenant un « déjeuner copieux » avec sa famille.

MYSTAGOGIE

La fête est liée à l’événement de la sortie d’Égypte dès la période hellénistique :

  • dans le livre du Deutéronome, le commandement de la fête (Dt 16,9) est suivi par la mention : « Tu te souviendras que tu as été esclave en Égypte » (Dt 16,12),
  • dans Ex 19,1, le peuple est arrivé au Sinaï « le troisième mois après la sortie d’Égypte », et on interprète cette date comme cinquante jours. Ainsi, le 6 Sivan devient l’anniversaire du don de la Tora au Sinaï.

On trouve cette association dans la tradition rabbinique, de manière elliptique :

  • Pesaḥ. 68b « Shavouoth est le jour du Don de la Tora. »
  • Šabb. 86b « Le 6 Sivan, les dix Commandements ont été donnés au peuple juif ».

La commémoration du don de la Tora au Sinaï confère à la fête un caractère mystique propice aux phénomènes surnaturels, comme des dédicaces du Temple, ou d’autres événements, comme l'atteste la littérature péritestamentaire :

  • Ps.-Philon Ant. bib. 23,2 « Josué leur dit : "Rassemblez-vous devant l'arche de l'alliance du Seigneur à Silo et j'établirai pour vous l'alliance avant que je ne meure." Tout le peuple s'étant rassemblé, le seizième jour du troisième mois, devant le Seigneur à Silo, avec les femmes et les enfants, Josué leur dit : "Écoute, Israël ! Voici que j'établis pour vous l'alliance de cette Loi, qu'a établie le Seigneur pour nos pères à l'Horeb." »
  • Josèphe B.J. 6,299 « En outre, à la fête dite de la Pentecôte, les prêtres qui, suivant leur coutume, étaient entrés la nuit dans le Temple intérieur pour le service du culte, dirent qu'ils avaient perçu une secousse et du bruit, et entendu ensuite ces mots comme proférés par plusieurs voix : "Nous partons d'ici." »

Dans le Livre des Jubilés, composé à la fin du 2e siècle avant notre ère, un ange envoyé à Moïse présente la fête des Semaines comme une « célébration de l’Alliance », thème rappelant le don de la Loi au Sinaï :

  • Jub. 6,15-22 « Il donna à Noé et à ses enfants le signe qu'il n'y aurait plus de déluge sur la terre. Il mit son arc dans la nuée en signe d'alliance éternelle afin qu'il n'y ait plus sur terre de déluge qui la dévaste, tant que la terre durera. Pour cette raison, il est ordonné et prescrit sur les tables célestes qu'il y ait des gens qui célèbrent la fête des Semaines en ce mois-ci, une fois par an, pour renouveler l'alliance chaque année. Cette fête a été intégralement célébrée dans le ciel depuis le jour de la création jusqu'au temps de Noé : pendant vingt-six jubilés et cinq semaines d'années. Noé et ses enfants l'ont observée durant sept jubilés et une semaine d'années jusqu'au jour de la mort de Noé. Dès le jour de la mort de Noé, ces fils l’ont négligée, jusqu'au temps d'Abraham : ils mangeaient le sang. Mais Abraham l'a observée ; Isaac, Jacob et ses fils l'ont observée jusqu'à tes jours. En yes jours, les fils d'Israël l’ont oubliée jusqu'à ce que tu l'aies restaurée pour eux auprès de cette montagne. Et toi, ordonne aux enfants d'Israël d'observer cette fête de génération en génération : c'est une ordonnance pour eux de l'observer en ce mois-ci ; qu'ils célèbrent la fête un seul jour par an, ce mois-ci. C'est en effet la fête des Semaines et la fête des Prémices. Cette fête est double et a un double caractère. Célèbre-la conformément à ce qui est inscrit et gravé à son sujet. Car j'ai écrit dans le livre de la première loi, dans ce livre que j'ai écrit pour toi, que tu dois la célébrer chaque fois en son temps, un seul jour par an. Je t’ai dit aussi les offrandes convenables pour elle, afin que les enfants d'Israël s'en souviennent et la célèbrent de génération en génération, ce mois-ci, un seul jour chaque année. »

DANS LES ARTS

Littérature

Victor Hugo (1802-1885), dans son recueil La Légende des siècles (1859-1883), écrivit le poème « Booz endormi ».

Cinéma

Le péplum américain L'histoire de Ruth (1960) de Henry Koster (1905-1988) évoque de manière romancée l'histoire de ce livre biblique. 

