Un projet du Programme de Recherches La Bible en ses traditions AISBL
Dirigé par l’École Biblique et Archéologique Française de Jérusalem
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15 Si un homme
G Vquelqu'un M Va séduit une vierge qui n’est pas
M Gnon Vencore fiancéeV, et a couché
Gcouche avec elle G,
il paiera sa
M Gversera la dot et la prendra pour femme
M Gl'aura pour lui comme femme.
15 ...
34,29–35 Moïse avait-il des cornes ? Toute l'histoire de l'art occidental depuis le 12e s., suivant la version latine des Écritures, affuble Moïse d'appendices cornus : Arts visuels Ex 34,29. Ils ne doivent cependant pas faire naître chez l'aimable lecteur de doutes sur la fidélité de Séphora : personne n’a jamais soupçonné l’épouse du prophète ! Ils posent, en revanche, une passionnante question biblique. En l'approfondissant, on confirmera une fois encore que la trace écrite du Verbe de Dieu est une partition polyphonique, dont il faut entendre toutes les voix, et qu'en particulier la voix latine du génial saint Jérôme mérite bien le regain d'intérêt que lui portent des éxégètes, en particulier à l'Ecole biblique et achéologique française de Jérusalem.
Moïse ne pouvait porter de ridicules cornes, disent de grandes autorités :
Et pourtant, il n'est pas sûr que le procès en antijudaïsme voire en antisémitisme fait aux imagiers médiévaux soit entièrement justifié.
En outre, il y aurait beaucoup à dire sur la connotation négative, voire diabolique des cornes.
De fait, l'interprétation diabolisante ou antijuive qui a été faite parfois des cornes de Moïse apparaît comme un parfait contresens :
Il y a de bonnes raisons philologiques de penser
Plus généralement concluons avec un très grand savant, ancien élève de l'Ecole biblique et précurseur de nos travaux en exégèse différentielle :
—
34,30 cornes Sémantique du terme hébraïque qeren קָרַן (qāran) est apparemment un verbe dénominatif dérivé du nom קֶרֶן (qeren), corne.
Si le verbe vient du nom, alors qāran suggère que le visage de Moïse était « cornu » d'une certaine manière.
Exceptionnellement le terme s'irise de connotations solaires.
Peut-être le visage de Moïse devint-il cornu à la façon d'un soleil ou d'un dieu, c'est-à-dire rayonnant de lumière ?
Vocabulaire
34,33ss voile LEXICOGRAPHIE Terme rare
34,29–35 cornes + « voile » : Indices théophaniques ? La métamorphose de Moïse rapportée par la lettre de l'Écriture (Vocabulaire Ex 34,30) peut avoir plusieurs valeurs.
Amplification visuelle (leur longueur évoquant celle de rayons lumineux émis par le visage de Moïse irradié de Présence divine), et armes d'attaque et de défense, les cornes sont des attributs divins bien attestés dans l'art du Proche-Orient ancien (cf. Milieux de vie Ex 34,30).
Les cornes apparaissent sur le visage de Moïse dans un contexte fortement liturgique :
Moïse apparaît ainsi, tel le Temple, médiateur du divin à l'instar de l'autel muni de cornes, du saint, séparé du peuple par un voile, non sans risque :
Dans le Nouveau Testament, Jésus-Christ sera décrit comme le Temple et plus que le Temple, et l'autel et la victime et le Dieu même du sacrifice ultime entre Dieu et son peuple, si bien que Moïse apparaît ici comme un type du Verbe incarné (Intertextualité biblique Ex 34,29–35).
34,29 il ignorait que NARRATION Caractérisation de Moïse La cornification du visage de Moïse résulte de l'intimité vécue avec Dieu : des qualités divines (Milieux de vie Ex 34,30) ont déteint jusque sur le physique de Moïse.
Voici le législateur des Hébreux devenu
34,31s appela + revinrent + parler + s'approcher + commander NARRATION Caractérisation de Moïse : divin ? La façon dont Moïse se comporte avec le peuple et leur réaction à son égard après sa transformation fait écho très précis à celle dont Dieu lui-même interagit avec Moïse et les Israélites dans la narration qui précède.
Le risque est grand de prendre Moïse pour une espèce de dieu.
19,1–34,35 Emplacement du mont Sinaï
Le mont Sinaï, (numérique, 2022)
M.R. Fournier © BEST AISBL, Lv 1-27 ; Nb 9 ; Ex 3 ; Ex 19-34
Le mont Sinaï sur cette carte est associé au djebel Musa au sud de la péninsule du Sinaï, où se trouve le monastère Sainte-Catherine. D'autres localisations ont été proposées au nord de la pénisule ou encore au Negeb par ceux qui adoptent un autre itinéraire pour les Hébreux. Toponymie Sinaï, Horeb.
Mohammed , Vue du sommet du Mont Sinaï (Jabal Musa , جَبَل مُوسَىٰ), (photographie, 2013)
27,1–8 L'autel à cornes Chez les anciens Sémites, les archéologues ont découvert de multiples spécimens d’autels munis de cornes.
En 1973, l’archéologue israélien Yohanan Aharoni, (qui avait déjà découvert à Tell Arad un autel en pierres non équarries (10e-8e s. av. J.-C.), découvrit parmi des pierres de remploi un autel à cornes de l'ancien Israël à Tell Beer-Sheva, au cours de fouilles dans les magasins royaux de Beersabée restaurés par le roi Ézéchias (716-687 av. J.-C.) après l’invasion destructrice du roi assyrien Sennachérib (en 701 av. J.-C.).
Autel à cornes de Tell Beer Sheva, (pierre taillée, 8e s. av. J.-C. ?), 1,57 X 1,57 X 1,57 m
Musée d'Israël, Jérusalem © Domaine public→ dimensions : Ex 27,1 ; 38,1 ; 2Ch 6,13 ; serpent idole 2R 18,4 ; Am 5,5 ; 8,14
En rassemblant des pierres aux tailles étranges, il reconstitua un autel à sacrifices complet, muni de ses cornes aux quatre coins, de 1,57 m largeur et de hauteur (cornes comprises) : converties en coudées, ces dimensions donnent exactement trois coudées royales, comme requis par Ex 27,1 ; 38,1 ; 2Ch 6,13.
L’une des pierres porte la gravure d’un serpent enroulé. Symbole de fertilité dans tout le Proche-Orient ancien, de puissance thaumaturgique (Ex 7,15), de guérison autant que de maladie (Nb 21,4-9), il finit en idole jusqu’à l’époque d’Ézéchias (2R 18,4).
