La Bible en ses Traditions

Matthieu 26,1–75

Byz S TR Nes
V

...

Et il advint lorsque Jésus eut achevé toutes ces paroles

qu’il dit à ses disciples :

1–5 Mc 14,1-2 ; Lc 22,1-2 1 = 7,28 Comme Moïse Dt 31,1

...

— Vous savez que dans deux jours la Pâque arrivera

et le fils de l’homme sera livré pour être crucifié.

...

Alors s’assemblèrent les princes des prêtres et les anciens du peuple

dans la cour du prince des prêtres nommé « Caïphe » 

3 Les grands se liguent Ps 2,1-2 ; Jn 11,47-53 ; Ac 4,25-27

... 

et ils tinrent conseil en vue de s’emparer de Jésus par ruse et de le tuer, 

4 Complot Ps 11,2 ; 31,14 ; 56,7

... 

mais ils disaient : — Pas pendant la fête ;

que tumulte n’advienne dans le peuple ! 

...

Or Jésus se trouvant à Béthanie dans la maison de Simon le lépreux,

...

une femme l’approcha, ayant [un flacon d’]albâtre d’une huile de parfum de grand prix

et la lui versa sur la tête alors qu’il était allongé.

...

Voyant cela, les disciples s'indignèrent disant :

— Pourquoi cette perte ?

...

Car cela pouvait se vendre très cher et être donné à des pauvres !

10 ...

10 S’en étant aperçu, Jésus leur dit :

— Pourquoi faites-vous de la peine à la femme ?

Car c’est une bonne œuvre qu’elle a accomplie envers moi.

10 Bonnes œuvres Mt 5,16 ; 6,1 ; Ep 2,10 ; He 13,21 ; 1P 2,12

11 ...

11 Car toujours vous avez les pauvres avec vous ;

mais moi, vous ne m’avez pas toujours.

11 Donner aux pauvres Dt 15,11

12 ...

12 Car elle, quand elle a répandu cette huile de parfum sur mon corps, c’est pour me mettre au tombeau qu’elle l’a fait.

13 ...

13 Amen je vous dis :

— Partout où sera proclamé cet évangile, dans le monde entier,

sera raconté aussi ce qu’elle a fait, en mémoire d’elle.

14 ...

14 Alors, s’étant rendu chez les princes des prêtres, l’un des douze, appelé Judas Iscariote,

15 ...

15 leur dit :

— Que voulez-vous me donner, que moi, je vous le livre ?

Eux lui fixèrent trente pièces d’argent.

15 Trente sicles d’argent Gn 37,28 ; Za 11,12 ; Mt 27,3s

16 ...

16 Et de ce moment il était en quête d’une opportunité pour le livrer.

17 ...

17 Or le premier jour des Azymes les disciples approchèrent Jésus, disant :

— Où veux-tu que nous fassions les préparatifs pour que tu manges la Pâque ?

17 Fête des Azymes Ex 12,14-20 17ss Mc 14,12-16 ; Lc 22,7-13

18 ...

18 Et Jésus dit :

— Allez en ville chez un tel et dites-lui :

— Le maître dit :

— Mon temps est proche,

c’est chez toi que je vais faire la Pâque avec mes disciples.

19 ...

19 Les disciples firent comme le leur avait fixé Jésus

et préparèrent la Pâque.

20 ...

20 Le soir venu, il était allongé avec les douze disciples

21 ...

21 et pendant qu'ils mangeaient, il dit :

— Amen je vous dis :

— Un de vous est sur le point de me livrer.

22 ... 

22 Extrêmement attristés, ils commencèrent à lui dire, un par un : 

— Ce n'est pas moi, Seigneur ? 

23 ...

23 Or lui, répondant, dit :

— Qui plonge avec moi la main dans l'assiette, celui-là me livrera.

23 “Celui qui mangeait mon pain” Ps 41,10 ; Jn 13,18

24 ...

24 Le fils de l’homme s’en va comme c’est écrit de lui,

mais malheur à cet homme par qui le fils de l’homme est livré.

Cet homme-là, il lui eût été bon de ne pas être né.

24 Le fils de perdition Jn 17,12 Malheur ! Ha 2,6.15 Dès la naissance Is 48,8

25 ...

25 Répondant, Judas, qui le livra, dit :

— Ce n'est pas moi, rabbi ? 

Il lui dit : — Tu as dit.

26 ...

 

26 Pendant qu’ils mangeaient, Jésus, ayant pris du pain et dit une bénédiction, le rompit

et il le donna à ses disciples et dit :

— Prenez et mangez, ceci est mon corps.

 

26–29 Jn 6,51-58 Eucharistie  Mc 14,22-25 ; Lc 22,19-20 ; 1Co 11,23-25

27 ...

27 Et ayant pris un calice, il rendit grâce, il le leur donna disant :

— Buvez-en tous,

27 La coupe de bénédiction 1Co 10,16

28 ...

28 car ceci est mon sang, de l’alliance nouvelle,

qui est répandu pour une multitude en rémission des péchés.

28 Sang de l’alliance Ex 24,8 ; Za 9,11 Pour la multitude Is 53,12 ; Mt 20,28 ; Rm 5,15-19 ; He 9,28 ; 1Jn 2,2 28a Sang interdit Gn 9,4-6 ; Lv 7,26-27 ; 17,14 ; Dt 12,23 ; Ac 15,20

29 ...

29 Mais je vous dis :

— Je ne boirai plus désormais de ce produit de la vigne

jusqu'à ce jour où je le boirai avec vous, nouveau, dans le royaume de mon Père.

29 Festin eschatologique Ps 23,5 ; Is 25,6-10 ; Jr 31,12s ; Ap 19,9

30 ...

30 Et après avoir dit l'hymne, ils sortirent vers le mont des Oliviers.

31 ...

31 Alors Jésus leur dit :

— Tous vous souffrirez un scandale à mon sujet cette nuit,

car il est écrit :

— Je frapperai le pasteur et les brebis du troupeau seront dispersées.

31 = Za 13,7

32 ...

32 Mais après que j'aurai ressuscité, je vous précéderai en Galilée.

32 = 28,7

33 ...

33 Répondant, Pierre lui dit :

— Même si tous viennent à être scandalisés à ton sujet,

moi jamais je ne serai scandalisé.

34 ...

34 Jésus lui déclara :

— Amen je te dis 

que cette nuit même, avant que le coq chante, trois fois tu me renieras.

35 ... 

35 Pierre lui répond :

— Me faudrait-il avec toi mourir, non, je ne te renierai pas.

Autant en dirent tous les disciples. 

35 Reniement de Pierre 26,69-75

36 ...

36 Alors Jésus vient avec eux dans un domaine appelé Gethsémani. 

Et il dit à ses disciples :

— Asseyez-vous ici pendant que j'irai là-bas et que je prie.

36–46 Jn 12,27-30 ; He 5,7-10 L’agonie du Christ  Mc 14,32-42 ; Lc 22,40-46 ; Jn 18,1 36 “Demeurez ici” Gn 22,5

37 ...

37 Et prenant Pierre et les deux fils de Zébédée,

il commença à ressentir tristesse et affliction.

37 Défaillance Ps 42,6

38 ...

38 Alors il leur dit : 

— Mon âme est triste jusqu’à la mort ;

attendez ici et veillez avec moi.

38 Chagrin mortel Si 37,2

39 

39 Et s’étant avancé un peu, il tomba sur la face, priant et disant :

— Mon Père, si c’est possible, que passe loin de moi ce calice ; 

cependant, non pas comme je veux, moi, mais comme toi…

39 Coupe de colère Is 51,17.22 ; Ha 2,15 Obéissance 6,10 ; Jn 4,34 ; 6,38 ; Rm 5,19 ; Ph 2,8

40 ...

40 Il vient vers les disciples et les trouve endormis 

et il dit à Pierre :

— Ainsi vous n’avez pas pu veiller une heure avec moi !

41 ...

41 Veillez et priez, afin que vous n'entriez pas en tentation :

l'esprit est prompt,

mais la chair est faible.

41 “Ne pas entrer en tentation” 6,13 La chair est faible Rm 7,18-25 ; Ga 5,16-21

42 ...

42 S’en étant allé de nouveau, une deuxième fois, il pria en disant :

— Mon Père, si ce calice ne peut passer sans que je le boive, que ta volonté soit faite.

42 “Que ta volonté soit faite !” 6,10

43 ...

43 Et il vint de nouveau et il les trouva endormis, 

car leurs yeux étaient appesantis.

44 ...

44 Il les laissa et, s’en étant allé de nouveau, il pria une troisième fois, disant la même parole.

45 ...

45 Alors il vient vers ses disciples et leur dit :

— Dormez maintenant et reposez-vous. 

Voici : est arrivée l’heure

et le fils de l’homme est livré aux mains des pécheurs.

45 Tomber aux mains des hommes 2S 24,14

46 ...

46 Levez-vous ! Allons !

Voici : est arrivé celui qui me livre.

46 “Levez-vous !” Jn 14,30-31

47 ...

47 Il parlait encore,

voici : Judas, l'un des douze, arriva 

et avec lui une foule nombreuse

avec des épées et des bâtons de la part des princes des prêtres et des anciens du peuple.

48 ...

48 Or celui qui le livra leur avait donné un signe en disant :

— Celui que j'embrasserai, c'est lui, saisissez-le !

48 Signes 26,23

49 ...

49 Et aussitôt, s'approchant de Jésus, il dit :

— Salut rabbi !

Et il lui donna un baiser.

50 ...

50 Jésus lui dit :

— Ami, pour quoi tu es venu !?

Alors ils s'avancèrent, mirent les mains sur Jésus

et le saisirent.

50 L’ami Ps 41,10 ; 55,14

51 ...

51 Voici : l'un de ceux qui étaient avec Jésus,

étendant la main, tira son épée

et, frappant le serviteur du prince des prêtres, lui arracha l'oreille.

52 ...

52 Alors Jésus lui dit :

— Remets ton épée à sa place,

car tous ceux qui auront pris l'épée, par l'épée périront.

52 “Qui verse le sang aura son sang versé” Gn 9,6 ; Jr 15,2 ; Ap 13,10

53 ...

53 Ou bien penses-tu que je ne puisse prier mon Père

et il me fournira sur le champ plus de douze légions d'anges ?

53 Anges gardiens Ps 91,11 ; Jn 18,36

54 ...

54 Comment donc s'accompliront alors les Écritures [disant] qu'il doit en être ainsi ?

54 Accomplissement des Écritures Lc 24,26-27

55 ...

55 À cette heure-là Jésus dit aux foules :

— Comme après un brigand vous êtes sortis avec des épées et des bâtons pour m'arrêter !

Tous les jours je siégeais chez vous, enseignant au Temple, et vous ne m'avez pas saisi.

55 Au grand jour Jn 18,20

56 ... 

56 Mais tout cela est arrivé

pour que fussent accomplies les Écritures des prophètes. 

Alors les disciples, tous le laissant, s'enfuirent. 

56 Pas de secours Ps 22,12 ; Za 13,7 ; Mt 26,31 Injustice Ha 1,13

57 ...

57 Ceux qui avaient mis la main sur Jésus le conduisirent chez Caïphe le prince des prêtres 

où les scribes et les anciens s'étaient rassemblés.

58 ...

58 Quant à Pierre, il le suivait de loin,

jusqu’à la cour du prince des prêtres,

et, entré à l'intérieur, il se tenait assis avec les serviteurs pour voir la fin.

59 ... 

59 Les princes des prêtres et tout le conseil cherchaient un faux témoignage contre Jésus

afin de le livrer à la mort

59 Faux témoins Ps 27,12

60 ...

60 et ils n'en trouvèrent pas,

bien que beaucoup de faux témoins se fussent présentés.

Mais finalement il se présenta deux faux témoins

61 ...

61 pour dire :

— Celui-ci a affirmé : — Je peux détruire le Temple de Dieu et en trois jours le reconstruire.

61 “Détruisez ce Temple” Jn 2,19 ; Ac 6,14

62 ...

62 S'étant levé, le prince des prêtres lui dit :

— Tu n'as rien à répondre à ce que ceux-ci témoignent contre toi ?

63 ...

63 Mais Jésus gardait le silence.

Et le prince des prêtres lui dit :

— Je t’adjure par le Dieu vivant

de nous dire si toi tu es le christ, le fils de Dieu.

63 “Il n’ouvrait pas la bouche” Is 53,7 Fils de Dieu Ps 2,7 ; Mt 14,33 ; 16,16 ; Mc 15,39 ; Jn 11,27

64 ... 

64 Jésus lui dit : — Tu as dit.

Mais je vous dis :

— Désormais vous verrez le fils de l’homme assis à la droite de la Puissance

et venant sur les nuées du ciel. 

64 Le Fils de l’homme à la droite du Père Ps 110,1 ; Dn 7,13 ; Ac 7,56

65 ...

65 Alors le prince des prêtres déchira ses vêtements en disant :

— Il a blasphémé !

Qu’avons-nous encore besoin de témoins ?

Voici : maintenant vous venez d’entendre le blasphème.

65 Blasphème Lv 24,16 Le Grand-Prêtre ne déchirera pas ses vêtements Lv 10,6 ; 21,10

66 ...

66 Quel est votre avis ?

Et eux, répondant, dirent :

— Il mérite la mort.

66 = Jr 26,11

67 ...

67 Alors ils lui crachèrent au visage

et le frappèrent à coups de poing ;

certains le giflèrent au visage

67 Lc 22,63-65 Coups au visage Is 50,6 ; 52,14 ; Mi 4,14

68 ... 

68 en disant :

— Prophétise-nous, christ : qui est-ce qui t’a frappé ? 

69 ...

69 Quant à Pierre, il était assis au-dehors dans la cour

lorsque s’approcha de lui une servante disant :

— Toi aussi, tu étais avec Jésus le Galiléen !

70 ...

70 Mais lui nia devant tous disant :

— Je ne sais pas ce que tu dis.

71 ...

71 Comme il se retirait vers le porche, une autre le vit

et dit à ceux qui étaient là :

— Celui-là aussi était avec Jésus le Nazaréen.

72 ...

72 Et de nouveau il nia avec serment : 

— Je ne connais pas l’homme.

73 ...

73 Un peu après, s’approchant, ceux qui se trouvaient là dirent à Pierre :

— Vraiment, toi aussi, tu es des leurs !

D’ailleurs ton langage te rend clair.

74 ...

74 Alors il se mit à maudire et à jurer qu'il ne connaissait pas l’homme !

Et aussitôt un coq chanta.

75 ...

75 Et Pierre se souvint de la parole de Jésus qui avait dit :

— Avant que le coq n'ait chanté, trois fois tu me renieras.

Et, sortant dehors, il pleura amèrement.

75 = 26,34 Pleurer amèrement Is 22,4 ; 33,7 ; Jr 6,26 Repentir Is 1,16-19 ; Jon 3,8-10 ; Mt 21,29 ; 27,3-5 ; 1Co 6,11

Texte

Critique textuelle

10 car (V) : variante

  • V Grysonopus bonum operata est in me c'est une bonne oeuvre qu'elle a faite envers moi.
  • V Sixto-clémentine : opus enim bonum operata est in me car c'est une bonne oeuvre qu'elle a faite envers moi.

14 Iscariote (V) Variantes

  • V Gryson : Scarioth
  • V Sixto-clémentine : Iscariotes

Vocabulaire

15 fixèrent (G) Connotation  Estêsan aoriste de istêmi : la traduction pesèrent est une connotation. En traduisant par fixèrent comme dans la Vulgate constituerunt — Zerwick a noté = constituerunt — on a un sens commun à G et V 

27 il rendit grâces Du grec de l’évangile au vocabulaire chrétien : « eucharistie » « Rendit grâce » traduit le verbe grec eucharisteô qui signifie simplement à l'origine « remercier ». De son substantif eucharistia, "action de grâces" provient le terme "Eucharistie" qui, dans le langage chrétien, est l'un des noms de la sainte Messe. 

71 Nazôréen Vocabulaire Mt 2,23

Procédés littéraires

13b évangile Vocabulaire Mt 26,13b ; Genres littéraires Mt 26,13b ; →Le genre littéraire « évangile »

COMPOSITION Mise en abyme

Jésus semble s’extraire lui-même de son statut de personnage dans le récit pour décrire la destinée du récit comme s’il y était extérieur. Dans son contexte immédiat, la « bonne nouvelle » en question est le témoignage favorable que Jésus rend à cette femme. Mais c’est aussi l’annonce messianique concernant Jésus, qui inclura le récit de sa passion, et finalement l’évangile que le lecteur a dans les mains.

PRAGMATIQUE Métalepse actualisante totale

Cet évangile est destiné à être proclamé partout (cf. Mt 24,14 « Cette bonne nouvelle [ou "évangile"] du royaume sera proclamée dans le monde entier »), jusqu’au lieu où je me trouve au moment où je lis ou entends cette parole performative, vérifiée à chaque fois qu’elle est lue ou entendue. Procédés littéraires Mt 28,16–20

Pere Borrell del Caso (1835–1910), Huyendo de la crítica [Échapper à la critique], (huile sur toile, 1874), 75.7 x 61 cm

Collection Banco de España, Madrid © Domaine public→

Sur ce trompe-l'œil ironique, où la peinture semble sortir de son cadre pour échapper à la critique, c'est aussi le (modèle du) peintre qui sort du cadre de la « fiction » artistique pour rejoindre la réalité de celui qui regarde. Les emplois du mot euaggelion dans les évangiles, dans la mesure où ils s'irisent de connotations métalittéraires et peuvent désigner le livre même qu'on est en train de lire, relèvent de ce « glissement » (lepsis) d'un niveau encadré à un niveau encadrant (meta) : le personnage qui les emploie est à la fois dedans et dehors.

Genres littéraires

26–29 L'eucharistie dans la mythologie comparée L’eucharistie chrétienne pourrait évoquer des parallèles avec la théophagie dans les cultes à mystères : Mithra, Dionysos. v. →Mythe et évangiles

Contexte

Repères historiques et géographiques

26,1–27,66 Les lieux de la Passion

Parcours de Jésus durant sa Passion, (numérique, Jérusalem : 2022)

M.R. Fournier © BEST AISBL, Mt 26-27 ; Mc 14-15 ; Lc 22-23 ; Jn 18-19

Le lieu du →prétoire, tribunal de Ponce Pilate, est incertain. Deux sites sont possibles : la forteresse Antonia et le Palais d'Hérode le Grand. La tradition situe le prétoire à l'Antonia mais les archéologues, aujourd'hui, le placent plutôt dans le palais d'Hérode le Grand.

Bibliographie
  • Dominique-Marie Cabaret, La topographie de la Jérusalem antique (Cahiers de la Revue Biblique 98), Peeters : 2020.
Toponymie

Esplanade du Temple, Ophel, ville haute, ville basse, palais d’Hérode le Grand, mont Sion, Cénacle, palais hasmonéen, palais de Caïphe, Golgotha, forteresse Antonia, porte dorée, jardin de Gethsémani, mont des Oliviers, colline de Bézétha, théâtre, vallée du Cédron, vallée du Tyropéon, vallée de la Géhenne, via Dolorosa.

Milieux de vie

3b la cour du grand prêtre HABITAT →La maison de Caïphe

Littérature péritestamentaire

7 parfum Interprétation symbolique : l'incorruptibilité Les faits de la vie du Christ sont pour Ignace mystère de salut. D'après le contexte, le parfum indique l'enseignement de la vérité, la connaissance du Fils de Dieu — laquelle est incorruptibilité :

  • Ignace d’Antioche  Eph. 17,1 "C’est pourquoi le Seigneur reçut une onction sur sa tête, afin d’exhaler pour son Église un parfum d’incorruptibilité."

11 vous avez toujours les pauvres avec vous Allusion ? Cette exhortation à la bienfaisance pourrait être inspirée de Mt 26,11 (Mc 14,7) :

  • Barn.  21,2  ''À vous les notables, si toutefois vous voulez accepter un conseil de ma bonne intention, voici ce que je demande : Vous avez autour de vous des gens à qui faire le bien, n'y manquez pas !''

