La Bible en ses Traditions

TARGUM

Définition

Les Targums ou Targoums sont des traductions araméennes des Écritures hébraïques, faites pendant les offices des synagogues. Cette littérature a une histoire très longue, et peut se comparer à celle de l’écriture de la Bible. Les Targums constituent en effet une sorte de Bible araméenne, couvrant les trois grands groupes d’écrits : la Tora (Pentateuque), les Prophètes, et les Écrits (hagiographes).

Le terme targum signifie « traduction », mais aussi « explication ». Sa racine se trouve une seule fois dans la Bible :

Le Targum n’est pas donc pas seulement une traduction (littérale ou littéraire) du texte biblique, il est aussi une interprétation, une explication, ou une correction du texte que, dans ses développements les plus tardifs, on peut rapprocher du midrash [cf. l’article Midrash]. On peut aussi le comparer à un texte biblique dans lequel seraient insérés des annotations et des commentaires. Cette littérature est ainsi un témoignage de la compréhension et de l’interprétation du texte. On a qualifié le Targum d'« état le plus simple de l’exégèse scripturaire. »

Intérêt des Targums

Pour l’inauguration du Temple reconstruit avec l’autorisation du souverain perse Cyrus, le scribe Esdras lit un rouleau de la Torah devant le peuple rassemblé pour l’écouter. Le texte dit que les Lévites « lisaient dans le livre de la Loi de Dieu, en traduisant et en donnant le sens » (Ne 8,8). En effet, en deux générations d’exil à Babylone, le peuple dont l’hébreu était la langue usuelle ne parle plus que l’araméen (cf. 2R 18, 26ss // Is 36,11ss). L’hébreu est alors devenu la langue des érudits (Ne 13,24), et la traduction est indispensable : le verbe hébreu meforash utilisé ici peut être compris comme « traduire », mais aussi « séparer, expliquer, interpréter, éclairer ». C’est cette racine qui désigne aussi les sections de la Bible lues chaque sabbat à la synagogue, les parashoth, et qui a aussi donné le terme de « Pharisiens ». La lecture d’Esdras pourrait être une première trace de la coutume de lire des sections de la Torah chaque sabbat.

Travail du Targoum

La Mishna, au traité Meguilla, donne des détails sur le travail des scribes-traducteurs :

cet accent placé sur l'interprétation morale est ainsi décrit en Sifré sur Dt 17,19 (ch. 161) : « La lecture de l’Écriture (miqra) conduit au Targoum ; le Targoum à la Michna ; la Michna au Talmud et le Talmud à l’action. »

Exemple de Targum :

Quels sont les différents targums ?

Pentateuque 
Prophètes

Tg. Jon.a peut-être été écrit entre 70 et 135 ap. J.-C., ou même plus tôt.

Hagiographes

On a trouvé des fragments du Targum de Job à Qumrân. Pour les autres, une origine tardive, certainement après l’époque talmudique (5e s. ap. J.-C.).

Que peut-on tirer de l’étude des Targums ?

L’étude des Targums permet de comprendre le rapport au texte dans la tradition juive ancienne en montrant comment l’Écriture et l’interprétation sont liées dans la dynamique de canonisation elle-même. En effet, les commentaires qu’ils contiennent considèrent l’Écriture comme un ensemble, et l’interprètent par elle-même. Des origines à l’eschatologie, on éclaire les parties par le tout et le tout par les parties, en évoquant parfois l’esprit de prophétie : toute l’histoire sainte est mise à profit pour l’éclairage d’un passage particulier, parfois. Les Targums semblent donc témoigner de la canonisation en cours d’une tradition préalable :

La coïncidence temporelle de deux courants apparemment opposés, d’une part de fixation du texte biblique, et d’autre part, de production littéraire abondante sur ces mêmes textes, ne constitue pas une contradiction : tous deux participent en réalité à l’élaboration de la tradition, dans laquelle se trouvent toujours, autour d’un texte canonique, des interprétations nombreuses et sans cesse renouvelées.

L’étude des Targums permet alors de mieux aborder le contexte culturel dans lequel furent rédigés les évangiles : leurs auteurs ont hérité d'Écritures déjà interprétées, traduites soit en araméen (en Palestine), soit en grec (la Septante). Ils ont écrit dans leur contexte culturel, en faisant eux aussi œuvre d’interprétation. La compréhension des textes chrétiens est ainsi dépendante de celles des textes juifs qui les ont portés, et qui leur ont donné naissance.