Musique

Jean-François Le Sueur (1760-1837) composa en 1811 un oratorio intitulé Ruth et Noëmi.

Aminadav Aloni (1928-1999) également composé un oratorio intitulé Ruth - An oratorio en 2019.

Aminadav Aloni, Ruth - An Oratorio (Vidéo numérique, Beth Shalom, 8 juin 2019)

Phil Baron (Booz), Sarah Fortman Zerbib-Berda (Noémi), Bryce Megdal (Ruth), Michelle Baron (narrateur) et Chris Hardin (piano)

© Licence YouTube Standard→

24,4s Moïse bâtit un autel pour le Seigneur

« Sanctificavit »

Traditionnel, Offertoire - Sanctificavit

Chœur des moines de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux

© Abbaye du Barroux→, Ex 24,4s

34,29–35 cornes RITUEL Paramentique : des cornes de Moïse aux mitres épiscopales... 

... en passant par les romans de chevalerie.

Le Moïse cornu apparaît dans les romans de chevaleries et les versifications françaises de la Bible des 12e-13e s. Dans ces romans, l’adjectif cornus revêt le sens de riche, puissant, fort (cf. J. R. Smeets, « Les cornes de Moïse », Romania, tome 114453-454 (1996) pp. 235-246). La réalité de l’excroissance pointue n’y est cependant pas oubliée : elle se retrouve plus ou moins identifiée à ... la mitre des évêques.

  • Reclus de Moiliens, Li romans de Carité et Miserere (ca 1173-1180/90) , § 116-117 « Eveskes, sages iés moustrés | Quant tu ies en ton hiaume entrés | Car par le double encornement | Le mitre dont tu ies mitres | Moustre ke tu ies bien letrés | Et ke tu ses Pacordement | Dou vies, dou nouvel testament | Por chou ies cornus doublement » (éd. A.G. Van Hamel, Paris, 1885, p.62).

  • Herman de Valenciennes (chanoine et prêtre, 12e s.) Li romanz de Dieu et de sa Mere (ap. 1169 ou 1189?), 6, str. 286 v. 2100ss [il s'agit de Moïse] : « Cist homn estoit cornuz, signor, vos nel savez. | Tornees sont les cornes, com vos veü avez | Les coifes c'ont es chiés li evesque sacrez : | Por ce que il n'ont cornes — ce lor est destinez —| Si ont coifes cornues, sachiez par veritez » (cf. Ina Spiele, éd., Li romanz de Dieu et de sa mere d'—, Leiden, 1975 p. 287).

  • Geufroi de Paris, Bible des .vij. estaz du monde(1243) « Celui [Moïse] fist nostre sires Diex | Premier evesque des Ebrex | Et en leu de mit[r]e porter | Li fist cornes u chief lever » (BNF fr 1526, fol. 23d. 1.4ss).

Les mitres cornues  

Alexandra Makin, évolution de la mitre cornue aux 11e et 12e siècle, (montage photographique numérique)

D.R. Blog Alexandra Makin→ © Fair use

La mitre en forme de bonnet est apparue pour la première fois dans la seconde moitié du 11e s., se portant latéralement sur la tête et continua à être portée de cette façon jusqu'à la fin du 12e s. Vers 1125 et certainement vers 1140, cette mitre latérale a fait un virage très progressif de 90 degrés et a commencé à être portée d'avant en arrière. Les cornes étaient désormais situées directement au-dessus du visage et de l'arrière de la tête au lieu d'être au-dessus des oreilles. La première mitre qui montre ce changement d'orientation est tirée d'un manuscrit français daté de 1120-1146.

Cet usage est confirmé dans la mystagogie allégorique de Durand de Mende :

  • Durand de Mende Rationale  (I, p. 75 v) : « Mitra autem scientiam utriusque testamenti designat. Duo namque illius cornua duo sunt testamenta : anterius novum posterius vetus, quæ duo Episcopus memoriter debet scire ». 

Aaron premier évêque ?

Une explication à cette identification de la mitre épiscopale et des cornes de Moïse pourrait bien se trouver dans les représentations de la coiffe d'Aaron, frère de Moïse, premier grand prêtre et à ce titre sorte de prorotype de l'évêque tel qu'il est considéré dans la hiérarchie ecclésiastique chrétienne : 

Anonyme, Moïse et Aaron instruits par Dieu de la discipline des sacrifices, (détrempe sur parchemin, 12e-13e s. ?), enluminure d'incipit du livre du Lévitique traduit en français

British Library, Londres © Domaine public→

Un Dieu jeune (le Christ?) explique depuis la nuée la discipline du sacrifice à un jeune Moïse cornu et à son frère Aaron paré comme un évêque avec mitre cornue et crosse, et à un serviteur.

