La Bible en ses Traditions

Michée

« Et toi, Bethléem Ephrata, tu es toute petite entre les mille de Juda, de toi sortira pour moi celui qui sera maître en Israël, et sa sortie remontera au commencement, aux jours d’éternité » (Mi 5,1).

C'est ainsi que Jérôme traduit la prophétie de Michée, l'un des →Prophètes mineurs, évoquant Bethléem non seulement comme la ville natale du roi David, mais aussi comme un lieu d'espérance future. Michée, comme son contemporain Isaïe, avait exercé une activité prophétique dans le royaume de Juda au cours de la seconde moitié du 8e s. av. J.-C.

La prophétie se déroule en trois parties. Dans la première (Mi 1-3), les thèmes de la critique sociale prédominent : avec audace et parfois violence, le prophète reproche à Israël ses péchés et sa rébellion (Mi 3,8) : l'accaparement des terres, la corruption des tribunaux et le malheur des pauvres. Michée polémique aussi avec les faux prophètes (Mi 3,5-7) et dénonce la présomption de ceux qui disent : « Le Seigneur est avec nous, rien de mal ne peut nous arriver » (Mi 3,11). La menace qui pointe ici n'est rien moins que la destruction de Jérusalem et du Temple (Mi 3,12).

La deuxième partie du livre (Mi 4-5) ajoute aux prophéties de malheur (Mi 4,1-5 ; 4,6-8 ; 5,8-14) des messages d'espérance et des annonces de salut (Mi 4,9-14 ; 5,1-7). Jérusalem, une fois détruite, sera restaurée et toutes les nations y afflueront pour rencontrer le vrai Dieu et être instruites par sa Parole (Mi 4,1-2). De Bethléem viendra un roi qui régnera par la puissance de Dieu et apportera personnellement la paix (Mi 5,1-5).

Dans la troisième partie (Mi 6-7), le Seigneur adresse à Israël une réprimande qui compte parmi les passages les plus émouvants de toute la Bible (Mi 6,3-5) et qui arrivera jusqu’au chant des Impropères (ou : « Réprimandes ») du Vendredi Saint. On y trouve aussi une brève instruction sur ce que le Seigneur attend de ses fidèles : « pratiquer la justice, rechercher le bien et s'appliquer à marcher avec Dieu » (Mi 6,8), et une autre référence au « petit →reste » du peuple de Dieu, c'est-à-dire à ceux qui resteront après l'épreuve que le Seigneur imposera à Israël pour le purifier de ses péchés et de ses infidélités (Mi 2,12 ; 4,6s ; 5,7s ; 7,18). Le livre se termine par une prière adressée au Seigneur, pour qu'il pardonne les péchés de son peuple, renouvelle les merveilles du passé et lui assure un avenir heureux (Mi 7,14-17). Le Nouveau Testament reprendra deux fois deux reprises le texte de Michée sur l'origine du Messie à Bethléem-Ephrata en l'appliquant à Jésus (Mi 5,1 ; Mt 2,6 ; Jn 7,42).

TEXTE

Critique textuelle

Des grottes du désert de Juda ont révélé des fragments de Michée (1Q14 = 1QpMic, 4Q168 = 4QpMic?, Mur 88 = MurXII). Le texte hébreu n’est pas bien conservé. Plusieurs passages sont abîmés au point que le sens en est obscurci (ainsi Mi 1,11 ; 2,4.7s.10 ; 4,14 ; 6,9s ; 7,3s) ; d'autres ont été sans doute transposés (ce qui semble le cas de Mi 5,4b-5a.12b ; 6,12ss ; 7,4) ; des lacunes peuvent être dépistées (en Mi 6,5 ; 7,4).

La version grecque des Septante offre parfois des éléments qui permettent de remonter à un meilleur texte, ainsi que la paraphrase du Targum, et les versions syriaque et latine.

Pour remédier à ces difficultés, les critiques ont proposé de nombreuses conjectures.

Procédés littéraires caractéristiques
Parenté avec Amos

Ils ont en commun l'aversion pour les grandes cités, un vocabulaire concret voire brutal (Mi 2,6 ; 3,3.5 ; etc.), des images brèves (qui peuvent tenir en un seul mot, Mi 1,4.7s.10-15 ; 4,8.10 ; 7,1.4 ; etc.) et des jeux de mots.

