La Bible en ses Traditions

Ecclésiastique 51,6–7

G
V
S

calomnie d'une langue injuste envers le roi ;

mon âme s'approchait de la mort

et ma vie était proche du shéol en bas.

de la pression de la flamme qui m'a entouré

(et au milieu du feu je n'ai pas été brûlé) ;

...

6c (héb. 6b) du shéol des profondeurs Dt 32,22 ; Ps 86,13

Ils m’entouraient de toutes parts et il n’y avait personne pour me secourir 

je regardais vers le soutien des hommes et il n’y en avait pas.

de la profondeur des entrailles de l’enfer

de la langue souillée et de la parole de mensonge

du roi injuste et de la langue injuste.

...

7a personne pour me secourir Ps 22,12 ; Is 63,5

Texte biblique

6c ma vie était toute proche de l’enfer, en bas (V 9) Épreuves endurées par l’auteur comme allusion aux peines de l’enfer

  • Raban Maur Comm. Eccl. « Sa vie approche de l’enfer car, en défaillant, la vie de la chair approche chaque jour de la mort. Ici, on parle de l’enfer pour signifier la mort, car la mort de la chair constitue un châtiment du premier péché, de même que l’enfer représente la peine éternelle des âmes pécheresses. Personne, cependant, n’échappe à la mort de la chair. Quel est en effet l’homme qui pourrait vivre sans connaître la mort ? Voilà pourquoi il est écrit ailleurs : “Nul ne peut vivre à jamais : que [chacun] soit assuré de cette vérité” (V-Qo 9,5). Par la grâce du Christ, les hommes saints peuvent échapper au tourment de l’enfer étant donné qu’ils pérégrineront bientôt vers la joie du ciel, une fois délivrés du lien de la chair » (PL 109,1121A). Intertextualité biblique Si 51,5–9v

6c ma vie était toute proche de l’enfer, en bas (V 9) Épreuves endurées par l’auteur comme allusion aux peines de l’enfer

  • Raban Maur Comm. Eccl. « Sa vie approche de l’enfer car, en défaillant, la vie de la chair approche chaque jour de la mort. Ici, on parle de l’enfer pour signifier la mort, car la mort de la chair constitue un châtiment du premier péché, de même que l’enfer représente la peine éternelle des âmes pécheresses. Personne, cependant, n’échappe à la mort de la chair. Quel est en effet l’homme qui pourrait vivre sans connaître la mort ? Voilà pourquoi il est écrit ailleurs : “Nul ne peut vivre à jamais : que [chacun] soit assuré de cette vérité” (V-Qo 9,4). Par la grâce du Christ, les hommes saints peuvent échapper au tourment de l’enfer étant donné qu’ils pérégrineront bientôt vers la joie du ciel, une fois délivrés du lien de la chair » (PL 109,1121A). Intertextualité biblique Si 51,5–9v

Propositions de lecture

1–12 Action de grâces au terme d'une terrible épreuve

Argument général

Ben Sira rend grâces au Seigneur qui, d’une véritable descente aux enfers, l’a fait remonter à la vie. Une calomnie l’avait mis en péril (v.1-7 décrivent les dangers dont le Seigneur l’a délivré ; v.8-12 rendent grâces au Seigneur sauveur). Il montre que son enseignement de Si 2 est fondé sur sa propre expérience, autant que sur celle des aïeux, tels Josué (Si 46,5), Samuel (Si 46,16-18) et autres.

Variations entre versions

Les coupes observées dans les versions ne sont pas identiques.

  • G et V omettent l’un ou l’autre demi-vers de l'héb.
  • S est plus court : sept demi-vers de moins dans la première partie (v.2cde.4b.5ab.6a). En supprimant toute allusion à la calomnie, S rend cette prière plus générale, utilisable pour toutes actions de grâces individuelles au sortir d’une épreuve mortelle. La seconde partie suit davantage le texte hébreu.

La numérotation des versets en hébreu, grec et latin est différente. La version syriaque suit la numérotation du grec.

Structure : variations dans le cadre d’énonciation

Particulièrement claire en hébreu, la structure littéraire reste ferme dans les versions aussi :

  • Une grande inclusion (vv.1 et v.12) englobe le poème (composé en heb. de deux parties de 10 distiques) dans une action de grâces adressée à Dieu.
  • Première partie : v.1-5 (heb. 50,28c-51,5c) : Ben Sira s’adresse à Dieu à la deuxième personne (« tu »). L'héb. contient 3 strophes de 3 distiques. Au centre de la 2e strophe (héb. 3ab), l’auteur reconnaît l’intervention divine.
  • Pivot : v.6bc-7 (2 distiques) : Le tournant du texte correspond au fond de la descente aux enfers : Dieu y est absent.  Le v.6bc (heb. 6) renvoie aux versets qui précèdent, en particulier les v.1b.2b de l'héb. Le v.7 ouvre les v.8-12 (3 strophes de 3 distiques). 
  • Seconde partie : v.8-12 : La seconde partie parle de Dieu à la 3e pers. dans l'héb. (« il ») — tout en intégrant l’anamnèse d’une prière en « tu » (héb. 10-11ab) — tandis que G et V continuent à la 2e pers. (sauf aux v.10a et v.12d : Comparaison des versions Si 51,8–12). Les v.8-11 font l’anamnèse d’une prière passée et de son exaucement, puis rendent grâces, comme promis. En héb., la strophe centrale de l'action de grâces se trouve en v.10-11b, évocation de la prière prononcée naguère dans la détresse, qui place en son centre une unique demande, négative : « Ne m’abandonne pas » (cf. Ne 9,32). 

Narration : temporalité : analepses et prolepses

  • La prière en héb. couvre tout le cours du temps : elle est passée (sous forme d’anamnèse, v.10-11b), présente (v.1-5) et promise (v.12cd).