Anonyme, Moïse recevant les tables de la Loi pendant qu'Aaron organise l'adoration du veau d'or, (détrempe sur parchemin, 1175-1300), Initiale historiée dans Leviticus cum glossa ordinaria, Latin 184, incipit, f. 2v

Département des Manuscrits, Bibliothèque nationale de France, Paris © Domaine public→

Aux cornes symboliques de Moïse recevant du Dieu-Christ les tables de la Loi, correspondent les deux cornes de la mitre d'Aaron, qui a tout d'un évêque, et dont le cœur semble partagé entre contemplation du dialogue entre le Verbe et son image, et pouvoir à exercer sur le petit peuple adorant son veau comme un seul homme...

Tradition juive

34,29–35 Comment comprendre la transformation du visage de Moïse ?

Entre lumière et cornes

Rachi développe le même rapprochement en comparant cornes et rayons, mais pour lui les cornes sont venues à Moïse avant même Ex 34 (anticipation que l'on retrouve dans les « Bibles » françaises en forme de romans de chevalerie des 12e-13es. (cf. J. R. Smeets, « Les cornes de Moïse »,  Romania, tome 11/4453-454 (1996), 235-246. DOI : )

  • Rachi Comm. Tora  [Le mot qāran] est apparenté au terme « cornes », puisque « la lumière rayonnait et se projetait en forme de corne. Et depuis quand Moïse a-t-il été favorisé des rayons de la Gloire ? Nos maîtres ont dit que c'est depuis qu'il a été dans la caverne, où le Saint Béni soit-Il, avait mis Sa main sur son visage, ainsi qu'il est dit : "Et Je te couvrirai de ma main" (Ex 33,22). » 

Il rapproche ainsi qāran, « cornu », et qāran, « brillant » et rejoint p.ê. un archétype de la représentation du divin au Proche-Orient Antique : Milieux de vie Ex 34,29–35.

  • Cf.Exod. Rab. 47,6 qui évoque des  קרני ההוד, « cornes de gloire ».

Rien que de la lumière !

Peut-être motivée par le désir de lutter contre l'anti-judaïsme que les cornes ont fini par alimenter dans la chrétienté médiévale (Arts visuels Ex 34,29–35), la  polémique contre les cornes de la Vulgate s'appuie sur des explication philologiques ad hoc, moins convaincantes que celle d'Aquila (Vocabulaire Ex 34,29–35) :

  • Rashbam (ca 1085-1158) polémique : [Le mot קרן est] lié à l’idée de הוד – grandeur. Il est comme le mot קרנים dans l'expression « qui émet des rayons (קרנים) de tous côtés » (Ha 3,4). Quiconque associe קרן, dans ce verset, au sens de corne, comme dans la phrase  « Il a de cornes comme les cornes du buffle (קרני ראם קרניו) » (Dt 33,17), est un insensé. Car de nombreux mots dans la Tora ont [au moins] deux catégories [séparées, distinctes] [de signification]. (cf. Sefaria→)

Un signe de la divinisation de Moïse ? 

Le dramaturge juif d'Alexandrie au 2e s. av. J.-C. raconte un rêve de Moïse dans lequel celui-ci assume le trône de Dieu, en brandit le sceptre de Dieu et en porte la couronne, et dont Moïse se réveille terrifié :

  • Ézéchiel le Tragédien (Alexandrie) Exagōgē [L'Exode], l.73-81 : Je [Moïse] m'approchai et me tins devant le trône. Il [Dieu] me tendit le sceptre, me fit monter sur le trône et me donna la couronne ; puis il se retira lui-même du trône. Je contemplai toute la terre alentour, les choses qui se trouvaient au-dessous et celles qui se trouvaient au-dessus des cieux. Alors une multitude d'étoiles tombèrent à mes pieds, et je comptai leur nombre. Elles passèrent à côté de moi comme des rangs d'hommes armés (cf. R.G. Robertson, « Ezekiel the Tragedian », dans  J.H. Charlesworth ed., The Old Testament Pseudepigrapha, New York : Doubleday, 1985, 2:803–819). 

Au 1er s. ap. J.-C. Moïse a atteint un statut très élevé, dont témoignent un texte apocalyptique comme Asc. Moïse ou le récit de la lapidation d'Étienne pour avoir blasphémé « contre Moïse et contre Dieu » mis en parallèle (Ac 6,11)... 