L'autel à cornes de Tell Beer Sheva, (photogravure soulignant le dessin du serpent)
© D.R. Interbible, Fair Use→, serpent idole 2R 18,4 ; Am 5,5 ; 8,14
Outre cette gravure, le fait que les pierres soient taillées expliquerait-il la condamnation du sanctuaire par le prophète Amos (Am 5,5 ; 8,14) ? Le pieux Ezéchias (2R 18,3-4) pourrait avoir fait démanteler cet autel pour cette raison. (Noter cependant Yigael Yadin le rajeunit de 100 ans : pour lui, le mur où les pierres ont été retrouvées en remploi a probablement été détruit à l'époque où les Babyloniens ont conquis et détruit Jérusalem en 587 av. J.-C.).
Cf. →1,473.
masculin : Le mot « autel » lui-même [latin alt-are] porte étymologiquement l’idée de hauteur [alt-um]. On dit même: « ériger un autel ».
Ce symbolisme est peut-être redoublé dans les cornes de l’autel.
À chacun de ses quatre coins s'élevaient des saillies, appelées « cornes » (keranot). Cf. Ex 27,2 ; 29,12 ; 30,2-3.10 ; 37,25-26 ; 38,2; Lv 4,7.18.25.30.34 ; 8,15 ; 9,9 ; 16,18; 1R 1,50-51 ; 2,28 ; Jdt 9,8 ; Ps 118,27; Jr 17,1 ; G-Ez 41,22 ; Ez 43,15.20; Am 3,14. L’image revient dans la vision idéale de la Jérusalem céleste: Ap 9,13.
Les cornes ont plusieurs significations et fonctions, à tel point qu'elles servent aux prophètes pour des action (1R 22,11 et 2Ch 18,10) ou vision (Za 2,1-4) symboliques :
Elles intensifient le symbolisme cosmique de l’autel par leur nombre : 4 (points cardinaux, vents, etc.) renvoie à la totalité cosmique.
Elles lui ajoutent un aspect de verticalité : les cornes dressées évoquent la montée du sacrifice ou de l’offrande vers le ciel.
Certainement liées à la représentation des dieux du Proche-Orient ancien, dont elles ornaient les coiffes en signe de leur souveraineté sur le monde de la création (Milieux de vie Ex 34,30), peut-être sont-elles organes-témoins d’un dieu-taureau ou bélier à l’arrière-plan extra-biblique et païen de ce type d’autel ? Elles apportent à l'autel des attributs divins :
Elles symbolisent la force, humaine et surhumaine : elles métaphorisent une armée dévastatrice (cf. Dt 33,17 ; Mi 4,13) ou même une puissance démonique en Ps 22,22 ; elles font partie de la panoplie des monstres symboles du Mal : Dn 7,7-8.11.20-21.24 ; 8,3-9.20-22; Ap 12,3 ; 13,1.11 ; 17,3.7.12.16. « Ventiler des cornes » signifie disperser des ennemis qu'on a battus : cf. Littérature Ez 5,10.
Elles symbolisent la fécondité (par métonymie du taureau, symbole de puissance mâle : Ps 75,11 ; 89,18.25 ; 112,9 etc.) : en certaines occasions, le rituel exigeait qu’on prenne un peu du sang des victimes animales pour en imbiber les cornes de l’autel.
Finalement, les cornes de l’autel matérialisaient en quelque sorte la présence divine :
28,2–39 LITURGIE Ornements du grand prêtre La tenue liturgique du grand prêtre, telle qu'elle est connue par des sources bibliques : Ex 28,4-40 ; 29,8-9 ; 39,27-30 et extrabibliques : par exemple, → A.J. 3,172-178 ; →Let. Aris. 96-99) semble correspondre à une époque où le culte fut pleinement établi et développé, pas avant l'époque post-exilique, plus qu'aux temps de l'errance au désert.
En voici une reconstitution contemporaine.
Théo , Les vêtements du grand prêtre, (image numérique, 2020)
D.R. Théo Truschel © BEST aisbl
Ex 28,4-40 ; 29,8-9 ; 39,27-30 ; Lv 21,10
En une seule image, voici un essai de visualisation de l'ensemble des ornements décrits en Ex 28,2-39 ; voir aussi les descriptions plus détaillées de l'éphod (Milieux de vie Ex 28,6–14), du pectoral (Milieux de vie Ex 28,15–30), et du (ou des ?) mystérieux Umim et Thummim (Milieux de vie Ex 28,29s).
28,6–14 ; 29,5 ; 39,2–7 éphod Un nom polysémique pour un objet énigmatique
Théo , Évocation du grand prêtre revêtu des ornements sacrés (image numérique, 2020)
D.R. Theo Truschel © BEST aisbl
L'hébreu biblique applique le nom d'éphod (étymologie incertaine) à plusieurs réalités différentes :
À ce corselet est attaché
De toute évidence, les auteurs antiques eux-mêmes sont dans une certaine confusion :
28,15–30 ; 39,10–14 Pectoral du grand prêtre
Voici un essai de visualisation de l'objet décrit par Ex 28,17-22 :
Théo , Pectoral du grand prêtre, (image numérique, 2020),
D.R. Théo Truschel © BEST aisbl
Le pectoral (ḥōšen: Ex 28,15) est une sorte de plastron ceint par dessus l'éphod (Milieux de vie Ex 28,6–14).
Voici d'autres hypothèses selon trois traductions modernes :
Les pierres du pectoral : identifications selon trois traductions récentes
© Théo Truschel
Dans les Écritures, ces pierres (et leur gloire sacerdotale ?) sont plusieurs fois convoquées soit pour évoquer une Cité future toute entière offerte au Seigneur (Is 54,11s ; Ap 21,19 ; cf. a contrario Ez 28,13), soit pour élargir la gloire du grand prêtre aux dimensions du cosmos lui-même (Sg 18,24) !
D'après une opinion talmudique, dont on trouve déjà une trace chez Flavius Josèphe, les lettres gravées sur les pierres du pectoral se mettaient à briller miraculeusement pour former des mots, donnant des oracles plus clairs que ceux qu'on obtenait par le moyen divinatoire antérieur (cf. Milieux de vie Ex 28,29s) avec lequel on tend cependant avec le confondre comme le montre cette gravure ancienne.
