La Bible en ses Traditions

QUMRAN (— et l'histoire du texte de la Bible, un premier aperçu)

En 1517, la Réforme éclata. Paradoxalement, le goût pour la diversité des versions bibliques qui venait de trouver son apogée l'année précédente, avec la publication de la première →bible polyglotte, fut la victime colatérale des polémiques interconfessionnelles : le trilinguisme de la polyglotte fut abandonné et chaque aire géographique ou confessionnelle en fut réduite à polémiquer à partir d’une seule →version. Il fallut attendre la découverte des manuscrits de la mer Morte→pour que l'on apprécie à nouveau la diversité des traditions textuelles. Ces manuscrits apportèrent, en effet, toute une série de surprises.

Réaffirmation de la diversité originelle des Écritures

Les centaines d’ouvrages juifs antiques de la bibliothèque de Qumrân découvrent un monde fascinant de pluralité textuelle, reflet d’un judaïsme riche en tendances et groupes divers. On redécouvre qu’à l’époque hellénistique, la Bible circulait non seulement sous une forme pré-massorétique impressionnante de stabilité, mais aussi dans de multiples formes textuelles, dont les variantes principales portent sur la place de certaines unités, mobiles chez les différents témoins, où sur l’existence d’additions :

Redécouverte d'une histoire du texte hébreu lui-même

Qumrân a démontré aussi que le grec témoignait d’originaux hébreux différents du texte massorétique, et qu’il faut donc identifier plusieurs éditions des textes bibliques.

La valeur critique de versions secondaires comme la Vetus Latina a été mise en valeur par Qumrân :

Il devient alors possible de faire l’histoire des livres de la Bible hébraïque, en donnant à chaque édition, et finalement à chaque version, sa légitimité. On peut prendre l'exemple du Deutéronome, assez simple parce qu’il n’est pas transmis dans des versions aussi différentes que d’autres livres, comme Job ou Jr.

Répercussions sur la critique textuelle et la manière d'éditer les Écritures

La critique textuelle biblique doit se distinguer de celle des textes classiques, fondées sur un autographe. Dans le cas de la Bible, il est essentiel de récupérer la valeur de toutes les variantes comme faisant partie d’un texte vivant. En ce sens l’histoire du texte rejoint l’histoire de l’exégèse. L’édition des livres bibliques devrait, en même temps qu’elle présente simultanément les témoins du texte, donner une idée des processus d’édition, de traduction, de révision, de transmission, d’interprétation. En respectant la cohérence de chaque version, en particulier de G.

L'avenir ne réside-t-il pas, finalement, dans un type d’édition qui renoue avec les →polyglottes de la Renaissance, notamment en tirant parti des possibilités offertes par le numérique — tout comme la polyglotte d’Alcalà a été rendue possible par les innovations de l’imprimerie et le génie d’Arnaud de Brocar ? L’édition électronique, polyglotte et synoptique serait la meilleure base pour l’étude de chaque type textuel, en cherchant in fine le meilleur texte hébreu. Le projet de La Bible en ses Traditions→ s’engage résolument dans cette voie.