La Bible en ses Traditions

1 Pierre 

« Vous êtes la race choisie, le sacerdoce royal, la nation sainte, le peuple acquis afin que vous annonciez les vertus de Celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière » (1P 2,9). Ce qu'on appelle la « Première épître de saint Pierre » est un assez long document pastoral consacré à la dignité de la vocation chrétienne. La communauté rassemblée par cette vocation offre une maison d'origine divine (1P 2,5 ; 4,17) aux « sans-abris » (1P 2,11 ; cf. 1P 1,17) ; il sont invités à y cultiver la confiance, jusque dans la persécution, en prenant conscience qu'ils participent ainsi aux actes salvateurs du Christ (1P 2,18-25).

Ce véritable traité alterne exposés doctrinaux et sections exhortatives. L'exhortation morale est souvent suivie d’une section théologique courte et dense qui la motive. Typiquement : l’invitation à pratiquer la justice, selon la volonté de Dieu (1P 3,7-17) est inspirée par l’hymne au Christ qui souffre, meurt, descend au shéol et ressuscite (1P 3,18-4,6).  Plusieurs motifs théologiques se déploient (la patience et la bienséance morale comme meilleures défenses de la foi, le service comme vertu, le rôle des pasteurs) et les échos de nombreux passages du Nouveau Testament se font entendre, sans qu'il soit possible d'en isoler un seul comme la clé de de compréhension unique de l'épître.

Reflétant son enracinement juif, 1Pierre mobilise abondamment les traditions scripturaires, sous forme de typologies et de midrash. Elle convoque par exemple : Noé (1P 3,20-21, sauvé avec sa famille à travers l'eau, comme les chrétiens le sont à travers l'eau baptismale), Sarah et Abraham (1P 3,6), l’agneau sans tache (1P 1,19) ; ou encore le serviteur souffrant (1P 2,21-25 provient peut-être d'un hymne primitif basé sur Is 53,4-12 qui présentait le Serviteur justifié par Dieu dans la résurrection (cf. Is 52,13 ; 53,11) et devenant pasteur et gardien. 

1 Pierre présente déjà un fort contenu dogmatique : le mystère de Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit ;  la vie terrestre de Jésus ; les mystères de l’Église, les sacrements et l'eschatologie. Un souci d'orthodoxie est déjà à l'œuvre.

Mais son objet fondamental est d'enraciner en Christ l'orthopraxie de ses fidèles, de fonder ce qu'on appellerait plus tard la morale chrétienne : la passion, la mort et la résurrection de Jésus-Christ d’entre les morts (1P 1,3) ont libéré les croyants d'une existence mondaine ; Jésus les a engendrés (1P 1,18), guéris (1P 2,24) et sauvés (1P 4,18). Ils sont placés dans une situation de vie nouvelle, de sorte que leur existence est déterminée par la joyeuse espérance de la parousie. La vie chrétienne doit donc se développer dans la sainteté (1P 1,14-15), dans un amour convenable à la famille de Dieu (cf. 1P 1,22), en évitant les désirs de la chair (1P 2,11-12) et les dépravations (1P 4,1-3). Cependant, les chrétiens devront subir la persécution à cause de leur relation à Dieu, précisément à l’exemple du Christ (1P 2,21-25 ; 3,18).

Bref, en ouvrant ce livre, vous ouvrez peut-être la première « Encyclique » de l'histoire ! Au cours des siècles, en tout cas, et chacun dans son style, les pontifes romains successeurs de Pierre, ont volontiers imité la variété de la « Première épître de saint Pierre », entre enseignement dogmatique et applications morales, dans les Lettres encycliques qu'ils adressent régulièrement aux millions de fidèles catholiques répandus dans le monde. 

TEXTE

Critique textuelle
Établissement du texte

La transmission du texte de la première épître de Pierre a été renouvelée avec la découverte du papyrus P72 (3e-4e s.). Il permet en effet de noter que les versions ultérieures en sont très proches et que le texte est assez bien conservé. En sont en effet très proches : la version sahidique, les manuscrits 104, 424, 326, 81, les grands codices : Alexandrinus (A) et Vaticanus (B). Restent quelques fragments dans le papyrus P74 (7e s.).

