La Bible en ses Traditions

Cantique des cantiques 8,5–10

M V
G S

— Qui est celle-ci qui monte du désert, appuyée

Vaffluente en délices et appuyée sur son bien-aimé

Vpréféré ?

— Sous le pommier

Vl'arbre à pommes je t'ai réveillée :

Vte réveillai :

ta mère t’a conçue ; là, elle t’a conçue,

Vta mère fut outragée,  là, elle t’a donné le jour.

Vlà souffrit violence celle qui t’engendra.

4s Sommeil et réveil 2,7 ; 3,5s ; 5,2 ; 8,5

— Pose-moi comme un sceau sur ton cœur, comme un sceau sur ton bras

car l’amour est fort comme la mort

Vcar forte comme la mort est la dilection, la jalousie est inflexible

Vdure comme le schéol

Vl'enfer la jalousie

ses ardeurs sont des ardeurs de feu, une flamme de YHWH

Vses éclats sont éclats de feu et de flammes

6 Dieu de feu, Dieu jaloux Dt 4,24 Graver l’alliance sur le coeur ou sur le bras Dt 6,6-8 ; 11,18 ; Pr 3,3 ; Jr 31,33
M
G S
V

Les grandes eaux ne sauraient éteindre l’amour et les fleuves ne le submergeraient pas.

Un homme donnerait-il pour l’amour toutes les richesses de sa maison, on ne ferait que le mépriser.

les grandes eaux ne pourront éteindre la charité, les fleuves non plus ne la déborderont pas :

quelqu'un aura beau donner toute la substance de sa maison contre la dilection, on le méprisera comme s'il n'avait rien donné !

7 Les grandes eaux Is 43,2

— Nous avons une petite sœur, qui n’a pas encore de seins.

Que ferons-nous à notre sœur le jour où on la recherchera ?

— Notre sœur est petite et n'a pas de seins :

que ferons-nous de notre sœur le jour où il faudra lui parler ?

M V
G S

Si c'est un rempart, nous lui ferons

Védifions dessus un couronnement

Vdes créneaux d’argent

si c'est une porte, nous la fermerons

Vfixons-la avec des ais de cèdre !

9 avec des ais de cèdre 1R 6,15
M
G S
V

10 — Je suis un mur et mes seins sont comme des tours ;

aussi suis-je, à ses yeux, celle qui a trouvé la paix.

10 

10 — Moi, je suis rempart et mes seins comme une tour

aussi suis-je à ses yeux devenue comme celle qui procure la paix 

Contexte

Milieux de vie

8a Les grandes eaux Symbole ambivalent

  • L'eau, réalité biblique, est une puissance ambivalente qui donne à la fois la mort et la vie. Mais ici, elle est prise dans une approche de menace de la vie. 
  • La notion des grandes eaux renvoie à une vaste étendue d'eau agitée (Ps 107,23-30 ; Mc 4,35-41), inhospitalière la mer en l'occurrence avec ses dangers (2Co, 11, 26); c'est un symbole des puissances maléfiques. 

Réception

Liturgie

6 Alleluia Veni Sancte Spiritus

Alleluia "Veni Sancte Spiritus"

Alleluia Veni Sancte Spiritus

Chœur des moines de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux

© Abbaye du Barroux→, Ac 2,3 Ct 8,6 2Ch 7,3

Mystique

3,6 ; 8,5 Typologie mariale La Vierge Marie a été cachée et secrète dans le mystère du dessein divin et aux yeux du monde. 

  • Montfort Vraie dévotion 3 « Dieu, pour l'exaucer dans les demandes qu'elle lui fit de la cacher, appauvrir et humilier, a pris plaisir à la cacher dans sa conception, dans sa naissance, dans sa vie, dans ses mystères, dans sa résurrection et assomption, à l'égard de presque toute créature humaine. Ses parents mêmes ne laconnaissaient pas ; et les anges se demandaient souvent les uns aux autres: Quae est ista ? Qui est celle-là ? (Ct 3,6 ; 8,5) Parce que le Très-Haut la leur cachait ; ou, s'il leur en découvrait quelque chose, il leur en cachait infiniment davantage. » (20).

