Les activités liées au « culte des morts » commun aux grandes religions anciennes du bassin méditerranéen, encore pratiquées dans l’arrière-pays égyptien, répandues dans toutes les classes sociales, incluent :
- la participation aux rites d’ensevelissement,
- les lamentations rituelles,
- les visites de la sépulture à diverses occasions anniversaires,
- les repas associant les hommes et les femmes au cours desquels un libre échange d’informations peut avoir lieu,
- les offrandes ou sacrifices divers offerts en relation avec le défunt à proximité de sa tombe.
Le rôle des femmes y est important.
1 — Dans le monde juif
Durant toute la période postexilique, les Juifs ne cessèrent pas les pratiques religieuses familiales équivalant à un culte des morts, ancêtres, « pères » et prophètes, les « nourrissant » et invoquant leur prière.
Attestations
positives
- Au début de la période hellénistique, Zacharie émet des restrictions : durant les funérailles formelles, hommes et femmes doivent être séparés (Za 12,12-14) ;
- 2M 12,43-45 justifie l’offrande de sacrifices pour les défunts et 2M 15,12-16 présuppose qu’Onias III et Jérémie, quoique morts, peuvent encore intercéder pour Jérusalem ;
- Tb 4,17 recommande de nourrir les morts, mais seulement les justes parmi eux.
négatives
D’autres sources juives anciennes contestent l’efficacité de telles prières faites aux prophètes et aux pères :
- → 33,5 : Avant de mourir, Débora décourage les témoins de placer leurs espoirs « en [leurs] pères », comme pour les dissuader de la vénérer comme prophétesse ou matriarche après sa mort. Ant. bib.
- →2 Bar. 85,12 envisage un futur où les prières aux ancêtres et aux prophètes auront cessé.
Tentatives d’interdiction
L’invocation des prophètes peut avoir inquiété les milieux les plus regardants sur le monothéisme :
- Sg 14,15-16 voit dans le culte des morts la cause de l’idolâtrie ;
- Ben Sira affirme que « de bonnes choses répandues sur une bouche close, tels sont les aliments déposés sur une tombe » (Si 30,18 ; cf. Si 38,21) ;
- →Jub. 22,16-17 prescrit d’éviter les païens parce qu’ils nourrissent les défunts à leurs tombes ;
- La Lettre de Jérémie énumère diverses pratiques idolâtriques, en particulier les lamentations rituelles sur des dieux étrangers, pratiquées tant par des femmes que par des hommes (Ba 6,31 « Ils rugissent en criant devant leurs dieux, comme certains dans le festin d'un mort »).
Données archéologiques
Les tombes prémaccabéennes reflètent l’influence de l’hellénisation sur la société juive. Plus sobres dans leur décoration, les tombes hérodiennes présentent encore divers témoignages d’un culte des morts en lien avec la sépulture : pièce de monnaie placée dans la bouche du défunt (pour Charon, le nautonier des enfers ?), bouteilles de parfum (alabastra, signes de l’onction du cadavre), bancs pour le repas, tables et coupes à eau pour le défunt, pots de cuisine, lampadaires, voire petites citernes, dont on n’a guère de raison de penser qu’elles n’avaient pas de fonction cultuelle.
- La crypte funéraire à Marésha était la sépulture familiale d'Apollophane, chef de la communauté sidonienne de la ville. Une des tombes figure des musiciens funèbres, homme et femme, jouant flûte et harpe, suggérant la pratique continuée de visites funéraires familiales et de rituels de deuil familiaux.
- La « tombe de Jason », découverte près de Jérusalem en 1956, contient une inscription en araméen attestant du deuil personnel du frère du défunt : « Cette concession éternelle a été faite pour Jason, fils de Pineḥas, mon frère, salut ! Puisque je t'ai bâti un tombeau et un monument, sois en paix. » La tombe est un monument funéraire de l'époque du second Temple. Les fouilles archéologiques menées par Yitzhak Rahmani ont mis au jour des monnaies des époques hasmonéenne (Jean Hyrcan I et Alexandre Jannée), hérodienne et romaine. La tombe présente plusieurs inscriptions et peintures murales, parmi lesquelles une peinture représentant des navires marchands. Sur le mur du couloir, au-dessus de l'ouverture de la chambre funéraire, un cerf est gravé.
La plupart des inscriptions funéraires juives du temps sont en grec, certaines en araméen.
2 — Le genre littéraire des lamentations funèbres
À partir des attestations antiques de →lamentations pour des divinités et des héros défunts, on peut reconstituer les principaux traits des lamentations funéraires traditionnelles.
Temporalité
La formule la plus courante oppose auparavant (avant la mort) et maintenant (dans l’épreuve du deuil ; cf. →4 Macc. 16,10-11).
Division du discours
- Déclaration d’intention ;
- louange et invocation ;
- histoire du défunt incluant le récit circonstancié de sa mort ;
- déréliction des pleureurs dans le deuil ;
- invitation à partager leur peine.
Cadre énonciatif
Dans la lamentation, les défunts eux-mêmes sont interpellés (2S 1,26 ; 3,34 ; Ez 32,2) ; les pleureurs s’appellent les uns les autres à se rejoindre dans la lamentation.
Thèmes
Les lamentations déploient une protestation générale contre l’injustice du triomphe de la mort sur la vie, et le désir d’un autre monde où la vie triomphera.