Jan , De Gods spraak door Urim en Thummin [Dieu parle à travers l'Ourim et le Toumim] (gravure sur papier, ca 1683–1704), 14.36 x 8.58 cm
Amsterdam Museum→ © Domaine public
Ex 28,30 ; Lv 8,8 ; Nb 27,21 ; Dt 33,8 ; 1S 14,41 ; 1S 28,6 ; Esd 2,63 ; Ne 7,65
C'est de la mort de Jean Hyrcan et de l'abolition de la théocratie que Josèphe semble ainsi dater la fin de ce mode de divination.
28,29s « doctrine » et « vérité » RELIGION Le Urim et le Thummim Cet objet (ou ces objets) constituent une des énigmes les plus populaires de la Bible, au point d'avoir été repris dans les légendes fondatrices des Rosicruciens, des Mormons, ou dans des romans d'initiation comme L'alchimiste de Paulo , et peut-être même dans la devise de l'Université de Yale (« Light and Truth », cf. infra).
Les mots sont au pluriel, mais le contexte suggère qu'il s'agit d'un pluriel intensif, visant à rehausser la majesté des référents qu'ils visent (un peu comme le voussoiement pour s'adresser à une seule personne).
Le Urim et le Thummim servent (sert ?) à déterminer la volonté divine dans des domaines qui dépassaient la connaissance humaine, en une divination qui peut être espèce de loterie ou de tirage au sort sacrée, ou la lecture d'un signe (lumineux) sur ou dans l'objet ou les objets en question.
Flavius Josèphe transmet la croyance antique selon laquelle des phénomènes lumineux dans le Urim et le Thummim signalaient la présence de Dieu :
Même si Josèphe les assimile aux deux pierres des épaulettes du pectoral (Ex 28,9-12), en contradiction avec Ex 28,30, on n'a aucune documentation sur leur taille, leur forme ni le matériau dont ils étaient faits, bien qu'ils soient décrits comme des objets familiers pour Moïse.
Galet de sélénite, fragment de tourmaline noire (photographie) ©D.R→
Ces cristaux ne sont ici rien d'autre qu'une évocation de l'énigmatique « Urim et Tummim » biblique, qui pourraient avoir relevé de la pséphomancie, ou divination par les pierres.
olise peut-être l'autorité divine qui inspire la procédure.
34,30 cornes RELIGION du Proche-Orient ancien. Des hommes et des dieux : les cornes comme attribut divin Diverses attestations iconographiques du Proche Orient ancien permettent de penser que le narrateur d'Exode 34 imagine bien Moïse avec des cornes, et non pas simplement rayonnant. Les divinités du Proche-Orient ancien apparaissent souvent avec des cornes, soit comme une partie de leur « corps», soit portées comme une coiffe. Israël n’a pas hésité à en attribuer aussi à son Dieu, comme expression de sa foi dans la puissance de salut de ce dernier (2S 22,3).
La tiare à cornes, coiffe réservée aux divinités mésopotamiennes, s'est enrichie de paires de cornes au fil du temps (rappel : empire d’Agadé, dynastie d’Akkad fondée par Sargon : 2340-2200 | règne de Naram-Sîn: 2254 – 2218 | époque néo-sumérienne : 2150 – 2100 av. J.-C.).
Empreinte du sceau-cylindre VA 243 , (serpentine, ca 2350–2150 av. J.-C.), 3 x 1 cm, Uruk, Mésopotamie
Vorderasiatische Museum, Berlin (Allemagne)
photo : Anton , Vorderasiatische Rollsiegel. Ein Beitrag zur Geschichte der Steinschneidekunst, Berlin (1940) : 101 © Domaine public
La scène représente une interaction rituelle ou administrative dans un style typique des sceaux-cylindres mésopotamiens. Un dieu trône, une charrue dans la main levée, face à un autre dieu (tous deux porteurs de coiffes à cornes), introduisant un adorateur humain (sans cornes) porteur d'un chevreau. La divinité assise, est probablement une figure majeure du panthéon. Si les motifs cosmiques du registre supérieur sont associés au soleil, ce pourrait être Šamaš (Utu). On peut aussi penser à Enlil : Dieu de l’air et de l’autorité, souvent représenté dans des scènes administratives ; ou encore à Anu chef du panthéon sumérien, parfois associé à un trône céleste.
Le nombre de cornes indique la plus ou moins grande puissance du dieu.
Stèle d'Hammourabi (1810−1750 av. J.-C.), (gravure et sculpture sur basalte noir, entre 1793 et 1751 av. J.-C., Suse ?), 225 x 79 x 47 cm
sb 8, Département des Antiquités Orientales, salle 227,, Musée du Louvre (Paris), © Domaine public→
Le relief montre Hammurabi debout devant le dieu Shamash assis, coiffé de la tiare à quadruples cornes. L'attribut solaire des flammes jaillit de ses épaules.
L'attribution de cornes à des humains est rare, elle signale leur statut élevé, en voie vers la divinisation peut-être.
Stèle de Narâm-Sîn, roi d'Akkad, célébrant sa victoire contre les Lullubi du Zagros (détail d'un relief sur calcaire gréseux, ca 2350- 2200 av. J.-C.), stèle entière : 200 × 105 × 27 cm
Département des Antiquités Orientales, Richelieu, rdc, salle 2, Apporté de Sippar à Suse comme butin de guerre au 12e s. av. J.-C., Musée du Louvre, Paris © Domaine public→
Sur certaines images, diverses figures anthropomorphes ne sont identifiables comme dieux que par la présence de cornes, leur absence signalant que la figure est seulement humaine.
(13e s. av. J.-C.), Le pharaon Horemheb entre Osiris et Hathor, (fresque)
Décoration dans la tombe de Horemheb (KV.57), détail de la frise du puits, mur oriental, Vallée des Rois, Thèbes ouest, Égypte
D.R. photo Jean-Pierre Dalbéra © CC-BY-2.0→
Au c. : Horemheb (dernier pharaon de la dix-huitième dynastie, qui rétablit le culte d'Amon après les expériences de Toutankhamon et de son père Aménophis IV) ; Osiris (à g.) porte fouet et sceptre royaux ; Hathor (à dr.), maîtresse de l'Ouest, du Ciel et de tous les dieux, est coiffée d'une perruque à bandes surmontée des cornes de vache enfermant le disque solaire.
Remarquable, dans le contexte d'Ex 34,20-35 est l'association entre le rayonnement du soleil et les cornes ou les couronnes, comme ici.
