Un projet du Programme de Recherches La Bible en ses traditions AISBL
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23 YHWH
Vle Seigneur donna ses ordres à Josué fils de Nun et lui dit :
— Sois fort et rempli de courage
Vferme et courageux
car c’est toi qui feras entrer les enfants
Vfils d’Israël dans le pays
Vla terre que je leur ai promis
Vpromise par serment et Vmoi je serai avec toi.
23 ...
24 Lorsque Moïse eut complètement achevé d’écrire dans un livre
Vvolume les paroles de cette loi
24 ...
24 Lorsque Moïse eut complètement achevé d'écrire Moïse scribe par excellence dans la tradition juive Cette attribution à Moïse non seulement du Deutéronome, mais des cinq livres qui précèdent cette mention et forment la Torah stricto sensu, est une occasion pour évoquer l'histoire du texte hébraïque des Écritures.
Quel est, en effet, le →texte originaire de la Bible ? Quel texte permet-il d’être le plus proche de la « parole de Dieu » ? Cette double question habite les lecteurs juifs comme les lecteurs chrétiens, car la Bible est pour eux la révélation d’une Parole venue de Dieu. L'opinion traditionnelle dans le judaïsme est que les Écritures forment une unité conservée dans son intégrité depuis Moïse et les prophètes dont elles transmettaient les paroles et les écrits.
Il est probable qu’un effort d’édition, et donc d’organisation minutieuse du texte qui aboutirait à la quête d’exactitude du système massorétique fixé plus tard, se mit en place au moins depuis la fin de la période hasmonéenne et la fixation d’un texte dit « protomassorétique » (cf. les attestations des manuscrits de la mer Morte, en particulier de →Qumran).
Cependant, le texte biblique hébreu aujourd'hui disponible est le résultat d’une longue transmission. Ce qu'on appelle « le texte massorétique » (abrégé en M ou TM) est l'aboutissement d'une longue chaîne de tradition : de copie en copie, les savants juifs ont tenté de préserver et de transmettre un même texte. C'est seulement au Moyen Âge que des savants exégètes, les « massorètes », ont terminé la fixation du texte hébreu pour transmettre le texte le plus pur possible. Mais à Paris encore à l'époque où Thomas d'Aquin y enseigne (milieu du 13e s.), le correctoire de Saint-Jacques atteste de la consultation de mss hébreux divers : anticui hebrei et novi hebrei (cf. →, 201-202). 1999
Massorah signifie en hébreu « chaîne » ou « tradition ». C'est le résultat d’un effort pour fixer le texte hébreu, et le transmettre dans la forme la plus juste possible, indemne de toute erreur de copiste. Il vise sa préservation exacte en matière d’orthographe, de vocalisation, d’accentuation, et cherche à le rendre plus compréhensible. Le texte massorétique, abrégé « M », est la version du texte biblique qui fait autorité dans le judaïsme.
Les massorètes, ou « Seigneurs de la Tradition » (ba'alé hamasorah) ont transmis le texte hébreu dans sa version considérée aujourd’hui comme canonique. Réunis en écoles de scribes et de docteurs de la Bible, ils étaient des savants juifs formés aux règles de vocalisation, de déclamation et de cantillation du texte hébreu. Ils ont œuvré entre les 7e et 11e s., principalement en Palestine mais également en Babylonie. C'est la tradition massorétique palestinienne, plus précisément celle de Tibériade, qui s'imposa peu à peu.
Deux noms majeurs,
et , figurent parmi les principaux massorètes basés à Tibériade. Chacun produisit un codex standard de la Bible, représentatif de la tradition de son école. Toutefois, les différences qui pouvaient exister entre leurs deux écoles rivales restent minimes par rapport à leur opposition avec d’autres autorités massorétiques. est le dernier représentant d’une famille de massorètes. Son codex est devenu le texte standard de la Bible hébraïque. On en a deux traces :Le Codex d'Alep est un manuscrit médiéval de la Bible hébraïque (Tanakh), associé au rabbin Aaron Ben Asher. Il se présente sous forme de codex, non de volumen, et contient les points de voyelle et les accents (nikkudot) qui précisent la prononciation des anciennes lettres hébraïques afin de préserver la tradition du chant. Il s'agit peut-être du manuscrit hébreu le plus important historiquement qui subsiste. Sur cette page, présentant un texte du Deutéronome, apparaissent de nombreuses notes de la « petite massore »et de la « grande massore » (cf. ci-dessous, section 2).
