La Bible en ses Traditions

Ecclésiastique 51,13

G
V
S

13 Quand j’étais encore jeune

avant que j'erre j’ai recherché ouvertement la sagesse dans ma prière.

13 Tu as élevé ma demeure sur la terre

et j'ai prié pour que la mort s'éloigne.

13 ...

13a jeune Si 6,18 ; Sg 8,2 13b Demander la sagesse à Dieu 1R 3,9 ; Sg 8,21

Propositions de lecture

13–30 Confession et exhortation

Structure 

  • Dans les versions grecque, hébraïque (ms.B), latine et syriaque, même si le caractère alphabétique est perdu et que l’un ou l’autre verset manquent ou sont intervertis, l’ordonnancement des deux ou trois parties demeure.
  • Chacun des trois strophes des v.13-30 culmine dans la louange (v.17b.22b.29b) ; de même pour l'héb. : autant qu’au v.29b l’on modifie širâ (ms.B) en tᵉhillâ, ou que l’on donne à širâ le sens de chant de louange. C’est le but final de toute vie de sage (cf. Si 15,10).
Confession (v.13-22)

En première partie, l'auteur raconte sa propre recherche de la sagesse. Son propos peut être scindé en deux sections :

  • l’une (v.13-17) davantage consacrée aux débuts de l’itinéraire,
  • l’autre (v.18-22) davantage à la persévérance dans la recherche au fil du temps.
Exhortation (v.23-30)

Cette seconde partie invite les « gens sans instruction », ceux qui n’ont pas encore suivi cet itinéraire de sagesse, à suivre son exemple et son enseignement.

Authenticité : ajout ou appendice ?

Considéré souvent comme un appendice, ce poème faisant l’éloge de la quête de la sagesse est bien dans la manière de Ben Sira.

  • En Si 6,18-37, il avait déjà développé une longue exhortation (sans confession préalable) invitant à une semblable recherche de la sagesse. 
  • Si 24,30-34 montrait déjà le rôle médiateur du sage dans la diffusion de la sagesse. 

L'auteur accumule ici des indices autobiographiques (Milieux de vie Si 51,13–30), exceptionnels dans la Bible. 

Texte

Critique textuelle

13–30 Présentation générale Du point de vue de la critique textuelle, ce poème final se présente différemment du reste du livre : aucun des manuscrits n’est totalement fiable.

Le grec

La version grecque, le meilleur témoin, présente plusieurs difficultés : v.15a est difficile à interpréter ; v.26c ne donne qu’un stique ; v.28a semble contredire v.25b (cf. Grammaire Si 51,28a, où la contradiction est levée).

Le latin

La Vulgate suit le grec. La plupart et les meilleurs manuscrits latins ne s’achèvent pas sur Si 51 mais sur Si 52,1-13, qui reprend la prière de Salomon de 1R 8,22-31 ; 2Ch 6,12-22. V-Si 52 n’est cependant pas le texte de ces deux passages en V mais retraduit le grec.

L'hébreu

Les témoins de l’hébreu sont problématiques :

  • le manuscrit ms.B, trouvé au Caire, est la rétroversion de la version syriaque. Cette rétroversion, qui présente des rabbinismes, est manifestement tardive. Nous ne proposons pas une traduction de ce ms.
  • le manuscrit 11Q5 (11QPsa), trouvé à Qumrân, est accidentellement incomplet. Le texte apparaît dans un rouleau constituant principalement une compilation de psaumes ou de morceaux de psaumes. Dans la seconde moitié du rouleau, entre des versets du Ps 138 et une apostrophe à Sion, figure ce poème. Il est rédigé non pas en stiques mais en continu.

À partir de toutes les versions il est possible de reconstituer le texte héb. original, en respectant le caractère alphabétique du poème (Genres littéraires Si 51,13–30). Néanmoins, en plusieurs versets cette reconstitution demeure conjecturale. La première partie (v.13-17 : Propositions de lecture Si 51,13–30) correspond à 11Q5 (11QPsa), en complétant le v.13b avec « (je l’ai demandée) et j’ai beaucoup prié » (Critique textuelle Si 51,13b).

Le syriaque

La version syriaque est une traduction assez libre de l’héb. : elle ne suit pas le caractère alphabétique du poème, saute les v.14-15ab (Comparaison des versions Si 51,13–17) et modifie des pronoms.

13b je l’ai demandée (héb.) Conjecture Le stique est manifestement trop court. Proposition de lire « je l’ai demandée et j’ai beaucoup prié ».

Vocabulaire

13a m’égarer (héb.) Moralement 11Q5 : t‘yty ; le verbe tā‘â signifie l’errance morale et non pas spatiale. Ni dans ce poème ni ailleurs dans le livre l’auteur n’a signalé une telle errance morale. Malgré les voyages qu’il signale, les siens (Si 34,12) ou ceux du scribe en général (Si 39,4), il semble quand même préférable de ne pas opter pour une errance spatiale.

13a mes errances (G) Moralement et spatialement G : planêthênai me. En s’inspirant probablement des voyages de Ben Sira, G emploie le verbe planaômai, qui évoque à la fois la pérégrination spatiale et l’errance morale. Ceci élargit l’idée : il conçoit les voyages comme des expériences morales (cf. Si 39,4).

