La Bible en ses Traditions

Jacques 5,12–20

Byz V TR Nes
S

12 Mais avant tout, mes frères

ne jurez ni par le ciel ni par la terre

ni par quelque autre serment

mais que votre OUI [soit] OUI et [votre] NON, NON

afin que vous ne tombiez pas dans l'hypocrisie.

V TR Nessous le jugement.

12 ...

12 “Ne pas jurer du tout” Mt 5,34-37

13 Quelqu’un parmi vous souffre

Vs'attriste-t-il ? qu’il prie.

Quelqu'un est-il de bonne humeur ? qu’il chante.

13 Si quelqu’un parmi vous est dans l'affliction, qu’il prie.

Et si quelqu'un est joyeux, qu’il chante.

14 Quelqu’un parmi vous est-il malade ? 

qu’il appelle

Vfasse venir les anciens de l'Église et qu'ils prient sur lui

en l'oignant d'huile au nom du Seigneur

 

 

14 Si quelqu’un parmi vous est malade 

qu’il appelle les anciens de l'Église et qu'ils prient sur lui

en l'oignant d'huile au nom du Seigneur

 

 

14 L’onction des malades Mc 6,13

15 et la prière de la foi sauvera le patient

et le Seigneur le relèvera.

Et s'il a commis des

Vest dans les péchés, il lui sera pardonné.

 

15 et la prière de la foi guérira le patient

et notre Seigneur le relèvera.

Et si des péchés ont été commis par lui, ils lui seront pardonnés.

 

16 Confessez V Nesdonc les uns aux autres les chutes 

Nesles péchés

Vvos péchés 

et priez les uns pour les autres afin d'être guéris

Vcar c'est avec beaucoup de puissance que la supplication fervente

Vassidue du juste agit.

16 Confessez donc les uns aux autres vos fautes 

et priez les uns pour les autres afin d'être guéris

car grande est la puissance de la prière que le juste prie.

16 Confesser ses péchés Pr 28,13+ ; Si 4,26 ; Ac 19,18 ; 1Jn 1,8-10
Byz TR Nes
V S

17 Élie était un homme ayant les mêmes passions que nous

et en prière il pria pour qu'il ne pleuve pas

et il ne plut pas sur la terre pendant trois ans et six mois.

17 Élie était un homme ayant les mêmes passions que nous

et Ven prière il pria pour qu'il ne pleuve

Sque la pluie ne descende pas sur la terre

et il ne plut

Selle ne descendit pas pendant trois ans et six mois.

17 Elie, modèle d’intercesseur 1R 17,1 ; 18,1,41s ; Ap 11,6
Byz V S TR Nes

18 Et de nouveau, il pria, et le ciel donna la pluie

et la terre fit germer

V Sdonna son fruit.

Byz V TR Nes
S

19 Frères,

V NesMes frères, si quelqu’un d’entre vous a erré loin de la vérité

et si quelqu’un l’y ramène,

19 ...

19 Correction fraternelle Mt 18,15 ; Lc 1,16 ; Ga 6,1 ; 1Jn 5,16

20 qu'il sache

Vil doit savoir que celui qui ramené

Vramènera un pécheur loin de l'egarement de sa voie

sauvera l'âme de ce dernier de la mort

et couvrira une multitude de péchés.

Byz V TR NesICI FINIT L'ÉPÎTRE DE JACQUES

20 ...

20 = Pr 10,12 ; 1P 4,8 “L’aumône sauve de la mort” Tb 12,9

Texte biblique

14ss Pouvoir de pardonner les péchés

  • Jean Chrysostome Sac. 3,6 cite Jc 5,14-15 comme une illustration du pouvoir qu’a le prêtre de pardonner les péchés (cf. Origène Hom. Lev. 2,4).
  • Pour Calvin Inst. 3,4,6, en revanche, ce passage contredirait la pratique de l’Église catholique de confesser ses péchés au prêtre seul. D’après lui, les laïcs devraient se confesser mutuellement leurs péchés.
  • Trente répond implicitement à Calvin et aux réformateurs quand il affirme que seuls les prêtres et les évêques ont le pouvoir de pardonner les péchés. Les passages de l’Écriture cités par le concile sont toutefois Mt 16,19 et Jn 20,23 (14e session : « Sur les très saints sacrements de Pénitence et d’Extrême-onction » ch.6).

14b les anciens

Ministère auprès des malades

  • Polycarpe Phil. 6,1 tient le soin des malades pour l’un des devoirs des « anciens ».
  • Césaire d’Arles Serm. 13,3 « Un malade devrait recevoir le Corps et le Sang du Christ avec humilité et demander l’huile sainte aux anciens avec dévotion pour s’en oindre le corps » [suit la citation de Jc 5,14-15]).

Ou des laïcs

À côté de l’onction proprement sacramentelle faite par un prêtre ordonné, des laïcs faisaient parfois des onctions aux malades avec de l’huile consacrée.

D’autres cas d’onctions non sacramentelles des malades réalisées par de saints laïcs sont attestés (p. ex. Pallade d'Hélénopolis Hist. Laus. 12). Théologie Jc 5,14b

14b les anciens

= prêtres et laïcs

  • Selon Luther Capt. bab., les « anciens » (presbuteroi) de Jacques n’étaient pas forcément des prêtres ou des ministres de l’Église : « on peut penser que l’apôtre souhaitait que ce soit les membres de l’Église les plus âgés et les plus dignes qui visitent les malades ».
  • Calvin Inst. 4,19,21 rejette la tradition catholique selon laquelle les anciens sont des prêtres.

= seulement des prêtres

  • Tout en admettant l’existence de guérisons réalisées par des laïcs (Tradition chrétienne), Thomas d'Aquin (Sum. theol. Suppl. 31,1) les considère comme non sacramentelles et les attribue à la « grâce de guérison » dont parle 1Co 12,9.
  • Trente a établi que « les ministres de ce sacrement sont les presbytres de l’Église. Par ce nom, il faut ici entendre non pas ceux qui sont plus âgés ou plus dignes dans le peuple, mais ou bien les évêques ou bien les prêtres régulièrement ordonnés » (→DzH 1697 ; cf. CEC 1516).

Propositions de lecture

13–18 Le trait commun aux v.13-18 est la prière, avec insistance sur les cas du malade et du pécheur, puis v.16-18, sur la puissance de celui qui prie bien.

Du petit traité sur la prière dans l'épreuve à l'institution d'un sacrement

La prière

Cette péricope a pour thème central la prière. Après avoir prévenu le lecteur qu'il devait présenter à Dieu sa pétition avec foi, sans éprouver de doute (Jc 1,5-8) ni demander à Dieu ce qui pourrait causer sa perte (Jc 4,2-3), Jc fournit dans cette péricope des exemples de la prière correcte et efficace (Procédés littéraires Jc 5,13–18).