Tradition chrétienne

34,29–35 Comment comprendre la transformation du visage de Moïse ? 1 : les cornes

Une couronne originelle ?

L'attribut très surprenant a choqué, et certains imaginent qu'avant le 8e s., la bible latine (saint Jérôme) eût proposé coronatus « couronné », le cornatus « cornu » actuel  étant au départ une erreur de copiste. 

Une simple image pour la lumière ?

Thomas d'Aquin s'efforce d'éviter les cornes qu'il reproche aux imagiers de montrer (Arts visuels Ex 34,29). Il le dit en commentant 2Co 3,13-16, où saint Paul explique que la lecture christique de l'Écriture consiste à retirer le voile dont Moïse cachait la métamorphose glorieuse de son visage, que ses auditeurs, puis ses lecteurs, ne pouvaient comprendre : 

  • Thomas d’Aquin Super 2 ad Cor., lectio 2 : « [...] l’Apôtre argumente d’après le récit de l’Exode (Ex 34,30-35) où notre texte porte que "le visage de Moïse avait des cornes" [ubi littera nostra habet, quod Moyses habebat faciem cornutam] de telle sorte que les fils d’Israël ne pouvaient tenir leurs regards fixés sur la face de Moïse. Un autre texte porte "le visage resplendissant [faciem splendidam] de Moïse", ce qui est meilleur. Il ne faut pas comprendre qu’il portait des cornes à la lettre, comme certains le peignent, mais que son visage émettait des rayons qui semblaient des espèces de cornes [Alia littera habet faciem splendidam, quod melius dicitur. Non enim intelligendum est eum habuisse cornua ad litteram, sicut quidam eum pingunt; sed dicitur cornuta propter radios, qui videbantur esse quasi quaedam cornua] » (éd. Vivès→ § 93).

Dans sa réticence, Thomas, qui a un amour certain pour les juifs, s'avère peut-être marqué par l'exégèse juive (Tradition juive Ex 34,29–35), en particulier celle de Rachi ou de Rashbam. Ceux-ci cherchaient peut-être bien à lutter contre l'antijudaïsme que la représentation des cornes pouvait susciter ou catalyser.  

Attribut diabolique, pour l'antijudaïsme ?

Les cornes de Moïse ont reçu une connotation négative avec le développement du sentiment antijuif à la fin de la période médiévale (Ruth Mellinkoff, The Horned Moses in Medieval Art and Thought, « California Studies in the History of Art » 14, Presses universitaires de Californie, 1970, 133-137).

  • Les chapeaux juifs imposés en France et ailleurs étaient connus sous le nom de pileus cornutus (chapeau à cornes) et les insignes imposés par Philippe III de France semblent avoir incorporé une corne.

Sur la miniature suivante, Moïse est affublé non seulement de ses cornes mais encore du pileus cornutus

Anonyme, Portrait de Moïse, (après 1323), enluminure dans Paulin de Venise, Compendium gestarum rerum 

Egerton 1500, f° 5v., British Library, Londres (Royaume-Uni)

© CC-BY-SA-4.0→

Ici, cependant, Moïse conserve un visage noble et doux... Est-il certain qu'on soit devant un témoignage formel d'antijudaïsme ? Là, d'ailleurs, c'est carrément le Christ lui-même qui est coiffé du pileus cornutus :

Anonyme, Jésus et les disciples d'Emmaüs à l'auberge, (tempera et feuille d'or, vers 1190–1200), 11,9 × 17 cm,Vie du Christ illustrée, avec des suppléments, York ? (enluminure), Norfolk ? (texte), Angleterre

  Ms.101 (2008.3), fol. 87, Musée Getty, Los Angeles CA, États-Unis © CC BY-SA 4.0 International→

Jésus sourit, amusé du quiproquo.  L'un des deux disciples est sous le coup d'un tel choc émotionnel que sa barbe en a blanchi ! (davantage : Arts visuels Lc 24,29–35)

  • Finalement l'association entre les Juifs, Moïse cornu et les diables dans l'imagerie antisémite chrétienne aboutit parfois à des représentations des Juifs avec des cornes (Melinkoff 135-6) ; Stephen Bertman, « The Antisemitic Origin of Michelangelo's Horned Moses ». Shofar 27/4 (2009), Purdue University Press : 95–106). 