17 Où veux-tu que nous te fassions les préparatifs... Parallèle et amplifications hérétiques ?  Les mots ajoutés sont : 'ce n'est pas que' et 'de la viande', cfLc 22,15 :

  • Ev. Eb. apudÉpiphane de Salamine Haer. 30,22,4 ''Ils ont pris sur eux de faire disparaître le sens véritable en changeant ce qui est écrit, comme tout le monde peut le constater à partir des mots qu'ils ont accolés. Ils ont ainsi fait dire aux disciples : '— Où veux-tu que nous te fassions les préparatifs pour manger la Pâque ?' et répondre, pas moins, au Seigneur : '— Ce n'est pas que j'ai tellement désiré manger cette Pâque, de la viande, avec vous'.''

24 il aurait été bon pour lui qu'il ne fût pas né. Pierre utilise les mots du Seigneur sous forme d'excuse pour réclamer la grâce des damnés... :

  • Ap. P.  3,4-7 ''Pour ma part, je l'interrogeai et lui dis : 'Mon Seigneur, permets-moi de parler des pécheurs en utilisant tes propres mots : 'Mieux aurait valu pour eux ne pas avoir été créés.' Le Seigneur me répondit : 'Pourquoi dis-tu que mieux aurait valu pour eux ne pas avoir été créés ? Ce faisant, tu t'opposes au Seigneur. Tu n'auras sûrement pas plus de miséricorde envers eux que lui envers ses propres créatures, car c'est lui qui les a créés et les a fait venir là où ils n'existaient pas. Lorsque tu as vu la lamentation qu'il y aura pour les pécheurs au dernier jour, ton coeur s'en est affligé. Quant à ceux qui ont péché contre le Très-Haut, je vais te montrer leurs actions.''

31 Je frapperai le pasteur et les brebis du troupeau seront dispersées. Autre témoin de la parole de Jésus ? Barnabé cite un testimonium indépendant des évangiles canoniques :

  • Barn. ''Lorsqu'ils frapperont leur berger, alors périront les brebis du troupeau.''

38c restez ici et veillez avec moi Abraham réconforté par un ange

  • Ap. Abr. 10,1-7 « Il arriva que j'entendis la voix qui me clamait ces paroles, et je regardai ici et là. Voici, il n'y avait pas un souffle humain et mon esprit s'emplit d'effroi. Mon âme s'échappa de moi, j'étais comme une pierre et je tombai à terre, car je n'avais plus la force de me tenir debout sur terre. Comme j'étais encore face contre terre, j'entendis la voix du Saint qui disait : "Va, Jaoel, toi qui portes Mon nom, par le moyen de mon Nom ineffable relève cet homme et fortifie-le en chassant son effroi." Et vint l'ange qu'il m'avait envoyé sous l'aspect d'un homme ; il me prit par la main droite et me remit sur mes pieds. Il me dit : "Lève-toi, Abraham, ami de Dieu qui t'a aimé, que l'effroi humain ne t'étreigne pas. Car voici, je suis envoyé vers toi pour te fortifier et te bénir au nom de Dieu qui t'a aimé, le Créateur du ciel et de la terre. Sois sans crainte et hâte toi vers Lui." »

41 l'esprit est ardent mais la chair est faible Invitation morale à persévérer dans la prière

  • Polycarpe Phil. 7,2 ''... restons sobres pour [pouvoir] prier [cf. 1P 4,7], persévérons dans les jeûnes, suppliant dans nos prières le Dieu qui voit tout de ne pas nous soumettre à la tentation (Mt 6,1), car, le Seigneur l'a dit 'l'esprit est prompt, mais la chair est faible'.''

61 je peux détruire le temple de Dieu et le rebâtir Amplification communautaire primitive ? Barnabé, dans une citation non identifiable, évoquerait Mt. Il ferait allusion à un temple spirituel dont la reconstruction serait l'oeuvre des païens devenus chrétiens :

  • Barn. 16,3 ''Voici que ceux-là mêmes qui ont détruit ce temple le rebâtiront.''

Réception

Comparaison des versions

62 Tu ne réponds rien à ce dont ces hommes déposent contre toi ? : V | Byz TR Nes : Tu ne réponds rien ? De quoi ces hommes témoignent-ils contre toi ? Une seule question dans la V.

Liturgie

42 Père, si cette coupe ne peut passer Communion

« Pater si non potest »

Traditionnel, Communion - Pater si non potest

Chœur des moines de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux

© Abbaye du Barroux→, Mt 26,42

Tradition chrétienne

10 Car c'est une bonne œuvre qu'elle a faite envers moi Dans son souci pastoral, Origène insiste sur la nécessité de montrer sa foi par ses œuvres :

  • Origène  Comm. Rom.  2,5,3  « Voyons ce qu'il appelle œuvre bonne. Le Seigneur, dans l'Évangile, dit de cette femme qui a répandu sur sa tête le parfum d'un vase d'albâtre : c'est une bonne œuvre qu'elle a faite envers moi (Mt 26,10), montrant qu'en répandant ce parfum sur le Verbe de Dieu, c'est-à-dire en associtant les œuvres et la parole, cette femme a fait une œuvre bonne. La Parole, en effet, devient un parfum, elle est remplie de la suavité de tous les onguents, lorsqu'elle est parée d'œuvres et d'actes. »

13 partout où sera prêché cet évangile dans le monde, ce qu'elle a fait sera raconté aussi, en mémoire d'elle Une seule et même femme Origène considère dans ce passage les différentes scènes de Lc, Jn et Mt concernant une seule et même femme :

  • Origène  Comm. Jn  1,67  « Il faut savoir que toute bonne action accomplie à l'égard de Jésus est inscrite dans l'Évangile éternel : ainsi, celle de la femme qui s'était mal conduite, s'était repentie et avait pu, grâce à son sincère éloignement du vice, verser du parfum sur Jésus (cf. Lc 7,37s) et répandre dans toute la maison l'odeur de la myrrhe (cf. Jn 12,3) que percevaient tous ceux qui s'y trouvaient. C'est pourquoi il est écrit : "Partout où sera prêché cet évangile — parmi toutes les nations —, ce qu'elle a fait sera raconté aussi en mémoire d'elle" (Mt 26,13). »

14s.47.57.59–66 La perversité de Caïphe Cf. Tradition chrétienne Jn 11,51s

  • Origène  Comm. Jo.  28,106  « D'après ce qui est écrit de Caïphe, qui fit une prophétie au sujet du Sauveur, il faut reconnaître qu'une âme perverse reçoit parfois la capacité de prophétiser. La perversité de Caïphe, qui était grand prêtre [...] est en effet dénoncée par les évangélistes. Car Matthieu dit : "Alors l'un des douze le nommé Judas Iscariote, alla vers les grands prêtres et leur dit : Que voulez-vous me donner ? et moi je vous le livrerai. Et eux fixèrent trente pièces d'argent" (Mt 26,14s) et, un peu plus loin, il dit : "Voici que Judas, l'un des douze, arriva et, avec lui, une foule nombreuse avec glaives et bâtons de la part des grands prêtres et des anciens du peuple" (Mt 26,47). Nous pensons donc que, parmi ces grands prêtres, se trouvait aussi Caïphe, puisqu'il est attesté qu'il était grand prêtre cette année-là. Après cela, Matthieu dit clairement : "Ceux qui avaient arrêté Jésus l'emmenèrent chez Caïphe, le grand prêtre, où se réunirent les scribes et les anciens" (Mt 26,57), ajoutant un peu plus loin : "Le grand prêtre et le sanhédrin cherchaient  un faux témoignage contre Jésus afin de le mettre à mort, et ils n'en trouvèrent pas, alors que beaucoup de faux témoins s'étaient présentés. Finalement il s'en présenta deux qui dirent : Cet homme a dit : Je peux détruire le temple de Dieu et le rebâtir en trois jours. S'étant levé, le grand prêtre dit à Jésus : Tu ne réponds rien ? Quel témoignage ces hommes rendent contre toi ? Mais Jésus se taisait. Le grand prêtre lui dit : Je t'adjure par le Dieu vivant de nous dire si tu es le Christ, le Fils de Dieu. Jésus lui dit : C'est toi qui l'as dit : d'ailleurs je vous dis : Désormais vous verrez le Fils de l'homme assis à la droite de la puissance et venir sur les nuées du ciel. Alors le grand prêtre déchira ses vêtements, en disant : Il a blasphémé ; qu'avons-nous encore besoin de témoins ? Voici qu'à l'instant vous avez entendu le blasphème. Que vous en semble ? Et eux, répondant, dirent : Il mérite la mort" (Mt 26,59-66). »

15.23ss Que voulez-vous me donner... la main dans le plat....Tu l'as dit... malheur à l'homme... Chronologie de la Passion Le compilateur des CA s'écarte parfois des évangiles. Il dissocie le repas pendant lequel fut annoncée la trahison de celui de la Cène, et il place la décision de Judas de livrer Jésus après l'annonce de sa trahison :

  • Const. ap.  5,14,3  ''Et comme chacun de nous demandait : Serait-ce moi ? (Mc 14,19) et que le Seigneur se taisait, je me levai, moi l'un des douze, plus aimé de lui que les autres, je l'embrassai et le priai de dire qui était celui qui le livrerait (cf. Jn 13,23-25) ; pourtant le bon Seigneur ne nous dit pas alors son nom, mais il désigna le traître par deux signes, d'abord en disant : Celui qui se sert au plat en même temps que moi (Mc 14,20 ; Mt 26,23). Et ensuite : Celui à qui je donnerai le bouchée que je trempe (Jn 13,26). Lorsque le traître demanda : Serait-ce moi, rabbi ? (Mt 26,25) le Seigneur pourtant ne dit pas : Oui, mais : Tu l'as dit (Mt 26,25), et voulant alors le mettre en garde contre son geste, il ajouta : Malheur à l'homme par qui le Fils de l'homme est livré. Il eût mieux valu pour lui qu'il ne fût pas né (Mt 26,24 ; Mc 14,21). Après avoir entendu ces paroles, Judas partit et dit aux prêtres : que voulez-vous me donner pour je vous le livre ? (Mt 26,15)''

17 la cène Ultima cena ducis : inscriptions médiévales 

12e siècle : 

13siècle :

23 — Qui a plongé avec moi la main dans le plat celui-là me livrera

  • Clément d'Alexandrie  Paed. 2,8,62 "Lui-même, le Seigneur, nous enseignera que Judas a l'âme adultérée : Celui qui mettra la main au plat avec moi, dit-il, celui-là me trahira."

Manifestation de l'impudence de Judas et exhortation adressée aux jeunes :

  •  Origène  Comm. Jn 32,290-293  ''Pour ma part, j'aurais envie d'étudier, comme apparenté à ce passage-là [cf. Tradition chrétienne Jn 13,26], celui de l'Évangile selon Matthieu : 'Celui qui plonge [= trempe] avec moi la main dans le plat, celui-là me livrera' (Mt 26,23), celui de l'Évangile selon Marc : 'Celui qui plonge avec moi dans le plat' (Mc 14,20) et celui de l'Évangile selon Luc, même s'il n'emploie pas le terme de 'plonger', selon qu'il est dit : 'Or,voici que la main de celui qui me livre est à cette table avec moi' (Lc 22,21). Sans doute la véritable explication de tout cela devrait-elle se trouver chez des gens beaucoup plus avisés que moi. Pour ma part, je suppose qu'ici se manifeste aussi l'impudence de Judas, qui partageait le repas du Maître sans lui rendre honneur et qui ne s'effaçait pas devant lui, comme le faisaient les autres au moment de tremper leur bouchée dans le plat. C'est pourquoi, aucun d'entre eux ne plongea la main dans le plat en même temps que Jésus ; Judas, lui, ne daignant pas le plonger en même temps qu'eux, la plongea en même temps que Jésus, car il revendiquait l'égalité avec lui, alors qu'il aurait dû lui céder la prééminence. [...] En guise de plaisanterie, on utilisera, à l'occasion, cette parole pour exhorter les jeunes à témoigner de la déférence aux anciens au cours des repas, pour qu'ils évitent de leur heurter la main. En effet, il est également écrit ceci : 'Ne te heurte pas contre lui dans le plat' (Si 31,14).''

Le prédiction de Jésus n'est pas signe qu'il soit cause de la défection des disciples :

  • Origène  Cels.  2,20  ''En effet, de l'exacte prédiction faite par Jésus sur la conduite du traître ou celle du renégat ne résulte pas qu'il eût été la cause de leur conduite impie et perfide. Il en avait vu la disposition perverse, Lui qui, selon nous, connaissait l'intérieur de l'homme (Jn 2,25), et voyant les excès où le pousseraient son avarice et le manque de loyauté ferme qu'il eût dû avoir pour son maître, entre autre choses, il dit : Celui qui a plongé avec moi la main dans le plat, c'est lui qui me livrera (Mt 26,23).''

24 Malheur à l'homme Contre la "rédemption" de Judas par la gnose Certains gnostiques élucubraient sur Judas : image de l'Enthymésis d'un Éon, il serait finalement réintroduit dans le Plérôme. Les premiers Pères insistent au contraire sur sa perte irrémédiable : 

  • Irénée de Lyon  Haer. 2,20,5 ''Judas, au contraire, une fois rejeté, n'a jamais été remis au nombre des disciples: sinon, on n'en aurait pas adjoint un autre à sa place. le Seigneur a d'ailleurs dit de lui : 'Malheur à l'homme par qui le Fils de l'homme va être livré!' et : 'Il eût mieux valu pour lui qu'il ne fût pas né'.''

Dans l'écrit apocryphe de l'Apocalypse de Paul, la parole 'il eût mieux valu...' concerne toute âme damnée :

  • Ap. Paul 15b ''Je regardai encore et je vis tout le mépris qu'avait nourri le pécheur, et tous les actes se rassembler devant lui, à l'heure de la détresse : je vis ce qui advint à son âme, à cette heure où elle était menée hors de son corps pour le jugement, et dis : 'Il eût mieux valu pour lui de n'être pas né !'''

Malheur à celui par qui le Fils est livré :

  • Épiphane de Salamine Haer. 38,4 "De nouveau, ailleurs, il dit : 'Il faut que le Fils de l’homme soit livré, selon ce qui [est] écrit de lui ; mais malheur [à celui] par qui il sera livré ! Il lui serait utile, en effet, s’il n’était pas né' !"
  • Épiphane de Salamine Haer.38,7 "Malheur [à celui] par qui le Fils de l’homme est livré... Il lui serait utile s’il n’était pas né."

24 il aurait été bon pour lui qu'il ne fût pas né Parallèles

26ss La « dernière cène »

CITATION

  • Origène  Hom. Jr.  12,2  « ... néanmoins vois aussi le Sauveur monter pour la Pâque dans une grande salle à l'étage, garnie de coussins (Mc 14,15) et ornée, célébrer la fête avec ses disciples [...] et leur dit : Prenez (cf. Mt 26,26), buvez (cf. Mt 26,27). Ceci est mon sang (Mt 26,28) qui est répandu pour vous (Lc 22,20) en rémission des péchés (Mt 26,28). Faites cela, chaque fois que vous boirez, en mémoire de moi (1Co 11,25), et : en vérité je vous le dis, je ne boirai plus de cette coupe jusqu'à ce que je la boive avec vous de nouveau dans le royaume de Dieu (Mt 26,29). »

INTERPRÉTATION

Anamnèse  

L'accomplissement du précepte concerne l'ordre de réitération par lequel la communauté chrétienne célèbre l'eucharistie en mémoire de la Cène. Dans ce passage, le compilateur des CA souligne la distance entre les bienfaits de Dieu et l'action de grâce dont l'homme est capable :

  • Const. ap. 8,12, 35-37 « Nous souvenant donc de ce qu'il a souffert pour nous, nous te rendons grâces, Dieu tout-puissant (Ap 11,17), pas autant que nous le devrions, mais autant que nous le pouvons, et nous accomplissons son précepte. Car la nuit où il fut livré, il prit du pain (1Co 11,23 ; Mt 26,26) dans ses mains saintes et sans tache, il leva les yeux (cf. Mt 14,19) vers toi, son Dieu et Père, il rompit le pain et le donna à ses disciples en disant (Mt 26,26) : Ceci est le mystère de la nouvelle alliance (cf. 1Co 11,25), prenez-en, mangez, ceci est mon corps brisé pour la multitude en rémission des péchés (Mt 26,26.28 : 1Co11,24). De même il remplit la coupe (1Co 11,25) de vin et d'eau, la sanctifia et la leur donna en disant : Buvez-en tous, ceci est mon sang, versé pour la multitude en rémission des péchés (Mt 26,27s) ; faites ceci en mémoire de moi, car chaque fois que vous mangez de ce pain et que vous buvez de ce calice vous annoncez ma mort jusqu'à ce que je vienne (1Co 11,24-26). »

Le pain et le vin, prémices des dons de Dieu sous la nouvelle alliance 

  • Irénée de Lyon Haer. 4,17,5 « À ses disciples aussi, il conseilla d'offrir à Dieu les prémices de ses propres créatures [...] Le pain, qui provient de la création, il le prit, et il rendit grâces, disant : 'Ceci est mon corps'. Et la coupe pareillement, qui provient de la création dont nous sommes, il la déclara son sang et il enseigna qu'elle était l'oblation nouvelle de la nouvelle alliance. C'est cette oblation même que l'Église a reçue des apôtres et que, dans le monde entier, elle offre au Dieu qui nous donne la nourriture, comme prémices des propres dons de Dieu, sous la nouvelle alliance. »

26 Jésus rompt le pain. Hoc est corpus : inscriptions médiévales.

12e siècle :

27ss Buvez-en tous De l'importance de la coupe de vin dans la religion chrétienne

EXÉGÈSE Accomplissement d'une promesse du Christ

La promesse du Christ de boire la coupe nouvelle dans la terre nouvelle avec ses disciples ressuscités :

  • Irénée de Lyon Haer. 5,33,1 « ... lorsqu'il vint à sa Passion, pour annoncer à Abraham et à ceux qui étaient avec lui la bonne nouvelle de l'ouverture de cet héritage, après avoir rendu grâces sur la coupe, en avoir bu et l'avoir donnée à ses disciples, il leur dit : 'Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance, qui va être répandu pour un grand nombre en rémission des péchés. Je vous le dis, je ne boirai plus désormais du fruit de cette vigne, jusqu'au jour où j'en boirai du nouveau avec vous dans le royaume de mon Père' (Mt 26,27ss). Sans aucun doute, c'est dans l'héritage de la terre qu'il le boira, — de cette terre que lui-même renouvellera et rétablira [...] En promettant d'y boire du fruit de la vigne avec ses disciples, il a fait connaître ces deux choses: l'héritage de la terre, en lequel sera bu le fruit nouveau de la vigne, et la résurrection corporelle de ses disciples. Car la chair qui ressuscitera dans une condition nouvelle est aussi celle-là même qui aura part à la coupe nouvelle. »

LITURGIE Institution sacramentale

L'exemple de dignitas rituelle

En dissertant sur la bonne tenue à table, Clément cite en exemple le Logos incarné qui a bu avec dignité et « avec des gestes réfléchis » en particulier lors de la dernière cène :

  • Clément d'Alexandrie Paed. 2,2,32 « Comment croyez-vous que le Seigneur ait bu lorsque, à cause de nous, il est devenu homme ? [...] Car, vous le savez bien, il a pris, lui aussi, du vin; et il était lui aussi un homme; et même, il a béni le vin, en disant : 'Prenez, buvez : ceci est mon sang ; [...] qui a été répandu pour beucoup, en rémission des péchés' (Mt 26,27s) [...] que c'était du vin, ce qu'il avait béni, il l'a montré encore en disant à ses disciples : 'Je ne boirai plus de ce fruit de la vigne jusqu'à ce que je le boive avec vous dans le royaume de mon Père' (Mt 26,29). »
Controverse contre les encrastistes : le vin est nécessaire à la validité du sacrement

Nécessité de mettre du vin dans la coupe pour qu'il y ait consécration :

  • Cyprien de Carthage Ep. 63,9 1-3 « 'Prenant en effet en mains la coupe au jour de sa passion il la bénit et la donna à ses disciples avec ces mots : Buvez tous à cette coupe. Car ceci est le sang de l'Alliance, qui sera répandu pour beaucoup afin que soient remis les péchés. Je vous le déclare, je ne boirai plus de ce produit de la vigne jusqu'à ce jour où j'en boirai avec vous du nouveau dans le royaume de mon Père' (Mt 26,27ss). Dans ce passage, nous constatons que la coupe que le Seigneur a offerte n'était pas d'eau pure et ce qu'il a déclaré être son sang était du vin. Cela rend évident qu'on n'offre pas le sang du Christ s'il n'y a pas de vin dans la coupe, et qu'on ne célèbre pas le sacrifice du Seigneur avec une consécration selon les règles si le sacrifice que nous offrons n'est pas conforme à ce qui s'est passé lors de la Passion. Comment boirons-nous avec le Christ dans le royaume de son Père un vin nouveau tiré du produit de la vigne si dans le sacrifice pour Dieu le Père et le Christ nous n'offrons pas de vin et si nous ne préparons par la coupe selon ce qu'a transmis le Seigneur ? » (309-310).