La parole juste

Ayant mis ses lecteurs sérieusement en garde contre la parole incorrecte (p. ex. Jc 5,9.12), Jc donne ici des exemples de la parole juste : soit dans la prière, soit dans les chants.

La maladie et la guérison

Le texte présente un point de vue global sur la maladie et la guérison étroitement associées : d'une part, la maladie physique et la maladie spirituelle (c.-à-d. le péché) ; d'autre part la guérison physique et le pardon des péchés. Le passage établit aussi un lien étroit entre deux autres dimensions : le geste rituel compris comme source de guérison (spirituelle et physique) en cette vie, et la saisie de l'onction et de la prière en tant que préparation à la guérison finale dans la vie éternelle lors de la résurrection. Cet accent reflète donc le thème de l’intégrité que développe le reste de l’épître.

Le sacrement de l’onction des malades

La tradition catholique a développé la richesse du sens de ce passage, allant parfois jusqu'à y trouver l'institution du sacrement de l’onction des malades (Théologie Jc 5,14s). Au cours de l’histoire, la tradition a déployé les différents aspects de l'intégrité abîmée et à restaurer dont traite l’épître de Jacques :

  • guérison spirituelle (Origène ; Jean Chrysostome ; le concile de Trente) ;
  • guérison physique (Césaire d'Arles ; Vatican II, qui rappelle la dimension intégrale de la guérison) ;
  • perspective eschatologique (insistance de la tradition sur la préparation à la vie éternelle qu’offrent les derniers sacrements). Tradition chrétienne Jc 5,14s

Texte

Critique textuelle

14c en l'oignant : Gr | B : en oignant Codex B omet auton avant « oignant ».

14c du Seigneur : Gr | B : Ø Codex B omet « du Seigneur ».

16a donc : Nes (א A B C) V S | Byz TR : Ø

16a chutes : Byz TR | V Nes : péchés | S : fautes

  • Byz TR et quelques mss. minuscules (p. ex. 307 et 442) : ta paraptômata ;
  • Nes (א A B) : tas hamartias ; V : peccata ;
  • S : sklwt’  (saklotkun, litt. « vos folies »).

Vocabulaire

13b est-il de bonne humeur Connotations Le verbe euthumeô renvoie, en grec koinè, à la notion de courage, d’assurance et de calme intérieur (cf. Ac 27,22 « Je vous invite à avoir bon courage [euthumein] »). Le verbe connote la capacité de faire face calmement, sans plainte. Cf. Plutarque Tranq. an. = Mor. 465E-477F, et la traduction de V : aequo animo est (litt. : « avoir l’esprit égal », d’où « être serein/confiant »).

13b qu'il chante Sens général en contexte religieux

  • Le verbe grec psallô peut avoir le sens général de « jouer de la musique » (p. ex. G-1R = 1S 16,16 « jouer [psallein] de la lyre »), le plus souvent dans un contexte de louange à Dieu (Ps 98,5 = G-97,5 « Jouez pour le Seigneur sur la harpe »). Le verbe psallô se trouve également en Rm 15,9 ; Ep 5,19. Paul associe le verbe à l'idée de la prière (1Co 14,15).
  • Le sens plus technique de psallô « chanter des psaumes » est probablement un développement plus tardif (cf. Const. ap. 8,13,16-8,14,1).

14a malade Registre de la faiblesse physique

  • Le verbe astheneô (« être malade ») se réfère habituellement à une maladie ou une faiblesse physiques (Mt 25,36).
  • Il est différent de kakopatheô (« souffrir »), utilisé au v.13a, qui dénote plus largement une souffrance physique, mentale ou affective.

14b l'Église Désignation technique d'une assemblée Milieux de vie Jc 5,14b

14b les anciens Désignation technique des chefs de communauté Le substantif presbuteros est, en réalité, un adjectif à la forme comparative, désignant littéralement une personne qui est plus âgée (cf. Lc 15,25 « son fils aîné »). Dans les contextes AT, NT et hellénistique, le terme désigne des dirigeants de communauté dont l'autorité est fondée sur leur ancienneté ou leur fonction officielle. Milieux de vie Jc 5,14b

14c l'oignant Registre de l'onction

  • Le verbe aleiphô (« faire une onction d’huile ») est souvent utilisé pour évoquer la guérison physique (Mc 6,13) ou en signe de bonne santé (Mt 6,17).
  • Il diffère de chriô, terme grec habituel pour les onctions cultuelles des rois et des prophètes de l’AT.

Textes anciens Jc 5,14c ; Intertextualité biblique Jc 5,14c ; Littérature péritestamentaire Jc 5,14c

15a le patient Ou « celui qui souffre » : polysémie Le verbe grec kamnô a plusieurs significations :

  • « être fatigué » : 4 Macc. 3,8 : David est « fort fatigué » (sphodra kekmêkôs) après une bataille contre les Philistins ;
  • « être malade » : Strabon Geogr. 8,6,15 : à Epidaure, Asclépios est censé guérir « toutes sortes de maladies (nosous) : son sanctuaire est rempli en permanence de malades (kamnontôn) » ;
  • « être mort » (Sg 4,16 ; 15,9).

16b afin d'être guéri Sens double Le verbe grec iaomai signifie :

  • tout d'abord la guérison physique (p. ex. Lc 7,7 ; Ac 9,34 ; Platon Charm. 156b [faisant référence à un essai de guérir (iasthai) les yeux]),
  • mais également la guérison/le pardon des péchés (G-Is 53,5 « dans ses blessures nous trouvons la guérison »).

17a ayant les mêmes passions que nous Connotations Gr : homoiopathês hêmin (cf. V : similis nobis passibilis) ; homoiopathês désigne littéralement une identité de sentiments (pathê). Quand la foule désigne Barnabé et Paul comme Zeus et Hermès à Lystres, Paul réplique, « nous sommes des hommes de même condition que vous (homoiopatheis... humin) » (Ac 14,15).

Grammaire

14b prient sur lui Construction rare L'utilisation de la préposition epi (ep' auton) avec le verbe « prier » (proseuchomai) est inhabituelle. Elle peut signifier :

  • que les anciens se tenaient debout au-dessus du malade qui est allongé ;
  • qu'on invoquait le nom de Dieu en faveur de la personne (cf. Jc 2,7).

La tournure pourrait faire allusion à l'imposition des mains sur le malade au cours de la prière : Origène Hom. Lev. 2,4 traduit la phrase comme « et qu'ils lui imposent les mains » (et imponant ei manus).