Variantes significatives

En ce qui concerne les variantes significatives, il faut noter l’importance d’un parchemin copte sahidique du British Museum (5e s.) :

Proposition de structure 
Genres littéraires : une lettre encyclique et compilation pascale ?

L'incipit et l'explicit signalent bien le genre épistolaire. L'épître très injonctive — trente-quatre impératifs dans la section 1P 1,13-5,9 ! — est une vraie « encyclique » adressée à plusieurs communautés (cf. 2Co 1,1 aux convertis de toute l’Achaïe, et Col 4,16 aux Laodicéens). Cependant, le corps de la lettre pourrait provenir d’une liturgie baptismale célébrée à Pâques ou  d’une ou plusieurs homélies pascales (1P 1,13-4,11), tant y abondent les formules catéchétiques presque rituelles (→Baptême).

CONTEXTE

Auteur

Cette épître dont l'adresse porte le nom de Pierre (1P 1,1), est attribuée expressément à l'apôtre à partir d'Irénée (†202). L'auteur écrit de Rome (Babylone, 1P 5,13), avec Marc appelé « son fils » →Marc. La tradition raconte en effet le martyre de Pierre sous Néron (64 ou 67 ?) .

Problème de la langue

Le grec paraît trop beau pour un pêcheur galiléen : il a pu se faire assister d'un secrétaire : Silvain (1P 5,12), communément identifié avec l'ancien compagnon de Paul (Ac 15,22). Plusieurs tournures suggèrent une langue maternelle sémitique : ex. g. le champs sémantique de la sainteté, sémitismes (1P 1,13 « les reins de votre esprit » ; 1P 1,14 « les fils d'obéissance »; 1P 2,8 = Is 8,14; 1P 2,12 « au jour de la visite » etc.) et l'abondance de différents types de  parallélisme (1P 1,2.20.24 ; 2,4.4-5.6.8.10.13-14.16.17.18.19-20.20.22.23.25 etc.).

Dépendance d'autres écrits du NT ?

La première épître de Pierre se rapproche de plusieurs écrits du Nouveau Testament, notamment de

Cependant, aucun thème spécifiquement paulinien n'apparaît (et les influences peuvent venir de la rédaction de Silvain, disciple des deux apôtres!). On propose aussi que la première épître de Pierre ait eu recours à d'autres sources telles que :

Cette épître partage avec ces autres textes le bien commun de la théologie primitive : la valeur rédemptrice de la mort du Christ (→Rédemption), la nécessité de la →Foi et du →Baptême, etc.

Datation et circonstances

Elle s'adresse aux croyants « de la Diaspora » en précisant les noms de cinq provinces (1P 1,1) de l'Asie Mineure. Leur passé (1P 1,14.18 ; 2,9s ; 4,3) suggère qu'ils sont des convertis du paganisme, auxquels il écrit en grec, tandis que les allusions aux Écritures suggère aussi des destinataires juifs. Plutôt que les persécutions de Domitien ou de Trajan, à une époque bien plus tardive que Pierre, les souffrances sont des injures ou des calomnies que le mode de vie des croyants engendre (1P 2,12 ; 3,16 ; 4,4.12-16). La base de la  lettre serait donc antérieure à la mort de Pierre, en 64 ou 67, même si elle est compilée et rédigée  définitivement plus tard (entre 70 et 90).

RECEPTION

Canonicité

1P est reçue sans contestation dès les débuts de l'Église : elle est utilisée

Importance traditionnelle
Un point de dogmatique : les « esprits en prison »

1P 3,19s (cf. 1P 4,6)  constitue une crux interpretum : on a compris les « esprits en prison » tantôt comme les impies morts au temps du Déluge, tantôt les Anges déchus de l'apocalyptique juive, et corrélativement la « prédication » du Christ comme un salut ou une condamnation. Cette énigmatique action du Christ au moment de sa mort est un des principaux lieux théologiques du dogme de la →descente aux enfers.

Commentaires

Outre les œuvres citées pour l’ensemble des épitres catholiques, 1P est aussi commenté par :