« — Vous, donc, frères, vous êtes prévenus : Tenez-vous sur vos gardes de peur qu’entraînés par l’égarement de ces dingues, vous ne veniez à déchoir de votre propre fermeté » (2P 3,17).
Dans le contexte multiculturel du début du 2e s., la disparition de la première génération de disciples, et ce qu'on a appelé « le retard de la →Parousie » (la possibilité que certains fidèles du Christ se fussent attendus à un retour assez rapide de Jésus en gloire, et se fussent lassés d'attendre... ) avaient pu favoriser un certain scepticisme. Certains considéraient peut-être la rédemption prêchée par les apôtres comme obsolète (2P 2,1) et la Parousie espérée pour la fin des temps comme un mythe (2P 1,16). L'insistance de la « Deuxième lettre de Pierre » (2P) sur la question du jugement de Dieu (2P 1,3-4 ; 2,3.4-9 ; 3,3-7.8-9) semble bien répondre à ceux qui finissaient par se persuader qu’il n’y a en fait ni providence ni jugement en Dieu (2P 3,3-13).
L'auteur de ce livre, juif helléniste cultivé, veut répondre au problème avec la plus grande autorité possible. Il le fait en composant un « testament de Pierre », selon le genre littéraire des Testaments, bien représenté dans les Écritures par ceux de Jacob (Gn 49), de Moïse (Dt 30-32), de Josué (Jos 24), de Jésus (Jn 13-17), ou encore de Paul dans son adieu à Ephèse (Ac 20,17-35). Le présent testament contient les éléments suivants : (1) l'auteur prévoit sa mort prochaine (2P 1,15) ; (2) il évoque certains des événements fondamentaux de sa vie (la transfiguration de Jésus, 2P 1,17) ; (3) il rappelle des enseignements et des aspects de la vie de la communauté (2P 1,12.13.15 ; 3,1) ; (4) tourné vers l'avenir, il annonce l'apparition de faux prophètes (2P 2,1-3,3), et avertit les lecteurs de ne pas se laisser tromper, mais d'attendre et de tenir bon (2P 3,1-13.14-18).
Ce juif helléniste n'imite pas seulement le genre scripturaire du Testament, il émaille son propos, volontiers polémique et parfois sarcastique, de multiples allusions aux Écritures. Pour donner du poids au châtiment réservé aux faux enseignants qui trompent les croyants, 2P 2,4-8 reprend certains passages de la Genèse : le péché des anges (Gn 6,1-2 selon l'interprétation du livre d'Hénoch) ; le déluge (Gn 6-8) ; la ruine de Sodome et Gomorrhe et la délivrance de Lot (Gn 19). La lettre évoque encore l'errance de Balaam, sa réprimande et son châtiment (2P 2,15-16 ; Nb 22-24 ; Jude 11).
La christologie de la deuxième épître de Pierre est plus doctrinale que celle de la première, dont le ton était plus kérygmatique. D'une part, 2P invite à connaître et à accepter à Jésus, et présente la participation à la nature divine comme étant le sens ultime de la vie chrétienne (2P 1,3-4). D’autre part, le fondement de la foi, de la piété et de la juste connaissance (cf. 2P 1,5-8), se trouve dans les gestes salvatrices de l'Ancien Testament, de Jésus et de tout le Nouveau Testament, c'est-à-dire des traditions des apôtres (1P, Paul) interprétés par l'Esprit.
2P contient en particulier deux versets d'une très grande importance pour la compréhension d'ensemble des Écritures. Au début, 2P 1,21 est la plus ancienne référence à la question de l'inspiration du canon biblique interprété avant tout comme prophétie dans l'Esprit. À la fin, 2P 3,15-16, est la première attestation d'une intégration des lettres de Paul, pourtant récentes à l'époque, dans la continuité « des autres Écritures. » La réflexion sur les sources de la révélation n'a cessé, depuis, de s'approfondir...
TEXTE
Critique textuelle
Le texte de la deuxième lettre de Pierre est bien conservé, mis à part quelques passages qui présentent des difficultés (2P 2,4.6.13 ; 3,10). P. e., la Vulgate omet l'expression « devant Dieu » du texte grec à la fin de 2P 2,11.
Proposition de structure
On peut proposer la division suivante :
- Adresse (2P 1,1s)
- La libéralité de Dieu (2P 1,3-11)
- Le témoignage apostolique (2P 1,12-18)
- La parole prophétique (2P 1,19ss)
- Les faux enseignements (2P 2,1ss)
- Les leçons du passé (2P 2,4-10a)
- Le châtiment (2P 2,10b-22)
- Le Jour du Seigneur (2P 3,1-10)
- Appel à la sainteté (2P 3,11-17)
- Doxologie (2P 3,18).
Genres littéraires
S'agit-il d'une lettre ?
Contrairement aux lettres de Paul, l'épître de Pierre ne se rattache que lointainement au genre épistolaire. Elle ne s'adresse à aucun destinataire précis, ni à une église locale. La conclusion ne comporte pas l'habituelle action de grâce ou bénédiction des autres lettres apostoliques, ni de salutation finale. Le corps de la lettre est purement apologétique et doctrinal, ce en quoi la lettre s'apparente à la deuxième lettre de Paul à Timothée : l'auteur y parle ouvertement de sa mort prochaine, ce qui rend la communication qu'elle contient si pressante.