29 Je ne boirai plus désormais...

  • Tatien  Ev. Conc. "Je ne boirai plus désormais du produit de cette vigne jusqu’au royaume de mon Père."

31–35 TEXTE  

  • Fayoum "[... alors qu'ils] sortaient, comme il disait : 'Tous, [cette] nuit, vous allez tom[ber selon] ce qui est écrit : Je frapperai le [berger et les] brebis seront dispersées', Pierre [dit] : 'Tous peut-être, mais pas [moi.' Jésus dit :] 'Avant qu'un coq ait poussé son cri eux fois, [trois fois  aujourd’hui, toi, tu me re]nie [ras...]."

31.33s vous serez tous scandalisés à cause de moi cette nuit... Même si tous viennent à être scandalisés...  Les paroles inconsidérées de Pierre révèlent son caractère ardent :

  • Origène  Comm. Jn  32,61 ''L'Écriture a souvent noté ce caractère chez Pierre, trop ardent à affirmer ce qui lui paraît meilleur ; comme aussi dans ses paroles inconsidérées, destinées à repousser la prophétie de Jésus qui avait dit des disciples : 'Vous serez tous scandalisés à cause de moi cette nuit' et qui en avait donné le motif en disant : Il est écrit en effet : Je frapperai le pasteur et les brebis du troupeau seront dispersées' (Mt 26,31; cf. Za 13,7). C'est, en effet, sans avoir considéré cela et pour repousser l'assertion de Jésus qu'il dit : 'Même si tous viennent à être scandalisés à ton sujet, moi jamais je ne serai scandalisé' (Mt 26,33). Et cette présomption qui, à ce moment-là, demeurait encore dans son âme fut, je pense, le motif pour lequel, en reniant Jésus trois fois avant le chant du coq (cf. Jn 18,25-27), il commit un péché sans commune mesure avec le scandale des autres.''

La sincérité des évangélistes qui n'ont pas omis de mentionner des événements peu flatteurs pour les disciples :

  • Origène  Cels.  2,15 ''Il n'avait pas remarqué, ou n'a pas voulu remarquer la sincérité des écrivains : ils ont avoué en effet que Jésus avait encore prédit aux disciples : Vous serez tous scandalisés cette nuit (Mt 26,31), qu'effectivement ils furent scandalisés ; et qu'il a aussi prophétiseé à Pierre : Avant que le coq chante, tu me renieras trois fois (Mt 26,34), et que Pierre l'a renié trois fois. S'ils n'avaient pas été aussi sincères, mais, comme le croit Celse, s'ils avaient écrit des fictions, ils n'auraient pas mentionné le reniement de Pierre et le scandale des disciples.''

31 Je frapperai le pasteur et les brebis ... seront dispersées. Argument prophétique : les Écritures ont annoné le Christ

Importance de Zacharie dans l'exégèse judéo-chrétienne primitive

La prophétie de Za 13,7 a été accomplie dans la Passion, comme l'a prophétisée le Christ lui-même : 

  • Cf. Barnabé   Littérature péritestamentaire Mt 26,31
  • Justin le Martyr Dial.  53,5 "Mais [c’est] aussi par le prophète Zacharie [qu’il a été annoncé] que lui, ce Christ, serait frappé et que les disciples seraient dispersés (Mt 26,31)."
  • Irénée de Lyon  Epid. 76 ''Et Zacharie s'exprime ainsi: Épée, lève-toi contre mon Pasteur et contre l'Homme, mon compagnon. Frappe le Pasteur, et les brebis du troupeau seront dispersées (Za 13,7; Mt 26,31). Cela se réalisa lorsque le Christ fut arrêté par les Juifs : tous les disciples l'abondonnèrent alors, craignant d'être mis à mort avec lui; car même eux ne croyaient pas encore en lui d'une façon ferme, tant qu'ils ne l'avaient pas vu ressuscité d'entre les morts.''
  • Plus généralement : →ZACHARIE dans l'Évangile

31 Jardin des oliviers Omnes vos scandalum : inscription médiévale

15e siècle :

  • 1482-1484 : France, Poitiers (86), cathédrale, trésor, bréviaire d'Anne de Prie, fol. 189 (Jardin des oliviers) : "Omnes vos scandalum paciemini in me in ista nocte"

33ss Réécriture glosée et citation enrichie d'éléments //

Le reniement de Pierre

Dans un style pseudo-apostolique, le compilateur des CA fait parler Pierre :

  • Const. ap.  5,14,6  ''Mais chacun soutenait avec force qu'il ne l'abandonnerait pas et moi, Pierre, je promettais de mourir avec lui (cf. Mt 26,35 ; Jn 13,37) ; il me dit alors : Amen je te dis : avant que le coq ne chante, tu auras nié trois fois me connaître (Mt 26,34 ; Lc 22,34).''
  • Épiphane de Salamine Anc. 9,9 "C’est lui qui a renié trois fois et trois fois a juré avec anathème avant que le coq ne chante (Mt 26,34... Il disait : 'Même si tous te nient, moi je ne te nierai pas' (cf. Mt 26,33.35)."

33 Pierre lui dit : Même si tous viennent à être scandalisés à ton sujet, moi jamais je ne serai scandalisé.

Ne pas présumer de ses forces 

La nature humaine étant changeante et versatile, il faut être en garde et ne pas présumer de soi en ignorant ses faiblesses à l'exemple de Pierre :

  • Origène  Comm. Jn  32,257-258  ''Car lorsque Pierre affirma avec assurance : 'Même si tous viennent à être scandalisés à ton sujet, moi, jamais je ne serai scandalisé' (Mt 26,33), il avait l'intention de ne pas renier Jésus ; mais vaincu par l'esprit de lâcheté, il le renia trois fois avant le chant du coq (cf. Mt 26,69-74). Par de tels récits nous apprenons également : 'Que celui qui est debout prenne garde qu'il ne tombe' (1Co 10,12) et 'Ne te vante pas du lendemain, car tu ne sais pas ce qu'enfantera le jour qui vient' (Pr 27,1 LXX).''

38 mon âme est triste jusqu'à la mort Irénée présente des textes que les gnostiques tentent d'appliquer aux événements survenus hors du Plérôme dont celui-ci :

  • Irénée de Lyon Haer. 1,8,2 ''...il a fait connaître la tristesse de cette même Sagesse, en disant: 'Mon âme est accablée de tristesse'...''

Le Christ est un vrai homme ayant toutes 'les caractéristiques d'une chair tirée de la terre' sinon :

39.42 Mon Père, s'il est possible, que cette coupe passe loin de moi Irénée cite des textes que l'exégèse gnostique applique aux événements survenus hors du Plérôme :

  • Irénée de Lyon  Haer. 1,8,2 ''... il a fait connaître [...] sa crainte, en disant: Père, si c'est possible, que la coupe passe loin de moi (Mt 26,39.42) ; son angoisse, de même, en disant: Que dirai-je? Je ne le sais (Jn 12,27).'' 

Controverse avec les stoïciens

Cf. Tradition chrétienne Jn 13,27  

La piété et la docilité de Jésus envers son Père :

  • Origène  Cels.  2,24-25  ''... il accuse le texte évangélique au moyen d'exagérations emphatiques et de citations controuvées. [...] Il altère le texte original : Père, s'il est possible, que cette coupe passe loin (Mt 26,39b). Et il ne cite pas, au delà, la manifestation immédiate de sa piété envers son Père et de sa grandeur d'âme, qui est ensuite notée en ces termes : Cependant non pas comme moi je veux mais comme toi [tu veux] (Mt 26,39c). Et même la docililté de Jésus à la volonté de son Père dans les souffrances auxquelles il était condamné, manifestée dans la parole : Si cette coupe ne peut passer sans que je la boive, que ta volonté soit faite (Mt 26,42) il affecte de ne pas l'avoir lue. Il partage l'attitude des impies qui entendent les divines Écritures avec perfidie et profèrent des impiétés contre le ciel (Ps 73,8). [...] Dès lors, ici même, il exprime dans sa nature humaine et la faiblesse de la chair humaine et la promptitude de l'esprit : la faiblesse : Père s'il est possible, que cette coupe passe loin de moi (Mt 26,39b) ; la promptitude de l'esprit : cependant, non pas comme je veux, mais comme toi [tu veux] (Mt 26,39c). De plus, s'il faut être attentif à l'ordre des paroles, observe qu'est d'abord mentionnée celle qui, pourrait-on dire, se rapporte à la faiblesse de la chair, et qui est unique ; et ensuite, celles qui se rapportent à la promptitude de l'esprit, et qui sont multiples. Voici l'exemple unique : Père, s'il est possible, que cette coupe passe loin de moi (Mt 26,39b). Voici les exemples multiples : Cependant, non pas comme je veux, mais comme toi [tu veux] (Mt 26,39c), et : Mon Père, si cette coupe ne peut passer sans que je la boive, que ta volonté soit faite (Mt 26,42). Il faut noter aussi qu'il n'a pas dit : Que cette coupe passe loin de moi, mais que c'est cet ensemble qui a été dit pieusement et avec révérence : Père, s'il est possible, que cette coupe passe loin de moi (Mt 26,39b).''

CfOrigène  Cels.  7,55 

39 Père, s'il est possible, que cette coupe passe...

  • Justin le Martyr  Dial.  99,2 "Car, le jour où il allait être crucifié, prenant trois de ses disciples au mont dit des Oliviers, situé juste en face du Temple de Jérusalem, il priait disant : Père, s’il est possible, que passe cette coupe [loin] de moi (Mt 26,39b). Et après cela, en priant, il dit : Non pas comme je désire, mais comme tu veux (Mt 26,39c)."
  • Origène  Cels. 2,24 "Ô Père, si cette coupe peut passer ! Ô Père, si cette coupe pouvait passer ! (cf. Mt 26,39b)"
  • Épiphane de Salamine  Haer. 69,60 "...ayant pris les disciples au mont, vers cette heure-là, il s’écarta d’eux d’environ un jet de pierre et, s’en étant allé, il priait et disait : Père, s’il [est] possible, que passe cette coupe [loin] de moi, afin que je ne la boive pas ! Cependant, non pas ce que je veux, mais ce que toi [tu veux)]. (Mt 26,39bc)"

39 Mon père s'il est possible, que cette coupe s'éloigne de moi ; Pater mi, si possibileest, transeat a me calix iste : inscription médiévales.

12e siècle  : 

  • Israël, Jérusalem, Grotte de Gethsémani, : "Pater si fieri potest transeat a me calix iste ; veruntamen non mea voluntas, sed tua" De Sandoli Terre Sainte, n°228, 171.

14e siècle :

  • Vers 1335 : Allemangne, Lüneburg, Kloster Wienhausen, peintures : "Pater mi si possibile est transeat a me calix iste" DI 76, n°8, 60.

15e siècle : 

  • 1448 : Allemangne, Lüneburg, Kloster Wienhausen, Heiliges Grab : "Pater mi si possibile est transeat a me calix iste" DI 76, n°44, 110.
  • 1466 : Allemagne, Kellberg, Gde. Thyrnau, Kap. St. Leonhard, relief : "... possibile est transeat a me calix iste, veruntamen non sicut ego sed sicut tu" DI 80, n°34, 37. 

41a Veillez et priez pour ne pas entrer en tentation Nécessité de la vigilance et de la prière Ceux qui dorment spirituellement n'accomplissent pas le commandement de Jésus et deviennent facilement la proie du diable :

  • Origène  Comm. Mt  10,2  ''Mais, tandis que dorment ceux qui n'accomplissent pas le commandement de Jésus disant : 'Veillez et priez, pour ne pas entrer en tentation' (Mt 26,41a), le diable, qui est à l'affût (cf. 1P 5,8), sème ce qui est appelé l'ivraie, les doctrines perverses...'' (147)

 Exhortation au martyre

dans une allusion :

  • Const. ap.  5,6,2  ''Car il nous faut prier pour que nous ne cédions pas à la tentation (cf. Mt 26,41) ; mais si nous sommes appelés au martyre, il nous faut confesser avec constance le précieux Nom et si nous sommes châtiés poru cela, réjouissons-nous car nosu courons vers l'immortalité.''

dans une citation :

  • Const. ap.  5,6,6  ''Aussi ne soyons ni téméraires ni présomptueux, car le Seigneur dit : Priez pour ne pas être pris dans la tentation (Mt 26,41 ; Lc 22,40), l'esprit est ardent mais la chair est faible (Mt 26,41), et si nous sommes pris ne déshonorons pas la confession par lâcheté.''

41bc l'esprit est prompt... la chair est faible Puissance de l'Esprit en l'homme qui lui est uni :

  • Irénée de Lyon  Haer. 5,9,2 ''... si au témoignage du Seigneur, 'la chair est faible' de même aussi 'l'Esprit est prompt', c'est-à-dire capable d'accomplir tout ce qu'il désire. Si donc quelqu'un mélange la promptitude de l'Esprit, en manière d'aiguillon, à la faiblesse de la chair, ce qui est puissant l'emportera nécessairement sur ce qui est faible : la faiblesse de la chair sera absorbée par la force de l'Esprit, et un tel homme ne sera plus charnel, mais spirituel, à cause de la communion de l'Esprit.''

Dans ce passage des Stromates, Clément appuie le logion de Mt (cf. Mc 14,38) par des citations tirées de Rm 8 pour illustrer l'injonction de l'Apôtre de ne pas vivre selon la chair :

  • Clément d’Alexandrie  Strom. 4,7,45 ''Et le Sauveur nous a dit : 'L'esprit est prompt, mais la chair est faible'. 'La pensée de la chair est inimitié à l'égard de Dieu' (cfRm 8,7-8) explique l'Apôtre''. 

Plus loin, il évoque 'la chair faible' qui, avec l'aide de Dieu et en se confiant en lui, peut lutter contre les puissances du mal :

  • Clément d’Alexandrie  Strom.4,7,47 ''Comment est-il possible à la chair qui est faible de résister aux forces et aux esprits des puissances [du mal] ? [...] confiants dans le Tout-Puissant et dans le Seigneur...''

Quand Origène écrit notre esprit, il désigne la partie supérieure de la psuchê, celle qui doit s'attacher à l'Esprit de Dieu :

  • Origène  Comm. Rom.  7,4,4  ''Et le Seigneur lui-même enseigne ce qu'est notre faiblesse, quand il dit : L'esprit est prompt, mais la chair est faible (Mt 26,41). Notre faiblesse provient donc de la faiblesse de la chair. Car celle-ci convoite contre l'Esprit (cf. Ga 5,17) ; et pendant qu'elle impose ses convoitises, elle empêche la pureté de l'esprit et obscurcit la sincérité de la prière. Mais une fois que l'Esprit de Dieu a vu notre esprit prendre de la peine dans la lutte contre la chair et s'attacher à lui, il lui tend la main et vient au secours de notre faiblesse (Rm 8,26) ...''

42 Que ta volonté soit faite. Pater, fiat voluntas tua : inscriptions médiévales.

14e siècle :

  • 1ere moitié du 14e s. : Allemagne, Munich, St. Peter, relief : "Pater, fiat voluntas tua" , n°8, 4.

15e siècle : 

  • 1450 : Allemagne, Geislingen an der Steige, en. Stadtkirche, vitrail : "mi Pater, si possibile est, transeat a me calix iste →DI 41, n°63, 45.

45 l'heure s'est approchée et le Fils de l'homme est livré Dans un style pseudo-apostolique, le compilateur des CA fait parler les apôtres :

  • Const. ap.  5,14,8  ''Il s'éloigna alors quelque peu de nous et priait le Père en disant (cf. Mt 26,39 ; Lc 22,41) : Père, éloigne de moi ce calice ; pourtant, que soit faite non pas ma volonté, mais la tienne (Lc 22,42). Il fit ainsi par trois fois, tandis que nous avions succombé au sommeil par lâcheté, puis il vint et nous dit : l'heure s'est approchée et le Fils de l'homme est livré aux mains des pécheurs (Mt 26,45).''

47.57 voici que Judas... avec lui une foule... l'emmenèrent chez Caïphe Le signe convenu

 Le signe convenu par Judas pour l'arrestation du Seigneur

  • Const. ap.  5,14,9  ''Et voici Judas et avec lui une foule (Mt 26,47) d'impies ; il leur donna ostensiblement la preuve de sa trahison (cf. Mt 26,48) : un baiser perfide (cf. Lc 22,48) ; et eux percevant le signal convenu, arrêtèrent le Seigneur, le firent prisonnier et l'emmenèrent dans la maison du grand-prêtre Caïphe (cf. Mt 26,57 ; Lc 22,54)...''

48 Celui qui le livrait avait donné ce signe. Qui autem : Inscription médiévale.

12e siècle :  

52ss Remets ton glaive à sa place... La magnanimité du Sauveur et la vérité du témoignage des évangélistes :

  • Origène  Cels.  2,10  ''De plus, à celui qui, voulant le secourir, frappa le serviteur du grand-prêtre et lui coupa l'oeille, il dit : Remets ton glaive à sa place car tous ceux qui prennent le glaive périront par le glaive. Penses-tu que je ne puisse pas prier mon Père et il me founira sur-le-champ plus de douze légions d'anges ? Comment donc s'accompliraient les Écritures d'après lesquelles il doit en être ainsi ? (Mt 26,52-54) Fiction des évangélistes que tout cela, croira-t-on ? Pourquoi la fiction ne serait-elle pas plutôt dans les paroles inspirées par l'hostilité et la haine contre le Christ et les chrétiens, et la vérité, dans le témoignage de ceux qui ont prouvé la sincérité de leur attachement à Jésus en supportant pour ses paroles toutes sortes de peines ? Les disciples de Jésus auraient-ils reçu une telle patience et constance à résister jusqu'à la mort, s'ils avaient été disposés à des inventions mensongères au sujet de leur maître ? Qu'ils aient été convaincus de la vérité de ce qu'ils ont écrit ressort, avec une évidence manifeste pour tout bon esprit, des cruelles et multiples souffrances qu'ils ont supportées pour celui qu'ils croyaient être Fils de Dieu.''

55 Chaque jour dans le temple...

  • Origène  Cels.  2,70  ''Mais pour quelle raison le Juif de Celse a-t-il dit que Jésus se cachait ? Car il dit de lui : Quel messager envoyé en mission se cacha-t-il jamais au lieu d'exposer l'objet de son mandat ? Non, il ne se cachait pas, puisqu'il dit à ceux qui cherchaient à le prendre : Chaque jour j'étais dans le temple à enseigner librement, et vous n'osiez pas m'arrêter (Mt 26,55 ; Mc 14,49).''

55 Vous êtes venus comme après un brigand. Tanquam ad latrem existis : inscription médiévale.

12e siècle : 

59–63 ; 27,11–14.17s.28s.39 Jésus se taisait ... Le silence majestueux de Jésus 

La magnanimité de Jésus 

La majesté du silence de Jésus atteste sa grandeur d'âme. Plus loin durant sa passion, sous la cruauté des bourreaux, il montrera une fermeté et une douceur telles qui surpassent toute virtuosité stoïcienne.