14c au nom du Seigneur Complément circonstanciel ambigu Le lien entre ce lexème et l'action d'oindre est loin d'être clair. La phrase pourrait signifier :

  • des circonstances concomitantes : l'onction faite en même temps qu'une invocation du nom du Seigneur (cf. Ac 10,48 ; Ep 5,20 ; Tradition chrétienne Jc 5,14c) ;
  • la nature même de l'opération : une onction faite grâce à la puissance et à l'autorité (« le nom ») du Seigneur (cf. Mt 7,22 ; Ac 4,10).

15c il lui sera pardonné Sémitisme Gr : aphethêsetai autôᵢ est probablement un sémitisme, indiquant le passif divin, comme dans M-Lv 4,26 wᵉnislaḥ lô.

17b en prière il pria Sémitisme Gr : proseuchêᵢ prosêuxato imite la construction sémitique avec un infinitif absolu. Ce trait, ainsi que le grand nombre de kai qui émaillent notre texte, dénonce l’arrière-fond sémitique de la lettre.

Procédés littéraires

13–18 Isotopie de la prière Si tous les versets de ce passage parlent de la prière, les mots employés ne sont pas pour autant de simples synonymes.

  • Le substantif euchê (« prière », v.15a) et le verbe correspondant euchomai (« prier », v.16b) constituent des termes génériques.
  • La prière de demande est désignée par proseuchomai (v.13a.14b.17b.18a) et proseuchê (v.17b).
  • Plus concret, le substantif deêsis (v.16c) représente une supplication ou une demande particulière.
  • Quant à psallô (« chanter un cantique », v.13b), il s’applique à la prière hymnique, notamment dans le cadre de la liturgie.

13s Exposition rhétorique du cas La lettre a souvent recours aux interrogations.

  • Ici, la succession rapide de trois questions et réponses évoque la fraîcheur d’un échange oral (même construction en Jc 3,13).

Cependant, ces v. peuvent également être traduits :

  • comme des affirmations (« Celui parmi vous qui », etc. ) ; 
  • comme des clauses conditionnelles (« Si quelqu’un parmi vous ») ; cf. S.

13 Antithèse Les deux premières questions établissent une antithèse entre la souffrance et la sérénité intérieures. Loin de porter sur un contraste entre la tristesse et la gaîté, comme on le croit souvent, la phrase évoque plutôt l’opposition entre le chagrin et l’apaisement intérieurs, états d’âme induisant chacun une manifestation différente de la prière.

15a sauvera Syllepse Le verbe sôᵢzô admet deux sens différents :

Dans l’épître, les autres occurrences de ce mot évoquent le salut eschatologique (Jc 1,21 ; 2,14 ; 4,12 ; 5,20). Le passage ici semble jouer sur les deux sens. Guérison physique et salut éternel sont en effet étroitement liés dans la lettre. Littérature péritestamentaire Jc 5,14c ; Tradition chrétienne Jc 5,15c ; Théologie Jc 5,15bc

15b relèvera Syllepse Le verbe egeirô recouvre deux significations :

  • relever quelqu’un physiquement (p. ex. Ac 3,7), ainsi dans la portée immédiate du texte présent ;
  • relever quelqu’un d’entre les morts (cf. Mt 10,8 ; en particulier en référence à la résurrection de Jésus : Mt 16,21 ; Ac 3,15 ; Rm 6,4).

Jc joue sur un double sens, naturel et surnaturel : le fait de se relever physiquement peut être un présage de la résurrection finale et même une participation anticipée à cette résurrection. Propositions de lecture Jc 5,13–18 ; Tradition chrétienne Jc 5,14c.15b

16a donc Argumentation : quel lien entre confession et guérison ? La particule oun associe la confession et la prière du v.16 à l'onction et le pardon des v.14-15. Ceci pourrait impliquer que la confession et l'harmonie au sein de la communauté sont indispensables pour que Dieu donne suite à l'intercession de guérison. Une telle association fait bien écho à Mt 6,12 : « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés. »

Contexte

Milieux de vie

14b les anciens Vie des communautés : ministères dans l’Église

Désignation

Le terme grec presbuteroi désigne des ministres (de l’Église) qu’on retrouve ailleurs dans le NT (Ac 14,23 ; 15,2 ; Tt 1,5 ; cf. la même formule « les anciens de l’Église » en Ac 20,17). Les presbuteroi sont institués par l’imposition des mains (1Tm 5,22), que réalisent les apôtres (Ac 14,23) ou leurs successeurs directs (Tt 1,5). Ce signe leur confère une grâce permanente d’une nature particulière (to charisma tou theou ho estin en soi : 2Tm 1,6 ; cf. 1Tm 4,14).

Terme général

Au cours des deux premiers siècles du christianisme, le mot presbuteros a fonctionné comme l’hyperonyme (c.-à-d. le nom générique) du mot episkopos. Le terme presbuteros, qui connote la dignité, servait à désigner :

Théologie Jc 5,14b ; →Vocabulaire des ministères

14b l'Église Vie des communautés : autodésignation

Dans le monde païen

Le terme ekklêsia peut désigner :

  • toute forme d'assemblée législative (p. ex. Ac 19,39 « l'assemblée légale »),
  • ou une communauté qui partage des croyances communes (Diogène Laërce 8,41 : les disciples de Pythagore).

Dans G

Le substantif peut se référer à la communauté d'Israël : Dt 31,30 « toute l'assemblée (M : kol qᵉhal ; G : pasês ekklêsias) d'Israël ».

Dans le NT

Le terme a pris une signification spécifique, il désigne :

  • tantôt une communauté ecclésiale locale (p. ex. 1Th 1,1 « l'Église des Thessaloniciens »),
  • tantôt l'Église universelle (p. ex. Col 1,18 « Il est aussi la Tête du Corps, c'est-à-dire de l'Église ».

14c huile Usages antiques

Dans le monde gréco-romain

Usage profane

L’huile d’olive constituait un article d’exportation essentiel dans l’Empire romain : elle jouait un rôle clé dans la cuisine et l’éclairage. Elle évoquait la force, la propreté corporelle et la santé. Au gymnase, elle permettait aux athlètes d’assouplir leurs muscles avant l’entraînement (Pline Nat. 15,19). On avait coutume de l’appliquer sur le corps après le bain (Hippocrate Acut. 65). Ses vertus médicinales étaient expressément reconnues (Celse Med. 2,14,4 ; Sénèque Ep. 53,5 ; Pline Nat. 15,19 ; 23,79).

Usage religieux

L’huile était également utilisée dans le culte (Pausanias Descr. 8,42,11 ; 10,24,6), surtout dans les rites d’ensevelissement et dans les cérémonies en l’honneur des morts (Plutarque Arist. 21 ; Virgile Aen. 6,212-234).