Le roi Touthmosis III portant la couronne Atef, (relief polychrome sur calcaire, ca 1479-1425 av. J.-C. ?), Deir el-Bahari, musée de Louxor, Égypte
D.R. photo Olaf Tausch © CC-BY-3.0→
(13e s. av. J.-C.), Triade de Ramsès II avec Amon et Mout, (sculpture sur granit, Nouvel Empire, XIXe dynastie, règne de Ramsès II, vers 1279-1213 av. J.-C), 170 x 113,5 x 94 cm., temple d'Amon à Karnak, Égypte
Musée égyptien de Turin, Italie © Fair use→
Ramsès II, portant des cornes de bélier, siège entre Amon, le dieu du vent et de la fertilité, et la déesse Mout compagne d'Amon, portant les grandes cornes de vache.
Stèle de Baal au foudre, (calcaire blanc, 15e-13e s. av. J.C.), 142 × 50 × 28 cm, stèle cintrée, Ras Shamra, Ougarit, Syrie
Département des Antiquités Orientales, salle 301 n° AO 15775, Musée du Louvre, Paris
Cette stèle représente le dieu de l'orage et de la pluie Baal. Celui-ci marche vers la droite levant une massue de son bras droit et plantant dans le sol une lance. Il porte une barbe et une haute coiffe à cornes de taureau, l'identifiant comme divinité. Deux longues mèches de cheveux enroulées aux extrémités tombent sur sa poitrine. Le dieu est vêtu d'un pagne orné de fines rayures, à sa ceinture un poignard à gaine à bout recourbé se situe juste au-dessus d'un personnage nettement plus petit. Cette figure est posée sur un piédestal, elle porte une robe châle à galon. Ce petit personnage représente certainement le roi d'Ougarit, vêtu d'une tenue de cérémonie, faisant un geste de prière, se plaçant ainsi sous la protection du dieu. Le dieu Baal était l'un des dieux les plus importants du Levant, il déclenchait l'orage en brandissant sa masse d'arme, sa lance arborescente symbolise la foudre et les bienfaits de la pluie. Des textes découverts à Ras Shamra, écrits en ougaritique, décrivent le combat entre Baal depuis sa résidence de la montagne et Mot, dieu de la mort et de la sécheresse. D'autres évoquent son combat contre Yam, dieu de la mer. C'est peut-être ce qu'évoquent les lignes ondulées gravées sur la base qui symboliseraient la montagne et la mer.
Dans l'imagerie divine du Proche-Orient ancien les cornes divines étaient souvent associées à une lumière (cf. Vocabulaire Ex 34,30). En Mésopotamie, par exemple les cornes ont un rapport avec l'aura des dieux appelée « melammu », lumière brillante qui rayonnait en particulier de leur tête (Enuma Elish 4,58) ou de leur armement, et qu'ils pouvaient donner en partage à des humains, en particulier les rois (cf. l'équation corne = lumière autour du messie davidique en Ps 132,17 ; ou encore Ha 3,4).
34,29 des cornes : V | G : l'apparence de son visage était chargée de gloire | M : rayonnait la peau de son visage. Comment raconter la gloire divine ?
Les Targoums (Onqelos, Ps-Jonathan, fragmentaire, Neofiti, ou samaritain) semblent délibérément traduire le terme de « peau » (עור) comme s’il s’agissait du mot « lumière » (אור), en s'appuyant sur des graphies assez semblables pour faciliter la lecture d'un passage à l'imagerie difficile à accepter.
Frontispice de la bible Polyglotte d’Alcalà→ (1514-1517), (gravure sur bois) © Domaine public
34,29–35 TYPOLOGIE christique : Moïse type du Verbe incarné ?
23,16 La fête de la Récolte Shavouoth La fête des Semaines, Shavouoth (qui signifie « semaines » en hébreu), correspond à la Pentecôte. Elle est aussi appelée :
Avec Pâque et la fête des Tentes, Shavouoth est l'une des trois fêtes de pèlerinage (regalim) pendant laquelle on montait au Temple de Jérusalem.
, Célébrations au Mur du Temple à Jérusalem
(Vidéo numérique, 2022)
À l’origine c’est une fête agricole célébrant le début des moissons puis dès la période hellénistique elle a acquis son sens actuel de commémoration du don de la Tora au Sinaï.
La fête est aussi mentionnée en
Cette fête a lieu cinquante jours après Pâque, le 6 du mois de Sivan dans le calendrier hébreu, date qui tombe au mois de mai ou de juin du calendrier grégorien. En dehors d’Israël, la fête dure deux jours, les 6 et 7 de Sivan.
La date de cette fête, qui n’est pas explicitement précisée dans le texte biblique, fit l’objet de controverses dans l’Antiquité. Dans la mesure où ce passage figure dans un chapitre décrivant un calendrier rituel fixé dans un ordre chronologique, il est certain que le point de départ du décompte est lié aux deux fêtes qui viennent d’être évoquées, Pessah et les jours suivants, les Azymes. La détermination de la date de Shavouoth dépend seulement du sens que l’on donne à l’expression « lendemain du sabbat » (Lv 23,15), seule indication de la Tora, et notamment au terme « sabbat » dans la première occurrence de la fête. Il peut signifier soit « le jour du sabbat », pour une lecture littérale, soit « le jour de la fête » pour une interprétation fondée sur l’usage d’appeler le sabbat « fête », comme dans Lv 23,24 ou Lv 23,32. Selon l’interprétation littérale, on commence le décompte à partir du dimanche suivant les six jours des Azymes. Dans ce cas, la date de la fête n’est pas fixe, puisque Pâque peut tomber n’importe quel jour de la semaine. La fête avait lieu un dimanche, lendemain du sabbat autour du 15 Sivan. Des textes de Qumrân témoignent de ce choix et de la controverse avec les Pharisiens :
Selon les sages du Talmud, il faut compter à partir du 16 Nissan, c’est-à-dire, le soir du premier jour de Pâque. Pour eux, le sabbat désigne le jour de la fête de Pâque, que ce soit ou non un sabbat :
Par ailleurs, dans l’Antiquité tardive est apparu le principe du redoublement des jours de fête majeurs en diaspora :
Cette pratique, originellement apparue à cause des incertitudes du calendrier, fut par la suite maintenue pour des raisons théologiques :
Le erouv, qui donne son titre au traité, sert à délimiter, pour des raisons pratiques, un espace à partir duquel on peut calculer ce que l’on peut transporter le jour du sabbat sans enfreindre la sainteté du jour. Pour Shavouoth et certaines autres solennités, le erouv est symboliquement délimité dans le temps : on élargit le périmètre temporel de la fête pour être sûr de la garder. C’était le premier motif des deux jours d’observance, à cause de l'incertitude de la date. Dans ce passage, l’exil (en Syrie) est considéré comme un châtiment de l’infidélité du peuple, qui doit la réparer en célébrant les solennités pendant deux jours. C’est la raison qui fonde la différence d’observance entre Israël et le reste du monde aujourd’hui.
