La Bible en ses Traditions

Aggée

« Montez sur la montagne, apportez du bois et bâtissez une maison et elle me sera agréable et je serai glorifié, dit le Seigneur » : si les deux brefs chapitres du livre d'Aggée, l'un des →Prophètes mineurs, pouvaient se résumer en un mot, ce serait « réédifier » (Ag 1,8). Aggée ayant pour tâche de faire reconstruire le temple de Jérusalem après la captivité babylonienne, a même pu proclamer que la gloire du nouveau temple serait plus grande que celle du magnifique temple de Salomon (Ag 2,3-5,9). Cela nous situe entre le 6e et le 5e s. av. J.-C. (soit 521-486 av. J.-C. ; cf. Ag 1,1.14-15 ; 2,1.10.20), alors que la ville de Jérusalem commençait lentement à se relever de ses ruines après sa destruction (2R 25,1-21).

Cela faisait un certain temps que Cyrus, roi de Perse, avait donné l'ordre de rebâtir le temple de Jérusalem (Esd 1,1-11). Mais la mauvaise situation économique (Ag 1,6) et l'hostilité des Samaritains (Esd 4) avaient empêché la reconstruction, tandis que quelques riches avaient réussi à se faire de belles demeures à Jérusalem (Ag 1,4).

Ainsi, là où Esdras et Néhémie avaient conduit les Judéens à reconstruire Jérusalem,  Aggée, pour sa part, proclame l'ordre divin de reconstruire le Temple, et sans délai (Ag 1,1-11). Il suscite la réaction favorable du peuple et de ses dirigeants (Ag 1,12-15). Après une nouvelle suite de promesses et d'exhortations (Ag 2,1-19), le livre se termine par une promesse messianique concernant Zorobabel, fils de Salathiel (Ag 2,20-23). Zorobabel, issu de la lignée du roi David bénéficie de charte messianique de sa dynastie ; il est choisi par Dieu comme son serviteur et comme un « sceau » (Ag 2,23), c'est-à-dire comme le dépositaire de son autorité sur  le peuple.

Le Nouveau Testament ne manque pas de mentionner « Zorobabel fils de Salathiel » dans la généalogie de Jésus (Mt 1,12 ; Lc 3,27). Il cite encore  Aggée dans la Lettre aux Hébreux : « Encore un peu de temps et j'ébranlerai le ciel et la terre, la mer et le continent » (Ag 2,6s ; He 12,26s) pour annoncer que, si la première alliance sur le Mont Sinaï a fait trembler la terre (Ex 19,18), la nouvelle alliance donnera un Royaume inébranlable où sera offert à Dieu un culte légitime.

TEXTE

Critique textuelle
Procédés littéraires caractéristiques
Énonciation multiple

Dans le livre, trois instances d’énonciation se repèrent: celle du récit, celle du prophète, celle du Seigneur. Le lecteur ne sait pas toujours qui parle, du narrateur, du prophète ou du Seigneur, d’autant que le prophète est tantôt le porte-parole de Dieu (Ag 1,13 ; 2,14), tantôt insère des paroles divines dans sa propre parole (Ag 2,15-19). Ce constant enchâssement des discours les uns dans les autres offre une composition en abyme du livret.

Les procédés récurrents d’écriture

Ils sont une autre caractéristique du livre d’Aggée. Il s’agit essentiellement des formules de datation qui reviennent par six fois dans les deux chapitres :

D’autres expressions récurrentes sont à signaler :

Les oracles en prose du livre d’Aggée contiennent plusieurs questions rhétoriques (Ag 1,4.9 ; 2,3.16).

Proposition d’une structure du livre

Quatre petits discours composent ce livre très court (trente-huit versets pour deux chapitres).

Les erreurs du passé sont d'abord rappelées (A et A') avant que des perspectives heureuses ne soient ouvertes (B et B').

Genres littéraires

Les promesses concernant la gloire future du Temple (Ag 2,6-9) et le choix divin de Zorobabel (Ag 2,21s) sont de style plus apocalyptique.

CONTEXTE

Histoire et géographie

Au retour d'exil, la tentation de se décourager est forte pour les premiers juifs revenus de Babylone. C'est le rôle des prophètes Aggée et Zacharie de les réconforter et d'affirmer à Zorobabel et au grand-prêtre Josué la nécessité de reconstruire le temple, ce qui a lieu en septembre 520 (Ag 1,15, cf. Esd 5,1).

Auteur/s

Esdras mentionne ce prophète (Esd 5,1 ; 6,14), mais aucun élément n'est connu autrement. L'importance qu'il donne au Temple et aux prêtres (Ag 2,11s) ont favorisé l'hypothèse qu'Aggée soit prêtre. On admet plus généralement qu'il est prophète rattaché au culte. Son nom vient de hag, « fête ».

Datation

Aggée voit renaître la communauté juive en Palestine, et on date généralement ses oracles de fin août à mi-décembre 520.

Formation

Au moins deux moments rédactionnels peuvent être distingués. Dans le recueil originel, les oracles s'adressent principalement au peuple. S'y ajoute un cadre rédactionnel, avec des notices chronologiques, où Zorobabel et Josué sont les interlocuteurs principaux.

RÉCEPTION

Canonicité

Le livre d’Aggée est le premier des trois livres postexiliques qui concluent la collection des Douze Petits Prophètes. Il est étroitement lié au suivant, Zacharie, qui porte aussi sur la reconstruction du Temple et formule l’espérance d’une ère nouvelle. De même, un des livres précédents, le livre de Sophonie, évoque par avance la restauration d’Aggée par le thème du rassemblement des dispersés (So 3,18ss) et du « reste » fidèle (So 3,12s; Ag 1,12.14).

Importance traditionnelle
Intertextualité

Dans le Nouveau Testament, l’Epître aux Hébreux (He 12,26) cite et commente le bouleversement cosmique d’Ag 2,6 dans le contexte de la « nouvelle alliance » instaurée par Jésus.

Exégèse

La vie du prophète Aggée est quasiment inconnue, mais la tradition pallie ce manque par bon nombre de détails à visée hagiographique.

C’est au 4e s. que les commentaires suivis du livre en proposent une lecture messianique qui n’apparaissait pas chez les Pères des siècles précédents (voir supra : les commentaires sur l’ensemble des douze petits prophètes). Cette lecture typologique, ecclésiale ou christologique, s’est essentiellement servie des versets suivants :

Le livre est plus tard commenté, entre autres, par :