Genres littéraires

13–30 Poème alphabétique Le livre se conclut, comme le livre des Proverbes, par un poème alphabétique, c'est-à-dire un poème dont la première lettre de chaque verset (ou strophe selon le cas) suit l’ordre de l’alphabet. Ce procédé poétique est considéré comme recherché. On trouve d’autres poèmes alphabétiques en Ps 9-10 ; 25 ; 34 ; 37 ; 111-112 ; 119 ; 145 ; Pr 31,10-31 ; Lm 1-4 ; Na 1,2-8. Ici,

  • 11Q5 atteste le caractère alphabétique du poème dans le fragment qui est préservé jusqu’à la lettre kaph.
  • ms.B a conservé quelques versets dans l’ordre alphabétique (aleph, ḥèt, yod, mem, nun, aïn, , qoph, resh, tav), c'est-à-dire surtout dans la 2e moitié de l’alphabet.

Le caractère alphabétique du poème avait déjà été détecté sur la base de G et S, avant la découverte des mss. hébreux du Caire et de Qumrân.

Contexte

Milieux de vie

13–30 Traits autobiographiques exceptionnels La pointe du poème est une invitation à se mettre à l’école du maître, ce qui n'est pas sans parallèles : Intertextualité biblique Si 51,23–28. Il est remarquable ici que pour justifier cette invitation, les deux premières strophes soient une auto-présentation de celui qui parle. Ben Sira parle souvent de lui-même dans son livre : 

Aucun sage de la Bible avant lui n’avait agi de la sorte.

Réception

Comparaison des versions

13–17 Abrègement dans ms.B et S La 1e partie de la confession (Propositions de lecture Si 51,13–30) est réduite d’un tiers dans ms.B et S :

  • par rapport à 11Q5, ils omettent la venue de la sagesse elle-même (Bèt = v.14a),
  • et par rapport à 11Q5, G et V, ils omettent la recherche jusqu’à la fin (Bèt = v.14b), la réjouissance dans la sagesse (gimel = v.15ab).

13b la sagesse dans ma prière : G V | héb. S : Ø — Explicitations dans G et V

  • Première mention de l’objet de la recherche, la sagesse. La seconde mention de la sagesse apparaît au v.17b. G et V sont moins allusifs que 11Q5 et S où la première et unique mention de la sagesse n’apparaît qu’en S-25b. Dans l'héb. et S la confession de la recherche de la sagesse se traduit littérairement par une énigme pour le lecteur.
  • Explicitation non seulement de la recherche de la sagesse, mais aussi de la prière pour l’obtenir dans G et V. Intertextualité biblique Si 51,13b

Intertextualité biblique

13b dans ma prière Topos biblique de la prière pour obtenir la sagesse, p. ex. le jeune Salomon (1R 3,9 ; Sg 8,21).

Littérature péritestamentaire

13–30 et 11Q5 : Une composition énigmatique On s’interroge sur la fonction que pouvait remplir le florilège d’extraits de psaumes et de ce poème alphabétique découvert à Qumrân.

Liturgie

12–20 Lectionnaire quotidien romain : la joie dans la sagesse

  • Eucharistie, samedi de la 8e semaine du TO-I : La première lecture est Si 51,12b-20 (12e et dernier passage de Si dans le lectionnaire quotidien), suivi de Ps 19,8-11, qui souligne la joie que donnent les préceptes du Seigneur. L’Évangile du jour est Mc 11,27-33, 48e passage d’une séquence semi-continue. Le rapprochement est fortuit, mais souligne la sagesse de Jésus.

13–19a.20.27 Lectionnaire sanctoral romain

  • 26 novembre : Première lecture pour la fête de saint Jean Berchmans, s.j. (mort en 1621 à l’âge de 22 ans). La piété de ce tout jeune saint jésuite a bien actualisé le programme de vie contenu dans ce passage.

Tradition juive

13–30 Deux œuvres appelées l’Alphabet de Ben Sira La première œuvre appelée Alphabet de Ben Sira est un opuscule qui se compose d’une liste de 22 sentences en araméen, rangées selon l’ordre alphabétique et agrémentées d’un commentaire en hébreu. Listes de sentences (au plus tôt fin de la période des amoraïm ou même la période des gaonim) et commentaire (11e s. ?) ne relèvent pas de la même composition. Il ne semble pas que l’origine de l’opuscule soit liée au poème alphabétique qui clôt le livre de Ben Sira. Il n’est même pas certain que les auteurs de ce pseudépigraphe aient lu l’œuvre de Ben Sira, même si l’on peut trouver une communauté d’esprit entre le livre et la liste. En revanche, cet Alphabet de Ben Sira atteste que la tradition juive attribuait à Ben Sira une série de sentences qui lui étaient plus ou moins étrangères, comme le montre également le Talmud de Babylone (b. Sanh. 100b). Le commentateur de la liste alphabétique des sentences attribue à Ben Sira la paternité de cinq livres, dont la Pesiq. Rab.

Le second Alphabet de Ben Sira (liste alphabétique de 22 sentences en hébreu et commentaire), postérieur au premier, rapporte une série de légendes relatives à Jésus Ben Sira, dont le récit de la naissance virginale, dans une sorte de parodie de la naissance d’un autre Jésus, de Nazareth.

Tradition chrétienne

1–30 Le premier commentaire chrétien sur le livre de Ben Sira est le commentaire édifiant de Raban Maur, évêque de Mayence au 9e s. (Comm. Eccl.).