Dans le monde juif

Usage religieux

L’huile avait de nombreux symbolismes religieux (Intertextualité biblique Jc 5,14c). 

Usage profane

Elle était couramment utilisée à des fins médicales :

  • Is 1,6 évoque son usage pour les blessures ;
  • Philon d’Alexandrie Somn. 2,58 : l’huile donne force et fermeté aux muscles ;
  • Josèphe B.J. 1,657 ; A.J. 17,172 : les médecins d’Hérode le baignent dans de l’huile chaude.
  • Les traditions rabbiniques reconnaissent également les propriétés médicinales de l’huile : application de l’huile sur les reins endoloris (m. Šabb. 14,4) ; compresses de vin et d’huile (y. Ber. 1,2).

Textes anciens Jc 5,14c ;  Liturgie Jc 5,14c

Textes anciens

14c d'huile En abondance

  • Pline Nat. 15,7 « La nature […] ne veut pas que nous soyons économes dans l’usage de l’huile : elle en a fait chose universelle, même chez les gens du commun. »

14c en l'oignant Onction divine

  • Homère Il. 16,678-683 « Du milieu des traits, il [= Apollon] enlève aussitôt le divin Sarpédon : il l’emporte au loin, il le lave à l’eau courante d’un fleuve. Il l’oint ensuite d’ambroisie et le revêt de vêtements divins. Il le remet enfin aux porteurs rapides qui doivent l’emporter, Sommeil et Trépas, dieux jumeaux ; et ceux-ci ont tôt fait de le déposer au gras pays de la vaste Lycie ».
  • Homère Il. 23,184-187 « Autour [du cadavre] d’Hector cependant les chiens ne s’affairent pas. La fille de Zeus, Aphrodite, nuit et jour, de lui les écarte. Elle l’oint d’une huile divine, fleurant la rose, de peur qu’Achille lui arrache toute la peau en le traînant ».

Intertextualité biblique

14b qu'ils prient Motif narratif de la prière pour la guérison Des passages de l’AT associent, à l’usage de remèdes naturels, la prière pour obtenir surnaturellement une guérison : 

  • En réponse à sa prière, le Seigneur promet de guérir Ézéchias (1R 17,20-22 ; 2R 20,2-6 || Is 38,2-6 ; Si 38,9.14), mais Isaïe prescrit cependant « qu’on prenne un pain de figues, qu’on l’applique sur l’ulcère pour qu’il vive » (2R 20,7 || Is 38,21).
  • Le psalmiste prie souvent pour demander la guérison : Ps 6,3 ; 30,3 ; 41,5.  
  • On retrouve la même association thématique dans la littérature sapientiale : « Mon fils, quand tu es malade, ne perds pas de temps mais prie le Seigneur : il te guérira. […] Puis fais place au médecin de peur qu’il ne s’en aille, tu en as aussi besoin » (Si 38,9.12).

14c l’oignant d’huile Usages et symbolismes de l'huile L'huile était un produit agricole essentiel (Dt 11,14). 

Au quotidien

On s'en sert tous les jours pour cuisiner (1R 17,12) et pour l’éclairage des maisons (Mt 25,3-4.8) et du Temple (Ex 27,20). L’onction d’huile est associée à la propreté (Rt 3,3) et à la santé (Ps 104,15 « de l’huile pour faire resplendir leur visage »). 

Symbolismes

L'huile est un symbole de richesse (Ez 16,13), de bonheur (Is 61,3 l’« huile de joie », cf. Ps 133,2) et de bénédiction divine (Ps 23,5 « Tu me prépares une table face à mes ennemis, tu oins ma tête d’huile, ma coupe déborde »).

Rituel

On pratiquait les onctions dans les contextes rituels de l’AT : l'onction d’un roi (1S 10,1), d’un prêtre (Ex 28,41) ou d’un prophète (1R 19,16) ; la consécration d’objets sacrés (Gn 28,18 ; Lv 8,11). En hébreu, la catégorie essentielle de « messie » signifie originairement « oint d'huile ».

Dans ces contextes cultuels de l’AT, on trouve régulièrement le verbe chriô (ou bien epicheô « verser »), mais pas le terme aleiphô, qui figure en Jc 5,14c (Vocabulaire Jc 5,14c).

Usage thérapeutique

Pour ses propres guérisons, il arrive que Jésus ait recours à des éléments naturels : salive (Mc 7,33 ; 8,23 ; Jn 9,6), contact physique (Mc 1,41 ; 3,10 ; 5,28-31.41 ; 6,56 ; Lc 6,19). Ses disciples emploient l’huile pour leurs guérisons (Mc 6,13) et ont également recours au contact physique (Ac 3,7 ; 5,15 ; 19,11-12).

14c au nom du Seigneur Invocation du nom du Seigneur Régulièrement en cas de guérisons (cf. Ac 3,6 ; 4,10), d'exorcismes (Mc 9,38 ; 16,17 ; Lc 10,17) et de baptêmes (Ac 2,38 ; 8,16 ; 10,48 ; 19,5).

15s

Lien entre péché et maladie

Dans certains passages de la Bible, la maladie semble constituer la sanction de la désobéissance à la loi divine (Ex 15,26 ; Dt 7,15 ; 28,15-22 ; Ps 38,2-4 ; 41,5). Dans Jb 4,7-9 ; 7,20 ; 9,22-23, le sens de cette relation entre maladie et péché sera envisagé dans une perspective différente. Littérature péritestamentaire Jc 5,15s ; Tradition juive Jc 5,15s ; Théologie Jc 5,15bc

Lien entre pardon des péchés et guérison

AT

Ps 103,3 « Il pardonne toutes tes offenses, guérit toutes tes maladies ».

  • CEC 1502 : « L’homme de l’Ancien Testament vit la maladie en face de Dieu. C’est devant Dieu qu’il déverse sa plainte sur sa maladie (cf. Ps 38) et c’est de Lui, le Maître de la vie et de la mort, qu’il implore la guérison (cf. Ps 6,3 ; Is 38). La maladie devient chemin de conversion (cf. Ps 38,5 ; 39,9.12) et le pardon de Dieu inaugure la guérison (cf. Ps 32,5 ; 107,20 ; Mc 2,5-12). Israël fait l’expérience que la maladie est, d’une façon mystérieuse, liée au péché et au mal, et que la fidélité à Dieu, selon sa loi, rend la vie : “Car c’est moi, le Seigneur, qui suis ton médecin” (Ex 15,26). Le prophète entrevoit que la souffrance peut aussi avoir un sens rédempteur pour les péchés des autres (cf. Is 53,11). Enfin, Isaïe annonce que Dieu amènera un temps pour Sion où Il pardonnera toute faute et guérira toute maladie (cf. Is 33,24). »
NT

Les guérisons opérées par Jésus sont intégrales. Le rétablissement du paralytique est associé au pardon des péchés en Mt 9,1-8 // ; le discours de Jésus lui-même semble présupposer la connaissance de ce rapport entre maladie et péché (cf. Mc 2,17 « Ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin d’un médecin, mais les malades. Je suis venu appeler non les justes mais les pécheurs »). On peut en dire autant des enseignements de Paul (1Co 11,30). Néanmoins, ceux qui souffrent en vertu de l’oppression ou d’un accident ne sont pas plus grands pécheurs que les autres (Lc 13,1-5 ; Jn 9,1-3).