Le travail des massorètes répondait à trois nécessités principales.
Le texte biblique a été transmis par des copies successives de textes issus d’un ou plusieurs originaux qui servaient de modèles et qui se diffusaient depuis un centre, Jérusalem. Les grandes bibliothèques de la région pouvaient ainsi se procurer des copies partielles ou totales du texte biblique. Cependant, d’un copiste à l’autre, les versions variaient, de manière volontaire ou non. Pour disposé d'un texte faisant autorité, et donc relativement unifié on réalisa un immense travail d’unification et de fixation du texte hébreu, en imposant des règles pour la copie et la lecture, en s’appuyant sur ce que l’Antiquité avait transmis.
L'hébreu est une langue consonantique, c'est-à-dire qu'elle ne s'écrit qu'avec des consonnes, comme d'autres langues sémitiques. On considère généralement que les mots hébreux sont structurés autour d'un radical de trois consonnes, des racines trilitères. Tant que l'hébreu fut couramment parlé, la lecture et la compréhension étaient plutôt aisées puisque le lecteur assimilait tout de suite le sens du texte selon les contextes et les usages. La difficulté survint à l'époque où l'araméen concurrença voire supplanta l'hébreu dans la vie quotidienne.
L’absence de voyelles rend la compréhension du texte plus difficile, car plusieurs vocalisations sont parfois possibles, entraînant des compréhensions différentes. Cette difficulté a donc été en partie résolue par la vocalisation du texte, mais elle favorise en même temps une plus grande variété d’interprétation du texte, constituant ainsi une grande richesse pour l’étude. L’utilisation de matres lectionis (mères de lecture) puis l’introduction de la vocalisation dite « massorétique » ont permis de résoudre ces difficultés.
Un travail important a consisté à joindre au texte des annotations en araméen. Elle se veulent descriptives plus que correctives, l'idéal massorétique étant de ne pas modifier une lettre dans les textes traditionnellement véhicules de la parole de Dieu. Les annotations se présentent de la manière suivante :
La massore finale (massora finalis) apparaît à la fin de chaque livre. Il s'agit de statistiques qui indiquent le nombre de mots présents dans le livre, ainsi que le mot, le verset et même la lettre du milieu du livre. Les massorètes indiquent jusqu'au nombre de fois qu'une lettre ou une expression particulière est employée dans le livre. Ils cherchent presque systématiquement le verset, le mot, la lettre qui est au centre mathématique du livre. Par exemple : à la fin de la Genèse une note récapitule le nombre de versets : 1534. Pour le livre de l'Exode une note indique : « Somme des versets du livre : 1209 ; moitié du livre : 'Tu ne blasphémeras pas Dieu' (Ex 22,27) ; somme des sedarim [division du texte] : 33 ». À la fin du Deutéronome, fin de toute la Tora ou Pentateuque apparaît : « Somme des versets de la Tora : 5 845 ; somme des mots de la Tora : 79 856 ; somme des lettres de la Tora : 400 945 ».
Le texte hébreu était écrit en continu, sans interruption. Les massorètes ont introduit des divisions à l'intérieur des livres selon une unité appelée parasha , pl. : parashiot (équivalent du français péricope, unité de lecture pour le service liturgique). Une parasha correspond plus ou moins à une nouvelle unité de narration dans le texte.
C’est à Moïse
(1138-1204), philosophe et médecin juif de la communauté d’Égypte, commentateur de la Mishna, que l'on doit la réglementation définitive de la division du texte massorétique. Elle s’appuie sur le codex d’Alep, et peut varier par rapport au codex de Leningrad. La tradition rapporte cependant que cette division de la Tora en sections remonte au retour de captivité, au scribe Esdras.Divers « accents » règlent la longueur des pauses à respecter entre les mots, le milieu du verset, lors de la lecture orale du texte, ce sont les te’amim. Il y en a de deux sortes :
D’autres signes diactriques indiquent : le rythme et les motifs musicaux à suivre, l’élévation de la voix et la position de l’accent tonique dans les mots, les vocalises et la mélodie; le système de cantillation varie entre les textes prosaïques et les textes poétiques.
