La Bible en ses Traditions

ARCHÊ (« principe », « commencement », « fondement », « autorité », « puissance »)

Tout au long de l’Antiquité, le mot archê renvoie à l’idée générale de primauté. À partir de cette notion centrale, deux sens principaux se dégagent, en lien avec la double valeur de la forme verbale :

1. l’idée de primauté dans le temps, ou « commencement », d’où « principe », « extrémité » : cf. archomai (« commencer ») 

2. l'idée de primauté hiérarchique, ou « pouvoir » (« autorité », « puissance » : cf. archô). 

A. Temps

1. Littérature grecque
Commencement temporel

Bien attesté, le sens de « commencement » semble le plus ancien dans les textes littéraires.

Pour marquer l’origine, le terme archê apparaît dès la période préclassique dans les expressions ex archês et ap’ archês, signalant toutes deux le point de départ temporel d’un phénomène ou d’un état (« depuis le commencement »).

Origine métatemporelle

Pour situer un fait « à l’origine » ou « au commencement », sans idée de durée temporelle, deux expressions sont fréquentes en grec classique :

1. tên archên offre, surtout dans les contextes négatifs, un sens logique ou métalinguistique (« au commencement » [initio] > « pour commencer », « absolument » [omnino], d’où « tout au moins », « même ») ;

2. en archêi répond à une analyse visuelle et rationnelle du temps conçu comme un développement linéaire qui part du passé pour aller vers le futur :

Sens dérivés : principe cosmologique, extrémité physique

Chez les premiers philosophes, archê revêt le sens de « principe » de l’univers.

Enfin, à partir du sens général de « commencement », le mot archê peut aussi référer à l’idée d’ « extrémité » :

2. Dans la Septante

Les sens attestés durant la période classique se maintiennent. La valeur générale de « commencement » se manifeste dans l’acception précise de « début d’une action ».

Expressions
Influence de l’hébreu

Le sémantisme d’archê fut fortement influencé par les termes hébreux rō’še et rēšît, dont il représente l'équivalent habituel. Les deux mots hébraïques sont en effet liés à la notion de « qualité suprême », puisque la « tête » constitue aussi bien le « début » que le « représentant par excellence » du corps.

Dans la littérature sapientiale, le mot archê s’enrichit de la nouvelle nuance d’« élément essentiel ou capital », qui élargit le sens de « principe » que revêtait déjà le terme grec à l’époque classique :

Enfin, comme en grec classique, le mot archê peut référer dans G à l’idée d’« extrémité » :

Servant à traduire le premier verset du premier livre de la Tora, archê équivalent de rēšît  se trouva impliqué dans la spéculation et la mystique juives les plus élevées, concernant les entités originaires de la création→, fortement présentes dans la littérature néotestamentaire.

3. Le Nouveau Testament et la première littérature chrétienne
Significations du substantif archê

Le grec du NT conserve le sens littéraire du mot archê « commencement ».

Dans un passage difficile de Hébreux, on devine même le sens de « principe » :

En même temps, le mot archê prolonge dans le NT les valeurs spécifiques qu’il manifestait dans G. Ce terme y désigne volontiers l’idée de « principe » associée à celle de « part excellente ».

Le corpus johannique reflète une valeur comparable :

Locutions adverbiales incluant archê

Le grec koinè sémitisé de Judée et de Galilée au 1er s. avait en tout cas conservé l’acception de (tên) archên au sens d’initio. Quelques décennies seulement après l’édition du quatrième évangile, (tên) archên apparaît fréquemment sous la plume de Justin de Naplouse :

Enfin, l’expression en archêi ouvre le quatrième évangile : en archêi ên ho Logos. Elle a donné lieu à deux interprétations différentes et complémentaires.

B. Pouvoir

1. Littérature grecque, papyri et inscriptions
2. La Septante et la littérature juive

Les différents emplois classiques du mot archê dans sa valeur de « pouvoir » se maintiendront dans la Septante. Le terme désigne ainsi la souveraineté :

De l’acception classique de « pouvoir en tant que charge », on passera aisément à la désignation de la personne qui détient le pouvoir, sous l’influence du terme rēšît : 

À partir du livre de Daniel, le terme archê commence à s’associer à celui d’exousia, « autorité ». Le mot grec traduit alors la forme šāl*ānā’ tandis qu’exousia peut rendre, selon les cas, soit rᵉbûtā’ (« grandeur », Dn 7,27) soit tipᵉtāyē’ (« magistrats », Th.G—Dn 3,2.3). Dans la littérature juive de langue grecque, l’expression archê kai exousia est déjà lexicalisée. Elle désigne en principe les autorités. On la voit même apparaître chez un auteur païen tel qu’Œnomaüs (archas kai exousias, cf. Eusèbe de Césarée Praep. ev. 6,7,26), philosophe cynique originaire de Gadara en Pérée.

3. NT et première littérature chrétienne 

L’expression archê kai exousia va souvent figurer dans les textes du NT. Dans certains cas, elle désigne tout simplement le pouvoir établi.

Cette valeur se retrouve dans la première littérature chrétienne.

Dans les épîtres de Paul, le terme va permettre de désigner une puissance angélique :