Régulièrement accompagnées d’un appel à la foi (cf. Mc 2,5 ; 5,34.36 ; 9,23), ses guérisons apparaissent comme des signes annonciateurs du Royaume de Dieu (cf. Mt 11,5-6).

  • CEC 1505 « Ému par tant de souffrances, le Christ non seulement se laisse toucher par les malades, mais Il fait siennes leurs misères : “Il a pris nos infirmités et s’est chargé de nos maladies” (Mt 8,17 ; cf. Is 53,4). Il n’a pas guéri tous les malades. Ses guérisons étaient des signes de la venue du Royaume de Dieu. Ils annonçaient une guérison plus radicale : la victoire sur le péché et la mort par sa Pâque. Sur la Croix, le Christ a pris sur Lui tout le poids du mal (cf. Is 53,4-6) et a enlevé “le péché du monde” (Jn 1,29), dont la maladie n’est qu’une conséquence. Par sa passion et sa mort sur la Croix, le Christ a donné un sens nouveau à la souffrance : elle peut désormais nous configurer à Lui et nous unir à sa passion rédemptrice. »

16a Confessez les uns aux autres les chutes AT Voir Lv 5,5 (associé à une offrande cultuelle) ; Nb 5,7 ; Lv 16,21 (un prêtre confesse le péché du peuple). Le psalmiste établit un lien entre la confession des péchés et le soulagement de la souffrance : Ps 32,3.5 « Je me taisais, et mes os se consumaient […]. Mon péché, je te l’ai fait connaître […] et tu as pardonné ma faute. » Littérature péritestamentaire Jc 5,16a ; Tradition chrétienne Jc 5,16a ; Théologie Jc 5,14ss

Littérature péritestamentaire

14c l’oignant Onction et salut Le lien entre le rituel de l’onction et le salut eschatologique reflète le rapport établi par les Juifs de l’époque du second Temple entre l’onction d’huile et le salut éternel :

  • Adam, malade en raison de ses péchés, recevra une onction (de l’huile d’un arbre du paradis) en vue de sa guérison lors de la résurrection finale (V.A.È. 9,3 ; 13,2-3 ; autres références à un olivier au paradis : 2 Hén. 8,4 [recension courte] ; cf. Gen. Rab. 33,6 sur Gn 8,10).
  • L’onction d’Hénoch marque la transition entre son existence terrestre et le moment où il devient « semblable à l’un des êtres glorieux » (2 Hén. 22,8-10 ; cf. 56,2).
  • Voir également 3 Bar. 15 où le ciel offre des vases d’huile en récompense ; Jos. Asén. 8,5 ; 16,16 (« onction d’incorruptibilité ») ; T. Adam 1,7.

Textes anciens Jc 5,14c ; Tradition chrétienne Jc 5,14c.15b ; Islam Jc 5,14c

15s Lien entre péché et maladie T. Rub. 1,7 ; T. Sim. 2,12-13 ; T. Zab. 5,4 ; T. Gad 5,9-11.

16a Confessez les uns aux autres les chutes Pratique à Qumrân

  • 1QS 1,22-25 « Les lévites énuméreront les péchés des enfants d’Israël […] et tous ceux qui entrent dans l’alliance feront après eux leur confession pour dire : “Nous avons agi de manière inique, nous avons [désobéi]” ».

17s Efficacité de la prière d’Élie 4 Esd. 7,109.

Réception

Comparaison des versions

13a souffre : Gr | V : s'attriste | S : est dans l'affection V rend kakopathei par tristatur (un verbe évoquant l’affliction ou le découragement ; cf. S : b’wlçn’) et précise ainsi le type de la souffrance.

Liturgie

13–20 Lectionnaire quotidien romain Jc 5,13-20 est lu en même temps que Ps 141,1-3.8 et Mc 10,13-16 pour le samedi de la 7e semaine du Temps ordinaire. Dans ce contexte, le texte de Jc 5,19-20 souligne la responsabilité mutuelle des membres de l’Église, et le lien entre péché, repentir et salut final. Le Ps 141 (sur la prière) et le passage de Mc (Jésus bénissant les enfants) développent le propos de l’épître de Jacques sur la prière confiante adressée à Dieu.

14b qu'ils prient sur lui Prières et onctions De nombreux textes liturgiques contiennent des prières de consécration de l’huile pour le baptême et pour d’autres rites.