Cornes pour rire

O.-Th. Venard, Modernes cornes de Moïse,  (photographie numérique), Jérusalem, porte de Damas, le 12 février 2025

 © D.R., pour BEST aisbl

Les Juifs orthodoxes ont l'habitude cocasse mais bien compréhensible de protéger leur chapeau noir, parfois coûteux, dans un sac plastique en cas de pluie... Surpris un soir d'hiver descendant prier au Qotel, celui-ci avait-il conscience de ressembler ainsi à son illustre Patriarche selon l'iconographie chrétienne ?

Arts visuels

23,16s la fête de la moisson Sukkot à la synagogue

19e s.

Leopold Pilichowski (1869 - 1934), Sukkot à la synagogue (huile sur toile, 1894), 109,2 x 138,4 cm

Lodz, Pologne, Jewish Museum, New York→

© Domaine public, Ex 23,16-17 ; Ex 34,22 ; Lv 23,34-43 ; Nb 29,12 ; Dt 16,13-16 ; Jg 9,27

Composition

Leopold Pilichowski est un peintre juif réaliste polonais, apprécié pour ses peintures de scènes hébraïques et leurs personnages typiques. Ici, les deux hommes à droite sont vêtus de manière traditionnelle, ils portent des châles de prières et ont la tête couverte. Ils donnent à examiner au rabbin une branche de saule, et une palme de dattier et observent eux-même un cédrat : il s'agit là pour eux de respecter la prescription des quatre espèces faite en Lv 24.

24,1–18 En quête de Lumière sur la montagne CONTEMPLATION Du Sinaï à la Sainte-Victoire

19e s.

Paul Cézanne (1839-1906), Plaine provençale, (Huile sur toile, 1883), 58,5 x 81 cm

Stiftung, Winterthur.

Un paysage paisible de Provence qui semble absorber Cézanne, lui qui est tellement amoureux de sa terre gorgée de lumière. La lumière ne vibre plus comme chez les impressionnistes mais devient respiration de couleurs chaudes ; elle s’étale de manière égale sur les différentes surfaces selon une géométrisation de l’espace comme pour construire des volumes, des formes. Le peintre découvre la puissance implacable du soleil. Il donne à voir comment la couleur, sous l’effet du soleil, se libère et s’impose par elle-même. La lumière est matière, feu incandescent. Ce marcheur peint en extérieur, mais est en quête d’une harmonie intérieure : il veut regarder, comprendre avant de peindre. S’il peint d’après nature, ce n’est pas pour la reproduire, mais pour traduire ses sensations, ses coups de cœur. Car il se laisse transpercer par la nature pour aller, au-delà des apparences, chercher les formes, les couleurs, les lumières de la Création originelle.

La nature le conduit à l’art. La Sainte Victoire fut le lieu de sa propre révélation, montagne sacrée, Sinaï de sa vocation d’artiste : il devint ainsi le « nouveau Moïse » de la peinture Moderne, « notre maître à tous » reconnaissait Pablo Picasso. Autre grand admirateur, le poète Henri de Régnier écrit dans La Prière de Paul Cézanne : «  Seigneur de la clarté de l’air et du nuage Toi vers qui si souvent mon appel s’est tourné… Considère ces yeux qui fixèrent les choses Avec un tel désir de voir leur vérité… ». (J.-M. N.).

24,7 Lecture prophétique

Art synagogal antique

Anonyme, Prophète tenant le rouleau de la Loi (fresque, ca. 250-256), panneau latéral vertical III

Synagogue de Doura Europos, Musée national de Damas→, AO 15775 © Domaine public

Ex 24,7 ; Jr 16,11 ; Esd 7,6 ; Ne 8 ; 2M 2,4-5

Composition

Succédant à un premier édifice datant de la seconde moitié du 2e s., la synagogue de Doura Europos fut reconstruite vers 244-245. Celle-ci est dotée d'un ensemble de fresques figuratives qui sont un témoignage rare de l'art de cette époque et qui constituent aujourd'hui l'une des pièces majeures du musée national de Damas. Les spécialistes hésitent dans l'identification du prophète ici représenté. Il est dans une posture de léger contrapposto, le poids de son corps reposant sur sa jambe droite. Il exhibe un rouleau ouvert déroulé, et à ses pieds est posé un objet ayant la forme habituelle de l'Arche d'Alliance. S'agit-il de Moïse proclamant l'alliance, l'arche qui la symbolise étant à ses pieds ? S'agit-il plutôt de ce nouveau Moïse que fut Esdras, promulguant à nouveau la Loi (à ses pieds, on aurait affaire à un simple coffre à rouleaux) ? Ou bien, le personnage ne lisant pas, mais exhibant le rouleau, et étant associé à l'Arche et à son tabernacle, s'agit-il de Jérémie tel qu'il est évoqué en 2M 2,4-5 ?

