Le Codex Bezae Cantabrigensis (lisible ici→ ), qui porte le sigle D 05, est un témoin scripturaire essentiel du Nouveau Testament grec, avec les quatre grands onciaux — les codices :
- Alexandrinus (A 02, 5e s.),
- Vaticanus (B 03, 4e s.)
- Ephraemi rescriptus (C 04, 5e s.)
- Sinaïticus (אO1, 4e s.)
Daté des 5e-6e s., le grand manuscrit s’appelleCodex de Bèze du nom de son « sauveteur » moderne. Ce codex fut conservé au couvent Saint-Irénée de Lyon, jusqu'à ce que
le fasse échapper aux incendies allumés par les Réformateurs en 1562, et ne le confie en 1581 à la bibliothèque de l'université de Cambridge où il est depuis lors. Son lieu d’origine reste obscur, mais le sud de la Gaule est l’hypothèse la plus vraisemblable. II a subi des corrections et fut surchargé de gloses par près de vingt mains différentes.Le texte NT représenté par D est daté par beaucoup du 3e s. Il semble être le témoin majeur d’une →recension qu’on a appelée le →« Texte Occidental» et sur laquelle on débat beaucoup aujourd'hui, car elle pourrait représenter un état très ancien des traditions néotestamentaires.
Description
Support et disposition
Le manuscrit est écrit en onciales sur vélin. Il lui reste 406 folios, sur les 534 qu’il comptait probablement au départ. Il est disposé en stiques, peut être caractéristique de l’oralité encore vive dans le contexte institutionnel où il fut copié.
Langues
C’est un codex bilingue. Il est écrit en deux colonnes par page ;
- la colonne de gauche met à l'hommeur le texte grec (= D)
- celle de droite présente le texte latin ( = d) traduit ligne à ligne de son correspondant grec.
La relation entre les textes grec et latin est débattue entre spécialistes. Les textes latin et grec ont été harmonisés l’un sur l’autre mais sont loin de se correspondre exactement. Pour obtenir cette harmonisation, c’est tantôt le texte latin qui a été rendu conforme au texte grec, comme l’a montré
(pp. 191-204), tantôt le texte grec qui fut corrigé d’après le latin.Livres
Il présente les évangiles dans l'ordre : Matthieu, Jean, Luc (le seul complet) et Marc (comme le Codex Washingtonianus et la Vieille Syriaque édité par Cureton : Syc) Après une lacune, le manuscrit donne 3Jn et en fin, Ac 1-21.
Lacunes
- Plusieurs passages manquent : Ac 8,29-10,14 ; 21,2-10 ; 22,10-20 ; 22,30 jusqu’à la fin ;
- il y a un décalage pour la partie latine: Ac 8,20-10,4 ; Ac 20,31-22,1; Ac 22,2-10; Ac 22,30 jusqu’à la fin.
- Le bas d’une page (Ac 21,16-18) fut déchiré à une date relativement récente, mais le texte a pu en être reconstitué grâce aux collations du texte qui avaient déjà été faites.
Histoire
Le nom moderne et les aventures du manuscrit
Certains savants imaginent l'ancêtre du Codex Bezæ à Lyon dès le 2e s., repérant des citations de ce texte chez
dans les années 170. C’est à Lyon que le codex aurait été produit un peu plus d’un siècle après. D’autres situent la copie et ses corrections successives en Orient, et datent l'arrivée du codex à Lyon vers 830.Traducteur et copistes
D 05 est la copie d’un manuscrit plus ancien. F. H. A.
qui en édita le texte (en cursives) en 1864 a repéré les marques de neuf correcteurs qui travaillèrent sur ce manuscrit entre le 6e et le 12e s. La main du correcteur G, dont l’écriture cursive est proche de la semi-onciale (la seule main latine secondaire antérieure au 9e, maîtrisait aussi le grec) semble contemporaine de la main principale.Le traducteur, comme le copiste, semble plus latinophone qu’hellénophone. À de nombreuses reprises, le texte grec du codex est harmonisé sur le latin, aux limites de l’aberration grammaticale (Ac 13,28 ; 17,30 : un hina devant un infinitif ou un substantif calque le latin ut !). Les harmonisations par le copiste du grec sur le latin, l’ont éloigné de la teneur supposée primitive du « texte occidental » (ainsi en Ac 1,9 ; 3,11).
Textes
- Les textes latins des évangiles, dont le vocabulaire non harmonisé est parfois en désaccord avec le texte grec, semblent de quatre provenances différentes, et retouchés sur le grec correspondant dans le codex. De Matthieu (proche du Bobiensis VL, 4e s. et du Palatinus VL, 5e s.), à Marc, le traducteur suit un modèle vieux-latin, mais de moins en moins ancien.
- La tradition grecque et la tradition latine des évangiles ayant des évolutions propres, il fallait un texte grec archaïque si l’on voulait faire le parallèle avec un texte latin aussi archaïque. En D, Lc et Ac en particulier présentent une perspective juive traditionnelle, qui leur confère une cohérence difficilement attribuable à une révision tardive. Leur auteur écrivait pour des auditeurs / lecteurs à qui le monde biblique, hébraïque de Judée et de Galilée était familier.
La réception de D
Savante
Les lectures du manuscrit ont d'abord paru dans la marge de
(1550) puis dans les notes de (1565).- La Polyglot de (1657) le prend en compte, et il est entièrement traduit en anglais par (1745). fut le premier à présenter le texte en entier en 1793, puis 1864, 1864 et Cambridge 1899. Les collations complètes sont dans l'appareil critique de en 1869 et de en 1857.
- Ces dernières décennies, le texte de ce codex connaît un regain d'intérêt, grâce à quelques chercheurs qui en étudient et en publient le texte, parmi lesquels : Marie-Émile ; Edouard ; Christian-Bernard ; Jenny Read Heimerdinger, Josep Rius Camps… continué par Augustin Paul Tavardon ou Patrick Faure
Artistique
Dans le domaine de la fiction, le Codex Bezae joue un rôle pivot dans la supercherie du « Prieuré de Sion » inventée par Pierre Plantard et Philippe de Chérisey, et qui inspire le roman Da Vinci Code de Lc 6,1-4) fondée sur la copie d’un de ses folios reproduite dans L’Or de Rennes, de Pierre et Gérard (1967).
, par l'interprétation ésotérique de quatre versets latins (