« C'est en lui [le Christ] que fut fondé l'ensemble des choses aux cieux et sur terre, visibles et invisibles, soit trônes, soit dominations, soit principautés, soit puissance : tout a été créé par lui et en lui » (Col 1,16).
La lettre aux Colossiens est un écrit polémique de circonstance, un précieux document christologique adressé à la communauté chrétienne de la ville de Colosses, en Turquie actuelle. Bien qu'il n'ait pas visité personnellement Colosses, l'auteur de la lettre s'oppose à ceux qui pensent que les anges et d'autres puissances invisibles ont participé à la Création : ils tentent d'« améliorer » l'Évangile de Jésus en mêlant des idées philosophiques et le légalisme juif, déformant ainsi la vérité de l'Évangile et sapant l'autorité de Christ. Pour éviter toute confusion parmi les Colossiens, Paul leur écrit avec fermeté et conviction que Jésus est le seul Seigneur, Créateur et Sauveur, et que rien ni personne ne peut lui ressembler.
Contrairement aux autres lettres pauliniennes, celle-ci ne traite pas de la justification et développe une théologie de la Création. Elle aborde deux vérités fondamentales : la responsabilité humaine et les desseins éternels de Dieu. Trois thèmes de lecture se dégagent :
1 - Jésus-Christ préexiste à toute la création, aux princes de ce monde comme aux puissances cosmiques Col 1,15 ; il est l’image du Dieu invisible premier-né de toute la création (Col 1,15-20 ; 2,9-10 ; 3,1). Il ne s'agit pas, pour l'auteur, de douter des puissances célestes, mais de limiter leur rôle. Identifiées aux anges (Col 2,15), elles ont été des intermédiaires au temps de la Loi. Désormais, c'est le Christ Seigneur qui dirige le monde. Dès la création, comme fils de Dieu, il leur était supérieur, et plus encore avec la nouvelle création : il assume la plénitude de Dieu et du monde en Dieu (Col 1,13-20).
2 - Dieu, par l'intermédiaire du Christ, a assuré la rédemption et la réconciliation de tous ceux qui placent leur foi en lui, et par lui, il a réconcilié toutes choses en lui-même (Col 1,20-22). Le baptême fait des chrétiens les membres du Corps du Christ qui est la tête (Col 2,19). Les croyants sont dans le Christ, et participent ainsi à sa mort et à sa Résurrection (c'est-à-dire à sa nouvelle vie et sa plénitude), « car en lui habite corporellement toute la plénitude de la divinité » (cf. Col 2,9-14 ; 3,1-4). Les chrétiens partagent son pouvoir et ne sont donc pas soumis à ces forces invisibles : « en lui vous êtes comblés lui qui est la tête de toute principauté et de toute puissance » (Col 2,10) (voir aussi Col 2,8.20) et ils ont accès à la plénitude de la Révélation : « le mystère caché aux siècles et aux générations, mais qui est révélé maintenant à ses saints » (Col 1,26). Oui, les prophètes et Israël ne l’ont pas connu ; les anges eux-mêmes l’ont ignoré. Au cœur du message, se trouve bien le salut des hommes, ici dans une dimension cosmique selon les buts polémiques de la lettre. Sont ainsi unis l'image du Corps du Christ (1Co 12,12) et la dilatation du salut dans l'univers tout entier, qui assiste au triomphe du Christ dans le ciel.
3 - Les croyants sont appelés à grandir en maturité spirituelle en se débarrassant des pratiques pécheresses (Col 3,8) et en développant les vertus chrétiennes (Col 3,12). La lettre se termine par des instructions pratiques pour la vie chrétienne, mettant en valeur l'importance de la prière, du témoignage et de la résistance aux fausses doctrines.
L'épître aux Colossiens antre ainsi en résonance profonde avec Sg 7,25-26, qui souligne la pureté et la puissance de la Sagesse divine : un lien étroit unit les enseignements de l'Ancien Testament et la lettre aux Colossiens, entre Christ et Sagesse divine. L'« hymne » au Christ (Col 1,12-20) est repris dans la liturgie des vêpres dans l'Église catholique.