  • Origène  Cels.  Préface 1-2  ''Notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, victime d'un faux témoignage, se taisait, accusé, il ne répondait rien, bien persuadé que toute sa vie et ses actions parmi les Juifs surpassaient toute voix réfutant le faux témoignage et toutes paroles répondant aux accusations. [...] Or Jésus, victime d'un faux témoignage, se taisait : il suffit à présent de citer l'attestation de Matthieu, car celle de Marc est équivalente. Voici le texte de Matthieu : Le grand prêtre et le sanhédrin cherchaient un faux témoignage contre Jésus afin de le faire mourir et ils n'en trouvèrent pas, bien que beaucoup de faux témoins s'étaient présentés. Finalement il s'en présenta deux qui dirent : Cet homme a dit : Je peux détruire le temple de Dieu et le rebâtir en trois jours. (Mt 26,59-61). Le grand prètre se leva et lui dit : Tu ne réponds rien ? Qu'est-ce que ces gens témoignent contre toi ? Mais Jésus se taisait (Mt 26,62-63a). En outre, accusé, il ne répondait pas, car il est écrit : Jésus fut amené en présence du gouverneur. Celui-ci l'interrogea : Es-tu le roi des Juifs ? Jésus lui répliqua : Tu le dis. Mais quand il était accusé par les grands prêtres et les anciens, il ne répondait rien. Alors Pilate lui dit : N'entends-tu pas tout ce qu'ils allèguent contre toi ? Mais il ne lui répondit sur aucun point, à l'extrême étonnement du gouverneur (Mt 27,11-14). Quel sujet d'étonnement en effet, même pour des gens moyennement doués : l'accusé, victime du faux témoignage, pouvait se défendre, prouver qu'aucune charge ne l'atteignait, faire un long panégyrique de sa propre vie et de ses miracles, manifestement venus de Dieu, pour frayer au juge la voie d'une sentence favorable : bien loin de le faire, il n'eut que mépris et noble dédain pour ses accusateurs. Et que le juge, à la moindre défense, eût sur-le-champ libéré Jésus, c'est ce que montrent soit la parole qu'on rapporte de lui : Lequel des deux voulez-vous que je vous relâche : Barabbas ou Jésus qu'on appelle Christ ?, soit ce qu'ajoute l'Écriture : Il savait qu'on l'avait livré par jalousie (Mt 27,17s). Or Jésus ne cesse d'être en butte aux faux témoignages, et il n'est pas d'instant, vu la malice qui règne chez les hommes, où il ne soit accusé. Et lui, aujourd'hui encore, se tait devant ces attaques et ne répond point de sa propre voix ; mais il a sa défense dans la vie de ses véritables disciples, témoignage éclatant des faits réels, victorieux de toute calomnie, et il réfute et renverse les faux témoignages et les accusations.'' 
  • Origène  Cels.  7, 55  ''Après la liste de ces grands hommes, il [Celse] ajoute : Qu'est-ce que votre Dieu a dit de pareil dans son supplice ? On peut lui répondre : son silence au milieu des coups et des nombreux outrages (cf. Mt 26,63) manifeste plus de fermeté et de patience que toutes les paroles dites par les Grecs soumis à la torture [...] Même insulté et revêtu de la robe pourpre, la couronne d'épines autour de la tête et à la main le roseau en guise de sceptre (cf. Mt 27,14.28s.39), il garda une extrême douceur sans une parole vulgaire ou indignée contre les auteurs capables de ce forfait.''

61 Je peux détruire le temple de Dieu... Le temple du Dieu Logos Mt expliqué par Jean :

  • Origène  Cels.  2,10  ''... qu'on nous montre comment ceux qui cherchaient à établir de faux témoignages contre lui l'ont convaincu ! À moins peut-être que la grande charge contre Jésus ne fût cette déposition des accusateurs : Cet homme a affirmé : Je peux détruire le temple de Dieu et le rebâtir en trois jours (Mt 26,61) ? Mais il parlait du temple de son corps (Jn2,20). Tandis qu'ils croyaient, ne sachant l'interpréter au sens de son auteur, que le propos concernait le temple de pierre, plus honoré chez les Juifs que Celui qu'il aurait fallu honorer comme le véritable temple du Dieu Logos, de la Sagesse, de la Vérité.'' 

67 ils lui crachèrent au visage... Texte abrégé Exhortation adressée à celui qui est jugé digne du martyre :

  • Const. ap.  5,6,9  ''Qu'il se réjouisse donc d'imiter le maître [...] Or notre maître, Jésus, le Seigneur, fut frappé à cause de nous, il endura patiemment calomnies et outrages (cf. Mt 27,28-35), il fut couvert de crachats, souffleté, roué de coups (cf. Mt 26,67)...''

68 Christ prophétise, dit nous qui t'a frappé. Prophetiza nobis : inscription médiévale.

12e siècle : 

  • USA, New York, The Metropolitan Museum of Art, croix dite de Bury St. Edmunds, Christ conduit devant Pilate, un juif : "Prophetiza" Hoving 1964, 317-340.

69–74 Toi aussi tu étais avec Jésus le Galiléen Et tu cum Galileo eras : inscription médiévale.

12e siècle : 

Mystique

11 vous avez toujours les pauvres avec vous Aimer Jésus, une perte ?

  • Thérèse de Lisieux « Vivre » 13 : "‘Vivre d’amour, quelle étrange folie’ ! —— Me dit le monde. ‘Ah ! cessez de chanter —— Ne perdez pas vos parfums, votre vie, —— Utilement sachez les employer’ ! —— T’aimer, Jésus, quelle perte féconde !… —— Tous mes parfums sont à toi sans retour. "

Ce célèbre poème de sainte Thérèse de Lisieux a été souvent mis en musique, mais il a été particulièrement mis en musique par le chanteur-compositeur Grégoire, chanté par Natasha St-Pier et Anggun, très grand succès populaire. On regrettera cepenfant que le Nom de l'Aimé disparaisse du poèùe de Thérèse dans cette mise en musique : 

 Thérèse de Lisieux (Thérèse Martin, 1873-1897) : texte, Grégoire (Grégoire Boissenot, 1979—) : musique, Vivre d'amour, (2013), CD, Anggun (Anggun Cipta Sasmi, 1974— ) et Natasha St-Pier (1981—) : chant, 2ème titre de l'album Thérèse : Vivre d'amour

Sony Music Entertainment, © Licence YouTube standard

  • [Natasha St-Pier] Vivre d'Amour, c'est donner sans mesure — Sans réclamer de salaire ici-bas — Ah ! sans compter je donne étant bien sûre — Que lorsqu'on aime, on ne calcule pas. — Au Cœur Divin, débordant de tendresse — J'ai tout donné, légèrement je cours — Je n'ai plus rien que ma seule richesse : Vivre d'Amour —— [Anggun] Vivre d'Amour, c'est bannir toute crainte — Tout souvenir des fautes du passé — De mes péchés je ne vois nulle empreinte, — En un instant l'amour a tout brûlé — Flamme divine, ô très douce Fournaise ! — En ton foyer je fixe mon séjour — C'est en tes feux que je chante à mon aise : Je vis d'Amour —— [Natasha St-Pier] Vivre d'Amour, c'est garder en soi-même — Un grand trésor en un vase morte — Mon Bien-Aimé, ma faiblesse est extrême — Ah je suis loin d'être un ange du ciel ! —— [Anggun] Mais si je tombe à chaque heure qui passe — Me relevant tu viens à mon secours, — À chaque instant tu me donnes ta grâce : Je vis d'Amour —— [Natasha St-Pier] Vivre d'Amour, c'est naviguer sans cesse — Semant la paix, la joie dans tous les cœurs — Pilote Aimé, la Charité me presse — Car je te vois dans les âmes mes soeurs —— [Anggun] La Charité voilà ma seule étoile — À sa clarté je vogue sans détour — J'ai ma devise écrite sur ma voile : Vivre d'Amour —— [Natasha St-Pier & Anggun] Vivre d'Amour, quelle étrange folie! Me dit le monde — Ah ! cessez de chanter — Ne perdez pas vos parfums, votre vie, Utilement sachez les employer ! A des amants, il faut la solitude Un cœur à cœur qui dure nuit et jour — Ton seul regard fait ma béatitude — Je meurs d'Amour ! Mourir d'Amour, voilà mon espérance — Quand je verrai se briser mes liens — Mon Dieu sera ma Grande Récompense — Je ne veux point posséder d'autres biens — De son Amour je veux être embrasée — Je veux le voir, m'unir à lui toujours — Voilà mon Ciel, voilà ma destinée :  Vivre d'Amour...

Islam

26ss Les nourritures descendues du ciel

  • Coran 5,112-115 : Les Apôtres dirent : 'Ô Jésus, fils de Maris ! ton Seigneur peut-il, du ciel, faire descendre sur nous une Table servie ?' Il dit : 'Craignez Dieu, si vous êtes croyants !' Ils dirent : 'Nous voulons en manger et que nos coeurs soient rassurés ; nous voulons être sûrs que tu nous as dit la vérité, et nous trouver parmi les témoins'. Jésus, fils de Marie dit : 'Ô Dieu, notre Seigneur ! Du ciel, fais descendre sur nous une Table servie ! Ce sera pour nous une fête, –pour le premier et pour le dernier d’entre nous– et un signe venu de toi. Pourvois-nous des choses nécessaires à la vie ; tu es le meilleur des dispensateurs de tous les biens'. Dieu dit : "Moi, en vérité, je la fais descendre sur vous, et moi, en vérité, je châtierai d'un châtiment dont je n'ai encore châtié personne dans l'univers celui d'entre vous qui restera incrédule après cela'."

Le miracle de la Table servie, qui donne son nom à la sourate 5 a posé beaucoup de problèmes d'interprétation. Tout d'abord, il est difficile de dire si le miracle doit être rapproché de la Cène ou des épisodes de multiplication des pains (Mt 14,17-22 ; Lc 9,12-17 ; Mc 6,38-44). Une troisième possibilité évoquée par l'exégèse musulmane est de considérer que le miracle de la Table est un miracle de Jésus qui n'est rapporté que par le Coran.

Les commentateurs se sont aussi interrogés sur la question de savoir si la Table est effectivement descendue ou si Jésus a sursis à sa demande ; une telle hésitation provient des versets suivants où Jésus affirme qu'il n'est qu'un homme.

Littérature

36s L'agonie de Jésus L'épisode d'angoisse et de solitude du Christ inspira de nombreux auteurs :

  • Pascal Pensées dans « Le Mystère de Jésus » (fragment hors copie, publié pour la première fois par Faugère en 1844) médite sur le Christ souffrant la solitude de l'abandon à Gethsémani. Les réflexions de Pascal suivent le fil du récit des Écritures. Elles se calquent sur le rythme des événements de l'agonie, entrecoupées de citations venues directement des sources évangéliques, ou de paroles imaginées et mises dans la bouche du Christ à la manière de l'Imitatio : « Jésus souffre dans sa Passion les tourments que lui font les hommes. Mais dans l’agonie il souffre les tourments qu’il se donne à lui‑même. Turbare semetipsum. C’est un supplice d’une main non humaine, mais toute-puissante. Et il faut être tout‑puissant pour le soutenir. […] Jésus cherche de la compagnie et du soulagement de la part des hommes. Cela est unique en toute sa vie, ce me semble. Mais il n’en reçoit point, car ses disciples dorment. […] Jésus sera en agonie jusqu’à la fin du monde. Il ne faut pas dormir pendant ce temps‑là. […] Jésus prie dans l'incertitude de la volonté du Père et craint la mort. Mais l'ayant connue il va au-devant s'offrir à elle. Eamus processit. […] Console-toi. Tu ne me chercherais pas si tu ne m'avais trouvé. Je pensais à toi dans mon agonie ; j'ai versé telles gouttes de sang pour toi » (Laf. 919 ; Sel. 749).  
  • Vigny « Oliviers »   s'inspire du poète allemand Jean-Paul Richter (Sieebenkaas, 1796) expose ses propres angoisses par le personnage du Christ s'adressant au Père "- mais le ciel reste noir et Dieu ne répond pas". Le poème→ s'achève sur cette conclusion :

"S'il est vrai qu'au Jardin sacré des Ecritures,—— Le Fils de l'Homme ait dit ce qu'on voit rapporté ;—— Muet, aveugle et sourd au cri des créatures,—— Si le Ciel nous laissa comme un monde avorté,—— Le juste opposera le dédain à l'absence—— Et ne répondra plus que par un froid silence—— Au silence éternel de la Divinité."

"Ils dormaient. "Mes amis, savez-vous la nouvelle ?—— J'ai touché de mon front à la voûte éternelle ;—— Je suis sanglant, brisé, souffrant pour bien des jours !—— Frères, je vous trompais. Abîme ! abîme ! abîme !——— Le dieu manque à l'autel où je suis la victime...—— Dieu n'est pas ! Dieu n'est plus !" Mais ils dormaient toujours !..."

"Alors il s'éloigna de près d'un jet de pierre,Et se mit à genoux, et fit une prière.—— Il resta longtemps seul et comme plein d'effroi.—— Il disait: - « Ecartez ce calice de moi,—— « Seigneur! S'il faut mourir pourtant, que la mort vienne!—— « Que votre volonté soit faite, et non la mienne. »—— Le reste dans le ciel ténébreux se perdit. —— Les disciples dormaient. Christ revint, et leur dit: —— - Quoi donc! vous n'avez pu même veiller une heure!—— Il reprit: —— - C'est ainsi qu'il convient que je meure.—— Cela doit être, et nul au monde n'y peut rien.—— Je suis venu pour être abandonné. C'est bien.—— Il faut qu'on me rejette ainsi qu'un misérable. —— On distinguait au loin le temple vénérable—— Bâti par Salomon sur le mont Moria. —— - Pardon pour tous! dit Christ. Mais Pierre s'écria: —— - Si quelqu'un vous délaisse et vous quitte, ô mon maître, —— Ce ne sera pas moi, car je suis votre prêtre. —— Que le tombeau pour vous s'ouvre, j'y descendrai. —— Jésus lui répondit, calme, tandis qu'André,—— Jude et Thomas tournaient vers lui leurs têtes grises: —— - Vous m'aurez renié, vous Pierre, à trois reprises —— Que le coq n'aura pas encor chanté trois fois. ——"

  • Bernanos Journal fait du personnage du curé de campagne "le prisonnier de la sainte agonie". Les scènes d'agonie et d'angoisse de la mort sont nombreuses dans l'oeuvre de Bernanos, mais c'est peut-être dans Le Journal d'un curé de campagne que les références sont les plus explicites et les plus proches de l'évangile.
  • Max Jacob Derniers poèmes, Collection Poésie/Gallimard (n° 160), Paris : Gallimard, 1945 . Dans le poème "Agonie", l'écrivain, à ce moment au camp de Drancy, évoque sa propre mort imminente.

41 Chair FRANÇAIS BIBLIQUE

  • « L'esprit est ardent mais la chair est faible » est passé en proverbe, pour constater, déplorer et expliquer tout à la fois, par la faiblesse de la condition humaine incarnée, l'écart qui se sépare souvent nobles projets et piètres réalisations.

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42 si cette coupe ne peut passer loin de moi FRANÇAIS BIBLIQUE

  • « Boire le calice jusqu'à la lie » : souffrir jusqu'au bout.

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47 Judas, l'un des douze FRANÇAIS BIBLIQUE

  • « Judas » : le nom, parfois employé dans une plainte ou une insulte, est devenu symbole de  « traître ».
  • « Un judas » est aussi une petite ouverture dans une porte qui permet de voir sans être vu.

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48 baiser FRANÇAIS BIBLIQUE

  • Un ou le « baiser de Judas », c'est aussi « le baiser qui tue » : un rapprochement apparemment amical mais qui cache un engagement des hostilités.

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52 tous ceux qui prennent le glaive périront par le glaive FRANÇAIS BIBLIQUE

  • « Qui se sert de l'épée périra par l'épée » : l'expression est couramment utilisée pour condamner l'engrenage de la violence.

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Arts visuels

6–13 Onction à Béthanie et repas chez Simon L’onction de Béthanie est une scène complexe, relatée différemment par chaque évangéliste. Elle fait intervenir un personnage très nébuleux du NT, une femme pénitente (Milieux de vie Mt 26,7a ; Tradition chrétienne Mt 26,7a), qui fut majoritairement identifiée comme Marie Madeleine au Moyen Âge (surtout dans les images). L’iconographie de cet épisode a toujours compilé différents éléments mentionnés par différents évangélistes.

Premières images à partir du 9e siècle

Modelées sur la Cène

Les premières figurations médiévales sont conçues sur le modèle de la →Cène telle qu’elle est conçue dès le 9e s. Le Christ est assis en bout-de-table, alors que les convives sont réunis, de face, d’un côté de la table. La femme à l’onguent est présentée inclinée, le plus souvent à genoux, devant la table (du côté visible par le spectateur), pour oindre les pieds. Judas est de même présent. L'épisode est intégré à la scène du repas chez Simon le Lépreux, et sa composition ressemble à celle de la Cène, montrant la communion de Judas (Arts visuels Mt 26,21–25). C’est sous cette forme que le passage se transmet durant tout le Moyen Âge :

  • Linteau de l'église Sainte-Marie-Madeleine de Neuilly-en-Donjon, La Cène et L'Onction de Béthanie (ca. 1140).

Portail et linteau de l'église Ste-Marie-Madeleine de Neuilly en Donjon

Photo: Richard03, © CC BY-SA 3.0→

Sur le linteau sont représentés à droite Adam et Eve entre l'arbre de vie et l'arbre de la connaissance du bien et du mal, et à gauche la cène où l'on reconnait, attablés, Jésus, les apôtres et Marie de Béthanie aux pieds de Jésus.

Parfois des rapports sont aussi dressés entre l’onction des pieds de Jésus pendant un banquet et le lavement des pieds des apôtres lors de la Cène.

Préférence pour Jean...

L'Évangile selon Jean (avec l’onction des pieds par la femme, Jn 12,3) est la source privilégiée au Moyen Âge car elle donne un sens précis à l’épisode. Les pieds de Jésus (et cela en général dans l’iconographie chrétienne) se rapportent à son humanité et donc à sa mortalité. L’onction des pieds annonce la mort et la sépulture de Jésus. La résurrection de Lazare (Jn 11), qui côtoie cette représentation, apporte plus qu’un simple lien narratif : elle complète l’évocation de la mort et de la résurrection.

  • Les Homélies de Grégoire de Nazianze (ca. 879-883, ms. réalisé à Constantinople, Paris Bnf, Ms Grec 510 f. 196v). Dans cette miniature la scène se passe durant le repas chez Simon le lépreux. Elle présente l’onction des pieds et est couplée avec la résurrection de Lazare. Judas se trouve à la même place que celle qu’il occupe souvent à table lors de la Cène : le dos au spectateur (Arts visuels Mt 26,21–25 ; →Cène [arts visuels]).
  • Codex Egberti (ca. 985, Bibliothèque municipale de Trèves, Cod. 24 f. 65r). La légende de cette scène à la table de Simon le lépreux identifie les personnages : Marthe (légendée Martha, Jn 12,2) tient un vase d’onguent alors que Marie de Béthanie (qui n’est pas légendée) se prosterne aux pieds de Jésus. Jésus est hissé sur un immense trône, si bien que la femme opère quasiment un geste d’un culte impérial. Judas (Ivdas) est lui aussi présent. Cette miniature lie à nouveau l’onction des pieds et la résurrection de Lazare.
... par rapport aux Synoptiques

L’onction de la tête (Mt 26,7 ; Mc 14,3) est beaucoup plus rare dans l’iconographie :

  • Le Psautier de Besançon (composé vers 1260 pour un monastère cistercien, folio 7) montre pour la première fois le motif de l’onction sur la tête. L'épisode est pourtant encore associé à celui de l’onction des pieds : deux femmes sont simultanément représentées, l’une oignant la tête et l’autre les pieds de Jésus. L’artiste associe Marthe et Marie et attribue à chacune un acte distinct d’onction, représentant ainsi différentes expressions de la vénération due au Christ. Tradition chrétienne Mt 26,7a huile de parfum : Bernard de Clairvaux
  • Manuscrit Den Haag, 15e siècle

Maître François, Onction de Jésus extrait de la cité de Dieu d'Augustin,  manuscrit Den Haag (Enluminure miniature, 1475-1480)

Musée Meermanno Westreenianum, La Haye, © Domaine public→

Mt 26,6-13; Mc 14,3-9; Jn 12,1-8

15e-18e siècle

Le geste de l’onction des pieds fut privilégié et a suscité les plus belles créations dans tous les foyers artistiques, p. ex. :

  • Jean Fouquet (1452-1460, Chantilly) ; Dieric Bouts (1440, Berlin) ;

Dirk Bouts, Le repas chez Simon, (1440)

Gemäldegalerie, © Domaine public→

  • Tintoret (1562, Padoue) ; Véronèse (16e s., le salon d'Hercule au château de Versailles) ;

Paolo Véronèse, Le repas chez Simon le Pharisien, (1570)

 Pinacothèque de Brera, © Domaine public→ 

  • Pierre-Paul Rubens (1618-1620, Saint-Pétersbourg) ;
  • Philippe de Champaigne (1602-1674, Nantes) ; Jean Jouvenet (1706, Lyon).