24,10 le ciel quand il est serein La couleur bleue ou le Dieu saphir Les vitraillistes nous aident à comprendre une telle place de la couleur du ciel, dans l'une des théophanie les plus énigmatiques et bouleversantes de l'Ancien Testament

Vitrail du 20e s.

Naves Claudio (âge : non renseigné), vitraux contemporains, 1980

 Eglise Dom Bosco, Brasilia

Photo Blog de Yann→ © D.R.

Composition
  • « C’est en 1980 que la superbe église bleue a été inaugurée à Brasilia en hommage à son saint patron, l’italien Dom Bosco, qui fit le rêve prophétique d’une ville élevée en plein désert —et qui inspira, par la suite, la création réelle de Brasilia. Cette construction rectangulaire, qui s'élève à seize mètres de hauteur, exhibe de merveilleux vitraux réalisés par Claudio Naves. Fruit d'une profonde méditation sur la couleur céleste, leur couleur bleu saphir évoque la présence divine qui se répand dans l'âme humaine. » (V. L., 2019).

Vitrail contemporain

Asse Geneviève (1923- ), Vitrail, 1989 - 1992, Collégiale Notre-Dame, Lamballe

Photo : Blog de Cecilia Avila→ © D.R.

  • « Si, pour le grand théologien Hans Urs von Balthazar, 'seul ce qui comporte une figure peut transporter et plonger dans le ravissement' (La Gloire et la Croix, 1965, 28), pour nombres d’artistes contemporains il en va autrement. Dans le cas de Geneviève Asse, c’est davantage le travail sur la couleur pure — un bleu de sa fabrication, dilué jusqu’à l’obtention d’une transparence captivante — qui obtient les faveurs ; se faisant véhicule des émotions religieuses par l’intermédiaire du support de verre. Parce qu’il s’agit ici de transfiguration, c’est-à-dire du dépassement de la figure au profit d’un immatériel façonné par la seule lumière — qui convertit le vide en solennité et le silence en une voix manifestée dans l’intériorité. Le 'bleu Asse' permet bien ce transport de l’âme évoqué par le théologien suisse : la bande blanche qui le traverse dans cette réalisation le diffracte sur les murs de l’édifice, provoquant la métamorphose de son espace — il devient tout entier expérience esthétique et, mieux encore, métaphysique. Au cœur de la collégiale Notre-Dame qui était autrefois la chapelle du château des Penthièvres, le Roi est bien vivant » (V. L., 2019).

27,9–19 Tu feras aussi le parvis de la demeure La construction du tabernacle Gerard Hoet,  peintre néerlandais du Siècle d'or, s'efforce de représenter tous les détails de cette construction dans des gravures de grand style. (Il n'oublie même pas ...  les cornes de Moïse !)

18e s.

Gerard Hoet (1648 - 1733), La Construction du Tabernacle, (eau-forte, 1728) dans Figures de la Bible, La Haye : P. de Hondt, 1728

N8025. F5 1728, University of Oklahoma Libraries, Norman (États-Unis)

© Domaine public→, Ex 25,10-40 ; 38,9-20

Composition

Moïse au premier plan, distingué par les rayons lumineux de sa tête, tel un maître d'œuvre dirige les plans de la contruction du sanctuaire. On aperçoit au second plan un chantier gigantesque : le Tabernacle tel que Dieu l'a commandé prend forme au milieu du campement des Hébreux et le détail de son exécution est déployé en Ex 38,8-20.

34,29 son visage avait des cornes Cornes et rayonnement de Moïse Les représentations de Moïse cornu (Vocabulaire Ex 34,29) dans les arts visuels sont attestées pour la première fois au 12e s. en Angleterre. Les cornes deviennent ensuite un attribut fréquent du Législateur des Hébreux, pour le meilleur et pour le pire (Tradition chrétienne Ex 34,29–35 : antijudaïsme), ce qui explique l'hésitation constante des portraitistes de Moïse, qui oscillent entre excroissance kératineuse et fantaisie capillaire. 

13e s.

Anonyme, Dieu parle à Moïse, (vitrail, 1248), baie 7, 156 A, détail

Sainte-Chapelle, Paris (France) © Domaine public

fin du 13e s.

