Un projet du Programme de Recherches La Bible en ses traditions AISBL
Dirigé par l’École Biblique et Archéologique Française de Jérusalem
Pour nous apporter votre aide, cliquer ici
8 C’est pourquoi, bien qu’ayant en Christ VJésus toute liberté de te prescrire ce qui convient
Sest juste
9 à cause de la charité je t’exhorte plutôt
tel que je suis, le vieux Paul, Scomme tu sais
qui plus est maintenant prisonnier de Jésus-Christ
Nesdu Christ Jésus,
10 Set je t’exhorte au sujet de mon enfant
V Sfils que j’ai engendré dans mes
V Nesles chaînes
Onésime
11 qui t’était jadis inutile
et qui est maintenant à toi comme à moi, bien utile,
12 Vet que je te renvoie.
Mais toi reçois-le comme mes propres entrailles.
12 Je te l'ai renvoyé
et toi reçois-le comme ma propre progéniture.
12 et que je te renvoie.
ll est mes propres entrailles.
1–25 Supplique d'un apôtre devenu pater familias
À son accoutumée, Paul profite de l’adresse pour transmettre une bénédiction aux destinataires de l’épître : Genres littéraires Phm 1,1ss.
L’épître est l’occasion de féliciter Philémon de sa foi et de sa charité, qui provoquent joie et consolation à l’Apôtre : Genres littéraires Phm 1,4–7. Elle est mobilisée au service de l'argumentation de Paul : il rappelle que la communion dans la foi ne peut rester une simple adhésion intellectuelle mais doit s’épanouir dans une réflexion éthique (la connaissance du bien qui est en nous pour le Christ) et de véritables actions (la charité qui produit le réconfort).
L’essentiel du corps de l’épître est consacré à la requête de Paul. Tout en affirmant laisser Philémon libre de son choix (v.8), l’Apôtre présente divers arguments pour le convaincre de recevoir Onésime sans le punir. Paul présente ainsi sa demande : que Philémon ne tienne pas rigueur à Onésime de s’être enfui de chez lui pour se réfugier chez Paul. En effet, converti par Paul et devenu chrétien, il est bien plus que le simple esclave de son maître : il est comme son propre frère.
L’épître se clôt par l’assurance d’être entendu de Philémon (v.20-21), une promesse de voyage (v.22), un échange de salutations de la part des collaborateurs de Paul (v.23-24) et une bénédiction finale (v.25) : Genres littéraires Phm 1,20–25.
On peut se lancer dans des considérations de morale sociale (Théologie Phm 1,12), peut-être anachroniques (Milieux de vie Phm 1,16a) ; on peut aussi être sensible à la subtilité des relations humaines tissées par Paul.
Deux thèmes sont à l’œuvre : la prison et les entrailles (le cœur : Milieux de vie Phm 1,7b.12b.20b). Ils construisent une figure subtile d’autorité de l’Apôtre, qui apparaît à la fois comme un modèle de souffrance pour la foi et comme un modèle de paternité. Paul devient pater familias de Philémon et d’Onésime, qui sont maintenant frères (c.-à-d. la paternité de Philémon est relativisée). Plutôt que de faire appel à son autorité apostolique (v.8), Paul préfère se présenter comme un père et comme une victime (v.9).
Il le fait avec une tendre ironie (Procédés littéraires Phm 1,8s), feignant la négociation commerciale (Milieux de vie Phm 1,19ab), multipliant les arguments jusqu’aux limites de la préciosité (comme le jeu de mots sur le nom de l'esclave : Procédés littéraires Phm 1,10b.11b ; Procédés littéraires Phm 1,20a), comme s'il ne voulait pas imposer sa volonté, malgré son insistance (Phm 20-21) et alors qu'il rappelle à Philémon qu'il ne lui doit rien moins que... lui-même : Procédés littéraires Phm 1,19c !
8 liberté des enfants de Dieu La parrhêsia est un terme technique décrivant la liberté du chrétien et son franc-parler.
10b.11b Onésime + utile — Jeu de mots entre Onêsimos (« profitable ») et euchrêstos (« utile »), qui sont synonymes. Euchrêstos est peut-être aussi un jeu de mots avec Christos (« Christ », v.8-9c) car la voyelle èta commençait à cette époque à se prononcer comme iota (phénomène de iotacisme).