Texte

Critique textuelle

1–12 Le texte héb. du ms.B est bien transmis, hormis quelques détails. Propositions de lecture Si 51,1–12

6a auprès du roi, de la calomnie Conjecture ? Ainsi les mss. grecs : basilei diabolê (cf. V : a rege iniquo). Ziegler lit kai bolidos « et d'une flèche », conjecture d’après l’héb.

Grammaire

5b.6a lèvres méchantes + langue trompeuse — (héb. 5cd) Génitifs de qualité Litt. « lèvres de méchanceté » et « langue de tromperie » (états construits).

Procédés littéraires

2cd.5b–6a de la calomnie de la langue + de mensonge + de mensonge + de la calomnie d’une langue — (G) Échos en chiasme v.2cd : diabolês glôssês pseudos ; v.5b-6a : pseudous… diabolê glôssês. Critique textuelle Si 51,6a

1s.6 (héb.) Inclusions qui soulignent le péril mortel encouru : « ma vie » (héb. 1a.6b), « mon âme » (héb. 1b.6a), « la mort » (héb. 1b.6a »), « shéol » (héb. 2b.6b). 

6bc Mon âme + ma vie — Chiasme.

Genres littéraires

1–12 (heb.) Action de grâces individuelle — inversée En commençant par l’action de grâces adressée à Dieu proprement dite, la structure normale de ce genre littéraire (connue surtout par Ps 116 ; 118 ; Is 38,10-20) est inversée. Généralement elle se présente ainsi :

  • elle commence par le récit de la détresse où sombrait le psalmiste, adressé aux témoins ;
  • elle se continue dans un morceau liturgique, adressé directement au Seigneur et rappelant la prière prononcée dans la détresse et la promesse de rendre grâces ;
  • ellese termine avec le psalmiste exécutant sa promesse, remerciant le Seigneur libérateur.

Ben Sira en bouleverse le cadre énonciatif et l'ordre :   

1. Apostrophe au Dieu sauveur (v.1-7)

L’auteur s’adresse d'emblée au Seigneur pour le remercier de l'avoir libéré.

2. Innovation : hésitations énonciatives (v.8-12)

Ben Sira ne s’adresse pas au Seigneur mais plutôt à des tiers, quitte à citer sa prière dans la détresse. En inversant les sections « tu » et « il » (Propositions de lecture Si 51,1–12), Ben Sira opère un choix : non plus une liturgie, mais une action de grâces privée.

3. Psaume de louange (héb. 12a-o)

Le Ps de louange qui suit, quelle que soit l’hypothèse rédactionnelle retenue, rejoint la 2e partie de la structure traditionnelle (cf. Ps 118,29).

Contexte

Milieux de vie

1–12 Anthropologie Les mentions « ma vie », « mon âme », « ma chair », « mon pied » n’impliquent pas une anthropologie dualiste. C’est la personne même de Ben Sira qui est sauvée de la mort, comme l’atteste le pronom personnel 1e pers. sg. (les expressions « tu m’as libéré », « tu m’as protégé », « tu m’as sauvé »). Au v.6 « mon âme » et « ma vie » sont parallèles. 

Réception

Comparaison des versions

6b s’approcha : G héb. | V : loua | S : arriva

7 G V heb. | S : Simplification G, V et l'héb. mentionnent dans chaque stique l’absence de secours, tandis que S ne le fait qu’au v.7b.

Intertextualité biblique

1–12 Scenario du juste en détresse Bien des citations ou des références à l’Écriture renvoient à des situations de détresse critique et exemplaire : Job, le psalmiste en péril (Ps 25 et autres psaumes de détresse), Jérémie persécuté, Jonas dans le ventre du grand poisson, Sophonie devant le Jour de YHWH, etc. Références en marge

Liturgie

1–8 Lectionnaire sanctoral romain : victoire du martyr

  • 7 août : Première lecture pour la fête de saint Sixte II, pape, et ses compagnons, martyrs en 258.

Tradition chrétienne

1–30 Le premier commentaire chrétien sur le livre de Ben Sira est le commentaire édifiant de Raban Maur, évêque de Mayence au 9e s. (Comm. Eccl.). 

6c ma vie était toute proche de l’enfer, en bas (V-9) Épreuves endurées par l’auteur comme allusion aux peines de l’enfer

  • Raban Maur Comm. Eccl. « Sa vie approche de l’enfer car, en défaillant, la vie de la chair approche chaque jour de la mort. Ici, on parle de l’enfer pour signifier la mort, car la mort de la chair constitue un châtiment du premier péché, de même que l’enfer représente la peine éternelle des âmes pécheresses. Personne, cependant, n’échappe à la mort de la chair. Quel est en effet l’homme qui pourrait vivre sans connaître la mort ? Voilà pourquoi il est écrit ailleurs : “Nul ne peut vivre à jamais : que [chacun] soit assuré de cette vérité” (V-Qo 9,4). Par la grâce du Christ, les hommes saints peuvent échapper au tourment de l’enfer étant donné qu’ils pérégrineront bientôt vers la joie du ciel, une fois délivrés du lien de la chair » (PL 109,1121A). Intertextualité biblique Si 51,4–5a

7b Je cherchais du regard mon secours et il n’y en avait pas (V 10b) Citations

Arts visuels

3–6 Imagerie traditionnelle des peines dans l’au-delà Des expressions comme « ceux qui rugissent prêts à dévorer » (V-4b), « mains de ceux qui cherchent mon âme » (V-5a), « portes de la tribulation » (V-5b), « suffocation d’un feu tout autour » (V-6a) trouveront des échos dans la représentation traditionnelle de l’enfer. Intertextualité biblique Si 51,4–5a ; Tradition chrétienne Si 51,6c