20e siècle

Le texte synoptique parfois apparaît comme source iconographique :

  • Eric Gill (1926), Éric de Saussure (1968), Arcabas (abbaye de Leffe) et Macha Chmakoff choisissent explicitement le geste de l’onction de la tête.

6s Sainte Marie-Madeleine

Peinture française du 20e s.

George Desvallières (1861-1950), Sainte Marie-Madeleine (huile et pastel sur toile, 1911), 73 x 60 cm

Collection particulière, France © SEBERT→

Dans la lignée des maîtres italiens admirés par l’artiste, voici une Marie-Madeleine qui rappelle la Santa Maria Maddalena de Titien (vers 1533, Florence, palais Pitti, galerie Palatine) par ses longs cheveux et la position de ses bras. La sainte représentée à Florence, nue à mi-corps, les bras repliés sur le buste retenant une abondante chevelure blonde, est bien connue de Desvallières, qui a parcouru l’Italie, jeune peintre en formation. Il fait siennes les dernières recherches picturales, qu’il encourage et, résolument moderne, il ébauche (l 1376b) sa Marie-Madeleine au Salon d’automne 1911 pour signaler ses nouvelles préoccupations religieuses. Réminiscence de Gustave Moreau, dans l’épaisse colonne antique aux couleurs d’émaux, rappel du rose soutenu, en haut à droite de la composition, caractéristique des Femmes de Londres et du Moulin-Rouge (CR 858-1056), parti pris d’un dessin stylisé, presque cubiste, dans les grandes lignes qui définissent la femme repentie. Des traces de pastel blanc, sous l’huile, achèvent de donner un ton laiteux, unique, à la carnation du modèle. « Que d’artistes l’ont représentée, émue et repentante, trop souvent voluptueuse parmi ses larmes ! C’est de tous les modèles le plus beau peut-être et le plus facile. Mais je crois que M. Desvallières a voulu nous dire autre chose, dans un langage qui ne fût pas uniquement celui du peintre. C’est un élan du cœur, un jaillissement de prière, de repentir, de dévotion éperdue, un regard noyé sous l’or des cheveux flottants, des bras serrés sur une poitrine haletante, la joie du pardon qui purifie, de l’amour qui abolit tout. » (Pératé)

12 elle, quand elle a répandu cette huile de parfum sur mon corps Christ et Madeleine ? « La femme », parmi les saintes femmes, se caractérise par le soin du corps de Jésus. Elle lui reste attachée au-delà même de la mort, alors que les hommes se sont enfuis. Certains peintres se sont attachés à cette attache jusqu'à proposer des œuvres parfois jugées scandaleuses. 

20e s.

George Desvallières (1861-1950), Christ et Madeleine, (Huile et essence sur papier marouflé, 1905), 242 x 130 cm

Ohara Museum of Art, Kurashiki (Japon)

© Succession Desvallières→

Thème plusieurs fois traité par l’artiste, ce Christ et Madeleine, encore fortement influencé par Gustave Moreau, est l’aboutissement de la pensée du peintre sur la grâce et le péché, selon la réflexion de saint Augustin qui développe la phrase de l’Exultet, chanté par l’Église la nuit de Pâques : « Heureuse faute qui nous a valu un tel Rédempteur ! » Depuis la célébration de la première communion de son neveu Jean Paladilhe, un déclic s’est opéré chez l’artiste. Alors qu’il dit n’avoir conservé aucun souvenir de sa propre première communion, il voit désormais dans ce mystère la rencontre de l’homme à qui Dieu offre sa propre vie, tout pécheur qu’il est. Le peintre choisit comme modèle Marie-Madeleine, la pécheresse de l’Évangile, accusée par ses frères.

Représentée en 1902 agenouillée sous la couronne d’épines, elle se trouve ici dans les bras du Christ, qui la prend délicatement sous sa protection. En pied, Jésus, couronné d’épines, et Marie-Madeleine, serrée contre lui, apparaissent sous un portique pour illustrer la miséricorde divine. Nouvelle représentation originale et osée, « dans un corps à corps qui unit ici Jésus crucifié au premier témoin de sa résurrection » (Collet), les deux figures sont mises en valeur sur un piédestal, encadrées par les quatre colonnes qui portent l’inscription de leurs noms latins : « Jesus Christus – Sancta Maria Magdalena. »

Certains rapprochent le peintre de Burne-Jones ou des maîtres italiens : « Le “Christ et Madeleine”, de Desvallières, est une œuvre qui frissonne de pitié sacrée. La chair sombre, presque fauve du Christ, ses yeux meurtris, son front que cercle la couronne d’épines, pleurent des larmes et des sueurs d’angoisse sur le visage de Madeleine. Un semblable poème pictural évoque le souvenir austère de Mantegna de Padoue. » (Castelberghe)

L’étrangeté de la scène choque certains critiques : « L’expression de la Madeleine auprès du Christ mort ne souffre pas cet effet de perversité, si curieux soit-il. » (Péladan) Une lettre adressée au président du Salon d’automne Frantz Jourdain, parue dans La Gazette de la Capitale et du Parlement le 29 octobre 1905, demande même que l’œuvre, jugée scandaleuse, soit retirée de l’exposition, avec Le Bain turc (1862), d’Ingres. Sur une photographie de la galerie Druet, on peut voir que le Christ et Madeleine (CR 826) de 1902 est la version exposée lors de la première rétrospective du peintre, rue Royale, en 1910, et non celle de 1905.

Elle est au nombre des trois tableaux acquis auprès de l’artiste par le peintre japonais Torajirô Kojima pour le compte du mécène Magosaburô Ôhara, fondateur du futur Ohara Museum of Art, à Kurashiki, au Japon (voir CR 959), avec Choses vues, souvenirs de Londres (CR 959) en 1920 et Le Bon Larron, Kyrie Eleïson (CR 1467), en 1921.

26ss Institution de l'Eucharistie

  •  Anonyme, Patène avec la Communion des Apôtres, (argent, dorure et nielle, ca. 565 - 578), 35 x 35 x 3,18 cm, Dumbarton Oaks Museum→, Washington, États-Unis

17e s.

Cène en U

Nicolas Poussin (1594-1665), Les Sept Sacrements I : L' Eucharistie, (huile sur toile, ca. 1636-1640), Collection du duc de Rutland

Fitzwilliam Museum, Cambridge, domaine public © Wikicommons→

En rectangle

Nicolas Poussin (1594-1665), Les Sept Sacrements II : L'Eucharistie, (huile sur toile, 1647), 117 × 178 cm, Collection du duc de Sutherland

National Gallery of Scotland (mise en dépôt), Édimbourg, domaine public © Wikicommons→

Envol 

Nicolas Poussin (1594-1665), Institution de l'Eucharistie, (huile sur toile, 1641), sainte Cène, 325 × 250 cm

Paris, musée du Louvre, salle 19, domaine public © Wikicommons→

18e s.

Art populaire

Art populaire, La Cène (18e s.), cire de Nancy, 44,5 x 57 x 15,5 cm

© Photo : Trésors de ferveur→

26ss Méditation moderne et contemporaine sur l'Eucharistie 

Peinture du 20e s. 

Au comble de la charité... 

George Desvallières (1861-1950), La messe de St Vincent de Paul, « acte capital, flamboyant », (Aquarelle, gouache, crayon et encre, ca. 1929 - 1934), 20,5 x 15 cm

Collection particulière, Paris © Succession Desvallières→

Original de l’illustration page 289 (CR 2271) du livre d’art Monsieur Vincent montrant le saint prêtre au moment de l’élévation de l’hostie pendant sa messe, l’aquarelle est placée, avec neuf autres, dans un passe-partout au début de l’exemplaire no 71 imprimé pour Monsieur Albert Malle.

... un baiser d'amour ...

George Desvallières (1861-1950), Première communion de sainte Thérèse, (Huile sur toile, 1938), 195 x 143 cm

Collection particulière, Paris © Succession Desvallières→

En 1938, alors âgé de 77 ans, Desvallières a commencé ce travail sur sainte Thérèse de Lisieux pour l’illustration du livre d’Henri Ghéon, projet qui n’aboutit pas (CR 2403). Quelques-unes de ses aquarelles furent alors exposées chez Druet en 1938. Le peintre, admiratif de l’humble carmélite de Lisieux, présenta deux grands panneaux au Salon d’automne 1938, qui illustrent les deux rencontres de la sainte avec le Christ, lors de sa première communion représentée sur cette toile, et le jour de sa mort dans Ascension de Sainte Thérèse CR 2418. Avant le salon, Marguerite Desvallières écrivit à sa fille France, l’impression que produisit sur elle cette première communion, « Quant à papa il a fait quelques illustrations mais surtout une assez grande Ste Thérèse de Lisieux au pied d’un Christ que je trouve superbe sous une voûte de roses éclairées par des cierges. » Les deux compositions provoquèreent l’enthousiasme de la critique : « Le grand peintre chrétien Georges [sic] Desvallières s’est consacré cette année à sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. Une toile infiniment touchante nous montre sa première communion, où le Christ couronné d’épines, à l’expression douloureuse, se penche paternellement sur la petite Sainte ployée à genoux, entourée de roses et d’un buisson de cierges » (Charnage). Goulinat parle de trois panneaux de « la vie ardente de Ste Thérèse » mais remarque surtout que l’artiste « met au service de sa foi toutes les ressources d’idées créatrices dont nous avons souvent vanté la richesse ».

Cette première communion reste l’une des œuvres les plus importantes d’une longue série de méditations de Desvallières sur la carmélite de Lisieux qui l’inspirera jusqu’au seuil de sa vie avec les illustrations du livre Thérèse Martin de Louis Chaigne (1948). Dans ce dernier ouvrage d’art, il reproduira ce « premier baiser d’amour » dont parle Thérèse dans ses écrits, sur l’aquarelle CR 2630 et l’illustration CR 2647.

... jusqu'au cœur de la violence

George Desvallières (1861-1950), Triptyque de la Rédemption, La messe dans la tranchée, détail, (vitrail, 1927), 230 x 140 cm

Panneau de droite du Triptyque de la Rédemption situé sur le mur gauche de la nef, chapelle de l’Ossuaire, Douaumont

© Ponton→

C'est une image de la vie quotidienne du commandant Desvallières sur le front, à la première heure : un prêtre célèbre la messe au milieu des tranchées. C’est le moment central de la cérémonie, celui de la Consécration du pain et du vin. Les fusils sont déposés, les casques retirés et les visages recueillis. Sur la droite, une sentinelle casquée veille.

Pour cette composition, Desvallières reprend un croquis de guerre réalisé sur le front d’Alsace en 1916 (CR 1576) où il a souvent organisé la célébration de l’office.

  • « C’est la messe aux premières lignes ; un prêtre, l’aube et la chasuble jetées sur l’uniforme, élève le calice au-dessus des créneaux ; la pierre de l’autel est posée à même les sacs de terre du parapet ; la tranchée dessine l’amorce d’un boyau où des hommes à l’entrée des sapes suivent l’office. » (Vallery-Radot)

Son élève, Jean Hébert-Stevens, trouve avec son maître les harmonies voulues pour rendre éclatante cette cérémonie au creux d’un boyau. La famille Guéneau de Mussy, amie des Desvallières, a offert ce vitrail et celui du Poilu emmené par deux anges (CR 1860), « In memoriam », « En souvenir » de leur fils François, lieutenant mort lors de l’attaque du Fort de Douaumont le 22 mai 1916.

Le triomphe de l'eucharistie O Salutaris Hostia

George Desvallières (1861-1950), Le triomphe de l'Eucharistie O Salutaris Hostia, (1926)

Église Saint-Jean-Baptiste, Pawtucket (Rhode Island, É.-U.) © Succession Desvallières→

Le programme iconographique déployé par Desvallières occupe quatre grands caissons au plafond de l’église. « Desvallières a représenté le Triomphe de l’Eucharistie - l’Hostie, dans un ostensoir rayonnant, adorée par les anges. - Puis, dans les trois compositions qui se succèdent en descendant la nef : Dieu le Père et le Saint- Esprit, dans leur gloire ; le Christ médiateur, “ inclinant les cieux ” pour venir bénir l’humanité ; les Apôtres, qui symbolisent toute l’Église militante, élevant leurs aspirations vers le Seigneur. »

21e s. 

Art contemporain

François-Xavier de Boissoudy (1966-...), Le Père et le Fils I, (lavis d'encre, 2017), 125 x 142 cm

Coll. part., © Fr-X. de Boissoudy→, Mt 26,26 ; Mc 14,22 ; Lc 22,19 ; Jn 17,1-26 ; Jn 5,19-20 ; Jn 4,34 ; Jn 5,30.36-37 ; Jn 14,6-7 

La composition met en parallèle le Père qui se donne en sa Création, symbolisée ici par la lune ronde qui rappelle l’hostie et le Fils qui se donne en son corps dans le pain consacré. Le Christ est tout entier image du Père, et son pain, c’est de faire la volonté de celui qui l’a envoyé (Jn 4,34).

Cet œil me regarde toujours

François-Xavier de Boissoudy (1966-...), Le Père et le Fils II, (lavis d'encre, 2017), 125 x 142 cm

Coll. part., © Fr-X. de Boissoudy→, Mt 26,26 ; Mc 14,22 ; Lc 22,19 

Comme un œil grand ouvert dans le ciel, le Père préside au sacrifice du Fils. Déjà en bas à droite, la troupe envoyée par les grands prêtres s’avance par les portes de la ville pour venir arrêter Jésus.

28 les lis des champs Le lis symbole de la Vierge Marie

12e s.

Anonyme, Lis parmi les épines (fresque, 12e s.)

ermitage de Santa Caterina del Sasso→, Lombardie (Italie)

© CC BY-SA 3.0→

Les épines présentes autour des lis forment une couronne analogue à la couronne de la Passion du Christ. Les lis évoquent ici la victoire du Christ sur la mort et la vie qui en jaillit.

36–46 L’agonie du Christ à Gethsémani Dans l’art occidental et dans des cycles christologiques, l’abondante iconographie emprunte aux différents évangiles synoptiques (celui de Jn se faisant moins volontiers le support d’une représentation imagée), sans se limiter à un seul évangile (Lecture synoptique Mt 26,36–46).

Dans l'Antiquité tardive

L'épisode est peu présent en tant que tel dans les images antiques, qui préfèrent au cycle de la passion les miracles du Christ. Il arrive cependant que la scène dans le jardin de Gethsémani soit évoquée. Parmi les plus anciens exemples références se trouvent :

  • La Lipsanothèquede Brescia (ca. 360-370). Les seuls éléments permettant de reconnaître la scène sont les oliviers au milieu desquels se trouve le Christ juste avant la scène d'arrestation. Le Christ semble tenir un volumen, en référence à sa prière.

Anonyme, Lipsanothèque de Brescia, (boite (reliquaire ?) en ivoire sculpté, 4e s. (ca. 386 ?, Milan, Italie), 22 x 32 x 25 cm

Museo di Santa Giulia, Monastère San Salvatore, Brescia, Italie, domaine public © Wikicommons→

Toutes les parois de la boite sont sculptées. Le couvercle, face la plus importante, présente les plus grands reliefs, avec cinq scènes de la Passion du Christ en deux registres et un petit registre supérieur avec une frise d’oiseaux. Jésus au jardin de Gethsémani —— Arrestation —— Trahison de Pierre, avec le coq —— Jésus devant Anne et Caïphe —— Ponce Pilate se lave les mains.

  • Les mosaïques de Saint-Apollinaire-le-Neuf (520-526, Ravenne) sont parmi les premières représentations de la scène dans le monde occidental. L’accent est porté sur l’exhortation et l’enseignement du Christ aux disciples : Jésus est représenté nimbé de lueur, debout, de face et les paumes ouvertes ; il n'est pas en agonie.

Anonyme, Le Christ à Gethsémani (mosaïque, 6e s.)

Nef centrale, mur, registre supérieur, Basilica di Sant’Apollinare Nuovo, Ravenne, Italie

© D.R. Blog "Art in Faith"→

Le haut Moyen Âge

Cette époque favorisa une iconographie beaucoup plus littérale et exégétique que celle développée par les artisans ravennates.

  • Codex purpureus Rossanensis (6e s., Rossano). Sur cette miniature le Christ prie prosterné, puis réveille les trois apôtres endormis.

Anonyme, Codex Purpureus Rossanensis (Gregory-Aland : Σ ou 042, Soden : ε 73) : l'Agonie (écriture grecque onciale en or et argent et enluminure sur parchemin pourpre, 4e-7e s.), 31 x 26 cm

Trésor archéologique, Cathédrale de Rossano, Calabre, Italie, © Wikicommons→ 

Considéré comme le plus ancien des manuscrits illustrés du Nouveau Testament, le Codex Purpureus Rossanensis, ou L'Évangéliaire de Rossano, se compose de 188 folios, écrits sur deux colonnes, 20 lignes par colonne. Il présente l'Évangile selon Matthieu et l'Évangile selon Marc avec une lacune (Mc 16,14-20). 

  • Les portes en bois de l’église Sainte-Marie-du-Capitole à Cologne (milieu du 11e s.) développent la même iconographie.

À partir du 9e s.

La mise en image conforme à Mt tend à disparaître, au profit de représentations du Christ agenouillé, détail de Lc 22,41 (Lecture synoptique Mt 26,39a).

  • Le Psautier de Stuttgart (ca. 820-830) présente le Christ agenouillé devant la main de son Père (apparaissant dans les cieux), puis réveillant le groupe des apôtres (et non seulement Pierre, Jacques et Jean).

À partir du 12e s.

Les concepteurs d’images privilégient les représentations de l'ange consolateur de Lc 22,43. Le Christ est presque toujours agenouillé en présence de l'ange, qui lui présente, ou non, un calice ou une croix :

  • le Psautier d’Ingeburge (1210, musée Condéde Chantilly) ; le Retable de l'abbaye de Klosterneuburg (1330, Klosterneuburg). 

Cette mise en image se diffuse abondamment, d'autant plus que les cycles de la passion se multiplient à partir du 13e s. Ces productions permettent la diffusion très large de la dévotion au Christ à l'agonie.

Pour autant la représentation majestueuse du Christ à l'agonie prêchant continue : 

Anonyme, Prières du Christ à Gethsémani (détail), (mosaïque, ca. 1220)

Niveau de la galerie, registre inférieur, basilique-cathédrale Saint-Marc, Venise © Wikicommons→ 

Pendant la Renaissance et l'Époque classique

L’accent sur la solitude du Christ et la consolation apportée par les anges se renforce. La scène disparaît peu à peu des cycles de la passion, moins fréquents. Elle devient un événement isolé où s’offre à la méditation la souffrance du Christ et son consentement.

Le plus souvent les artistes mettent l’accent sur un dialogue entre le Christ et l’ange :

  • Hans Multscher (1437, Berlin) ; Andrea Mantegna (1459, Londres) ; Giovanni Bellini (1460, Londres) ; Donatello (1465, San Lorenzo) ; Benvenutto di Giovanni (1491, Washington) ; 

Andrea Mantegna (1431-1506), L'Agonie au jardin des oliviers, (tempera sur bois, ca. 1458-1460), 63 × 80 cm

National Gallery, Londres, domaine public © Wikicommons→ , Mt 26,36s ; Mc 32s ; Lc 22,40s

Giovanni Bellini (ca. 1430-1516), L'Agonie au jardin des oliviers, (peinture sur bois, ca. 1465), 81 cm × 127 cm

National Gallery, Londres, domaine public © Wikicommons→, Mt 26,36s ; Mc 32s ; Lc 22,40s 

  • Le Pérugin atteint un certain équilibre dans la représentation paisible des divers aspects de l'épisode :

Pietro Perugino (ca. 1450–1523), Orazione nell’Orto, (huile sur panneau, ca. 1485-1490), 168,2 x 165,4 cm,

Musée des Offices, Florence (n° 20 in Garibaldi V., Perugino. Catalogo completo 8, Florence, 2000) 

Domaine public © Wikicommons→

  • Botticelli (1500, Granada) ; Tintoret (1578-1581, Venise) ; Ludovico Carracci (1586, Londres) ;Valerio Castello (1645, Los Angeles). 

