« Comme tu as fait il te sera fait, et il (Dieu) fera retomber ta rétribution sur ta tête » (Ab 15). Le livre d'Abdias, le plus court de l'Ancien Testament, avec seulement un chapitre, annonce le Jour du Seigneur comme châtiment des nations ennemies d'Israël, en particulier d'Édom, et la délivrance des exilés de Jérusalem. Ce livre appartient au groupe des douze prophètes souvent appelés « →Prophètes mineurs » en raison de leur brièveté. Dans le canon hébreu, il suit Amos (cf. Ab 16-21 et Am 9,12), tandis que dans le canon grec, il trouve sa place après Joël (cf. Ab 15 et Jl 4,19 [3,19]).
Si le thème principal du livre d'Abdias est celui de la rétribution et de la vengeance contre Édom pour ses méfaits, une telle antipathie contre ce royaume n'était pas gratuite. Les Édomites, habitants de la région située au sud de la mer Morte, étaient considérés comme les descendants d'Ésaü, le frère de Jacob, mais les relations entre les deux frères (Gn 25,19-34 ; 27 ; 32-33) et entre les peuples qui en sont issus n'ont jamais été bonnes. Édom refusa le passage à Moïse en route vers la terre promise (Nb 20,14-21), les Édomites affrontèrent les trois rois de la monarchie unifiée : Saül (1S 14,47), David (cf. 2S 8,14) et Salomon (1R 11,14-25), ainsi que les rois judéens Josaphat (2Ch 20,22) et Yoram (2Ch 21,8), entre autres (cf. 2R 14). En 587 avant J.-C., Édom s'allie à l'empire babylonien pour détruire Juda et sa capitale Jérusalem. Abdias, le prophète de l'indignation, dénonce Édom, et l'accuse de ne pas avoir aidé ses frères (Ab 10-13), profitant de leur malheur, et lui annonce le châtiment qu'il mérite.
Abdias, en interprétant théologiquement l'inimitié avec Édom, partage des idées de la littérature prophétique :
- Le Dieu d'Israël est le Seigneur souverain et triomphant de l'histoire,
- le sort des nations est entre ses mains,
- chacune des nations recevra en temps voulu la rétribution méritée pour ses mauvaises actions (cf. Jr 49).
D'autre part, s'il n'y a pas de références messianiques directes dans Abdias, il y a bien des anticipations du NT. Hérode le Grand, l'ennemi par excellence de Jésus pendant son enfance (Mt 2,13), était un Iduméen, c'est-à-dire un descendant des Édomites. Certains thèmes d'Abdias s'accomplissent en Jésus, car Jésus administre le jugement et le triomphe de Dieu (Ab 15-20) et possède le Royaume (Ab 21). De plus, le thème de « boire la coupe de la colère » (Ab 16), assez répandu dans l'AT, apparaît à la fin de la Bible, dans l'Apocalypse (Ap 14,10 ; 16).
TEXTE
Critique textuelle
Le texte hébreu de certains passages du livre d’Abdias est altéré, mais dans la plupart des cas les versions anciennes permettent d’y remédier ; pour 1 et 5b, le texte de Jérémie Jr 49 est d’un grand appui.
Correspondance et différence entre la Vulgate et le texte Massorétique
On trouve en Ab 17 un exemple témoignant des différences entre M et V: quand M dit : « La maison de Jacob rentrera dans ses possessions » (c’est-à-dire, sa terre), une masse de témoins anciens, y compris la Vulgate (Wadi Murabba‘at 88 ─ Rouleau des douze prophètes, G, V, VL, Peshitta), le font correspondre au texte suivant : « La maison de Jacob possédera ceux qui l’avaient possédée » (c’est-à-dire Édom).
En revanche, si dans le v. 21 certains versions lisent une forme passive : « Et ceux qui sont sauvés monteront sur la montagne de Sion » (G, Aquila, Theodotion, Peshitta, VL), la Vulgate et le M, avec Symmaque et le Targum préfèrent le sens actif : « Et des sauveurs monteront sur la montagne de Sion ».
Proposition de structure
La prophétie d'Abdias se déroule sur deux plans.