On appelle matres lectionis (« mères de/pour la lecture ») des consonnes utilisées, dès l'Antiquité, comme supports vocaliques pour faciliter la lecture.
Elle ne suffisaient donc pas à écarter toute ambiguïté. C'est pourquoi les massorètes entre le 7e et le 8e s., introduisent systématiquement des signes et des points — les nequoudôt — indiquant les voyelles, au-dessus et en-dessous des consonnes. Soit le premier verset de la Tora :
La première ligne présente la version consonantique du texte massorétique, sans les voyelles, version utilisée dans le culte synagogal. Sa translittération serait :
La seconde présente le même verset se trouve vocalisé et cantilé. Les voyelles sont représentées par les points. La prononciation doit être la suivante :
Pour préserver l'intégrité du texte sacré, les massorètes ne touchent jamais à sa rédaction même lorsqu'ils pensent que le texte est altéré ou l'interprétation proposée mauvaise. Pour remédier à cela, ils usent d'un système de petits signes et d'annotations marginales pour orienter la lecture. Voici les principaux.
Les massorètes inscrivent sebir en marge lorsqu'ils supposent que le texte est erroné (erreurs grammaticales, orthographiques, …)
Ce sont les corrections des scribes effectuées sur le texte. Ces corrections des scribes (en quelque sorte les ancêtres des massorètes) sont au nombre de 18. Ce sont des corrections réparatrices pour préserver l'honneur de Dieu et sa majesté divine. Les massorètes indiquent la correction. Par exemple :
Le travail de vocalisation a pu rencontrer des difficultés quand les voyelles indiquées ne correspondaient pas aux consonnes du texte. Les massorètes ont appliqué la procédure du Ketiv welo Qere (un mot écrit mais non lu) et du Qere wela Ketiv (un mot lu mais non écrit). Ne voulant pas modifier le texte, les massorètes ont
Les ketiv – qeré sont de différentes natures : variantes orthographiques, variantes textuelles (un infinitif absolu remplacé par un participe) ou euphémismes pour adoucir un texte trop vulgaire (Cf. →Traduction des passages « graveleux »).
Il existe des « qeré perpétuels », c'est-à-dire des mots à toujours lire de manière différente du texte consonantique. Ils ne sont pas notés dans les marges.
Le travail des massorètes ne fut donc pas seulement philologique : en fixant la prononciation, c'est aussi LE sens véritable qu'ils cherchaient à fixer : autant dire que le texte massorétique est, comme toute éminente version des Écritures inspirées, une interprétation de la révélation.
Si les manuscrits massorétiques se comptent par milliers, ils varient cependant assez peu, qu'il s'agisse de l'écriture consonantique, de la vocalisation ou de l'accentuation. L’histoire du texte hébraïque de la Bible telle que les grandes découvertes du 20e s. ont permis de l'affiner, révèle l'existence de diverses versions hébraïques dans l'Antiquité, correspondant à la diversité du judaïsme « des partis », ou des →« Écoles » de l'époque dite « du Second Temple », tout en permettent d’envisager la réalité d’une source unique à la formation du texte massorétique.
Les chercheurs ont comparé les textes retrouvés sur le site de Qumrân et dans le désert de Juda avec le codex de Leningrad. Ce travail a permis de diviser les textes du désert de Juda en deux catégories, ceux qu’on peut dire « identiques » à M, et ceux qui ne lui sont que « semblables ».
Les manuscrits massorétiques du désert de Juda semblent s’appuyer sur l’existence d’un unique exemplaire des rouleaux de la Tora, qui devait être conservé dans le Temple, jusqu’en 70 après J.-C. ; le modèle institué au Temple servit pour les exemplaires corrigés qui ont ensuite circulé dans la région. L'autorité de cette version aura encore été renforcée dans les générations postérieures par l'adoption et la préservation soigneuse d'un texte-type au moment de la destruction du Temple en 70 et de la révolte de Bar Kokhba en 135.
Pour diverses raisons, tenant sans doute aux croyances propres à ceux qui les transmirent, et à leurs divergences avec la hiérocratie de Jérusalem quant à l'autorité ultime en matière de religion, les manuscrits retrouvés à Qumrân n’ont pas suivi cet exemplaire corrigé.