Un projet du Programme de Recherches La Bible en ses traditions AISBL
Dirigé par l’École Biblique et Archéologique Française de Jérusalem
Pour nous apporter votre aide, cliquer ici
4 Je rends sans cesse grâce à mon Dieu
faisant mémoire de toi dans mes prières
5 en entendant parler de la charité et la foi que tu as envers
Vdans le Seigneur Jésus et à l'égard de tous les saints.
5 Voici, depuis que j'ai entendu [parler] de ta foi et de la charité que tu as envers notre Seigneur Jésus et envers tous les saints
6 Puisse ta communion dans la foi être efficace par la reconnaissance de tout le bien qui est en nous pour
V Nesnous dans
TRvous pour le Christ Byz V TRJésus.
6 que la communion dans ta foi donne du fruit dans les œuvres et la connaissance de tout le bien que vous avez en Jésus-Christ !
1–25 Supplique d'un apôtre devenu pater familias
À son accoutumée, Paul profite de l’adresse pour transmettre une bénédiction aux destinataires de l’épître : Genres littéraires Phm 1,1ss.
L’épître est l’occasion de féliciter Philémon de sa foi et de sa charité, qui provoquent joie et consolation à l’Apôtre : Genres littéraires Phm 1,4–7. Elle est mobilisée au service de l'argumentation de Paul : il rappelle que la communion dans la foi ne peut rester une simple adhésion intellectuelle mais doit s’épanouir dans une réflexion éthique (la connaissance du bien qui est en nous pour le Christ) et de véritables actions (la charité qui produit le réconfort).
L’essentiel du corps de l’épître est consacré à la requête de Paul. Tout en affirmant laisser Philémon libre de son choix (v.8), l’Apôtre présente divers arguments pour le convaincre de recevoir Onésime sans le punir. Paul présente ainsi sa demande : que Philémon ne tienne pas rigueur à Onésime de s’être enfui de chez lui pour se réfugier chez Paul. En effet, converti par Paul et devenu chrétien, il est bien plus que le simple esclave de son maître : il est comme son propre frère.
L’épître se clôt par l’assurance d’être entendu de Philémon (v.20-21), une promesse de voyage (v.22), un échange de salutations de la part des collaborateurs de Paul (v.23-24) et une bénédiction finale (v.25) : Genres littéraires Phm 1,20–25.
On peut se lancer dans des considérations de morale sociale (Théologie Phm 1,12), peut-être anachroniques (Milieux de vie Phm 1,16a) ; on peut aussi être sensible à la subtilité des relations humaines tissées par Paul.
Deux thèmes sont à l’œuvre : la prison et les entrailles (le cœur : Milieux de vie Phm 1,7b.12b.20b). Ils construisent une figure subtile d’autorité de l’Apôtre, qui apparaît à la fois comme un modèle de souffrance pour la foi et comme un modèle de paternité. Paul devient pater familias de Philémon et d’Onésime, qui sont maintenant frères (c.-à-d. la paternité de Philémon est relativisée). Plutôt que de faire appel à son autorité apostolique (v.8), Paul préfère se présenter comme un père et comme une victime (v.9).
Il le fait avec une tendre ironie (Procédés littéraires Phm 1,8s), feignant la négociation commerciale (Milieux de vie Phm 1,19ab), multipliant les arguments jusqu’aux limites de la préciosité (comme le jeu de mots sur le nom de l'esclave : Procédés littéraires Phm 1,10b.11b ; Procédés littéraires Phm 1,20a), comme s'il ne voulait pas imposer sa volonté, malgré son insistance (Phm 20-21) et alors qu'il rappelle à Philémon qu'il ne lui doit rien moins que... lui-même : Procédés littéraires Phm 1,19c !
6 en nous : Byz V Nes (A C D etc.) | S TR : en vous P61 א F G P lisent de même « en vous ».
4a Je rends sans cesse grâce Portée de l'adverbe Traduit d’après le sens : pantote (« toujours ») semble se rapporter plutôt à eucharistô (« rendre grâce », « prier ») qu’à mneian (« mémoire »), mais on pourrait aussi traduire « Je rends grâce à mon Dieu, faisant sans cesse mémoire de toi dans mes prières ».