Avant les onctions

  • Sacr. Serap. 17 (« Prière pour bénir l’huile de l’Onction des malades, ou le pain, ou l’eau ») : « Père de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, toi à qui appartiennent toute autorité et tout pouvoir, Sauveur de tous les peuples, nous te prions et t’implorons afin que le pouvoir de guérison qui vient de ton Fils unique descende du ciel sur cette huile. Qu’elle devienne pour ceux qui vont en être oints [/ pour ceux qui vont recevoir ces éléments que tu as créés] le moyen de rejeter toute maladie, une protection qui permette d’écarter tout démon, de renvoyer tout esprit impur, de chasser tout esprit mauvais, d’écarter la fièvre, les frissons et tout affaiblissement ; qu’elle octroie la grâce et le pardon des péchés ; qu’elle soit un remède de vie et de salut ; qu’elle apporte la santé et l’intégrité de l’âme, du corps et de l’esprit et qu’elle [leur] accorde une force parfaite. Toi, notre Souverain Maître, fais en sorte que tout pouvoir satanique, tout démon, tout dessein de l’ennemi, toute meurtrissure, tout coup de fouet, toute souffrance, tout soufflet, tout tremblement et toute ombre du malin soient saisis de terreur devant ton saint Nom que nous venons d’invoquer et devant le Nom de ton Fils unique ; et qu’ils quittent l’intérieur et l’extérieur du corps de ces serviteurs qui sont les tiens, afin que soit glorifié le Nom de Jésus-Christ, Lui qui a été crucifié et qui est ressuscité pour nous, qui a pris sur Lui nos maladies et nos faiblesses et qui reviendra juger les vivants et les morts. Par Lui à Toi la gloire et la puissance dans l’unité du Saint-Esprit, maintenant et toujours et pour les siècles des siècles. Amen. »
  • Test. Dom. 1,24 « Ô Christ […] vous êtes celui qui guérit les malades et ceux qui souffrent. C’est vous qui octroyez le don de guérir à ceux que vous estimez dignes [de ce don]. Envoyez le don de votre compassion sur cette huile qui est une figure de votre richesse, afin qu’elle puisse délivrer ceux qui sont infirmes, guérir les malades et sanctifier ceux qui reviennent, tandis qu’ils approchent de votre foi. »
  • Hippolyte de Rome Trad. ap. 5 « De même qu’en sanctifiant cette huile, par laquelle vous avez oint les rois, les prêtres et les prophètes, vous donnez la sainteté à ceux qui en usent et la reçoivent, qu’elle procure de même le réconfort à tous ceux qui en goûtent et la santé à tous ceux qui en font usage. »
  • Const. ap. 8,29,3 « Seigneur Sabaoth, Dieu des puissances, créateur des eaux et chorège de l’huile, […] toi qui donnes l’eau pour boire et purifier et l’huile qui réjouit le visage, pour la joie et l’allégresse, toi-même maintenant, par le Christ, sanctifie cette eau et cette huile, au nom de celui ou de celle qui les ont apportées, et accorde-leur la vertu de produire la santé, de chasser les maladies, de mettre en fuite les démons, de protéger la maison, d’éloigner toute embûche, par le Christ notre espérance. »
  • Ordo unct. 75 « Dieu, notre Père, de qui vient tout réconfort, par ton Fils, tu as voulu guérir nos faiblesses et maladies, sois attentif à la prière de tes fidèles : Vois cette huile que ta création nous procure pour rendre vigueur à nos corps. Envoie sur elle ton Esprit qui sanctifie. Qu’elle devienne par ta bénédiction l’Huile sainte que nous recevons de toi. Qu’elle serve ainsi à l’Onction des malades qui va être donnée maintenant à N., notre frère, pour soulager son corps, son âme et son esprit, de toute souffrance et maladie, de tout mal physique, moral et spirituel au nom de Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur » (AELF 1977, 47 [no. 111]).

On trouve d’autres prières pour la bénédiction de l’huile des malades en Can. Hipp. 3 ; Sacr. Gel. 1,40 ; Grégoire le Grand Lib. sacr. 269 (PL 78,83) et dans diverses traditions orthodoxes (euchelaion). Théologie Jc 5,14s ; Théologie Jc 5,14c

Au cours de l’onction

Le rituel catholique traditionnel de l’onction est accompagné de la prière suivante :

La phrase du Rituel romain de l’onction est plus directement tirée de Jc 5,15 :

  • Ordo unct. 76 : (pendant l’onction sur le front) « N., par cette onction sainte, que le Seigneur, en sa grande bonté, vous réconforte par la grâce de l’Esprit Saint. » (pendant l’onction sur les mains) « Ainsi, vous ayant libéré de tous péchés, qu’il vous sauve et vous relève » (AELF 1977, 47 [no. 112]).

Après l’onction

  • Ordo unct. 77a « Seigneur Jésus, toi qui nous as rachetés, tu viens de visiter N. notre frère malade et nous te prions encore : Par la grâce du Saint-Esprit, guéris-le de tout mal, pardonne ses péchés, écarte de lui tout ce qui le fait souffrir, redonne-lui la santé, afin qu’il puisse reprendre au milieu de nous les tâches qui l’attendent. Toi qui vis pour les siècles des siècles » (AELF 1977, 54 [no. 133]).

En cas de maladie très grave ou terminale : « Extrême-onction »

  • Ordo unct. 77b « Seigneur Jésus Christ, toi qui as voulu connaître notre condition d’homme pour relever les malades et sauver les pécheurs, regarde N. qui attend de toi la santé de l’âme et du corps ; nous venons de lui faire en ton nom l’Onction sainte : que ta puissance lui redonne vigueur, que ton soutien le réconforte, qu’il soit victorieux de son mal. Donne-lui de conserver l’amour dans son épreuve comme tu l’as fait toi-même dans ta Passion. Toi qui vis pour les siècles des siècles » (AELF 1977, 54 [no. 134]).

14c l’oignant d’huile

Comment ?

Au Moyen Âge on pratiquait sur le malade cinq onctions, une pour chacun des sens (cf. Thomas d’Aquin Sum. theol. Suppl. 32,6 ; Florence [→DzH 1324]). Suivant le Ordo unct. 76, le malade reçoit l’onction sur le front et les mains ; le rite oriental prévoit des onctions sur d’autres parties du corps (AELF 1977, 47 [no. 112]).

Quand ?

Outre l'Onction des malades, l'onction d’huile joue un rôle majeur dans d'autres rites chrétiens :

Tradition juive

15s Lien entre une guérison physique et le pardon des péchés

17s Efficacité de la prière d’Élie m. Ta‘an. 2,4 ; b. Sanh. 113a.

Tradition chrétienne

14s Des guérisons chrétiennes...

... et non chrétiennes

Certains écrivains chrétiens opposaient la guérison octroyée par l’Eucharistie et par l’onction des malades aux méthodes de guérison non chrétiennes :

  • Césaire d’Arles Serm. 19,5 : Si quelqu’un est malade, « qu’il reçoive le Corps et le Sang du Christ, qu’il soit oint par les prêtres de l’huile consacrée et qu’il demande à ces prêtres et diacres de prier sur lui au nom du Christ. S’il agit ainsi, il recevra non seulement la santé du corps, mais aussi le pardon des péchés. [... suit la citation de Jc 5,14-15] Pourquoi donc un homme devrait-il tuer son âme auprès des sorciers, des voyants, des enchanteurs ou avec des phylactères diaboliques quand il peut guérir aussi bien son âme que son corps par la prière du prêtre et l’huile consacrée ? » (cf. Serm. 13,3 ; 184,5).
  • De même, Ouen de Rouen Vita Elig. 2,15 (après une mise en garde contre le recours aux sorciers et aux magiciens et contre l’usage de « phylactères diaboliques ») : « Que le patient se fie seulement à la miséricorde divine et qu’il reçoive le Corps et le Sang du Christ plein de foi et de dévotion et qu’il demande avec foi à l’Église sa bénédiction et de l’huile, pour qu’il puisse s’en oindre le corps au nom du Christ et, si l’on en croit l’apôtre, “la prière confiante sauvera l’infirme et le Seigneur le soulagera”. Il ne recevra pas la santé pour son corps seulement mais aussi pour son âme, et ce que le Seigneur a promis dans l’Évangile s’accomplira : “Quoi que vous demandiez dans la prière avec foi, vous l’obtiendrez” (cf. Jc 5,15 ; Mt 21,22) » (PL 87,529A-B).