Un « discours d'adieu »
Cette lettre se rapproche bien plutôt du genre du discours d'adieu (cf. Jn 13-17 ; Ac 20,17-38) ou du Pseudo-Testament. L’auteur même la définit comme testament (2P 1,14s) ou comme mémoire de ce qu’il a fait. La structure de ce type de discours est bien définie.
- L'auteur est prévenu de l’imminence de sa mort par Dieu ou un de ses messagers.
- Il s'adresse alors à ses disciples pour rappeler son passé et ses actions et les exhorter à poursuivre sa mission (2P 1,16ss ; 3,1). Il les avertit des dangers à venir (2P 2 ; Ac 20,29s ; 2Tm 3,1-9).
- Il les encourage à demeurer vigilants, les admoneste et les instruit une dernière fois.
Cette forme de lettre est un moyen pour Pierre, premier chef de l’Eglise, de donner un dernier résumé de sa doctrine à ses fils « très chers » (2P 3,1.8.14.17), ses « frères » dans la foi (2P 1,10).
Enjeux de la lettre
Dans un contexte de conflit entre les disciples restés fidèles — auxquels s'adresse la lettre — et ceux qui se sont lancés dans la licence morale et intellectuelle, Pierre présente une méthode de raisonnement rigoureux, qui s'attache au canon des Écritures, et applique cette méthode aux deux domaines dévoyés par certains : les moeurs et la théologie.
Il oppose une vraie connaissance du Christ (2P 1,8) à des pseudo-savoirs, incarnés par les "faux docteurs" (2P 2,1), agents de subversion au sein même de la communauté chrétienne, qui trompent les fidèles par démagogie (2P 2,13 ; 2,3.14).
CONTEXTE
Auteur
Attribution traditionnelle à Pierre
La tradition attribue la deuxième épître de Pierre à cet apôtre puisque l'auteur de la lettre :
- s'appelle « Syméon Pierre » (2P 1,1),
- est un témoin de la Transfiguration (2P 1,16ss),
- a déjà écrit une première lettre (2P 3,1), celle de 1P.
Difficultés et nouvelle hypothèse
Néanmoins, une date plus tardive a été proposée pour 2P puisque :
- La langue est différente de celle de 1P.
- 2P 2 est une reprise manifeste de l'épître de Jude : voir par exemple Jude 4 et 2P 2,1-2 ; Jude 6 et 2P 2,4 ; Jude 10 et 2P 2,12 ; Jude 11 et 2P 2,15.
- Le recueil des épîtres de Paul semble déjà formé (2P 3,15s).
- Les premiers disciples sont morts (2P 3,4).
Il en résulte que dès l'Antiquité, l'attribution de 2P à Pierre est remise en doute. De nombreux exégètes postulent aujourd'hui que 2P n'est pas de Pierre mais d'un chrétien du 2ème siècle écrivant en son nom.
Datation
Du fait de ces doutes concernant l'autorité de la lettre et du contenu de la lettre, on peut situer la composition de la lettre aux environs de 125.
RECEPTION
Canonicité
Contacts avec d'autres écrits ?
Il n'y a pas de trace de l'utilisation de la deuxième épître de Pierre dans la littérature chrétienne avant le milieu du 2e s. Les points de contact possibles, par exemple, avec
(†ca. 99), Le Pasteur (2e s.) et (†165) ne permettent pas de conclure à une dépendance directe. L'épître fut peut-être utilisée par l'Apocalypse de Pierre (2e s.) et les Actes de Pierre (2e s.).Contestation
Non seulement l'usage de l'épître n'est pas attesté avec certitude avant le 3e s., mais encore certains la rejettent.
- (†254) est le premier à la mentionner explicitement et remarque qu'elle fait l'objet de discussions. (†339) la range parmi les « Livres contestés » avec Jc, Jude, 2Jn et 3Jn.
- L'Église d'Antioche montre la même réticence : la lettre n'est utilisée ni par (†428), ni par (†ca. 457).
Acceptation
- En Asie Mineure, la lettre est acceptée par ; (†390) et (†379). (†268)
- L'Occident se montra lui aussi favorable à l'épître : elle se trouve vers 360 dans le catalogue africain de Mommsen ; en 397 elle est acceptée par le 3ème . En Italie (†397) et l'Ambrosiaster (ca. 375) l'acceptent. (†420) la range parmi les sept épîtres catholiques, tout en signalant que des doutes subsistent encore sur son authenticité. L'insertion de 2P dans la Vulgate acheva de faire disparaître les hésitations.
- Au 16ème s., (†1536) et (†1564) font état des difficultés soulevées pendant la période patristique. Le définit la canonicité de l'épître (1546).
Importance traditionnelle
Outre les œuvres citées pour l’ensemble des épitres catholiques, 2 Pierre est aussi commenté par :
- (†407, fragments), (†444, fragments),
- (†1564), (†1590),
- (†1610),
- (†1744), (†1792).
Au moment de la Réforme, 2P 3,9 pour expliquer le retard du jugement dû à la miséricorde de Dieu.
utilise 2P 2,1 face à ses opposants romains, dont il dit qu’ils « renient le Maître qui les a rachetés », en insistant sur les œuvres plus que la foi pour obtenir le salut. utilise