5 Chiasme La phrase est construite en chiasme et peut être comprise de trois manières :
Nous avons retenu la formulation qui maintient l’ambiguïté.
4–7 Action de grâce : un genre littéraire antique Paul christianise l’action de grâce qui était l’un des passages fréquents de la lettre dans l’Antiquité. La plupart du temps, les actions de grâce étaient de simples formulae valetudinis (formules de bonne santé) à l’image du fameux si vales bene est ego valeo des Latins (« si tu vas bien, c’est une bonne chose, moi je vais bien »), tellement entré dans la politesse qu’on pouvait l’abréger par ses initiales : SVBEEV. Souvent amplifiée, chez Paul, l’action de grâce remplit plusieurs rôles :
1) Un rôle pragmatique de mise en évidence du lien qui unit les partenaires de la communication. Ce lien allie la mémoire, l’information auditive et surtout la prière.
2) Un rôle littéraire d’annonce des principaux thèmes de la lettre : le rôle de la communauté et celui de l’action bénéfique de Philémon.
3) Un rôle rhétorique de captatio benevolentiae de Philémon en lui rappelant les liens qui l’unissent à Paul et en le félicitant de ses bonnes actions.
4) Un rôle liturgique : Paul indique bien que le partenaire principal sous-entendu de la communication épistolaire est Dieu.
Il est probable que cette action de grâce fonctionne surtout comme une pression discrète sur Philémon : en louant sa foi et son amour, Paul le force à accomplir davantage.
4–7 Action de grâces : un genre littéraire antique Paul christianise l’action de grâce qui était l’un des passages fréquents de la lettre dans l’Antiquité. La plupart du temps, les actions de grâces étaient de simples formulae valetudinis (« formules de bonne santé ») à l’image du fameux si vales bene est ego valeo des Latins (« si tu vas bien, c’est une bonne chose, moi je vais bien »), tellement entré dans la politesse qu’on pouvait l’abréger par ses initiales SVBEEV. Souvent amplifiée, chez Paul, l’action de grâces remplit plusieurs rôles :
Il est probable que cette action de grâces fonctionne surtout comme une pression discrète sur Philémon : en louant sa foi et son amour, Paul le force à accomplir davantage.
4–7 Actions de grâces devant les dieux Les actions de grâces (Genres littéraires Phm 1,4–7) pouvaient faire explicitement référence à une prière aux dieux, à l’instar des deux textes suivants :
Paul se rapproche de ce dernier modèle et l’amplifie considérablement, pour en faire un véritable morceau de théologie.
1–21 Deuxième lecture du 23e dimanche du TO, année C
Phm 1-21 est précédé ou bien de Jr 18,1-18 ; Ps 139,1-6.13-18 ou bien de Dt 30,15-20 ; Ps 1 ; et suivi par Lc 14,25-33.
Phm 9b-10.12-17 est précédé de Sg 9,13-18b ; Ps 90,3-6.12-14.17 et suivi par Lc 14,25-33.
Le rappel à Philémon de considérer Onésime maintenant comme un frère et non plus comme son esclave prépare l’enseignement de Jésus qui invite dans l’évangile ceux qui veulent le suivre à renoncer aux biens matériels. La requête de Paul à Philémon se comprend alors comme le cas particulier d’un enseignement biblique plus général.
5ss Philémon, modèle de chrétien
5 la charité et la foi
Ce petit passage, qui fait mine d’adresser des félicitations à Philémon, brosse le portrait du chrétien idéal que Paul souhaite voir naître : il doit croire au Seigneur Jésus et venir en aide à ses frères chrétiens par amour. Le vocabulaire théologique a fait des désignations employées par Paul des vertus théologales : la foi en Jésus-Christ et la charité envers son prochain.
Il faut cependant être prudent dans l’application des catégories théologiques ultérieures à ce texte, car le chiasme du v.5 (Procédés littéraires Phm 1,5) introduit un certain flottement : faut-il se contenter de la foi en Jésus et de la charité envers ses frères ou doit-on aussi pratiquer la charité envers Jésus et la foi en ses frères ? De même, la « communion dans la foi » du v.6 ne se borne pas à croire en Jésus : c’est un commandement éthique qui invite à connaître ce qu’il y a de bon en chacun afin de le mettre au service du Christ.