Aux 17e et 18e s., l’accent porte sur la consolation apportée par le ou les messagers du Père. Outre El Greco (1590, Londres),

Le Greco (1541-1614), L'Agonie au jardin des oliviers, (huile sur toile, ca. 1610-1612), 170 × 112,5 cm

Musée des beaux-arts de Budapest, CC GNU-FDL © Wikicommons→, Mt 26,36s ; Mc 32s ; Lc 22,40s ;

Le Greco (Doménikos Theotokópoulos, 1541-1614), L'Agonie dans le jardin des oliviers, (huile sur toile, ca. 1590), 102 x 131 cm

 National Gallery, Londres

Domaine public © Wikimedia commons →

Les œuvres de Nicolas Poussin en témoignent : 

Nicolas Poussin (1594-1665), Le Christ au jardin des Oliviers, (Huile sur cuivre, ca.1628) 62 × 49 cm

Metropolitan Museum of Art, New York, domaine public © Wikicommons→

Nicolas Poussin (1594-1665),  Agonie du Christ au jardin des Oliviers (huile sur toile, ca. 1626 ou 1632-1633) 60,5 × 47 cm

Getty Museum, Los Angeles, domaine public © Wikicommons→, Mt 26,36-46; Mc 14,32-42; Lc 22,39-46; Jn 18,1; Jn 12,27-29

  • Gerrit van Honthorst (1617, Saint-Pétersbourg) ; Guido Reni (ca. 1620) ; Jacques Stella (1640) ; Jean-Baptiste Jouvenet (1694, Rennes).

La représentation ou l’accentuation de ce détail, donné par Lc 22,43, peut aller jusqu’à l’omission ou le rejet dans l’ombre du reste de l’épisode. Se développe ainsi une iconographie représentant le Christ consolé ou servi par les anges au mont des Oliviers :

  • Giovanni Battista Caracciolo (1615, Vienne) ; Philippe de Champaigne (1650, Portland) ; Sebastiano Ricci (1730, Vienne) ; Charles André van Loo (1760, Los Angeles). On la retrouve dans l'oeuvre délibérément archaïsante de Henry Siddons Mowbray (1915-1925), Gethsemane, huile sur toile (1915-1925), Smithsonian American Art Museum.

Exceptionnels, dans le corpus ancien et classique, sont les artistes qui ignorent la présence de l’ange et accentuent ainsi la solitude du Christ (Vittore Carpaccio, 1502, Venise).

Art populaire du 18e s.

Art populaire, Christ au Mont des Oliviers, cire de Nancy (18e s.), 44 x 30,2 x 8,4 cm

© Photo : Trésors de ferveur→

Époque moderne

Le nouveau Christ tourmenté des Romantiques apparaît. Outre Gustave Doré (1843) ; Paul Delaroche (1855), les approches successives de Delacroix sont éloquentes :

Eugène Delacroix (1798-1863), Esquisse pour le Christ au Jardin des Oliviers (huile sur toile, ca. 1826), 32 × 40 cm

Musée Eugène Delacroix, Paris, domaine public © Wikicommons→, Mt 26,36s ; Mc 32s ; Lc 22,40s 

Eugène Delacroix (1798-1863), L'Agonie au Jardin (huile sur toile, 1861), 34 x 42 cm

Rijksmuseum, Amsterdam, domaine public © Wikicommons→ 

Gustave Moreau (1826-1898), Le Christ au jardin des Oliviers (huile sur toile, vers 1880) 80 × 75 cm

Musée Gustave Moreau, Paris — Chat. 596, domaine public © Wikicommons→ 

Cependant, des mises en scène plus traditionnelles continuent. Outre Émile Bernard (1889) :

Carl Heinrich Bloch (1834-1890), Gethsemane, (huile sur plaque de cuivre, 1873)

Musée d'Histoire National du Château de Frederiksborg, Frederiksborg Slotskirke, Danemark, domaine public © Wikimedia commons→

Paul Gauguin (1848-1903), Le Christ au Mont des Oliviers (huile sur toile, 1889), 73 x 92 cm

Norton Museum of Art, West Palm Beach, Florida (USA), domaine public © Wikicommons→

Du 6e s. à nos jours, l’évolution est sensible : l’aspect dogmatique de l’Antiquité tardive, l’aspect narratif et moralisateur du Moyen Âge (où le déroulement des différents moments du passage scripturaire est d’autant plus visible que l’événement se situe sur une montagne) furent peu à peu remplacés, à partir du 15e s., par un aspect plus méditatif et contemplatif que des œuvres récentes n’ont pas démenti. La création contemporaine, dans son souci de dépouillement, est cependant parfois revenue à Mt :

  • Willy Fries (1936-1944, Cologne-Marienburg). Le Christ, à l’écart, profondément incliné, est représenté de dos, tandis que les apôtres, dans l’ombre du contrebas, se sont assoupis.

36–41 CONTEMPLATION Tourmente nocturne

Peinture française du 19e s.

Vincent van Gogh (1853-1890), La Nuit étoilée (huile sur toile, juin 1889), 73,7 x 92,1 cm

Museum of Modern Art (MoMA)→, New York © Domaine public

La nuit transfigurée. Vincent est à l’asile de Saint-Rémy de Provence, sa chambre devient ainsi la cellule de ses visions. Dans la nuit de ses désespoirs, les étoiles sont des soleils et s’enroulent en des tourbillons de feu, prenant la forme de tournesols ; et la lune elle-même se métamorphose en soleil, dans le ciel nocturne de ses angoisses. Les cyprès semblent une flamme immense, cierges d’une étrange supplique, celle d’une prière où le clocher est comme un doigt levé qui touche le ciel pour y puiser une parcelle d’espérance. Autour de l’église se blottit un petit village où la lumière des foyers émerge des fenêtres.

Voici l’étreinte de la nuit et de la lumière en quête d’une aurore. Van Gogh qui voyait dans un arbre tourmenté le Christ en agonie, nous fait découvrir que l’artiste est un prophète qui annonce le jour au cœur de la houle de nos insomnies tourmentées. « Veillez et priez » (Mt 26,41) … et la nuit deviendra lumière pour vos yeux obscurcis. Il manifeste ce désir d’absolu par la puissance des couleurs pour chercher à sortir de ses torpeurs. Il nous fait découvrir en ce paysage transfiguré le souffle de vie arraché aux cauchemars de la mort. La lumière a vaincu les ténèbres. (J.-M. N.)

39 Offrant sa vie à son Père dans l’agonie de Gethsémani

Art contemporain

François-Xavier de Boissoudy (1966-...), Avec son Père II, (lavis d'encre, 2018), 100 x 125 cm

Coll. part., © Fr-X. de Boissoudy→, Mt 26,39 ; Mc 14,35-36 ; Lc 22,41-42 ; Jn 17,1-26

47–50 Représentations iconographiques du baiser de Judas Le geste de la trahison de Judas est diversement représenté :

6e s.

Anonyme Le Baiser de Judas (mosaïque, 6e s.), basilique Saint-Apollinaire-le-Neuf, Ravenne

© Wordpress→

12e s.

Saint-Nectaire

Anonyme Le Baiser de Judas (12e s.), Chapiteau, Église Notre-Dame, Saint Nectaire,

 © raymond-faure.com→

Chartres

Anonyme Le Baiser de Judas (calcaire, 12e s.), côté droit de la façade, Cathédrale de Chartres,

Domaine public © Wikicommons→

Saint-Gilles-du-Gard

Anonyme Le Baiser de Judas (12e s.), Façade, abbatiale Saint-Gilles,

© 1963-2018 Peter Mathews→

14e s. 

Giotto di Bondone (ca.1267-1337), Le Baiser de judas (fresque, entre 1304 et 1306), 200 cm × 185 cm,

Chapelle Scrovegni, église de l'arena de Padoue, Domaine public © Wikicommons→

Dans les manuscrits enluminés, le baiser de Judas est couramment rapproché de l’assassinat d’Abner par Joab (2S 3) et de la trahison de Tryphon (1M 12).

15e s.

Anonyme, Armenbibel in 48 Darstellungen - BSB Cgm 155, (parchemin enluminé, ca. 1450), 39,9 x 27,5 cm, Cgm 155,

CC BY-NC-SA 4.0 © Bayerische StaatsBibliothek→, 2S 3, 1M 12, Mc 14

15e s.

Anonyme, Tryphon trahit Jonathan, (1450-1455), 110 x 60 cm, Biblia Pauperum, 30r

Bibliothèque nationale des Pays-Bas, Domaine public © Europeana collections→, 2S 3, 1M 12, Mc 14

17e s. 

Antoine van Dyck (1599-1641), L'Arrestation du Christ (huile sur toile, 1618-1620) 344 × 253 cm

Musée du Prado, Madrid, Domaine public © Wikicommons→

18e s.

Francisco de Goya (1746–1828), L'Arrestation du Christ (huile sur toile, 1798), 40,2 cm × 23,1 cm

Musée du Prado, Madrid, Domaine public © Wikicommons→

57–66 Jésus devant le Sanhédrin

14e s.

Giotto di Bondone (?-13337), Scènes de la vie du Christ : le Christ devant Caïphe, (fresque, 1304-1306), 200 x 185 cm

chapelle des Scrovegni, Padoue, Italie, Domaine public © Wikimedia commons→, Mt 26 ; Ps 120

69–75 Reniement de saint Pierre De nombreux artistes ont représenté très directement cette scène à proprement parler révolutionnaire dans l'histoire de l'art, à commencer par la littérature (Auerbach). Une image particulièrement touchante du reniement est peut-être à trouver dans le détail d'un célébrissime tableau de Paul Gauguin : 

Henri Eugène Paul Gauguin (1848-1903), Le Christ jaune, (huile sur toile, Pont-Aven, 1889),  92.1 × 73 cm

  Albright-Knox Art Gallery, Buffalo (U.S.A.), © Wikicommons

Catalogues raisonnés :  W.327: Georges Wildenstein, Gauguin : I. Catalogue, 1964. S.151: Gabriele Mandel Sugana (1972) L'opera completa di Gauguin, Milan: Rizzoli, no. 151.

Trois femmes à genoux au pied d'un calvaire breton, pourraient être une simple halte de trois paysannes du début du 20e s. Mais il pourrait s'agit aussi d'une évocation de la crucifixion elle-même, avec les saintes femmes et Marie au pied de la croix. Un petit personnage, en arrière plan du tableau, escalade un mur pour s'éloigner de la croix. C'est peut-être Judas, mais c'est peut-être bien Pierre, aussi, et tout homme, pécheur, qui fuit la Croix.

Musique

1s Prologue : invitation à contempler Dans la tradition des passions responsoriales, Bach Passion fait précéder le récit évangélique d’une pièce introductive qui donne le ton de cette « grande passion ». Mais au lieu de faire aux fidèles la traditionnelle invitation à écouter le récit des dernières heures de la vie du Christ, il compose un double chœur d’ouverture invitant les fidèles moins à entendre qu’à voir le Christ en croix. Il met en scène les personnages symboliques des « Filles de Sion » (chœur 1), qui contemplent le mystère de la rédemption et invitent les « Croyants » (chœur 2) à faire de même. Ce double **chœur accompagné par un double orchestre (il y avait deux tribunes face à face dans l’église Saint-Thomas, pour laquelle cette passion a été conçue et où elle fut exécutée le 11 avril 1727, aux vêpres du vendredi saint) fait entrer dans un climat de contemplation à l’orée de la fresque qui suit. Le choral monophonique, qui fait intervenir un troisième chœur, et qui semble planer au-dessus du dialogue des deux premiers, y invite encore davantage.

Jean-Sébastien Bach (1685-1750), Matthäus-Passion BWV 244, Philippe Herreweghe, dir. ; Christoph Prégardien, ténor ; Tobias Berndt, baryton ; Dorothee Mields, soprano ; Hana Blažíková, soprano ; Damien Guillon, alto/contreténor ; Robin Blaze, alto/contreténor ; Colin Balzer, tenor ; Hans Jörg Mammel, ténor ; Matthew Brook, baryton-basse ; Stephan MacLeod, baryton-basse ; chœur et orchestre du Collegium Vocale Gent

Kölner Philharmonie, 2013 © Licence YouTube standard

Chœur « Kommt, ihr Töchter »

  • « Sion : Venez, mes filles, aidez-moi à lamenter. Voyez ! / Croyants : Qui ? / Sion : Le fiancé. Voyez-le ! / Croyants : Comment ? / Sion : Tel un agneau. Voyez ! / Croyants : Quoi ? / Sion : Sa patience. Voyez ! / Croyants : Où ? / Sion : Sur notre faute. Voyez-le qui par amour et par grâce porte lui-même le bois de la croix. »

Choral

  • « Ô Agneau de Dieu innocent, sacrifié sur le tronc de la croix, toujours trouvé patient, alors qu’on te méprisait, tu as porté tous nos péchés, autrement, nous aurions dû désespérer. Aie pitié de nous, ô Jésus. »

Tout au long de la passion, six dialogues entre les deux chœurs permettront d’approfondir pédagogiquement la contemplation de la passion du Christ, en mettant en abyme la situation dans laquelle se trouve la communauté réelle des spectateurs/auditeurs.

Le procédé du dialogue entre les deux chœurs est pédagogique : tandis que le chœur 1 sait d’emblée ce qu’il faut contempler dans la passion, le chœur 2 semble au contraire ne pas savoir comment regarder : il demande au premier de le lui apprendre. Est ainsi mise en œuvre la recommandation de Luther dans sa prédication : la passion du Christ engage une mystique du regard, qui doit être éduquée car le salut en dépend en partie.

3.47 ; 27,46 Les ténèbres se firent

18e s.

Johann Michael Haydn (1737-1806), Tenebrae factae sunt, 1772

Mandák Kórus

© Licence YouTube standard→, Mt 25,45ss Jn 19,30 Lc 23,46

Paroles

Tenebrae factae sunt, dum crucifixissent Jesum Judaei: et circa horam nonam exclamavit Jesus voce magna: Deus meus, ut quid me dereliquisti? Et inclinato capite, emisit spiritum. V. Exclamans Jesus voce magna ait: Pater, in manus tuas commendo spiritum meum. Et inclinato capite, emisit spiritum.

Les ténèbres se sont faites pendant que les Juifs crucifiaient Jésus : et vers neuf heures, Jésus s'exclama d'une voix forte : Mon Dieu pourquoi m'as-tu abandonné ? Et après avoir incliné la tête, il expira. Jésus s'exclamant d'une voix forte dit : Père, entre tes mains je remets mon esprit. Et après aovir incliné la tête, il expira.

Composition

Michael Haydn est un compositeur autrichien, né le 14 septembre 1737 à Rohrau (Autriche) et décédé le 10 août 1806 à Salzbourg. Il est le frère cadet de Joseph Haydn (1732–1809). Ses œuvres comportent plus de huit cents compositions, essentiellement religieuses.

6–13 La femme avec le vase d'albâtre

20e s.

Arvo Pärt (b. 1935), The Woman With the Alabaster Box, 1997

Paul Hillier (dir.), Estonian Philharmonic Chamber Choir, Theatre of Voices, Pro Arte Singers

© Licence YouTube standard→, Mt 26,6-13

Compositeur

Arvo Pärt né le 11 septembre 1935 à Paide, en Estonie, est un compositeur estonien de musique contemporaine vivant à Tallinn. Il est souvent associé au mouvement de musique minimaliste qui s'est formé à partir des années 1960. Créateur d'une musique épurée, d'inspiration profondément religieuse, il est de confession chrétienne orthodoxe, et les chants orthodoxes ainsi que les chants grégoriens ont influencé son style sur la modulation lente des sons. Associé par certains à la musique postmoderne, Arvo Pärt creuse à présent le sillon de son style tintinnabuli. Ses œuvres ont été jouées dans le monde entier et ont donné lieu à plus de 80 enregistrements, ainsi qu'à de très nombreuses utilisations pour la bande sonore de films et de spectacles de danse.

16 Déploration de la traîtrise Bach Passion exprime une lamentation sur Judas par un air, cette fois sans récit :

  • Blute nur, du liebes Herz. Ach, ein Kind, das du erzogen, das an deiner Brust gesogen, droht den Pfleger zu ermorden ; denn es ist zur Schlange worden. « Saigne seulement, toi, cœur bien-aimé. Hélas, un enfant que tu as élevé, nourri à ton sein, menace de tuer son bienfaiteur, car il est devenu serpent. »

Bach souligne les mots ermorden (« tuer ») et Schlange (« serpent ») par de longues vocalises.

« Blute nur, du liebes Herz » BWV 12 (Matthäus-Passion BWV 244), Picander et J.-S. Bach, exécution le 28 mars 2010, Kölner Philharmonie, Philippe Herreweghe, Hana Blažiková, chœur et orchestre du Collegium Vocale Gent, © Licence YouTube standard

26 Niets dan liefde (Rien d'autre que l'amour)

21e s.

Kris Oelbrandt, OCSO (1972-), Niets dan liefde (Oratorio du printemps op.23), 2011

Marie de Roy (sopr), Aldo Platteau (bar), Ensemble Sturm und Klang (dir. Thomas van Haeperen)

© Kris Oelbrandt→, Ct 1,4.7.15.2,8.16.4,1-7.10.5,8.8,6 Mc 14,22 Mt 26,26 Lc 22,19 1Co 13,7s

Composition

Cette Cantate est composée pour le quatrième dimanche du carême sur l'amour. Elle est constituée de deux parties: la première décrit l'amour entre l'homme et Dieu comme un amour entre humains, la deuxième fait apparaître l'amour entre Dieu et l'homme dans l'eucharistie et le don de soi. La première partie est inspirée du Cantique des cantiques. Dans la deuxième partie, le Récit de l'Institution est superposé par un poème de Hans Andreus, qui se traduit en français par: « Je te préfère au pain, bien qu'on dit que c'est impossible, et bien que ce soit impossible ». Un fragment de la Prière de Charles de Foucauld et du cantique de l'amour (1Co 13,8a.7) concluent la cantate.

28 La vie est dans le sang

Musique contemporaine

« Le Fils de l'homme n'a pas d'endroit où reposer la tête » (Mt 8,20)

Anonyme et Gavin Bryars (1943-), Personne sans-domicile-fixe chantant un couplet bref, Jesus' Blood Never Failed Me Yet ["Le sang de Jésus ne m'a jamais manqué"], arrangement minimaliste, 1971, Queen Elisabeth Hall, 1972, 

Obscure (Brian Eno), The Sinking of The Titanic, [Merlin] IDOL Distribution, UMG (au nom de GB Records) © Licence YouTube standard

Paroles

Jesus' blood never failed me yet — Never failed me yet — Jesus' blood never failed me yet — This one thing I know for he loves me so.

Le sang de Jésus ne m'a jamais fait défaut, ne m'a jamais fait défaut. C'est la seule chose dont je sois certain, car il m'aime à ce point.

Composition

D'abord enregistrée lors d'un documentaire sur la vie de la rue à Elephant and Castle et Waterloo, à Londres, la mélodie de ce sans-abri inconnu retient l'attention de Bryars qui la trouve ajustée à son piano et réductible à 13 mesures. Des harmonies riches, composées de cordes et de cuivres, se superposent progressivement sur la boucle de cette brève strophe improvisée. pour le premier enregistrement, Bryars était limité à une durée de 25 minutes; plus tard, il créa une version de 60 minutes de la pièce en cassette ; puis de 74 mn pour CD. Plus de détails sur cette pièce très émouvante ici→

32 Addition À cet endroit Bach Passion fait intervenir un choral très célèbre de Paul Gerhardt (O Haupt), souvent repris par Bach, avec des harmonisations différentes suivant le contexte. Ici, le texte médite sur l’image du berger (Hirte).

