La Bible en ses Traditions

Jacques 5,16–18

Byz V TR Nes
S

16 Confessez V Nesdonc les uns aux autres les chutes 

Nesles péchés

Vvos péchés 

et priez les uns pour les autres afin d'être guéris

Vcar c'est avec beaucoup de puissance que la supplication fervente

Vassidue du juste agit.

16 Confessez donc les uns aux autres vos fautes 

et priez les uns pour les autres afin d'être guéris

car grande est la puissance de la prière que le juste prie.

16 Confesser ses péchés Pr 28,13+ ; Si 4,26 ; Ac 19,18 ; 1Jn 1,8-10
Byz TR Nes
V S

17 Élie était un homme ayant les mêmes passions que nous

et en prière il pria pour qu'il ne pleuve pas

et il ne plut pas sur la terre pendant trois ans et six mois.

17 Élie était un homme ayant les mêmes passions que nous

et Ven prière il pria pour qu'il ne pleuve

Sque la pluie ne descende pas sur la terre

et il ne plut

Selle ne descendit pas pendant trois ans et six mois.

17 Elie, modèle d’intercesseur 1R 17,1 ; 18,1,41s ; Ap 11,6
Byz V S TR Nes

18 Et de nouveau, il pria, et le ciel donna la pluie

et la terre fit germer

V Sdonna son fruit.

Texte biblique

14ss Pouvoir de pardonner les péchés

  • Jean Chrysostome Sac. 3,6 cite Jc 5,14-15 comme une illustration du pouvoir qu’a le prêtre de pardonner les péchés (cf. Origène Hom. Lev. 2,4).
  • Pour Calvin Inst. 3,4,6, en revanche, ce passage contredirait la pratique de l’Église catholique de confesser ses péchés au prêtre seul. D’après lui, les laïcs devraient se confesser mutuellement leurs péchés.
  • Trente répond implicitement à Calvin et aux réformateurs quand il affirme que seuls les prêtres et les évêques ont le pouvoir de pardonner les péchés. Les passages de l’Écriture cités par le concile sont toutefois Mt 16,19 et Jn 20,23 (14e session : « Sur les très saints sacrements de Pénitence et d’Extrême-onction » ch.6).

Propositions de lecture

13–18 Le trait commun aux v.13-18 est la prière, avec insistance sur les cas du malade et du pécheur, puis v.16-18, sur la puissance de celui qui prie bien.

Du petit traité sur la prière dans l'épreuve à l'institution d'un sacrement

La prière

Cette péricope a pour thème central la prière. Après avoir prévenu le lecteur qu'il devait présenter à Dieu sa pétition avec foi, sans éprouver de doute (Jc 1,5-8) ni demander à Dieu ce qui pourrait causer sa perte (Jc 4,2-3), Jc fournit dans cette péricope des exemples de la prière correcte et efficace (Procédés littéraires Jc 5,13–18).

La parole juste

Ayant mis ses lecteurs sérieusement en garde contre la parole incorrecte (p. ex. Jc 5,9.12), Jc donne ici des exemples de la parole juste : soit dans la prière, soit dans les chants.

La maladie et la guérison

Le texte présente un point de vue global sur la maladie et la guérison étroitement associées : d'une part, la maladie physique et la maladie spirituelle (c.-à-d. le péché) ; d'autre part la guérison physique et le pardon des péchés. Le passage établit aussi un lien étroit entre deux autres dimensions : le geste rituel compris comme source de guérison (spirituelle et physique) en cette vie, et la saisie de l'onction et de la prière en tant que préparation à la guérison finale dans la vie éternelle lors de la résurrection. Cet accent reflète donc le thème de l’intégrité que développe le reste de l’épître.

Le sacrement de l’onction des malades

La tradition catholique a développé la richesse du sens de ce passage, allant parfois jusqu'à y trouver l'institution du sacrement de l’onction des malades (Théologie Jc 5,14s). Au cours de l’histoire, la tradition a déployé les différents aspects de l'intégrité abîmée et à restaurer dont traite l’épître de Jacques :

  • guérison spirituelle (Origène ; Jean Chrysostome ; le concile de Trente) ;
  • guérison physique (Césaire d'Arles ; Vatican II, qui rappelle la dimension intégrale de la guérison) ;
  • perspective eschatologique (insistance de la tradition sur la préparation à la vie éternelle qu’offrent les derniers sacrements). Tradition chrétienne Jc 5,14s

Texte

Critique textuelle

16a donc : Nes (א A B C) V S | Byz TR : Ø

16a chutes : Byz TR | V Nes : péchés | S : fautes

  • Byz TR et quelques mss. minuscules (p. ex. 307 et 442) : ta paraptômata ;
  • Nes (א A B) : tas hamartias ; V : peccata ;
  • S : sklwt’  (saklotkun, litt. « vos folies »).