Jeux de mots

Ils vont de la simple assonance (Mi 2,4 ; 6,3s ; 7,1.4), à l'explication d'un terme (Mi 2,11), d'un nom de lieu (Mi 1,10-15 ; 4,8.14 ; 5,1). Selon l'expression « nomen est omen », chaque nom exprime une idée.

Style ramassé et changeant

Michée ne développe pas jusqu'au bout ses images (Mi 1,2ss ; 5,1ss ; 6,1s ; etc.), mais s'interrompt et revient sans transition de la figure à la réalité (Mi 4,7.10.13 ; etc.) ou à une nouvelle image (Mi 5,6s ; 6,5s ; etc.). Les oracles alternent les personnes, comme souvent dans la poésie hébraïque (Mi 1,8-16 ; 2,3s.6-11 ; 3,1ss.5ss.9-12 ; 4,7.13 ; 5,1s ; 7,3-6 - devant le nombre, on ne peut s'en tenir à des erreurs de transmission du texte) et ils s'achèvent avec brièveté (Mi 2,11 ; 3,4.12 ; 6,8 ; 7,4).

Proposition d’une structure du livre

Quatre parties se distinguent, entre menace et promesse :

Genres littéraires
Images traditionnelles et allégories

Présent et avenir sont intimement mêlés. Le jugement final est présenté avec les images théophaniques traditionnelles (Mi 1,2ss ; 6,1). Mais cette prophétie recouvre l'épreuve historique de l'assaut assyrien, fléau divin du temps présent. Après le châtiment, les promesses retrouvent les images messianiques royales.

Thèmes principaux

Ce thème du jugement est profondément relié, comme chez Isaïe, à celui du Reste qui survivra au châtiment (Mi 4,7 ; 5,2.6s). Au cœur du Royaume à venir, le Messie royal, fils de David, est annoncé (Mi 4,8 ; 5,1-5), mettant ainsi en lumière le véritable message prophétique : la confiance dans le Salut qui viendra de Dieu.

CONTEXTE

Auteur et datation

Nul ne sait comment le prophète Michée, dont le nom est l'abréviation de la question « qui est comme Yhwh ? », à bien distinguer de Michée Ben Yimla sous le règne d'Achab (874-853) (1R 22) fut appelé par Dieu. Né à Moréshèt (près d'Hébron), il prêche sous Yotam (sans preuve certaine), Achaz et Ézéchias (Mi 1,1), entre la prise de Samarie (721) et l'invasion de Sennachérib (701), ou, selon certains, jusqu'au règne de Manassé, jusqu'en 680.

Formation

L'alternance entre les promesses (Mi 4,1-5,14) et les menaces résulte probablement d'un remaniement ultérieur. On estime que certains versets (Mi 2,12s ; 4,6s ; 5,6s ; 7,8-20 ) se rapprochent plus de la période postexilique, et que Mi 4,1-5 (= Is 2,2-5) est une addition. Les oracles des chap. 4 et 5 datent environ de l'exil.

RÉCEPTION

Canonicité
Importance traditionnelle
Intertextualité

L'influence de Michée est durable.

Exégèse juive antique

Quelques fragments découverts dans la grotte 1 de Qumrân (1Q14 = 1QpMic) montrent que ses habitants se servaient d'un pesher de Michée (sur les passages Mi 1,2-9 ; 6,14ss ; 7,17; et peut-être Mi 4,13 ; 7,6.8s).

Exégèse chrétienne

Plusieurs Pères l'ont commenté parmi les douze prophètes et leur lecture se fait dans plusieurs perspectives : christologique, trinitaire, éthique, ecclésiologique et eschatologique (lorsque Sion renvoie à la Jérusalem céleste).

Plus tard, le livre fut commenté, entre autres, par :

Voir supra : les commentaires sur l’ensemble des douze →Prophètes mineurs.

Liturgie catholique

Dans la liturgie latine, la plainte de Dieu (Mi 6,3s) est utilisée dans les Impropères dès le 7e s.

Réception culturelle
Arts visuels

L’ oracle messianique sur le descendant de David (Mi 5,1s) appelle dès le Moyen-Âge la représentation du prophète Michée dans l’iconographie du mystère de l’Incarnation.