Choral Erkenne mich, mein Hüter

  • « Reconnais-moi, mon protecteur ; mon berger, accueille-moi ! De toi, source de tous biens, m’est venu tout bienfait. Ta bouche m’a rassasié de lait et de douce nourriture ; ton esprit m’a gratifié de tant de joie céleste. »

Johann Sebastian Bach (1685-1750), Erkenne mich, mein Huter (Matthäus Passion, BWV 244, part. 1)

Philipp Herreweghe, directeur (Collegium Vocale Gent) ; Christoph Prégardien, tenor ; Tobias Berndt, barítone ; Dorothee Mields, soprano ; Hana Blažíková, soprano ; Damien Guillon, alto/contratenor ; Robin Blaze, alto/contratenor ; Colin Balzer, tenor ; Hans Jörg Mammel, tenor ; Matthew Brook, bass-baritone ; Stephan MacLeod, bass-baritone (Classical Explorer, 2014).

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36–46 J'attends la mort comme en Gethsémani

21e s.

Damso (Kalubi, William, 1992 - ), Γ. Mosaïque Solitaire, 2017

in Ipséité , 2017, piste 3 © Licence YouTube standard→

Solitude de l'artiste et sentiment d'abandon

Dans ce morceau composite (« Mosaïque ») aux accents mystiques et religieux forts, Damso traite de son rapport aux autres et du sentiment de solitude qui l'habite depuis son accession au statut d'artiste, thème récurrent chez les rappeurs, notamment sur le mode de l'hypocrisie des relations et de la trahison. Pour exprimer ce sentiment d'abandon et de solitude, il recourt à la figure du Christ isolé et à l'agonie à Gethsémani, attendant avec angoisse la trahison de Judas, l'arrestation, la torture et la mise en croix. Ainsi, Damso commence son morceau en écrivant :

M'd'mandez pas c'que je fais dans la vie / C'est si noir, vous s'rez pris de panique / Quelque part, loin de toute compagnie / Batterie Faible m'a fait perdre beaucoup d'amis / Me serre pas la main, fais-moi un #Vie / J'attends la mort comme en Gethsémani.

Les deux premiers vers peuvent faire à la fois écho à son passé sombre aux yeux de la société (cf. le morceau « Débrouillard » dans son album précédent Batterie Faible, d'où est issu le premier vers : D'mandez pas c'que je fais dans la vie / J'suis fonce-dé avec 2-3 you-vois du quartier / J'fume un pilon sur l'toit de la ville), mais également à sa carrière d'artiste, qui le conduit dans des milieux dangereux (ceux du show-business et des maisons de disque), ou dans les tréfonds de l'âme humaine par son travail d'écriture.

Après cet avertissement apotropaïque accentué par l'intensif si noir et l'évocation d'un sentiment fort tel que la panique, placée en fin de vers, Damso introduit alors le thème de la solitude, en premier lieu à travers l'isolement spatial : le Quelque part, lieu qui préfigure l'arrivée de Gethsémani, est placé en tête de vers, au point qu'on pourrait le confondre avec une locution à valeur logique (quelque part pouvant être l'équivalent à l'oral de « de toute façon »), mais cette ambiguïté est immédiatement levée par la suite : loin de toute compagnie.

À l'isolement spatial succède l'isolement social, conséquence étroite et directe de sa nouvelle vie d'artiste, puisque c'est son premier album même, Batterie Faible, qui l'a conduit à de nombreuses trahisons en raison d'un « manque de reconnaissance » dont il aurait fait preuve envers certains de ses proches (cf. Commentaire de Damso à ce sujet→). Ces trahisons et ce sentiment d'abandon le conduisent donc à refuser la poignée de main traditionnelle, symbole d'une alliance ou d'un lien qui s'est avéré décevant, pour lui préférer le #Vie, signe de la main popularisé par l'artiste lui-même dans l'un de ses morceaux précédents, « BruxellesVie », comme un nouveau signe de paix, qui pourrait annoncer une fois de plus en filigrane la figure du Christ.

Cette dernière apparaît donc en point d'orgue de ces six vers, dans une acmè caractérisée par l'agonie, cette « attente de la mort » qui caractérise les instants du Christ à Gethsémani. Ainsi, les développements des vers précédents annonçaient en creux un parallèle avec la figure du Christ à l'agonie : la solitude du destin prophétique/messianique, l'isolement dans l'espace (Mt 26,36), puis la trahison et l'abandon des amis (Mt 26,20,25 ; 26,30-35) et le refus d'un signe d'affection trompeur (Mt 26,48-50). Ainsi, la mention de Gethsémani, lieu qui renvoie de façon précise à la vie du Christ, vient clore le parallèle établi entre la solitude et le sentiment d'abandon de l'artiste et celui de Jésus à ses derniers instants.

38 Additions : méditation sur le poids de mon péché dans l'agonie de Jésus Bach Passion choisit de faire entrer l’auditeur dans la méditation de l’agonie de Jésus par un récit et un air insérés après ces paroles de Jésus. Dans le récit, il adopte pour cela un moyen original en faisant dialoguer, d’une part une voix soliste de ténor accompagnée d’instruments à vent et basse continue, et d’autre part, le chœur 2 simplement accompagné par la basse continue. Au soliste, il confie une mélodie torturée à l’image du texte ; quant au chœur, il chante une strophe du choral Herzliebster Jesu par bribes. Par rapport à sa première apparition, le choral est sensiblement transfiguré par la douleur et la contrition (voir p. ex. les mots Plagen [« fléaux »], verschuldet [« coupable »], erduldet [« enduré »], où apparaissent des diminutions par rapport à la mélodie de départ) ; la mélodie est aussi modifiée au service du texte.

  • Récit O Schmerz ! (« O douleur ! Ici tremble le cœur torturé ! Comme il s’effondre, comme son visage pâlit ! Le juge le conduit au tribunal ; il n’y a là aucune consolation, aucune aide. Il souffre tous les tourments de l’enfer, il doit payer pour des crimes qui lui sont étrangers. Ah, puisse mon amour, mon Sauveur, diminuer tes angoisses ou t’aider à les porter. Avec quel amour je reste ici ! »)

Johann Sebastian Bach (1685-1750) Matthäus Passion BWV 244, 1 - 19. O Schmerz,

 Philippe Herreweghe dir., Werner Güra et le Collegium Vocale, Gent, Harmonia Mundi (2007)

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  • Choral Was ist die Ursach (« Quelle est la cause de tels maux ? Las, mes péchés t’ont frappé ! Ah, Seigneur Jésus, c’est moi le coupable de ce que tu endures »).

À la suite, l’air reprend le procédé de dialogue entre ténor et chœur, et propose une méditation sur l’idée de veille (ténor et hautbois) et de sommeil (chœur et cordes).

  • Air Ich will bei meinem Jesu wachen (« Je veux veiller près de mon Jésus. La détresse de son âme rachète ma mort ; sa douleur me rend la joie. Je veux veiller près de mon Jésus »).

38 Mon âme est triste

16e s.

Roland de Lassus (1532-1594), Tristis est anima mea, 1579

Ensemble Versus

© Licence YouTube standard→, Mt 26,38

Paroles

Tristis est anima mea usque ad mortem: sustinete hic et vigilate mecum. Nunc[Iam] videbitis turbam quæ circumdabit me. Vos fugam capietis, et ego vadam immolari pro vobis.

Compositeur

Roland de Lassus, né à Mons en 1532 et mort à Munich le 14 juin 1594, est un compositeur de l'école franco-flamande, vers la fin de la Renaissance. Son art fut d'emblée reconnu et Roland de Lassus était, dès le milieu du siècle, surnommé le « divin Orlande » par le poète Ronsard, ou « Prince de la musique » par ses contemporains, ou encore, plus tard, l'« Orphée belge ». En tant que compositeur de motets, l'œuvre de Lassus est l'une des plus diversifiées et prodigieuses de toute la Renaissance.

39c comme toi Représentations musicale de l'abandon de Jésus

  • Beethoven Christus : Les anges participent à l’angoisse de Jésus (morceaux 4, 9) tout en l’implorant de sauver la création (morceau 6). Jésus accueille la mort en héros romantique banni (morceau 10) de la société des humains (morceau 13). Anges et disciples rendent grâce pour le salut acquis dans ce don de soi-même (morceaux 17 et 18).

van Beethoven Ludwig (1770-1827), texte: Huber Franz Xaver (1760 ca.-1810), Leipzig: Breitkopf und Härtel, n.d.[1811]. Plate 1616, Christus am Ölberge (Le Christ au Mont des Oliviers), op.85, créé au Theater an der Wien, Vienne (Autriche), le 5 avril 1803

(Vinyl, CD, enreg. XI. 1969 & III/IV. 1970, Beethovenhalle, Bonn ; Vinyl : 1970; remastérisé CD : 2004,  Volker Wagenheim, Jésus : Nicolai Gedda, Seraphin : Cristina Deutekom, Pierre : Hans Sotin, Philharmonische Chor der Stadt Bonn, Chor des Theaters der Stadt Bonn, Orchester der Beethoven-Halle, Bonn

D.R. EMI Music Germany GmbH & Co. KG © Licence YouTube standard

6 mouvements

1. Introduction. Grave - Adagio (E♭ minor) a. Recitativo (C minor) b. Aria. Allegro (C minor) 2. Allegro (A major) a. Aria. Larghetto (G major) b. Allegro (G major) 3. Recitativo (C major) a Duetto. Adagio molto (A♭ major) 4. Recitativo. Andante con moto (F major) a. Alla Marcia (C major) 5. Recitativo. L'istesso tempo della Marcia (F major) a. Allegro molto (D major) 6. Recitativo. Allegro molto (C major) a. Terzetto. Allegro ma non troppo (B♭ major) b. Maestoso (C major) c. Allegro (C major)

Incipit

1a. Jehova, du mein Vater! 1b. Meine Seele ist erschüttert 2. Erzittre, Erde, Jehova's Sohn liegt heir! 2a. Preist des Erlösers Güte 2b. O Heil euch, ihr Erlösten 3. Verkündet, Seraph, mir dein Mund Erbarmen 3a. So ruhe denn mit ganzer Schwere 4. Wilkommen, Tod 4a. Wir haben ihn gesehen 5. Die mich zu fangen ausgezogen sind 5a. Hier ist er, der Verbannte 6. Nicht ungestraft soll der Verweg'nen Schar 6a. In meinen Adern wühlen gerechter Zorn und Wut 6b. Welten singen Dank und Ehre ('Hallelujah') 6c. Preiset ihn, ihr Engelchöre

  • Messiaen Amen : L’Amen de l’agonie de Jésus intervient juste avant la pièce centrale qu’est l’Amen du désir : dans une pièce d’hétérophonie sonore, les deux pianos se répondent en développant trois motifs de sanglots représentant l’agonie de Jésus.

Danse

1s Prolégomènes chorégraphiques à tout récit de la passion Neumeier Passion.  En 2016 à l'occasion d'une nouvelle production de ce chef d'oeuvre avec une distribution entièrement renouvelée, le Ballet de Hamburg a proposé cette saisissante compilation de plusieurs grands moments.

John Neumeier (1942-), Johann-Sebastian Bach (1685-1750), Matthäus-Passion (BWV 244, 1729) : teaser officiel, Hamburg, 2016

John Neumeier (chorégr., mise en sc., décor et costumes), dir. mus. : Günter Jena ; Evangelist und Arien, Tenor: Peter Schreier ; Jesus, Basse : Bern Weilk ; Soprano: Mitsuki Shirai ; Alto : Marga Schiml ; Basse : Franz Grundheber ; St.-Michaelis-Orchester ; St.-Michaelis-Chor; Knabenchor Hannover ; Knabenchor St. Michaelis,

Das Hamburg Ballet→ © Licence YouTube standard

Silence initial

Un large podium au fond de la scène, sept bancs noirs perpendiculaires. Une flaque de lumière intense éclaire une pièce de tissu blanc au-devant. Un carré pourpre sur la droite, en avant.

  • Entrée de tout le corps de ballet depuis le fond à droite. Les hommes à gauche, les femmes à droite, quelques-unes devant, comme pour s’asseoir sur les bancs.
  • Dans le silence, lentement s’avancent deux danseurs (qui vont jouer Jésus et Judas).
  • Et deux grands et beaux personnages qui les encadrent en se faisant face (de profil vu de la salle).
  • Jésus se retourne pour regarder l’ensemble des danseurs, puis descend vers le sol.

Une grande chemise-tunique blanche se découvre sur le sol, dans la flaque de lumière.

  • Jésus se penche sur elle, la plie lentement et la prend sur le bras

— comme un manuterge, tel le prêtre s’apprête à offrir le sacrifice.

  • Après un éloquent échange de regards où se donnent à lire les prémisses de la trahison, de l’arrestation et de la mise à mort, Jésus l’emporte vers la gauche, flanqué de Judas et escorté de deux personnages.

— Gardes ? Anges ? Personnes, en tout cas. C’est ainsi que nous les nommerons : elles sont Quelqu’un et en même temps personne/s, en ce monde, mais au-delà du monde —

  • Ils l’accompagneront jusqu’au bout. Ils s’enfoncent dans la pénombre, traversant les rangs de spectateurs.

Premières mesures de l’orchestre.

  • De la foule massée sur le podium se détache un danseur qui avance jusqu’au premier plan de la scène et se met à genoux.
  • Un à un plusieurs les rejoignent

— ce seront les disciples Jean et Jacques, Pierre et André — 

  •  puis tous les autres, qui commencent une ronde de profil. Viennent aussi celles qui suivent le Christ

— femmes anonymes de l’Évangile.

  • Ils avancent en marchant, tout simplement : non pas une danse sophistiquée, mais le mouvement humain élémentaire, aussi simple que croire ou prier.

Ces danseurs représentent l’humanité.

Chœur puis choral

  • Pendant que se déploie le chœur symphonique d’entrée, la ronde devient une très belle théorie linéaire rappelant les frises antiques, marchant au pas de la musique, qui passe derrière les femmes.

La figure de la ronde reviendra souvent dans le ballet. Cette figure chorégraphique, présente dans les danses de tous les folklores, symbolise la communauté humaine. Elle a aussi une résonnance cosmique, si l’on pense à la ronde des planètes autour du soleil, aux danses de l’Égypte antique qui représentaient peut-être les douze signes du zodiaque. Elle rappellera une tradition picturale immémoriale : les figures de femmes sur les frises du palais de Knossos et sur les fresques égyptiennes antiques ; Fra Angelico, la ronde des anges du Jugement dernier (1431, Musée San Marco, Florence) ; Sandro Botticelli, la danse des anges de la Nativité mystique (ca. 1500, National Gallery, Londres) ; Henri Matisse, La danse (1909-1910, Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg).

  • Les femmes dansent en un ensemble coordonné. 

Elles semblent plonger, nager, ramasser au sol la drachme perdue, mesurer de leurs paumes étendues la largeur, la hauteur et la profondeur du drame qui va commencer ; comprendre, puis ne plus comprendre, scruter cela, ce qui résonne déjà dans la gravité de la musique.

  • Leurs solos expressifs permettent de repérer Marie-Madeleine, la Femme au Parfum et une Femme Mystique — sœurs de compassion et de douleur, de foi et de tendresse.
  • Le groupe des disciples grandit pour se disloquer en courses éperdues.
  • Le symbole de la croix, figurée par le corps d’un danseur qui tombe sur la face, cloué au sol, fait sa première apparition — réalité palpable du supplice à venir.

On pense au prêtre au jour de son ordination, au religieux le jour de sa consécration perpétuelle, holocauste de tout son être. 

  • Il attire plusieurs femmes, dont les attitudes disent le désarroi face à sa chute.
  • Les femmes commencent une ronde semblable à celles des hommes, à droite.
  • Traverse en diagonale toute la scène le disciple Jean tâtonnant devant lui comme un aveugle, qui a pris par l’autre bras son frère Jacques, marchant d’un pied et d’une main.

— L’aveugle conduisant le boiteux, à l’orée du mystère ! N’illustrent-ils pas admirablement le face-à-face musical des chœurs 1 et 2 ?

  • La théorie des disciples reprend et dessine tout le périmètre de la scène, enveloppant plusieurs couples, alternant avec des **pas de deux où la Femme est tenue en croix par son partenaire. Entre deux figures, au détour de deux mouvements, la croix va apparaître, comme en clignotant, sur le corps des danseurs.
  • Finalement, plusieurs sont agenouillés, tournés vers la salle, comme en attente.
  • Pendant ce temps Jésus portant Judas sur ses épaules comme un fardeau inerte.

— La brebis perdue ? Le blessé secouru par le bon Samaritain ? — Le faix de l’humanité pécheresse humblement accepté.

  • Il est suivi des deux Personnes au port altier, a traversé toute la salle et rejoint la scène.
  • Lui fait écho en fond de scène un danseur portant sa partenaire à bout de bras, au-dessus de sa tête.
  • Jésus est happé par l’ensemble des danseurs, qui se rapprochent en un groupe compact, levant les mains puis les agitant comme des feuilles ou comme des flammes loin au-dessus de leurs têtes, et qui se referment autour de lui comme un rempart. Il s’abaisse soudain. On découvre Jésus debout, chargé de Judas au milieu du triangle de tout le corps de ballet agenouillé.
  • Encadré par les deux Personnes se faisant face, de profil, l’ensemble forme alors un magnifique triangle blanc, pointé vers la salle.

— Il concentre en sa direction tout le drame de l’Amour trinitaire incarné dans l’histoire qui va se déployer dans la passion réactualisée sur la scène.

(Fin du choral d’entrée)

38c restez ici et veillez avec moi Solitude divine de Jésus Neumeier Passion 

  • Les Personnes font face à Jésus comme un rempart protecteur.

Sur l'air  Ich will bei meinem Jesu wachen (« Je veux veiller près de mon Jésus. La détresse de son âme rachète ma mort ; sa douleur me rend la joie. Je veux veiller près de mon Jésus »), le chorégraphe présente un brillant morceau classique : 

John Neumeier (1942-), chorégr., Johann-Sebastian Bach (1685-1750), Matthäus-Passion (BWV 244, 1729 ), Nr.20 : Arie Ich will bei meinem Jesu wachen, (Festpielhaus, Baden-Baden, Allemagne, 2005,

Jean (Lloyd Riggins), Jacques (Alexandre Riabko), Pierre (Peter Dingle), Jésus (John Neumeier), Ballet de Hambourg

DVD 2005 © Licence YouTube standard

75c il pleura amèrement + Additions : solo du désespoir et de la supplication de Pierre, finalement consolé Neumeier Passion montre Pierre avancer tristement vers les uns et les autres, postures impassibles et visages fermés : aucune compassion humaine pour le traître !

Sur l'air, poignant solo de Pierre

John Neumeier (1942-), chorégr., Johann-Sebastian Bach (1685-1750), mus. J S Bach Matthäus Passion BWV 244 Ballett von John Neumeier

 Chorégraphie, production, scénographie et costumes: John Neumeier ; Chef d'orchestre: Günter Jena ; Evangelist and arias, ténor: Peter Schreier Jesus, basse: Bern Weilk soprano: Mitsuki Shirai alto: Marga Schiml basse: Franz Grundträger St. Michaelis Orchestra St. Michaelis Choir Hanover Boys Choir ; Ballet de Hamburg

© Licence YouTube standard→

(le solo de Pierre s'arrête à 1' 48)

  • Commençant en fond de scène au centre, d’abord, bras noués aux jambes, il se projette contre le sol par bonds successifs, les jambes très écartées, le buste tendu de tous ses bras dans la direction de Jésus en prison, comme vers un Objet devant lui qu’il voudrait embrasser et ramener à lui de toutes ses forces, mais qui lui résiste invisiblement.
  • Il se relève les jambes avec les bras,

comme s’il était un poids pour lui-même.

  • Il rapproche de son visage ses poings fermés, se « relance » en tournoyant sur lui-même comme une toupie. Toujours de ses poings fermés, il se meurtrit la poitrine.
  • Les autres danseurs le regardent avec mépris et dégoût

— lors de la création, John Neumeier donnait des images mentales comme : « Tu viens d’apprendre que x [ce danseur] bat sa femme : comment réagis-tu ? »

  • Au dernier accord du chant du violon (si mineur plaintif), affalé, son corps essaie de se redresser ; erratique, il bat sa coulpe ; à plusieurs reprises, s’autoflagelle

— tel le pénitent d’une Confrérie.

  • Hors d’haleine, il tombe au sol, dos contre terre, reprend son souffle, assis, et les paumes ouvertes sur les genoux.
  • Il s’abrite de ses mains

comme oppressé par le poids de sa peine pressant sur sa tête depuis le Ciel.