7b.12b.20b entrailles Anthropologies comparées
10a je t’exhorte au sujet de mon enfant que j'ai engendré
On a retrouvé de nombreux écriteaux d’avis de recherche, offrant de l’argent pour l’arrestation d’esclaves évadés. Le refuge auprès d’une autorité sacrée était fréquent, surtout dans la ville d’Éphèse, située dans les environs de Colosses. La situation d’Onésime était donc plutôt courante.
Il semble que le recours à un ami de la famille puisse être une façon de régler les conflits entre maîtres et esclaves :
12 reçois-le comme mes propres entrailles Topos épistolaire Dans les lettres familières, on trouve de nombreuses recommandations. Elles adoptent souvent les mêmes lieux communs. Reçois-le comme si c’était moi :
1–21 Deuxième lecture du 23e dimanche du TO, année C
Phm 1-21 est précédé ou bien de Jr 18,1-18 ; Ps 139,1-6.13-18 ou bien de Dt 30,15-20 ; Ps 1 ; et suivi par Lc 14,25-33.
Phm 9b-10.12-17 est précédé de Sg 9,13-18b ; Ps 90,3-6.12-14.17 et suivi par Lc 14,25-33.
Le rappel à Philémon de considérer Onésime maintenant comme un frère et non plus comme son esclave prépare l’enseignement de Jésus qui invite dans l’évangile ceux qui veulent le suivre à renoncer aux biens matériels. La requête de Paul à Philémon se comprend alors comme le cas particulier d’un enseignement biblique plus général.
7–20 Lectionnaire quotidien romain
Ce texte se lit avec Lc 17,20-25, où l’enseignement de Jésus sur la venue du fils de l’homme, qui doit souffrir et être rejeté par les hommes, a un lien ténu avec la situation critique d’Onésime.
12ss Attitude talmudique envers un esclave enfui Les avis des rabbins sont partagés.
Cette difficulté semble exister depuis longtemps. →Tg. Onq. sur Dt 23,16 traduit : « Tu ne livreras pas un esclave des nations à son maître ».
10b Onésime Prosopographie S’adressant à l’Église d’Éphèse un demi-siècle plus tard, Ignace d’Antioche parle d'un homme appelé Onésime :
La tradition chrétienne a souvent assimilé cet Onésime à l’esclave en fuite, affirmant par là l’efficacité de la lettre de Paul et la sincérité de celui que l’Apôtre engendra dans la chair.
12 MORALE Esclavage
On a souvent voulu faire de cette lettre une prise de position de Paul en faveur de l’esclavage et le manifeste d’un certain conservatisme social. Ce conservatisme apparent doit se comprendre en référence aux épîtres aux Galates et aux Corinthiens, que Paul écrit au même moment : dans l’Évangile, il n’y a ni esclave, ni homme libre, ni homme, ni femme, ni Grec, ni Juif (Ga 3,26-28) ; chacun doit rester là où l’Évangile l’a trouvé (1Co 7,20-24). Cette phrase retentit comme une affirmation théologique sur la grâce et peut-être sur la proximité du salut.
En regard de l’importance de la grâce, toutes les déterminations qui traversent le monde social n’ont plus aucune importance. Elles ne sont que des éléments contingents qui ne doivent pas troubler l’esprit du chrétien. On comprend alors l’insistance de Paul sur le couple esclave/frère et non sur le couple esclave/homme libre : l’essentiel pour Philémon est de saisir que son esclave n’est plus un étranger qui le sert, mais un chrétien comme lui.
Si l’on admet que Paul croyait encore à l’imminence du retour du Christ qu’il défendait en 1Th, il est compréhensible de sa part de ne pas pousser outre mesure à l’émancipation : pourquoi se préoccuper de ces questions matérielles, alors que l’on ne restera que peu de temps dans cette chair ?
9 Bible hiéroglyphique
Il est touchant de voir que cette Bible hiéroglyphique choisit de représenter l'« amour » ou la « charité » par une famille, du moins par une mère avec ses enfants (le père étant absent) ; de même en 3Jn 1,6.