TEXTE
Critique textuelle
L'épître aux Colossiens est globalement bien conservée, malgré de nombreuses variantes, qui sont cependant mineures.
- Le témoin le plus ancien de cette épître est le papyrus Chester Beatty P46.
- Viennent ensuite les manuscrits Sinaïticus (S) et Vaticanus (B), (4e s.) qui représentent la famille alexandrine.
- Le Codex Bezae (D), (6e s.) atteste la famille occidentale.
- De nombreux manuscrits en onciales, témoignant de la famille byzantine, sont aussi conservés, avec le →codex K, qui est sans doute le plus ancien (9e s.)
Proposition de structure
- Après l'adresse, et une prière (Col 1,1-14),
- l'auteur commence par exposer la doctrine (Col 1,15-23),
- avant d'évoquer les adjurations à ne pas tomber dans les erreurs (Col 2,1-3,4)
- mais à vivre selon l'exemple du Christ (Col 3,5-4,18).
Formes et genre littéraires
En accord avec la coutume des lettres antiques, Col contient une introduction, une partitio principale et une conclusion. Il s’agit avant tout d’un écrit d’exhortation, enrichi d’un magnifique hymne christologique (Col 1,15-20).
CONTEXTE
Auteur
La question de l'authenticité
Il y a eu débat quant à l'authenticité de Col et Ep. Cependant, le contenu de l'épître appartient bien à la doctrine paulinienne. Il est en effet assez difficile de déterminer un autre auteur. L'attribution à Paul reste donc l'hypothèse la plus probable.
Datation
L'épître aux Colossiens a été écrite vers la même période que l'épître aux Éphésiens, c'est-à-dire pendant la captivité à Rome (de 61 à 63). Néanmoins, pour certains, Paul a écrit cette épître bien avant, pendant son séjour à Éphèse (entre 52 et 54), où il a pu être emprisonné, ou du moins a rencontré plusieurs difficultés (1Co 15,32 ; 2Co 1,8ss). Les erreurs auxquelles Paul répond viennent surtout de réflexions juives (Col 2,16) à propos des puissances célestes qui risquent d'amoindrir le pouvoir du Christ sur les éléments et ne peuvent être reliées aux spéculations gnostiques du 2e s.
RECEPTION
Canonicité
L’appartenance de l’épître au canon des Écritures est reconnue très tôt.
- (†ca. 99), l'Épître de Barnabé (2e s.), (†107) et (†155) y font probablement allusion.
- Le titre caractéristique du Christ: « Premier-Né de toute créature » (Col 1,15) est repris par (†165, Dialogue 85).
- Tous les chapitres sont cités par (†202), et l’épître est absolument paulinienne selon lui. De même, (†230), (†215) et (†254) la mentionnent comme étant attribuée sans aucun doute à Paul, tout comme (†339). (†235) la cite à plusieurs reprises.
- Pour le Canon de Muratori (fin 2e s.), elle occupe la quatrième place parmi les épîtres de Paul. Elle est recopiée dans les Papyri Chester Beatty.
- Pour (†ca. 160), elle est incontestablement canonique, tout comme pour les valentiniens.
Importance traditionnelle
Cette épître doit particulièrement sa postérité aux passages christologiques : les titres de Jésus sont utilisés par les premiers Pères dans leurs polémiques visant à établir la primauté du Christ. Les thèmes de l’existence avant tous les siècles, et du Christ Seigneur figurent parmi les plus retenus. Outre les commentaires sur l’ensemble des épitres de Paul (cités ci-dessus), l’épître aux Colossiens est aussi commentée, entre autres, par :
- (†1559), (†1560), (Musculus, †1563), (†1574), (†1587), (†1590),
- (†1624), (†1637), (†1660), (†1696),
- (†1726), (†1791).