Vocabulaire

16b afin d'être guéri Sens double Le verbe grec iaomai signifie :

  • tout d'abord la guérison physique (p. ex. Lc 7,7 ; Ac 9,34 ; Platon Charm. 156b [faisant référence à un essai de guérir (iasthai) les yeux]),
  • mais également la guérison/le pardon des péchés (G-Is 53,5 « dans ses blessures nous trouvons la guérison »).

17a ayant les mêmes passions que nous Connotations Gr : homoiopathês hêmin (cf. V : similis nobis passibilis) ; homoiopathês désigne littéralement une identité de sentiments (pathê). Quand la foule désigne Barnabé et Paul comme Zeus et Hermès à Lystres, Paul réplique, « nous sommes des hommes de même condition que vous (homoiopatheis... humin) » (Ac 14,15).

Grammaire

17b en prière il pria Sémitisme Gr : proseuchêᵢ prosêuxato imite la construction sémitique avec un infinitif absolu. Ce trait, ainsi que le grand nombre de kai qui émaillent notre texte, dénonce l’arrière-fond sémitique de la lettre.

Procédés littéraires

13–18 Isotopie de la prière Si tous les versets de ce passage parlent de la prière, les mots employés ne sont pas pour autant de simples synonymes.

  • Le substantif euchê (« prière », v.15a) et le verbe correspondant euchomai (« prier », v.16b) constituent des termes génériques.
  • La prière de demande est désignée par proseuchomai (v.13a.14b.17b.18a) et proseuchê (v.17b).
  • Plus concret, le substantif deêsis (v.16c) représente une supplication ou une demande particulière.
  • Quant à psallô (« chanter un cantique », v.13b), il s’applique à la prière hymnique, notamment dans le cadre de la liturgie.

16a donc Argumentation : quel lien entre confession et guérison ? La particule oun associe la confession et la prière du v.16 à l'onction et le pardon des v.14-15. Ceci pourrait impliquer que la confession et l'harmonie au sein de la communauté sont indispensables pour que Dieu donne suite à l'intercession de guérison. Une telle association fait bien écho à Mt 6,12 : « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés. »

Contexte

Intertextualité biblique

15s

Lien entre péché et maladie

Dans certains passages de la Bible, la maladie semble constituer la sanction de la désobéissance à la loi divine (Ex 15,26 ; Dt 7,15 ; 28,15-22 ; Ps 38,2-4 ; 41,5). Dans Jb 4,7-9 ; 7,20 ; 9,22-23, le sens de cette relation entre maladie et péché sera envisagé dans une perspective différente. Littérature péritestamentaire Jc 5,15s ; Tradition juive Jc 5,15s ; Théologie Jc 5,15bc

Lien entre pardon des péchés et guérison

AT

Ps 103,3 « Il pardonne toutes tes offenses, guérit toutes tes maladies ».

  • CEC 1502 : « L’homme de l’Ancien Testament vit la maladie en face de Dieu. C’est devant Dieu qu’il déverse sa plainte sur sa maladie (cf. Ps 38) et c’est de Lui, le Maître de la vie et de la mort, qu’il implore la guérison (cf. Ps 6,3 ; Is 38). La maladie devient chemin de conversion (cf. Ps 38,5 ; 39,9.12) et le pardon de Dieu inaugure la guérison (cf. Ps 32,5 ; 107,20 ; Mc 2,5-12). Israël fait l’expérience que la maladie est, d’une façon mystérieuse, liée au péché et au mal, et que la fidélité à Dieu, selon sa loi, rend la vie : “Car c’est moi, le Seigneur, qui suis ton médecin” (Ex 15,26). Le prophète entrevoit que la souffrance peut aussi avoir un sens rédempteur pour les péchés des autres (cf. Is 53,11). Enfin, Isaïe annonce que Dieu amènera un temps pour Sion où Il pardonnera toute faute et guérira toute maladie (cf. Is 33,24). »
NT

Les guérisons opérées par Jésus sont intégrales. Le rétablissement du paralytique est associé au pardon des péchés en Mt 9,1-8 // ; le discours de Jésus lui-même semble présupposer la connaissance de ce rapport entre maladie et péché (cf. Mc 2,17 « Ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin d’un médecin, mais les malades. Je suis venu appeler non les justes mais les pécheurs »). On peut en dire autant des enseignements de Paul (1Co 11,30). Néanmoins, ceux qui souffrent en vertu de l’oppression ou d’un accident ne sont pas plus grands pécheurs que les autres (Lc 13,1-5 ; Jn 9,1-3).