... de non-chrétiens

  • Tertullien Scap. 4,5 parle de la guérison d’un empereur romain par un chrétien : « Même Sévère, le père d’Antoine, se soucia favorablement des chrétiens ; car il rechercha le chrétien Proclus, surnommé Torpacion, le gardien d’Euhodias et, pour le remercier de l’avoir autrefois guéri par une onction, il le garda dans son palais jusqu’à sa mort. »

14b les anciens

Ministère auprès des malades

  • Polycarpe Phil. 6,1 tient le soin des malades pour l’un des devoirs des « anciens ».
  • Césaire d’Arles Serm. 13,3 « Un malade devrait recevoir le Corps et le Sang du Christ avec humilité et demander l’huile sainte aux anciens avec dévotion pour s’en oindre le corps » [suit la citation de Jc 5,14-15]).

Ou des laïcs

À côté de l’onction proprement sacramentelle faite par un prêtre ordonné, des laïcs faisaient parfois des onctions aux malades avec de l’huile consacrée.

D’autres cas d’onctions non sacramentelles de malades réalisées par de saints laïcs sont attestés (p. ex. Pallade d'Hélénopolis Hist. Laus. 12). Théologie Jc 5,14b

14c.15b en l'oignant d'huile + le Seigneur le relèvera — Huile et salut eschatologique (résurrection)

  • Év. Phil. 92 « Mais l’arbre de vie se dresse en plein paradis. (C’est) bien sûr l’olivier. C’est de lui qu’est venue l’huile chrismale. C’est par lui qu’est venue la résurrection. »
  • Origène Cels. 6,27 mentionne l’existence d’un groupe dont les membres déclarent : « J’ai reçu l’onction de l’huile blanche de l’arbre de vie ».
  • Ps.-Clément Recogn. 1,45 « [...] il [= le Christ] est le premier que Dieu oignit de l’huile tirée du bois de l’arbre de vie. C’est donc à cause de cette onction qu’il est appelé Christ. Lui-même enfin, conformément au dessein de son Père, oindra aussi d'une huile semblable tous les hommes pieux, quand ils arriveront dans son royaume, pour les reposer de leurs fatigues, comme des gens qui ont surmonté les difficultés d'un chemin raboteux, afin que leur lumière resplendisse et que, remplis de l’Esprit Saint, ils reçoivent le don de l’immortalité ». Cf. Ac. Pil. 19 : le Christ donnera à Adam dans l’au-delà une onction de l’huile de l’arbre du paradis.

Textes anciens Jc 5,14c ; Littérature péritestamentaire Jc 5,14c ; Islam Jc 5,14c

14c huile = le saint chrême

  • Innocent I (Ep. 25,8) identifie l’huile dont parle ce verset au « saint chrême béni par l’évêque ». Théologie Jc 5,14c

14c au nom du Seigneur Double signification Grammaire Jc 5,14c

  • Bède le Vénérable Exp. ep. cath. rappelle que les mots « d’huile au nom du Seigneur » signifient « d’huile consacrée au nom du Seigneur », ou encore, « que ceux qui font une onction à un malade doivent en même temps invoquer sur lui le nom du Seigneur » (PL 93,39).

15c Et s'il a commis des péchés, il lui sera pardonné Insistance sur le sacrement du pardon des péchés Origène fait seulement référence à la guérison spirituelle, citant ce passage comme un exemple du pardon des péchés :

  • Origène Hom. Lev. 2,4 (la citation la plus ancienne connue de notre passage) : « Il en est encore une septième [rémission des péchés], bien que dure et pénible, la rémission des péchés par la pénitence […] quand il [= le pécheur] ne rougit pas de déclarer son péché au prêtre du Seigneur et de demander un remède […]. Ainsi s'accomplit encore ce que dit l’apôtre Jacques [suit la citation de Jc 5,14-15] » (trad. Borret).

16a Confessez les uns aux autres les chutes Contexte eucharistique

  • Did. 14,1 « Le jour du Seigneur, quand vous vous réunissez, rompez le Pain et rendez grâces après avoir confessé vos transgressions » (cf. 4,14).

Théologie

14ss Pouvoir de pardonner les péchés

  • Jean Chrysostome Sac. 3,6 cite Jc 5,14-15 comme une illustration du pouvoir qu’a le prêtre de pardonner les péchés (cf. Origène Hom. Lev. 2,4).
  • Pour Calvin Inst. 3,4,6, en revanche, ce passage contredirait la pratique de l’Église catholique de confesser ses péchés au prêtre seul. D’après lui, les laïcs devraient se confesser mutuellement leurs péchés.
  • Trente répond implicitement à Calvin et aux réformateurs quand il affirme que seuls les prêtres et les évêques ont le pouvoir de pardonner les péchés. Les passages de l’Écriture cités par le concile sont toutefois Mt 16,19 et Jn 20,23 (14e session : « Sur les très saints sacrements de Pénitence et d’Extrême-onction » ch.6).

14s Théologie sacramentaire

Promulgation de sacrements ?

Questionnement
  • Érasme NT Annot. (p. 1038) se demandait si la théologie sur les sacrements de la Pénitence et de l’Extrême-onction pouvait se fonder sur ce passage.
Négation
Affirmation

L’Église catholique voit en Jc 5,14-15 la promulgation par l’apôtre Jacques du sacrement de l’Onction des malades.

  • CEC 1510 « L'Église apostolique connaît cependant un rite propre en faveur des malades, attesté par S. Jacques : (Jc 5,14-15). La Tradition a reconnu dans ce rite un des sept sacrements de l’Église » (cf. 1499–1532).
  • Trente rappelle que « Cette onction sainte des malades a été instituée par le Christ notre Seigneur comme étant véritablement un sacrement de la Nouvelle Alliance ; ce sacrement a été indiqué dans Marc [Mc 6,13], recommandé et promulgué par Jacques, apôtre et frère du Seigneur [suit la citation de Jc 5,14-15] » (→DzH 1695 ; cf. 1716).

Onction des malades ou Extrême-onction ?

Au Moyen Âge, dans l’Église catholique on avait parfois tendance à voir dans ce passage une référence exclusive à ceux qui étaient mourants. Le sacrement évoqué dans le texte de Jc était donc connu sous le nom d’ « Extrême-onction » (ainsi Thomas d’Aquin Sum. theol. Suppl. 32,2). Luther (Capt. bab.) et Calvin (Inst. 4,19,21), qui rejetaient cette interprétation, jugeaient que l’épître parlait de maladie en général.