Philosophie

1,1–8,15 Le Cantique comme symbole de la révélation Rosenzweig Stern (p. 235-242) interprète le caractère dialogal du Ct comme une instance de la structure dialogale de la révélation elle-même.  

  • Une première partie, intitulée « création », décrit une relation non personnelle, en 3e pers. et au passé, entre Dieu et le monde.
  • Au cœur de l'ouvrage, Rosenzweig fait de son commentaire du Ct le fil conducteur de la présentation de ce qu'il appelle « La révélation », c'est-à-dire le passage au « tu » et au présent et ainsi à l'avènement d'une relation personnelle entre Dieu et l'homme. Tout le Ct est un dialogue (à l'exception de Ct 8,6) : il ne dit pas que la révélation est dialogale, il le montre en étant lui-même dialogue et étant presque uniquement cela.

Révélation performée : importance du dialogue

La révélation n'est donc pas pour Rosenzweig la communication d'un ensemble d'informations sur Dieu, mais la naissance d'une relation entre Dieu et l'homme. Le Ct est pur dialogue — sans jamais de passage à la 3e pers. — et histoire au présent. Ces deux caractéristiques sont le fondement de la révélation : le dialogue et le présent.

Il ne s'agit donc plus de parler de la relation entre Dieu et l'homme, comme les prophètes qui décrivaient cette relation à l'aide de la métaphore des noces, mais de faire parler cette relation elle-même.

Révélation lyrique : importance de la subjectivité

Le discours du Ct est donc tout entier porté par la subjectivité.

  • Cela se manifeste par l'importance du « je » sous la forme du je-marqué (’ănî en héb.). Le Ct est le texte biblique qui utilise, proportionnellement à sa taille, le plus ce « je », après le livre du Qo (fréquence de 6,03 emplois pour 1000 mots en Ct, et de 6,50 en Qo).
  • Cela se remarque aussi au fait que les premiers mots du Ct expriment une comparaison : « tes amours sont meilleures que le vin » (Ct 1,2b), c'est-à-dire une appréciation subjective et non un simple constat, auquel cas un comparatif n'eût pas été nécessaire.

Dès le début du texte, la focalisation n'est pas celle d'une narration objective mais celle d'une subjectivité : les choses ne sont pas décrites pour elles-mêmes, l'enjeu est d'emblée perspectiviste. 

Critique de la réception moderne du Cantique

Rosenzweig critique les analyses modernes du Ct (à partir des 18e et 19e s.) qui ont cherché à effacer cette dimension dialogale du texte.

  • Il vise d'abord Herder et Goethe, qui ont fait du Ct un chant d'amour purement humain, prisonniers qu'ils étaient du préjugé que ce qui est humain ne peut être divin et que Dieu ne peut pas aimer. Cependant, leur tentative eut au moins le mérite de conserver cet aspect essentiel du Ct : le fait qu'il s'agisse d'un chant lyrique, de l'expression de deux subjectivités.
  • D'autres tentatives ont suivi, plus condamnables parce qu'elles ont réduit le Ct à un simple récit, narration entre plusieurs personnages : un roi, un berger, une paysanne. Dans ce dernier type d'interprétation le cœur du Ct, à savoir son caractère lyrique, est perdu et l'œuvre demeure incompréhensible.

Musique

6s Il n'y a pas de plus grand amour

20e s.

  • William Walton, Set Me As A Seal (1938)

Sir William Walton (1902-1983), Set Me As A Seal, 1938

St. John's College Cambridge

© Licence YouTube standard→, Ct 8,6s

Paroles

Set me as a seal upon thine heart, as a seal upon thine arm: for love is strong as death. Many waters cannot quench love, neither can the floods drown it.

Mets-moi comme un sceau sur ton cœur, comme un sceau sur ton bras : car l'amour est fort comme la mort. Toutes les eaux ne pourront étancher l'amour, ni les crues le noyer.