Régulièrement accompagnées d’un appel à la foi (cf. Mc 2,5 ; 5,34.36 ; 9,23), ses guérisons apparaissent comme des signes annonciateurs du Royaume de Dieu (cf. Mt 11,5-6).

  • CEC 1505 « Ému par tant de souffrances, le Christ non seulement se laisse toucher par les malades, mais Il fait siennes leurs misères : “Il a pris nos infirmités et s’est chargé de nos maladies” (Mt 8,17 ; cf. Is 53,4). Il n’a pas guéri tous les malades. Ses guérisons étaient des signes de la venue du Royaume de Dieu. Ils annonçaient une guérison plus radicale : la victoire sur le péché et la mort par sa Pâque. Sur la Croix, le Christ a pris sur Lui tout le poids du mal (cf. Is 53,4-6) et a enlevé “le péché du monde” (Jn 1,29), dont la maladie n’est qu’une conséquence. Par sa passion et sa mort sur la Croix, le Christ a donné un sens nouveau à la souffrance : elle peut désormais nous configurer à Lui et nous unir à sa passion rédemptrice. »

16a Confessez les uns aux autres les chutes AT Voir Lv 5,5 (associé à une offrande cultuelle) ; Nb 5,7 ; Lv 16,21 (un prêtre confesse le péché du peuple). Le psalmiste établit un lien entre la confession des péchés et le soulagement de la souffrance : Ps 32,3.5 « Je me taisais, et mes os se consumaient […]. Mon péché, je te l’ai fait connaître […] et tu as pardonné ma faute. » Littérature péritestamentaire Jc 5,16a ; Tradition chrétienne Jc 5,16a ; Théologie Jc 5,14ss

Littérature péritestamentaire

15s Lien entre péché et maladie T. Rub. 1,7 ; T. Sim. 2,12-13 ; T. Zab. 5,4 ; T. Gad 5,9-11.

16a Confessez les uns aux autres les chutes Pratique à Qumrân

  • 1QS 1,22-25 « Les lévites énuméreront les péchés des enfants d’Israël […] et tous ceux qui entrent dans l’alliance feront après eux leur confession pour dire : “Nous avons agi de manière inique, nous avons [désobéi]” ».

17s Efficacité de la prière d’Élie 4 Esd. 7,109.

Réception

Liturgie

13–20 Lectionnaire quotidien romain Jc 5,13-20 est lu en même temps que Ps 141,1-3.8 et Mc 10,13-16 pour le samedi de la 7e semaine du Temps ordinaire. Dans ce contexte, le texte de Jc 5,19-20 souligne la responsabilité mutuelle des membres de l’Église, et le lien entre péché, repentir et salut final. Le Ps 141 (sur la prière) et le passage de Mc (Jésus bénissant les enfants) développent le propos de l’épître de Jacques sur la prière confiante adressée à Dieu.

Tradition juive

15s Lien entre une guérison physique et le pardon des péchés

17s Efficacité de la prière d’Élie m. Ta‘an. 2,4 ; b. Sanh. 113a.

Tradition chrétienne

16a Confessez les uns aux autres les chutes Contexte eucharistique

  • Did. 14,1 « Le jour du Seigneur, quand vous vous réunissez, rompez le Pain et rendez grâces après avoir confessé vos transgressions » (cf. 4,14).

Théologie

14ss Pouvoir de pardonner les péchés

  • Jean Chrysostome Sac. 3,6 cite Jc 5,14-15 comme une illustration du pouvoir qu’a le prêtre de pardonner les péchés (cf. Origène Hom. Lev. 2,4).
  • Pour Calvin Inst. 3,4,6, en revanche, ce passage contredirait la pratique de l’Église catholique de confesser ses péchés au prêtre seul. D’après lui, les laïcs devraient se confesser mutuellement leurs péchés.
  • Trente répond implicitement à Calvin et aux réformateurs quand il affirme que seuls les prêtres et les évêques ont le pouvoir de pardonner les péchés. Les passages de l’Écriture cités par le concile sont toutefois Mt 16,19 et Jn 20,23 (14e session : « Sur les très saints sacrements de Pénitence et d’Extrême-onction » ch.6).