La fête de Shavouoth ne comporte pas de rite particulier. L’essentiel de la célébration est intégré à la liturgie synagogale, où on lit les passages de la Tora portant sur l’institution de la fête ainsi que sur la révélation du Sinaï. La plupart des rituels accomplis sont similaires à ceux des fêtes de réjouissance majeures, notamment l’allumage de bougies et la récitation du Hallel. Outre la veillée d’étude pratiquée dans certaines communautés, on lit en entier le livre de Ruth :
Cependant aucun traité du Talmud n'est dédié à cette fête bien qu'elle soit l'une des trois convocations annuelles au Temple de Jérusalem (avec Souccot et Pessah qui font chacune l'objet d'un traité). Cette omission pourrait être le signe d'une polémique avec les chrétiens qui reprennent le sens de cette fête comme don de la Tora au Sinaï dans Ac 2.
Sont lus le premier jour de la fête :
Sont lus le second jour (hors d'Israël) :
En Israël, où le jour de Shavouoth est férié, la fête a pris depuis le début du 20e siècle une dimension champêtre mettant en avant les productions agricoles. Des processions de villages et de kibboutz sont donc organisées, modelées sur la description d’une cérémonie d’offrande des prémices au Temple tirée du Talmud. De nombreux spectacles sont également organisés.
, Mizmor de Shavouoth (psaume 68)
(Tradition Hazanout Ashkénaze, Enregistrement numérique audio, 2017)
L’offrande collective des prémices de la nouvelle récolte du blé est définie dans le Deutéronome comme un pèlerinage au Temple de Jérusalem (Dt 16,11.16) et s’accompagnait de nombreux sacrifices publics et individuels, détaillés à plusieurs reprises dans la Torah (Lv 23,18-20 ; Nb 28,26-30).
, Champ de blé mûr
(Photographie numérique, 2018)
Dans le livre de Tobie (Tb 2,1ss), vraisemblablement composé au 2e siècle av. J.-C., un juif installé dans l’empire assyrien — c’est-à-dire cinq siècles plus tôt — célèbre Shavouoth dans la ville de Ninive en prenant un « déjeuner copieux » avec sa famille.
La fête est liée à l’événement de la sortie d’Égypte dès la période hellénistique :
On trouve cette association dans la tradition rabbinique, de manière elliptique :
La commémoration du don de la Tora au Sinaï confère à la fête un caractère mystique propice aux phénomènes surnaturels, comme des dédicaces du Temple, ou d’autres événements, comme l'atteste la littérature péritestamentaire :
Dans le Livre des Jubilés, composé à la fin du 2e siècle avant notre ère, un ange envoyé à Moïse présente la fête des Semaines comme une « célébration de l’Alliance », thème rappelant le don de la Loi au Sinaï :
(1802-1885), dans son recueil La Légende des siècles (1859-1883), écrivit le poème « Booz endormi ».
Le péplum américain L'histoire de Ruth (1960) de (1905-1988) évoque de manière romancée l'histoire de ce livre biblique.
(1760-1837) composa en 1811 un oratorio intitulé Ruth et Noëmi.
(1928-1999) également composé un oratorio intitulé Ruth - An oratorio en 2019.
, Ruth - An Oratorio (Vidéo numérique, Beth Shalom, 8 juin 2019)
Phil Baron (Booz), Sarah Fortman Zerbib-Berda (Noémi), Bryce Megdal (Ruth), Michelle Baron (narrateur) et Chris Hardin (piano)
24,4s Moïse bâtit un autel pour le Seigneur
, Offertoire - Sanctificavit
Chœur des moines de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux
34,29–35 cornes RITUEL Paramentique : des cornes de Moïse aux mitres épiscopales...
Le Moïse cornu apparaît dans les romans de chevaleries et les versifications françaises de la Bible des 12e-13e s. Dans ces romans, l’adjectif cornus revêt le sens de riche, puissant, fort (cf. J. R. , « Les cornes de Moïse », Romania, tome 114453-454 (1996) pp. 235-246). La réalité de l’excroissance pointue n’y est cependant pas oubliée : elle se retrouve plus ou moins identifiée à ... la mitre des évêques.
, Li romans de Carité et Miserere (ca 1173-1180/90) , § 116-117 « Eveskes, sages iés moustrés | Quant tu ies en ton hiaume entrés | Car par le double encornement | Le mitre dont tu ies mitres | Moustre ke tu ies bien letrés | Et ke tu ses Pacordement | Dou vies, dou nouvel testament | Por chou ies cornus doublement » (éd. A.G. Van Hamel, Paris, 1885, p.62).
(chanoine et prêtre, 12e s.) Li romanz de Dieu et de sa Mere (ap. 1169 ou 1189?), 6, str. 286 v. 2100ss [il s'agit de Moïse] : « Cist homn estoit cornuz, signor, vos nel savez. | Tornees sont les cornes, com vos veü avez | Les coifes c'ont es chiés li evesque sacrez : | Por ce que il n'ont cornes — ce lor est destinez —| Si ont coifes cornues, sachiez par veritez » (cf. Ina , éd., Li romanz de Dieu et de sa mere d'—, Leiden, 1975 p. 287).
Alexandra , évolution de la mitre cornue aux 11e et 12e siècle, (montage photographique numérique)
D.R. Blog Alexandra Makin→ © Fair use
La mitre en forme de bonnet est apparue pour la première fois dans la seconde moitié du 11e s., se portant latéralement sur la tête et continua à être portée de cette façon jusqu'à la fin du 12e s. Vers 1125 et certainement vers 1140, cette mitre latérale a fait un virage très progressif de 90 degrés et a commencé à être portée d'avant en arrière. Les cornes étaient désormais situées directement au-dessus du visage et de l'arrière de la tête au lieu d'être au-dessus des oreilles. La première mitre qui montre ce changement d'orientation est tirée d'un manuscrit français daté de 1120-1146.
Cet usage est confirmé dans la mystagogie allégorique de Durand de Mende :
→ Rationale (I, p. 75 v) : « Mitra autem scientiam utriusque testamenti designat. Duo namque illius cornua duo sunt testamenta : anterius novum posterius vetus, quæ duo Episcopus memoriter debet scire ».
