La Bible en ses Traditions

Résurrection de Jésus comme fait historique

Depuis les origines du christianisme, l'affirmation que le Christ est ressuscité fait l'objet de doutes (Mt 28,17 ; Lc 24,11) et de tentatives d'explications alternatives : l'Évangile selon Mt en donne une, attribuée à ceux des Juifs qui ne croient pas en Jésus (Mt 28,13), qui fut diversement reprise par les philosophes platoniciens antichrétiens comme Celse, Porphyre, Julien, jusqu'aux modernes comme Hermann Samuel Reimarus, David Friedrich Strauss et leurs épigones journalistiques d'aujourd'hui (Repères historiques et géographiques Mt 27,62–66).

Pour défendre l'historicité de la résurrection du Christ, certains penseurs ont cru devoir multiplier les catégories au risque de dissoudre toute historicité dans l'abstraction.

Le renouveau de l'historiographie contemporaine permet heureusement de situer plus concrètement la résurrection dans l'histoire, en s'appuyant sur →les témoignages de rencontres avec le Ressuscité comme documents historiques.

La fin des quatre évangiles canoniques est intrigante : ce sont des textes énigmatiques qui racontent des rencontres de Jésus, vivant au-delà de sa mort, avec diverses personnes, surtout des femmes. Les récits semblent peu harmonisés, car les individus et les groupes qui font cette expérience ne sont pas les mêmes. Le finale de l'Évangile selon Mc a même tout l'air d'une compilation résumée des trois autres. Tandis que les rationalistes mobilisent le dossier pour réfuter le christianisme comme une illusion, les croyants y trouvent occasion d'approfondir leur foi en ce dogme central du christianisme et de la civilisation occidentale : « Si le Christ n'est pas ressuscité, vaine est donc notre prédication, vaine aussi est votre foi » (1Co 15,14). La foi dans leur propre résurrection s'enracine dans celle du Christ (Ac 26,23 ; Rm 6,5 ; etc.).

1 — Monuments et documents

Les textes primitifs sur la résurrection de Jésus ne la décrivent jamais directement. Ils l'évoquent indirectement, dans ses suites, à travers trois signes principaux.

Bref, l'historien atteint la résurrection comme « en creux », à la manière dont Thomas, l'apôtre incrédule, veut introduire son doigt dans les trous laissés par les clous (Jn 20,25.27).

2 — Historiographie : la résurrection de Jésus dans le cadre historiographique gréco-romain

Conformément à l'idéal de l'historiographie gréco-romaine, la résurrection de Jésus est atteinte par des témoignages contemporains (→Historiographie antique : témoignage et rhétorique).

Aucune authentification ne peut donc venir du seul examen des preuves. Les témoignages de rencontres avec Jésus ressuscité ne laissent que deux options : y assentir ou les rejeter.

3 — Épistémologie : un cas unique d'intégration de l'histoire et de la religion

La résurrection du Christ présente un cas unique d’involution réciproque de l’histoire et de la foi. Elle place l’historien dans une situation herméneutique complexe :

La résurrection, telle qu’elle se manifeste dans les témoignages qui la proclament, rend floue la frontière entre ce qui est naturel et ce qui est surnaturel.

4 — Métaphysique : un fait transhistorique aux effets historiques

Telle qu'elle se donne dans les témoignages, la résurrection est en elle-même transhistorique (c'est un acte de Dieu, dans son éternité), avec des répercussions dans l'histoire (sous forme de signes divers, depuis le tombeau vide).

La résurrection est réelle et, en même temps, elle ne peut pas être un fait historique comme un autre :

Conclusion

Pour le rationalisme moderne, à l'aune d'une définition étroite du « fait historique » comme événement documenté par au moins deux sources fiables de natures différentes et les plus anciennes possibles, le fondement de toute la foi chrétienne qu'est la résurrection pose un problème de crédibilité — problème relatif, cependant, si l'on prend conscience du fait que selon un tel critère, 98% de notre existence quotidienne échappe à l'histoire (le fait que vous êtes en train de lire ceci, par exemple, qui pourra l'attester par deux sources documentaires différentes dans une semaine ?). On peut cependant dire que la résurrection du Christ a un véritable ancrage dans l'histoire, bien qu'elle ne soit pas un fait historique parmi d'autres prouvable par des sources matérielles diverses : c'est un événement historique en tant que terme atteint par la réflexion prolongeant les constats de l’historien.

Il faut distinguer événement réel et événement historique, historialité et historicité : les expériences des témoins des apparitions relèvent de l’histoire (→Sept propositions sur les témoignages de rencontres avec le Ressuscité comme documents historiques) ; ils constituent non des preuves mais des traces, des signes. Les témoignages ne suppriment en aucun cas la nécessité de la foi.