Compositeur

William « Turner » Walton est un compositeur britannique né à Oldham dans le Lancashire (aujourd'hui dans le Grand Manchester) le 29 mars 1902 et mort à Ischia en Italie le 8 mars 1983. D'abord surnommé « l’enfant terrible de la musique anglaise » à la fois pour son talent et son modernisme, il gagna une renommée internationale. On pourrait dire que Sir Walton était un moderniste avec un cheminement artistique en marge des circuits traditionnels. Il est resté attaché aux formes classiques, particulièrement dans ses œuvres symphoniques héritées de la grande tradition romantique. Son œuvre est avant tout nationale et profondément britannique.

  • John Ireland, Greater love hath no man (1912)

John Ireland (1879-1962), Greater love hath no man, 1912

Aric Prentice (dir.), Lincoln Cathedral Choir, Charles Harrison (organ)

© Licence YouTube standard→, Ct 8,6s  Jn 15,13 1P 2,9.24 1Co 6,11 Rm 12,1

Paroles

Many waters cannot quench love, neither can the floods drown it. Love is strong as death. Greater love hath no man than this, that a man lay down his life for his friends. Who his own self bare our sins in his own body on the tree, That we, being dead to sins, should live unto righteousness. Ye are washed, ye are sanctified, ye are justified in the name of the Lord Jesus. Ye are a chosen generation, a royal priesthood, a holy nation; That ye should show forth the praises of him who hath call’d you out of darkness into his marvellous light. I beseech you brethren, by the mercies of God, that you present your bodies, a living sacrifice, holy, acceptable unto to God, which is your reasonable service. 

Toutes les eaux ne peuvent pas étancher l'amour, ni les crues le noyer. L'amour est fort comme la mort. Il n'y pas de plus grand amour pour l'homme que de donner sa vie pour ses amis. Homme qui lui-même porte dénude nos péchés sur son propre corps sur l'arbre ; Afin que nous, morts au péché, nous livions dans la justice. Vous êtes lavés, sanctifiés, vous êtes justifiés dans le nom du Seigneur Jésus. Vous êtes une génération élue, sacerdoce royal, nation sainte ; Pour que vous annonciez les merveilles de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière. Je vous exhorte, frères, par la miséricorde de Dieu, que vous présentiez vos corps en sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu, c'est là votre juste manière de lui rendre un culte.

Compositeur

John Ireland est un compositeur anglais élève de Charles Villiers Stanford. Il étudie au Royal College of Music de Londres de 1893 à 1901. Plus tard enseignant dans le même établissement, il a pour élèves Benjamin Britten, Humphrey Searle, Ernest John Moeran, Alan Bush. Il a aussi été organiste à Chelsea de 1904 à 1926.

1,4.7.15 ; 2,8.16 ; 4,1–7.10 ; 5,8 ; 8,6 Niets dan liefde (Rien d'autre que l'amour)

21e s.

Kris Oelbrandt, OCSO (1972-), Niets dan liefde (Oratorio du printemps op.23), 2011

Marie de Roy (sopr), Aldo Platteau (bar), Ensemble Sturm und Klang (dir. Thomas van Haeperen)

© Kris Oelbrandt→, Ct 1,4.7.15.2,8.16.4,1-7.10.5,8.8,6 Mc 14,22 Mt 26,26 Lc 22,19 1Co 13,7s

Composition

Cette Cantate est composée pour le quatrième dimanche du carême sur l'amour. Elle est constituée de deux parties: la première décrit l'amour entre l'homme et Dieu comme un amour entre humains, la deuxième fait apparaître l'amour entre Dieu et l'homme dans l'eucharistie et le don de soi. La première partie est inspirée du Cantique des cantiques. Dans la deuxième partie, le Récit de l'Institution est superposé par un poème de Hans Andreus, qui se traduit en français par: « Je te préfère au pain, bien qu'on dit que c'est impossible, et bien que ce soit impossible ». Un fragment de la Prière de Charles de Foucauld et du cantique de l'amour (1Co 13,8a.7) concluent la cantate.