Une explication à cette identification de la mitre épiscopale et des cornes de Moïse pourrait bien se trouver dans les représentations de la coiffe d'Aaron, frère de Moïse, premier grand prêtre et à ce titre sorte de prorotype de l'évêque tel qu'il est considéré dans la hiérarchie ecclésiastique chrétienne :
, Moïse et Aaron instruits par Dieu de la discipline des sacrifices, (détrempe sur parchemin, 12e-13e s. ?), enluminure d'incipit du livre du Lévitique traduit en français
British Library, Londres © Domaine public→,
Un Dieu jeune (le Christ?) explique depuis la nuée la discipline du sacrifice à un jeune Moïse cornu et à son frère Aaron paré comme un évêque avec mitre cornue et crosse, et à un serviteur.
, Moïse recevant les tables de la Loi pendant qu'Aaron organise l'adoration du veau d'or, (détrempe sur parchemin, 1175-1300), Initiale historiée dans Leviticus cum glossa ordinaria, Latin 184, incipit, f. 2v
Département des Manuscrits, Bibliothèque nationale de France, Paris © Domaine public→
Aux cornes symboliques de Moïse recevant du Dieu-Christ les tables de la Loi, correspondent les deux cornes de la mitre d'Aaron, qui a tout d'un évêque, et dont le cœur semble partagé entre contemplation du dialogue entre le Verbe et son image, et pouvoir à exercer sur le petit peuple adorant son veau comme un seul homme...
34,29–35 Comment comprendre la transformation du visage de Moïse ?
Rachi développe le même rapprochement en comparant cornes et rayons, mais pour lui les cornes sont venues à Moïse avant même Ex 34 (anticipation que l'on retrouve dans les « Bibles » françaises en forme de romans de chevalerie des 12e-13es. (cf. J. R. , « Les cornes de Moïse », Romania, tome 11/4453-454 (1996), 235-246. DOI : )
Il rapproche ainsi qāran, « cornu », et qāran, « brillant » et rejoint p.ê. un archétype de la représentation du divin au Proche-Orient Antique : Milieux de vie Ex 34,29–35.
Peut-être motivée par le désir de lutter contre l'anti-judaïsme que les cornes ont fini par alimenter dans la chrétienté médiévale (Arts visuels Ex 34,29–35), la polémique contre les cornes de la Vulgate s'appuie sur des explication philologiques ad hoc, moins convaincantes que celle d'Aquila (Vocabulaire Ex 34,29–35) :
Le dramaturge juif d'Alexandrie au 2e s. av. J.-C. raconte un rêve de Moïse dans lequel celui-ci assume le trône de Dieu, en brandit le sceptre de Dieu et en porte la couronne, et dont Moïse se réveille terrifié :
Au 1er s. ap. J.-C. Moïse a atteint un statut très élevé, dont témoignent un texte apocalyptique comme →Asc. Moïse ou le récit de la lapidation d'Étienne pour avoir blasphémé « contre Moïse et contre Dieu » mis en parallèle (Ac 6,11)...
34,29–35 Comment comprendre la transformation du visage de Moïse ? 1 : les cornes
L'attribut très surprenant a choqué, et certains imaginent qu'avant le 8e s., la bible latine (saint Jérôme) eût proposé coronatus « couronné », le cornatus « cornu » actuel étant au départ une erreur de copiste.
Thomas d'Aquin s'efforce d'éviter les cornes qu'il reproche aux imagiers de montrer (Arts visuels Ex 34,29). Il le dit en commentant 2Co 3,13-16, où saint Paul explique que la lecture christique de l'Écriture consiste à retirer le voile dont Moïse cachait la métamorphose glorieuse de son visage, que ses auditeurs, puis ses lecteurs, ne pouvaient comprendre :
Super 2 ad Cor., lectio 2 : « [...] l’Apôtre argumente d’après le récit de l’Exode (Ex 34,30-35) où notre texte porte que "le visage de Moïse avait des cornes" [ubi littera nostra habet, quod Moyses habebat faciem cornutam] de telle sorte que les fils d’Israël ne pouvaient tenir leurs regards fixés sur la face de Moïse. Un autre texte porte "le visage resplendissant [faciem splendidam] de Moïse", ce qui est meilleur. Il ne faut pas comprendre qu’il portait des cornes à la lettre, comme certains le peignent, mais que son visage émettait des rayons qui semblaient des espèces de cornes [Alia littera habet faciem splendidam, quod melius dicitur. Non enim intelligendum est eum habuisse cornua ad litteram, sicut quidam eum pingunt; sed dicitur cornuta propter radios, qui videbantur esse quasi quaedam cornua] » (éd. Vivès→ § 93).
Dans sa réticence, Thomas, qui a un amour certain pour les juifs, s'avère peut-être marqué par l'exégèse juive (Tradition juive Ex 34,29–35), en particulier celle de ou de Ceux-ci cherchaient peut-être bien à lutter contre l'antijudaïsme que la représentation des cornes pouvait susciter ou catalyser.
Les cornes de Moïse ont reçu une connotation négative avec le développement du sentiment antijuif à la fin de la période médiévale (Ruth , The Horned Moses in Medieval Art and Thought, « California Studies in the History of Art » 14, Presses universitaires de Californie, 1970, 133-137).
Sur la miniature suivante, Moïse est affublé non seulement de ses cornes mais encore du pileus cornutus :
Portrait de Moïse, (après 1323), enluminure dans , Compendium gestarum rerum
Egerton 1500, f° 5v., British Library, Londres (Royaume-Uni)
© CC-BY-SA-4.0→Ici, cependant, Moïse conserve un visage noble et doux... Est-il certain qu'on soit devant un témoignage formel d'antijudaïsme ? Là, d'ailleurs, c'est carrément le Christ lui-même qui est coiffé du pileus cornutus :
Jésus et les disciples d'Emmaüs à l'auberge, (tempera et feuille d'or, vers 1190–1200), 11,9 × 17 cm,Vie du Christ illustrée, avec des suppléments, York ? (enluminure), Norfolk ? (texte), Angleterre
Ms.101 (2008.3), fol. 87, Musée Getty, Los Angeles CA, États-Unis © CC BY-SA 4.0 International→
Jésus sourit, amusé du quiproquo. L'un des deux disciples est sous le coup d'un tel choc émotionnel que sa barbe en a blanchi ! (davantage : Arts visuels Lc 24,29–35)
O.-Th. , Modernes cornes de Moïse, (photographie numérique), Jérusalem, porte de Damas, le 12 février 2025
© D.R., pour BEST aisbl
Les Juifs orthodoxes ont l'habitude cocasse mais bien compréhensible de protéger leur chapeau noir, parfois coûteux, dans un sac plastique en cas de pluie... Surpris un soir d'hiver descendant prier au Qotel, celui-ci avait-il conscience de ressembler ainsi à son illustre Patriarche selon l'iconographie chrétienne ?