Maître du Policratique (?, Paris,  ca 1290-1300), Trois épisodes de la vie de Moïse, (détrempe, pigments et or sur papier), 255 x 285 mm, enluminure, dans Frère Laurent, la Somme le Roi (Livre des vices et des vertus),

ms. add. 54180, f°5v, British Library, Londres, © Domaine public→ 

  • registre supérieur : Moïse recevant et brisant les Tables de la Loi.
  • registre inférieur : les Juifs adorant le veau d'or.

Les cornes sont vraiment dans le prolongement du visage de Moïse est cornu sur ces images. Le rapport entre sa métamorphose et le veau d'or qu'il a brisé (cf. Procédés littéraires Ex 34,31s) est ici de l'ordre de l'évidence visuelle.

15e s.

Le contraste entre le législateur des Hébreux et le Législateur ultime, entre type et antitype, est souvent souligné :

Anonyme (France du nord ou Belgique), Rencontre au sommet entre Moïse et Jésus (détail), (enluminure sur parchemin vers 1440), 37,3 x 27,7 cm (page)

dans Petrus ComestorGuiart des Moulins (traducteur français), Bible historiale, n° 0312, f. 051v

Bibliothèque Mazarine, Paris, Initiales © CC-3.0→

Les cornes de Moïse font face au nimbe crucifère du nouveau Moïse. Le premier désigne la lettre (invisible) sur un phylactère, le second en explique toute la teneur dans un beau geste des mains. Cependant un être cornu à côté du Seigneur n'évoque-t-il pas insensiblement la scène de la Tentation  du Christ au désert ? 

Rapprochées, en contresens (cf. Milieux de vie Ex 34,30, des cornes des faunes antiques ou des diables, ces cornes finirent par affubler Moïse (et les Juifs) d'une aura diabolique... Jusqu'au 17e s., Moïse est le plus souvent représenté âgé, barbu, et cornu.

Renaissance italienne, 16e s.

La plus célèbre de ces représentations est sans doute la statue sculptée par Michel-Ange vers 1515 pour le tombeau du pape Jules II. 

 Michel-Ange Buonarroti (1475-1564), Moïse, (sculpture sur marbre, 1513-15), 235 x 210 cm

  Tombeau du pape Jules II, registre inférieur, centre ; église Saint-Pierre-aux-Liens, Rome, Italie

© CC BY 3.0→

Détail

Michel-Ange Buonarroti (1475-1564), Moïse, (sculpture sur marbre, 1513-15), 235 x 210 cm, détail

Tombeau du pape Jules II, registre inférieur, centre ; église Saint-Pierre-aux-Liens, Rome, Italie

D.R. photo Jörg Bittner Unna © CC-BY-3.0,→ 

  • La noblesse du port de tête, la profondeur du regard de Moïse à la fois lointain, comme encore ébloui, et proche, comme cherchant le regard du spectateur, empêche de réduire ce chef d'œuvre à une manifestation d'antijudaïsme, comme on l'a parfois fait en commentant les petites cornes qui émergent de sa chevelure.
  • Une interprétation de 2008, s'appuyant sur le fait que la statue devait dans le dessin original du tombeau de Jules II par Michel Ange, être posée à 3,7 mètres de haut, les deux protubérances sur la tête auraient été invisibles pour le spectateur regardant vers le haut depuis le sol - la seule chose qui aurait été vue était la lumière réfléchie par elles : le génie de la Renaissance aurait ainsi conçu un effet spécial presque baroque, et réconcilié en une statue les deux grandes exégèses de qāran.

Des cornes ... de lumière !

Jusepe de Ribera dit « lo Spagnoletto » (1591–1652), Moïse présentant les Tables de la Loi, (huile sur toile, 1638), 168 x 97 cm

Museo di San Martino, Naples (Italie) © Domaine public→ 

Philippe de Champaigne (1602-1674), attr., Moïse présentant les Tables de la Loi, (huile sur toile, 1663), 117,6 x 89,5 cm

Inv. M.P.P.2083-684, musée de Picardie, Amiens © R.M.N. Fair use→ 

Une lumière vive éclaire le législateur et ses tables de pierre, une autres source de lumière jaillit de la tête même de Moïse. Le jansénisme du peintre apparaît peut-être dans le paradoxe du doigt pointant le premier commandement qui interdit toute image taillée ou figure : comment le peintre (ne) doit-il (pas) servir la religion ?