- Le châtiment d'Édom, annoncé dans plusieurs petits oracles (Ab 1b-14) avec 15b comme conclusion. Après l'annonce de l'attaque d'Edom (Ab 1), trois versets condamnent solennellement ce peuple (Ab 2ss). Suit alors une vision (Ab 5ss) décrivant la ruine d'Edom, pillée (Ab 5s), trahie (Ab 7). Cette condamnation est réaffirmée en conclusion (Ab 8s), avant que la cause de ce châtiment (les exactions lors de la chute de Jérusalem) ne soit révélée (Ab 10-14.15b).
- L'eschatologie recouvre la deuxième partie, avec la promesse du Jour de Yhwh, qui verra le triomphe d'Israël (Ab 15a.16-18) et se termine par « Yhwh a parlé ».
- Suivent des promesses eschatologiques en prose (Ab 19-21) : l'Israël nouveau retrouvera son territoire, et Edom sera sous sa domination : « A Yhwh sera l'empire ! ».
Genres littéraires
Une prophétie
L’unité littéraire du livre n’est pas évidente, même si, dans les oracles d’Abdias contre Edom, se retrouve la structure traditionnelle des prophéties contre une nation étrangère : menaces de malheur contre cette nation, puis, au « Jour du Seigneur », promesse de salut réservée à Israël. L’horizon visé par la prophétie d’Abdias est-il purement historique ou bien eschatologique ?
Universalisation
Ou encore, le prophète ne passe-t-il pas d’une situation historique – l’anéantissement d’Edom – au jugement eschatologique par la perspective élargie offerte par l’évocation du « Jour du Seigneur » ? Edom peut alors symboliser toutes les nations de la terre, et son châtiment être un moment paradigmatique du jugement général.
CONTEXTE
Auteur
On n'a aucune mention du prophète Abdias, en hébreu Obadya, « serviteur de YHWH » dans l'histoire d'Israël. Ce récit bref fournit peu d'éléments concernant les circonstances de son ministère.
Datation
Les hypothèses de datation du livre d'Abdias s'étendent du 9e s. av. J.-C. à l'époque grecque.
Formation
Certains commentateurs défendent l'unité littéraire de l'oracle ; d'autres le divisent en quatre ou même sept fragments d'auteurs différents.
- Il faut noter que Ab 1-9 est strictement parallèle à Jr 49,7-22, en prenant en compte des différences d'ordre, et un débat sur le texte même de Jérémie.
- La condamnation d'Edom s'inscrit dans la lignée des oracles contre cette nation, communs à partir de 587 (Ps 137,7 ; Lm 4,21s ; Ez 25,12s ; 35,1s ; Ml 1,2s et Jr 49,7s) : les Édomites, descendants d'Ésaü, le frère de Jacob, ont mis à profit la chute de Jérusalem pour conquérir le sud de la Judée. On date généralement la prophétie d'avant le retour d'exil, en Judée.
- Les promesses eschatologiques (Ab 19ss) sont additionnelles, datant probablement d'après l'exil.
RÉCEPTION
Canonicité
Le livre d’Abdias, le plus court de tous les livres prophétiques, ne couvre que 21 versets.
- C'est le quatrième des Douze prophètes, dans la Bible hébraïque et la Vulgate entre Amos et Jonas. Cette place est peut-être dûe à la réponse qu'Abdias offre à la prophétie d'Amos (Am 9,12) (cf. Ab 19) et à l'expression du « héraut dépêché parmi les nations » (Ab 1) dont Jonas se fait l'exemple.
- Il est le cinquième dans la Septante, après Joël, peut-être pour des traits littéraires communs.
Importance traditionnelle
On ne retrouve aucune allusion à Abdias dans le Nouveau Testament.
Le livre a été peu commenté par les Pères, ils l’ont fait en choisissant l’une de leurs trois grandes lignes d’interprétation des prophètes.
- L’école d’Antioche - (†428) et (†ca. 457) - mais aussi (†444) privilégient une lecture historique qui rappelle les relations conflictuelles d’Edom et d’Israël.
- (†ca. 450) choisit au contraire une lecture purement allégorique où Edom personnifie le diable dont le Christ détruira la puissance.
- (†420) enfin, applique allégoriquement la prophétie aux hérétiques.
Le livre est plus tard commenté par, entre autres:
- (†1141),
- (†1591),
- (†1605), (†1698), (†1699)
- (†1788).
(Voir aussi les commentaires sur l’ensemble des douze →Prophètes mineurs.