23,16s la fête de la moisson Sukkot à la synagogue
(1869 - 1934), Sukkot à la synagogue (huile sur toile, 1894), 109,2 x 138,4 cm
Lodz, Pologne, Jewish Museum, New York→
© Domaine public, Ex 23,16-17 ; Ex 34,22 ; Lv 23,34-43 ; Nb 29,12 ; Dt 16,13-16 ; Jg 9,27
est un peintre juif réaliste polonais, apprécié pour ses peintures de scènes hébraïques et leurs personnages typiques. Ici, les deux hommes à droite sont vêtus de manière traditionnelle, ils portent des châles de prières et ont la tête couverte. Ils donnent à examiner au rabbin une branche de saule, et une palme de dattier et observent eux-même un cédrat : il s'agit là pour eux de respecter la prescription des quatre espèces faite en Lv 24.
24,1–18 En quête de Lumière sur la montagne CONTEMPLATION Du Sinaï à la Sainte-Victoire
Paul (1839-1906), Plaine provençale, (Huile sur toile, 1883), 58,5 x 81 cm
Stiftung, Winterthur.
Un paysage paisible de Provence qui semble absorber Cézanne, lui qui est tellement amoureux de sa terre gorgée de lumière. La lumière ne vibre plus comme chez les impressionnistes mais devient respiration de couleurs chaudes ; elle s’étale de manière égale sur les différentes surfaces selon une géométrisation de l’espace comme pour construire des volumes, des formes. Le peintre découvre la puissance implacable du soleil. Il donne à voir comment la couleur, sous l’effet du soleil, se libère et s’impose par elle-même. La lumière est matière, feu incandescent. Ce marcheur peint en extérieur, mais est en quête d’une harmonie intérieure : il veut regarder, comprendre avant de peindre. S’il peint d’après nature, ce n’est pas pour la reproduire, mais pour traduire ses sensations, ses coups de cœur. Car il se laisse transpercer par la nature pour aller, au-delà des apparences, chercher les formes, les couleurs, les lumières de la Création originelle.
La nature le conduit à l’art. La Sainte Victoire fut le lieu de sa propre révélation, montagne sacrée, Sinaï de sa vocation d’artiste : il devint ainsi le « nouveau Moïse » de la peinture Moderne, « notre maître à tous » reconnaissait Pablo Picasso. Autre grand admirateur, le poète Henri de Régnier écrit dans La Prière de Paul Cézanne : « Seigneur de la clarté de l’air et du nuage Toi vers qui si souvent mon appel s’est tourné… Considère ces yeux qui fixèrent les choses Avec un tel désir de voir leur vérité… ». (J.-M. N.).
24,7 Lecture prophétique
, Prophète tenant le rouleau de la Loi (fresque, ca. 250-256), panneau latéral vertical III
Synagogue de Doura Europos, Musée national de Damas→, AO 15775 © Domaine public
Succédant à un premier édifice datant de la seconde moitié du 2e s., la synagogue de Doura Europos fut reconstruite vers 244-245. Celle-ci est dotée d'un ensemble de fresques figuratives qui sont un témoignage rare de l'art de cette époque et qui constituent aujourd'hui l'une des pièces majeures du musée national de Damas. Les spécialistes hésitent dans l'identification du prophète ici représenté. Il est dans une posture de léger contrapposto, le poids de son corps reposant sur sa jambe droite. Il exhibe un rouleau ouvert déroulé, et à ses pieds est posé un objet ayant la forme habituelle de l'Arche d'Alliance. S'agit-il de Moïse proclamant l'alliance, l'arche qui la symbolise étant à ses pieds ? S'agit-il plutôt de ce nouveau Moïse que fut Esdras, promulguant à nouveau la Loi (à ses pieds, on aurait affaire à un simple coffre à rouleaux) ? Ou bien, le personnage ne lisant pas, mais exhibant le rouleau, et étant associé à l'Arche et à son tabernacle, s'agit-il de Jérémie tel qu'il est évoqué en 2M 2,4-5 ?
24,10 le ciel quand il est serein La couleur bleue ou le Dieu saphir Les vitraillistes nous aident à comprendre une telle place de la couleur du ciel, dans l'une des théophanie les plus énigmatiques et bouleversantes de l'Ancien Testament
Claudio (âge : non renseigné), vitraux contemporains, 1980
Eglise Dom Bosco, Brasilia
Photo Blog de Yann→ © D.R.
Geneviève (1923- ), Vitrail, 1989 - 1992, Collégiale Notre-Dame, Lamballe
Photo : Blog de Cecilia Avila→ © D.R.
27,9–19 Tu feras aussi le parvis de la demeure La construction du tabernacle Gerard Hoet, peintre néerlandais du Siècle d'or, s'efforce de représenter tous les détails de cette construction dans des gravures de grand style. (Il n'oublie même pas ... les cornes de Moïse !)
Gerard (1648 - 1733), La Construction du Tabernacle, (eau-forte, 1728) dans Figures de la Bible, La Haye : P. de Hondt, 1728
N8025. F5 1728, University of Oklahoma Libraries, Norman (États-Unis)
Moïse au premier plan, distingué par les rayons lumineux de sa tête, tel un maître d'œuvre dirige les plans de la contruction du sanctuaire. On aperçoit au second plan un chantier gigantesque : le Tabernacle tel que Dieu l'a commandé prend forme au milieu du campement des Hébreux et le détail de son exécution est déployé en Ex 38,8-20.
34,29 son visage avait des cornes Cornes et rayonnement de Moïse Les représentations de Moïse cornu (Vocabulaire Ex 34,29) dans les arts visuels sont attestées pour la première fois au 12e s. en Angleterre. Les cornes deviennent ensuite un attribut fréquent du Législateur des Hébreux, pour le meilleur et pour le pire (Tradition chrétienne Ex 34,29–35 : antijudaïsme), ce qui explique l'hésitation constante des portraitistes de Moïse, qui oscillent entre excroissance kératineuse et fantaisie capillaire.