  • Pericolo Lorenzo, Philippe de Champaigne. 'Philippe, homme sage et vertueux'. Essai sur l'art et l'œuvre de Philippe de Champaigne (1602-1674), Tournai : 2003, 161-162) voit dans les deux doigts de la main placée devant les tables et son ombre soit des organes-témoins, en quelque sorte, des cornes-attributs traditionnels de Moïse, échos des cônes lumineux sur la tête de Moïse, dont la face, au contact de Dieu devint à la fois spectaculaire et irregardable. Conjoignant réalité et l'abstraction, représentation et symbole, l'image va au bout du visible rendu accessible par le lisible ou l'audible : ce Moïse est « la représentation codée d'une vérité indicible et inaudible ».

Effets spéciaux

La suite de l'histoire de l'art devient plus anecdotique :

Gustave Doré (1832–1883), Moïse descend du mont Sinaï. Exode 32,15, (gravure sur bois, 1866)

illustration pour La grande Bible de Tours © Domaine public→

James Jacques Joseph Tissot (1836-1902), Moïse et les Dix Commandements, (gouache sur carton, ca 1896-1902), 27,3 x 14,5 cm

Jewish Museum, New York © Domaine public→

Marc Chagall applique cette solution dans sa représentation de Moïse recevant les tables de la Loi  : le prophète a deux rayons lumineux au sommet du crâne, qui ressemblent à des cornes.

Marc Chagall (1887-1985), Moïse recevant les Tables de la Loi, (Huile sur toile, 1960-1966), 237 x 233 cm

Musée national Marc Chagall, Nice © CC BY 3.0→Rm 3

Musique

1,11 ; 3,18 ; 4,1–33 ; 5,1–23 ; 7,1–25 ; 8,1–32 ; 9,1–17 ; 10,1–29,13 Let my people go

20e s.

Louis Armstrong (1901-1971), Go Down Moses, 1958

 © Licence YouTube standard→, Ex 3,18.4,1-33.5,1-23.8,1-32.7,1-25.9,1,13.17.1,11.10,1-29.13,15.17,1-16.11,1-10

Composition

Go Down Moses est un negro-spiritual, inspiré par l'Ancien Testament de la Bible, (Exode 5:1 et 8:1). Israël représente les esclaves africains d'Amérique alors que l'Égypte et le Pharaon représentent les maîtres esclavagistes. Cette chanson a été popularisée par Paul Robeson. Le 7 février 1958, elle est enregistrée à New York par Louis Armstrong avec Sy Oliver's Orchestra.

Paroles

Go down, Moses, way down in Egypt land, tell old Pharaoh to let my people go. Now when Israel was in Egypt land (Let my people go) oppressed so hard they could not stand (Let my people go), so the Lord said : go down, Moses way down in Egypt land, tell old Pharaoh to let my people go. So Moses went to Egypt land (Let my people go), he made old Pharaoh understand (Let my people go), yes the Lord said : go down, Moses way down in Egypt land, tell old Pharaoh to let my people go. Thus spoke the Lord, bold Moses said, (Let my people go), if not I'll smite your firstborn dead (Let my people go), 'cause the Lord said : go down Moses way down in Egypt land, tell old Pharaoh to let my people go, tell old Pharaoh to let my people go.

32,4–35 veau d'or Air du Faust de Gounod Cet air est si célèbre qu'il fait désormais partie de la culture populaire.  « Le veau d'or est toujours debout » est un air célèbre de l'Acte 2 du Faust de Gounod, mis dans la bouche de Méphistophélès.

Charles Gounod (1818-1893), Barbier Jules ; Carré Michel, Faust (1859), acte 2, air « Le veau d'or »

Erich Binder dir., Ruggero Raimondi (Méphistophélès), Wiene Staatsoper, (1985)

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Paroles

MÉPHISTOPHÉLÈS : Le veau d'or est toujours debout!— On encense sa puissance, — D'un bout du monde à l'autre bout !— Pour fêter l'infâme idole— Roi et peuples confondus,— Au bruit sombre des écus,— Dansent une ronde folle — Autour de son piédestal ! Et Satan conduit le bal ! —— CHŒUR : Et Satan conduit le bal! —— MÉPHISTOPHÉLÈS: Le veau d'or est vainqueur des dieux ! — Dans sa gloire dérisoire — Le monstre abject insulte aux cieux — Il contemple, ô rage étrange! — À  ses pieds le genre humain — Se ruant, le fer en main, — Dans le sang et dans la fange — Où brille l'ardent métal !— Et Satan conduit le bal !