  • Il se redresse, aligne quelques pas de sa gestique précédente en regardant à l’autre bout de la scène Jésus devant sa porte/croix, encadré des Personnes-Gardes.
  • Pierre termine son solo, ployé en avant sur une ultime contraction de son âme repentante.

Choral de consolation

  • Un couple esquisse un duo sur le devant

— écho léger d’Adam et Ève, inscription fugace de la protologie dans l’eschatologie.

  • Jésus vient lentement remettre Pierre debout et le réconforter. Un autre disciple le rejoint. Des disciples hommes et femmes le rejoignent et lui prodiguent aussi des gestes d’affection, caresses de la tête, hugs.
  • Les deux Personnes quittent lentement Jésus et vont vers le fond de la scène.

Cinéma

26,1–28,20 La Passion dans Il Vangelo secondo Matteo, chef-d'œuvre de Pier Paolo Pasolini (réal., scén., 1922-1975) Film noir et blanc à petit budget, réalisé par un homosexuel athée marxiste, ce film reste un choc, comparé aux œuvres ultérieures de Pasolini (p. ex. Salò, ou Les 120 journées de Sodome, en 1975). Pasolini s'était dit fasciné par l'éclat littéraire et l'efficacité narrative de l'évangile selon Mt. Son film, dédié au « glorieux Pape Jean XXIII », met en scène tout l’évangile selon Mt, qu’il suit fidèlement, surtout dans les dialogues. Cette fidélité littérale ne l’empêche pas de proposer une représentation très personnelle de la passion de Jésus, où il fait intervenir sa propre mère Susanna Pasolini pour interpréter la Vierge Marie avec une retenue bouleversante (cf. ci-dessous « la figure de Marie »).

Pier Paolo Pasolini, Il Vangelo secondo Matteo, film, 137', Italie-France : Arco film-Lux Compagnie cinématographique, 1964.

Photographie : Tonino Delli Colli ; musique : Jean-Sébastien Bach, Wolfgang Amadeus Mozart, Sergueï Prokofiev, Anton Webern, Père Guido Haazen (Missa Luba), Sometimes I Feel like a Motherless Child (Negro spiritual), chants de l’Armée Rouge ; distribution : Enrique Irazoqui (Jésus), Mario Socrate (Jean-Baptiste), Margherita Caruso/Susanna Pasolini (Marie)

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La représentation est à la fois réaliste, par le décor naturel, et hiératique, par une succession de tableaux qui évoquent la scénographie d’un opéra. La musique joue d’ailleurs un rôle important pour préciser le sens des séquences, comme un commentaire sans paroles. La figure de Jésus est celle d’un prophète imprécateur, au verbe violent, qui entraîne les foules et déchaîne l’hostilité croissante des chefs et des pharisiens. Cette énergie se déploie jusqu’à l’arrestation. Jésus est d’ailleurs filmé souvent seul dans le plan, séparément des disciples. Les traits fins et distingués de l’acteur qui interprète le Christ contrastent avec la beauté brute et rustique des visages des disciples : Jésus est la perfection de l’humanité. Les gros plans nombreux sur ces visages évoquent l'Église comme peuple de Dieu ou le Peuple lui-même. On y voit surtout des hommes de tous âges, des vieilles femmes et des enfants, peu de jeunes femmes.

De plus, la pauvreté formelle adoptée comme langage cinématographique résonne fortement avec les enseignements du Christ : les canons néoréalistes permettent d’insister sur l’humanité de Jésus, rompant avec la vision « héroïcisante » des studios hollywoodiens. L’ambition néoréaliste de mettre à l’honneur les humbles, tout en soulignant le caractère réellement inédit du quotidien, renvoie aussi à la prophétie de Jésus : « Aujourd'hui s'accomplit cette Écriture — à vos oreilles » (Lc 4,21). Ce film fut récompensé, entre autres, par le prix spécial du jury au Festival de Venise et le grand prix de l'Office catholique du cinéma.

La passion

La représentation de la passion à proprement parler occupe 28 min, dans la seconde moitié du film. Dans les choix opérés par le réalisateur, trois caractéristiques influent profondément sur le message délivré par l’œuvre : Pasolini a une intelligence politisée du message évangélique ; il adopte une lecture chronologique et littérale de Mt ; il représente la passion de points de vue majoritairement externes.

  • Pasolini dans ses choix de mise en scène, décrit Jésus comme un tribun, un homme politique animé par un immense désir de justice.

  • Il adopte une narration strictement chronologique, qui suit littéralement le texte de l’évangile, omettant toutefois certains épisodes relatés dans Mt. Cette construction linéaire, si elle confère un caractère de simplicité et de pauvreté au récit de la passion, exprime de manière limitée l’unité profonde dont est tissée la vie du Christ.

  • La caméra adopte le point de vue externe de Pierre jusqu’à son reniement, puis de Judas jusqu’à sa pendaison, enfin de Jean jusqu’à la crucifixion. Il en découle que la majorité des images de la passion est éloignée du cœur de l’action : l’œil de la caméra observe une suite de tableaux à distance respectueuse, sans s’approcher du visage ni du corps du Christ. Hormis la pauvreté formelle adoptée dans cette œuvre, la Passion de Pasolini fait peu entrer dans le caractère stupéfiant de l’amour de Dieu tel qu’il est révélé dans la mort du Christ, car cette représentation laisse le spectateur à l’extérieur de l’humanité du messie et de sa réalité incarnée et personnelle. Pasolini ne montre pas non plus l’événement universel et cosmique (en tant qu’il réalise une conversion, un retournement de la marche du monde) que constitue la passion de Jésus.

Une conséquence de telles options est l’impression d’extériorité qui se dégage de la dernière partie du film : Jésus, après avoir déclamé ses enseignements sur un ton impérieux, souffre sa passion et meurt loin du spectateur. La distance installée par le metteur en scène avec le Christ souffrant occulte largement la violence inexprimable de la passion, qui est le sacrifice d’amour de Dieu pour ses enfants et ses frères, les hommes. Avec le recul, on comprend les raisons pour lesquelles cette œuvre a pu rencontrer un tel succès critique, tant cette représentation de la passion, tout en semblant réaliste, est peu dérangeante.

Jésus

À l’écran, selon un procédé fréquent dans le cinéma italien de l’après-guerre, Jésus est incarné simultanément par un duo d’acteurs, avec l’apparence d’Enrique Irazoqui aux cheveux noirs, aux yeux noirs et sans arcade (juif basque qui, comme les autres interprètes, n'était pas un acteur professionnel) et la voix d’Enrico Maria Salerno. Le décalage entre les images capturées en extérieur d’un interprète non professionnel et la voix puissante enregistrée en studio d’un acteur confirmé peut être vu comme le signe de la double nature du Christ. Ce Jésus éructe les paraboles et prophétise avec une férocité vive, comme un agitateur syndical. Il est nerveux avec ses inquisiteurs et brusque avec ses apôtres. C'est un homme-Dieu pressé d'accomplir sa mission. Plus tôt mort, plus tôt ressuscité.

La perfection formelle du visage d’Irazoqui rappelle les représentations du Greco ; son regard légèrement asymétrique renvoie au mystère que dégagent les portraits du Christ dans l’art russe de l’icône. Fidèle au texte de Mt, Pasolini insiste sur l’union de Jésus au Père en montrant la prière solitaire du Christ avant sa passion, sur le point d’entrer dans Jérusalem. Il montre la souffrance portée par Jésus dans son agonie en empruntant à La Passion de Jeanne d’Arc de Carl Dreyer la douleur béate et muette du visage du condamné : regard hébété, fixité, stupéfaction à l’aube du don total de soi.

Il faut néanmoins admettre que l’acteur principal manque singulièrement d’épaisseur, en particulier dans les scènes de la passion, ce qui peut être imputé au jeune âge d’Irazoqui, qui n’avait que 19 ans (et non 33) lors du tournage.

Colère de Dieu, colère des hommes

Il Vangelo de Pasolini frappe par le souffle d’impatience et de colère impérieuse qui jaillit de la personne du Christ et qui secoue toute l’œuvre. La Bonne Nouvelle présentée ici semble être un principe de vie réagissant à l’injustice sociale répandue dans le monde. Par suite, la justice de Dieu semble primer sur la miséricorde de Dieu, appauvrissant le sens fondamental de la passion. On est loin de la plume déchirante de Péguy qui met les mots suivants dans la bouche du Père décrivant la passion de Jésus :

  • Péguy Porche « Cette aventure par laquelle mon Fils m’a lié les bras. Pour éternellement liant les bras de ma justice, pour éternellement déliant les bras de ma miséricorde » (307).

Chez Pasolini, le cœur de Jésus semble plus vibrant de colère que brisé d’amour. Sa colère et son exigence de justice l’emportent sur sa compassion et sa miséricorde. À la lumière des engagements de Pasolini auprès du Parti communiste italien, on peut s’interroger sur la justesse de cette interprétation : la colère attribuée ici au Christ est-elle la colère de Dieu, ou plutôt la colère du réalisateur projetée sur ce qu’il comprend de la personne du Christ ?

Le mystère de la croix

Pasolini montre sans ambiguïté le don libre que le Christ fait de lui-même dans sa passion : Jésus après l’institution de l’Eucharistie, sourit à ses disciples comme un époux qui connaît la plénitude après l’union nuptiale ; au prétoire, après le couronnement d’épines, il marche librement vers sa croix, son bâton à la main ; au Golgotha, il crie peu lorsqu’il est cloué sur sa croix, contrairement au brigand crucifié à ses côtés.

Toutefois par d’autres aspects non négligeables, Pasolini ne donne pas la pleine mesure du don personnel du Fils de Dieu fait homme. Ainsi la flagellation du Christ est ignorée. De plus, dans l’interprétation que le réalisateur fait de la réquisition de Simon de Cyrène, Jésus, désormais déchargé de sa croix et apparemment en bonne santé, cesse de porter sa croix et marche aux côtés du Cyrénéen qui a endossé son fardeau. Étranger à l’ultime étape de sa vie terrestre, le Christ paraît dès lors désincarné. La lecture que fait Pasolini du texte de Mt, quoique poétique, est un contresens : ici le Verbe de Dieu fait homme pour assumer le péché du monde fait porter son joug par son prochain menacé de mort, alors même qu’il est venu assumer la souffrance et le péché de tous les prochains.

La figure de Marie

Le rôle de Marie lors de la passion du Christ est tenu par Susanna Pasolini, la mère de Pasolini. Elle est une Vierge éplorée de douleur, tordue de souffrance devant le spectacle de son fils supplicié et mis à mort devant elle. Malgré le jeu convaincant de son actrice, le réalisateur butte sur le double écueil du choix de son interprète et de la difficulté à percer le mystère de la nouvelle Ève :

  • En donnant ce rôle clef à sa propre mère, Pasolini fait en quelque sorte le choix d’apparaître lui-même comme le messie crucifié. (Nombreux sont d’ailleurs les critiques que, par certains aspects, la vie du Christ résonne avec la vie du cinéaste.)

  • Pasolini ne communique guère au spectateur les réalités profondes qui font que la souffrance de Marie au pied de la croix dépasse considérablement la peine de Susanna Pasolini, fût-elle en train de contempler son propre fils agonisant : Marie au Calvaire distingue dans la personne de son fils à la fois le fruit de ses entrailles et le Dieu vivant et vrai qui épouse notre humanité pour porter toute souffrance. Étant unie mystiquement au cœur de son fils, elle traverse la mort comme Jésus traverse la mort. Cependant si elle porte « celui qui porte tout », on peut dire aussi que sa force et sa dignité reçues de Dieu surpassent celles de toutes les mères : dans son union mystique au cœur de Dieu, Marie garde intacte sa certitude que Jésus est le Fils de Dieu, et intacte sa confiance dans l’amour tout-puissant et miséricordieux du Père. À ce titre le jeu accablé de Susanna Pasolini, s’il est juste sur un plan strictement humain, ne rend pas pleinement compte de l’amour de Marie marchant au Golgotha avec Jésus.

Antijudaïsme ?

Chez Pasolini, Jésus marche jusqu'à sa mort, à travers la campagne de Matera, dans les Pouilles, près du talon de la botte italienne. La foule le poursuit et le presse ; un cri jaillit "Son sang soit sur nos enfants !" (Mt 27,25). Pasolini, poète avant d'être cinéaste, ne voulut pas censurer le verset d'un texte qu'il voulait honorer ; et, en mettant en scène des Italiens pourchassant les Italiens, il typifie une malédiction moins de race ou de religion que de clan.

L’Église

Une mosaïque de musiques émaille l’œuvre de Pasolini : des extraits des œuvres de Bach, Webern, Mozart, Prokofiev, de la Missa Luba (messe congolaise), de Negro spirituals (déchirant Sometimes I Feel like a Motherless Child) et de chants révolutionnaires russes enrichissent les images de la vie simple du Christ et nous enseignent sur ce qu’est l’Eglise :

  • Ces thèmes récurrents sont une représentation de la multiplicité des demeures dans la maison du Père : l’Église ressemble à une famille et l’Église est universelle ; elle accueille tout homme, comme Dieu ouvre ses bras à tout homme.

  • La répétition de ces musiques variées évoque aussi la prière tournoyante et sans cesse recommencée du psalmiste.

  • Enfin, on peut deviner dans les choix de musique de Pasolini les possibles défigurations du message évangélique. Ainsi, après la résurrection du Christ, l’Église en marche est représentée comme un peuple d’insurgés avec les armes à la main, courant vers un avenir lumineux au son des chœurs de l’Armée Rouge.

Conclusion

Il Vangelo secondo Matteo de Pasolini bénéficie des canons du néoréalisme italien et rompt heureusement, par sa pauvreté formelle, avec la proposition hollywoodienne connue jusque-là. Toutefois, dans une lecture littérale (quoique poétisée et politisée) de l’évangile, le réalisateur semble ne pas adhérer au cœur de la foi chrétienne, qui est que Dieu, fait homme dans la personne de Jésus, a porté le péché de chaque homme et de l’humanité pour que tout homme soit sauvé. C’est pourquoi cette œuvre recèle un certain nombre de limites lorsqu’elle rend compte du message évangélique, et ressemble au récit qu’un reporter extérieur ferait du parcours exceptionnel d’un leader exceptionnel.

La passion dans Il Vangelo secondo Matteo, verset par verset

Après la référence, on donne un bref commentaire, suivi du minutage.

  • Mt 26,1-5 : complot contre Jésus (1:38). 
  • Mt 26,6-13 : la protestation « des disciples » contre l'onction vient de Judas seul ; Marie Madeleine perçoit avec effroi le choix que Judas fait, dans son cœur, de trahir le Christ (1:39-41). 
  • Mt 26,14-16: trahison de Judas (1:41-42).
  • Mt 26,25 : dénonciation de Judas (1:42-43). 
  • Mt 26,26 : la communion au pain (1:43). 
  • Mt 26,27:  lors de la communion au calice, Jésus sourit (contentement de l’époux après avoir consommé ses noces ; 1:43-44).
  • Mt 26,30: le jardin des Oliviers (1:44).
  • Mt 26,38: pendant l’agonie de Jésus, la lumière disparaît ; la pellicule noircit (1:45-49).
  • Mt 26,39: Jésus tombe, mais pas face contre terre (1:45-49).
  • Mt 26,43: en train de dormir En train de dormir : Jésus prie en 2 fois et pas 3 (il ne réveille ses disciples qu’une seule fois, puis les soldats arrivent) (1:45-49).
  • Mt 26,49: un baiser le baiser de Judas Ignoré par Pasolini (1:45-49).
  • Mt 26,51-52: Jésus, par sa parole, empêche que l’oreille du garde soit arrachée par le disciple zélé (1:48-49).
  • Mt 26,55 : l’arrestation de Jésus (1:49).
  • Mt 26,59 : pendant l’interrogatoire au sanhédrin, un point de vue de Pierre, qui déambule, perdu dans les rues de Jérusalem. Jérusalem est montrée comme une ville en ruines (1:50).
  • Mt 26,65 a: déchira ses vêtements l’indignation de Caïphe : Caïphe se déshabille plutôt qu’il ne déchire ses vêtements (1:52).
  • Mt 26,67-68 : les outrages chez le grand prêtre sont suggérés (cohue). Cette scène est montrée de loin, avec le point de vue de Pierre qui est un spectateur éloigné. Pasolini qui insiste tout au long de son œuvre sur la colère du Christ devant l’injustice faite aux hommes par les hommes, édulcore l’injustice faite par les hommes à l’Homme (1:53).
  • Mt 26,70 b: Je ne sais pas ce que tu veux dire le reniement de Pierre : Le coq n’est pas montré ; Pierre est montré perdu sur une rue pavée dévorée de mauvaises herbes (Cf. la parabole). On s’éloigne de Pierre pour rejoindre Judas (1:53-54).
  • Mt 27,4-5 les remords de Judas : Puis point de vue de Judas pour montrer Jésus emmené chez Pilate pour mourir (1:55-57).
  • Mt 27,5 Mort de Judas : Judas se pend nu. Il a tout perdu. Il se retrouve seul dans la création, séparé de Dieu, comme Adam après le péché originel ? (1:57).
  • Ajout de Pasolini : Jean et Marie chez Pilate (1:57-58).
  • Mt 27,1 Devant le gouverneur : Jésus chez Pilate est montré du point de vue de Jean, avec les yeux de Jean (1:58).
  • Mt 27,11 b: le gouverneur l’interrogea l’interrogatoire par Pilate (1:58).
  • Mt 27,24 b: se lava les mains le lavement des mains Pilate prononce les paroles du lavement des mains mais ne se lave pas les mains (1:58).
  • Mt 27,26-27 dans le prétoire la flagellation et les outrages au prétoire Jésus marche librement vers sa mort, un bâton de pèlerin à la main jusqu’à ce que ce dernier soit remplacé par la croix. A part un mouvement de cohue, Jésus n’est pas supplicié (1:59).
  • Mt 27,31 c : ils l’emmenèrent la montée au Calvaire : Marie est cramponnée à Jean. Susana Pasolini est tres convaincante en mère assistant au supplice de son fils ; cependant elle n’est pas n’importe quelle mère. Lorsque son fils meurt, il porte le monde et dans sa compassion qui est une union mystique, un cœur à cœur avec le Fils de Dieu qui aime l’humanité à mourir d’amour pour elle, Marie aussi porte le monde. Elle ne peut dès lors être représentée comme « simplement » éplorée (évaporée).  Les soldats donnent à boire à Jésus pour monter au Calvaire. Marie se bat pour être proche de son fils (1:59).
  • Mt 27,32 a : un Cyrénéen du nom de Simon Simon de Cyrène : Jésus tombe une fois, puis Simon de Cyrène est réquisitionné pour porter (seul). Jésus n’a pas un cheveu décoiffé, pas une égratignure. Rupture entre la promenade dominicale d’un Christ étranger/indifférent/désincarné [ou encore philosophe face] à son fardeau. Ici Jésus sous-traite le problème (2:01).
  • Mt 27,35 a l’ayant crucifié la crucifixion (2:03). L’image s’interrompt pour expliquer, par une parole du Christ, le caractère mystérieux (incompréhensible ?) de la Passion : « Vous verrez mais ne comprendrez pas… »
  • Mt 27,38  deux brigands le bon et le mauvais larron : Visibles mais non identifiés (2:02).
  • Mt 27,45 de la ténèbre sur toute la terre l’obscurcissement à la sixième heure (2:04).
  • Mt 27,48 b : vinaigre la gorgée de vinaigre (2:05).
  • Mt 27,51-53 les signes accompagnant la mort du Christ : Seul le tremblement de terre est représenté. Un groupe de femmes en noir jaillit en courant d’une habitation (2:06).
  • Mt 27,59-60 Ensevelissement de Jésus : Cortège comprenant Marie et Jean. Plusieurs jeunes hommes pieds nus, habillés comme des moines franciscains (sans capuche), portent le corps de Jésus jusqu’à son tombeau (2:07-08).
  • Mt 28,1 vinrent pour voir le sépulcre visite des saintes femmes au tombeau (2:09).
  • Mt 28,2 et voici la résurrection Le visage de Marie s’illumine de gratitude, sans trace de surprise lorsque la pierre roule découvrant le tombeau vide (2:10).
  • Mt 28,16-20 : apparition du Christ ressuscité aux disciples (2:11).

(avec fr. Benoît Ente o.p.)