, Dieu parle à Moïse, (vitrail, 1248), baie 7, 156 A, détail
Sainte-Chapelle, Paris (France) © Domaine public
(?, Paris, ca 1290-1300), Trois épisodes de la vie de Moïse, (détrempe, pigments et or sur papier), 255 x 285 mm, enluminure, dans , la Somme le Roi (Livre des vices et des vertus),
ms. add. 54180, f°5v, British Library, Londres, © Domaine public→
Les cornes sont vraiment dans le prolongement du visage de Moïse est cornu sur ces images. Le rapport entre sa métamorphose et le veau d'or qu'il a brisé (cf. Procédés littéraires Ex 34,31s) est ici de l'ordre de l'évidence visuelle.
Le contraste entre le législateur des Hébreux et le Législateur ultime, entre type et antitype, est souvent souligné :
(France du nord ou Belgique), Rencontre au sommet entre Moïse et Jésus (détail), (enluminure sur parchemin vers 1440), 37,3 x 27,7 cm (page)
dans , (traducteur français), Bible historiale, n° 0312, f. 051v
Bibliothèque Mazarine, Paris, Initiales © CC-3.0→,
Les cornes de Moïse font face au nimbe crucifère du nouveau Moïse. Le premier désigne la lettre (invisible) sur un phylactère, le second en explique toute la teneur dans un beau geste des mains. Cependant un être cornu à côté du Seigneur n'évoque-t-il pas insensiblement la scène de la Tentation du Christ au désert ?
Rapprochées, en contresens (cf. Milieux de vie Ex 34,30, des cornes des faunes antiques ou des diables, ces cornes finirent par affubler Moïse (et les Juifs) d'une aura diabolique... Jusqu'au 17e s., Moïse est le plus souvent représenté âgé, barbu, et cornu.
La plus célèbre de ces représentations est sans doute la statue sculptée par Michel-Ange vers 1515 pour le tombeau du pape Jules II.
Buonarroti (1475-1564), Moïse, (sculpture sur marbre, 1513-15), 235 x 210 cm
Tombeau du pape Jules II, registre inférieur, centre ; église Saint-Pierre-aux-Liens, Rome, Italie
Buonarroti (1475-1564), Moïse, (sculpture sur marbre, 1513-15), 235 x 210 cm, détail
Tombeau du pape Jules II, registre inférieur, centre ; église Saint-Pierre-aux-Liens, Rome, Italie
D.R. photo Jörg Bittner Unna © CC-BY-3.0,→
Jusepe de dit « lo Spagnoletto » (1591–1652), Moïse présentant les Tables de la Loi, (huile sur toile, 1638), 168 x 97 cm
Museo di San Martino, Naples (Italie) © Domaine public→
Philippe (1602-1674), attr., Moïse présentant les Tables de la Loi, (huile sur toile, 1663), 117,6 x 89,5 cm
Inv. M.P.P.2083-684, musée de Picardie, Amiens © R.M.N. Fair use→
Une lumière vive éclaire le législateur et ses tables de pierre, une autres source de lumière jaillit de la tête même de Moïse. Le jansénisme du peintre apparaît peut-être dans le paradoxe du doigt pointant le premier commandement qui interdit toute image taillée ou figure : comment le peintre (ne) doit-il (pas) servir la religion ?
La suite de l'histoire de l'art devient plus anecdotique :
Gustave (1832–1883), Moïse descend du mont Sinaï. Exode 32,15, (gravure sur bois, 1866)
illustration pour →La grande Bible de Tours © Domaine public→
James Jacques Joseph (1836-1902), Moïse et les Dix Commandements, (gouache sur carton, ca 1896-1902), 27,3 x 14,5 cm
Jewish Museum, New York © Domaine public→
Marc Chagall applique cette solution dans sa représentation de Moïse recevant les tables de la Loi : le prophète a deux rayons lumineux au sommet du crâne, qui ressemblent à des cornes.
Marc (1887-1985), Moïse recevant les Tables de la Loi, (Huile sur toile, 1960-1966), 237 x 233 cm
Musée national Marc Chagall, Nice © CC BY 3.0→, Rm 3
1,11 ; 3,18 ; 4,1–33 ; 5,1–23 ; 7,1–25 ; 8,1–32 ; 9,1–17 ; 10,1–29,13 Let my people go
Louis (1901-1971), Go Down Moses, 1958
© Licence YouTube standard→, Ex 3,18.4,1-33.5,1-23.8,1-32.7,1-25.9,1,13.17.1,11.10,1-29.13,15.17,1-16.11,1-10
Go Down Moses est un negro-spiritual, inspiré par l'Ancien Testament de la Bible, (Exode 5:1 et 8:1). Israël représente les esclaves africains d'Amérique alors que l'Égypte et le Pharaon représentent les maîtres esclavagistes. Cette chanson a été popularisée par Paul . Le 7 février 1958, elle est enregistrée à New York par Louis avec Sy Oliver's Orchestra.
Go down, Moses, way down in Egypt land, tell old Pharaoh to let my people go. Now when Israel was in Egypt land (Let my people go) oppressed so hard they could not stand (Let my people go), so the Lord said : go down, Moses way down in Egypt land, tell old Pharaoh to let my people go. So Moses went to Egypt land (Let my people go), he made old Pharaoh understand (Let my people go), yes the Lord said : go down, Moses way down in Egypt land, tell old Pharaoh to let my people go. Thus spoke the Lord, bold Moses said, (Let my people go), if not I'll smite your firstborn dead (Let my people go), 'cause the Lord said : go down Moses way down in Egypt land, tell old Pharaoh to let my people go, tell old Pharaoh to let my people go.
32,4–35 veau d'or Air du Faust de Cet air est si célèbre qu'il fait désormais partie de la culture populaire. « Le veau d'or est toujours debout » est un air célèbre de l'Acte 2 du Faust de Gounod, mis dans la bouche de Méphistophélès.
Charles (1818-1893), Jules ; Michel, Faust (1859), acte 2, air « Le veau d'or »
Erich Binder dir., Ruggero Raimondi (Méphistophélès), Wiene Staatsoper, (1985)
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MÉPHISTOPHÉLÈS : Le veau d'or est toujours debout!— On encense sa puissance, — D'un bout du monde à l'autre bout !— Pour fêter l'infâme idole— Roi et peuples confondus,— Au bruit sombre des écus,— Dansent une ronde folle — Autour de son piédestal ! Et Satan conduit le bal ! —— CHŒUR : Et Satan conduit le bal! —— MÉPHISTOPHÉLÈS: Le veau d'or est vainqueur des dieux ! — Dans sa gloire dérisoire — Le monstre abject insulte aux cieux — Il contemple, ô rage étrange! — À ses pieds le genre humain — Se ruant, le fer en main, — Dans le sang et dans la fange — Où brille l'ardent métal !— Et Satan conduit le bal !