Le concile Vatican II est venu rappeler la portée originelle de ce sacrement : il évite le nom d’ « Extrême-onction » au profit de celui, plus conforme à la Tradition, d’ « Onction des malades ». Toutefois, le fidèle qui le reçoit est bien celui « qui commence à être en danger » grave pour sa santé :

  • Vatican II SC 73 « L’Extrême-onction, qu’on peut appeler aussi et mieux l’Onction des malades, n’est pas seulement le sacrement de ceux qui se trouvent à toute extrémité. Aussi, le temps opportun pour le recevoir est déjà certainement arrivé lorsque le fidèle commence à être en danger de mort par suite d’affaiblissement physique ou de vieillesse ». Liturgie Jc 5,14b

14b les anciens Presbytres

= prêtres et laïcs

  • Selon Luther Capt. bab., les « anciens » (presbuteroi) de Jacques n’étaient pas forcément des prêtres ou des ministres de l’Église : « on peut penser que l’apôtre souhaitait que ce soient les membres de l’Église les plus âgés et les plus dignes qui visitent les malades ».
  • Calvin Inst. 4,19,21 rejette la tradition catholique selon laquelle les anciens sont des prêtres.

= seulement des prêtres

  • Tout en admettant l’existence de guérisons réalisées par des laïcs (Tradition chrétienne Jc 5,14b), Thomas d'Aquin (Sum. theol. Suppl. 31,1) les considère comme non sacramentelles et les attribue à la « grâce de guérison » dont parle 1Co 12,9.
  • Trente a établi que « les ministres de ce sacrement sont les presbytres de l’Église. Par ce nom, il faut ici entendre non pas ceux qui sont plus âgés ou plus dignes dans le peuple, mais ou bien les évêques ou bien les prêtres régulièrement ordonnés » (→DzH 1697 ; cf. CEC 1516).

14b qu'ils prient sur lui Théologie sacramentaire : forme du sacrement La prière traditionnelle accompagnant l’Extrême-onction insistait sur la guérison spirituelle : « Que par cette sainte onction et par sa très précieuse miséricorde le Seigneur te pardonne tous les péchés que tu as commis » (cf. Thomas d’Aquin Sum. theol. Suppl. 29,8). Thomas voit dans la prière la « forme » du sacrement et la relie à Jc 5,15. Liturgie Jc 5,14b

14c l’oignant d’huile Jc suppose connue la pratique dont il parle. Dans cette onction faite au nom du Seigneur, accompagnée de prières dites par les « anciens » (Ac 11,30 ; 15,4 ; 21,18), en vue du soulagement de la maladie et de la rémission des péchés, l'Église a vu une forme initiale du sacrement de l' « onction des malades ». Cette identification traditionnelle a été définie par le concile de Trente.

Théologie sacramentaire : matière du sacrement

D'huile consacrée?
  • Selon Calvin Inst. 4,19,21, Jacques faisait référence à de l’huile commune et non consacrée.
  • Trente déclare en revanche à propos de Jc 5,15 : « L’Église a compris que la matière était l’huile bénie par l’évêque ; car l’onction représente très adéquatement la grâce de l’Esprit Saint, dont l’âme du malade est ointe invisiblement » (→DzH 1695). Tradition chrétienne Jc 5,14c

Éléments naturels — guérison surnaturelle

  • CEC 1504 établit le lien entre l’usage par Jésus de « signes » (la salive, le contact physique) et l’aspect physique des sacrements : « Ainsi, dans les sacrements, le Christ continue à nous “toucher” pour nous guérir ».

15bc le Seigneur le relèvera + il lui sera pardonné — Théologie sacramentaire : effets de l’Onction des malades

  • Trente « La réalité est, en effet, cette grâce du Saint-Esprit dont l’onction nettoie les fautes, si certaines sont encore à expier […] le malade d’une part supporte plus aisément les difficultés et les peines de la maladie […] parfois enfin, obtient la santé du corps, quand cela est utile au salut de l’âme » (→DzH 1696 ; cf. Thomas d’Aquin Sum. gent. 73,2). Tradition chrétienne Jc 5,15c

Le rapport étroit entre l’onction pour la guérison des malades et le pouvoir de guérison propre à d’autres rites transparaît dans la définition de la « Fraction du Pain » comme « remède d’immortalité » par Ignace d’Antioche Eph. 20,2.

Islam

14c d'huile L’olivier au paradis

  • Coran sour. 24,35 « Allah est la Lumière des cieux et de la terre. Sa Lumière est à la ressemblance d’une niche où se trouve une lampe ; la lampe est dans un [récipient de] verre ; celui-ci semblerait un astre étincelant ; elle est allumée grâce à un arbre béni, [grâce à] un olivier ni oriental ni occidental, dont l’huile [est si limpide qu’elle] éclairerait même si nul feu ne la touchait. Lumière sur Lumière ». Littérature péritestamentaire Jc 5,14c ; Tradition chrétienne Jc 5,14c.15b

Arts visuels

15 la prière de la foi sauvera le patient L'extrême-onction

Classicisme français

L'extrême-onction, ou sacrement des malades, a des fondements scripturaires non seulement dans l'épître de Jacques mais aussi dans les Actes des apôtres ainsi que dans tous les miracles de guérison opérés par Jésus Christ. Le prêtre des toiles de Poussin a d'ailleurs des allures d'apôtre, et on le voit appliquer sur le front ou les mains l'huile bénite, selon le rituel.

Nicolas Poussin (1594-1665), Les Sept Sacrements I : L'Extrême-onction 

(huile sur toile, ca. 1636 - 1640), 95,5 × 121 cm

Collection dal Pozzo, Fitzwilliam Museum, Cambridge (Angleterre, Royaume-Uni) © Domaine public→

Nicolas Poussin (1594-1665), Les Sept Sacrements II : L'Extrême-Onction (huile sur toile, 1644), 117 × 178 cm

Collection du duc de Sutherland, National Gallery of Scotland (mise en dépôt), Édimbourg (Écosse, Royaume-Uni) © Domaine public→

Poussin, représentant majeur du classicisme pictural, réalisa deux séries de Sept sacrements, et par conséquent deux œuvres ayant pour thème le sacrement de l'extrême-onction. Formé à Paris mais surtout actif à Rome, il acheva peut-être la première lors d'un bref séjour parisien en 1640, mais la seconde fut exécutée après son retour en Italie. Les toiles étaient expédiées roulées aux commanditaires français, puis remontées sur châssis et vernies une fois arrivées à destination.