La Bible en ses Traditions

GLOSSA, ou Glose

La glose est peut-être le →commentaire le plus typiquement chrétien des Écritures. Son actualité est bien illustrée par le programme de recherches glossae.net→. Associer au texte de la Bible chrétienne des passages significatifs de sa tradition exégétique est une pratique apparue dans l’Occident latin dès la fin de l’ère patristique. Elle a des ressemblances extérieures avec la disposition typographique du Talmud que nous connaissons aujourd’hui, qui est plus tardive, et avec celle des gloses grammaticales de l’Antiquité classique. 

Une origine monastique et mystique

A partir du 7e s., des moines irlandais commencèrent à inscrire de brèves explications en exergue des psaumes du Psautier qu’ils priaient intégralement au quotidien. Extraits de commentaires par Jérôme, Augustin ou Cassiodore, elles exploraient l’énonciation psalmique pour l’étendre à l’ensemble du corps mystique, depuis la prière de Jésus-Christ lui-même jusqu’à celle des membres souffrant ou exultant du corps mystique actuel : les sentiments jadis exprimés par un poète d’Israël devenaient, par la grâce de l’incarnation du Verbe, potentiellement ceux de quiconque, dans l’histoire, lui appartient (Ph 2,5).

Une continuation pédagogique

A partir de la réforme du clergé du 11e s. puis de l’installation des écoles au siècle suivant, cette manière de faire fut étendue à toute la bible et pas seulement au Psautier, et l’on puisa dans l’ensemble de la littérature chrétienne autorisée. L'art de la glose ne visait plus seulement l’appropriation mystique de l’Écriture, mais plus généralement son intelligence, l’Écriture devenant le point de reconcentration, de tri et de synthèse de toute la tradition de sagesse herméneutique occidentale. Il forma un corpus en plusieurs volumes, transmis aux Ecoles, qui en faisaient une base de leur étude, commentaient les commentaires, et développaient le genre littéraire.

La succession des œuvres

La glose ordinaire, ou « petite glose »
La glose moyenne
La Magna glossatura ou « grande glose »
Les Postillae
Les chaînes ou Catenae

Pierre Lombard avait recomposé une glose sur le Psautier et les épîtres de saint Paul, les deux principaux livres bibliques commentés dans les écoles du 12e s. Le recentrement de l'enseignement théologique sur les évangiles conduit Thomas d'Aquin a composer à son tour une glose des évangiles qui se caractérise par une mise en sentence des passages patristiques retenus. Précurseur de la seconde école exégétique dominicaine, il présenta  à l’Occident latin de nombreux textes patristiques grecs, et les actes des cinq premiers conciles œcuméniques, alors oubliés.

Les postilles de Nicolas de Lyre

au 14e s., se distinguent par le recourt novateur et massif à la tradition hébraïque et spécialement talmudique. Ses manuscrits ne reproduisent pas le texte biblique intégral. Nicolas de Lyre fut assez peu lu avant l’imprimerie. Les marges des énormes in folios consultables en France et en Italie sont vides, contrairement à celles des manuscrits bibliques glosés du 13e s. commentés dans les écoles. Pierre Lombard, jugé plus sûr, lui fut préféré jusqu’au 16e s.

Les principes herméneutiques : le sententiarisation

Le 12e s. scolaire fut dominé par le phénomène de la sententiarisation des écrits ayant autorité dans la tradition chrétienne (Pères). 

Cette "mise en sentence" consiste principalement  à :

La glose de la Bible (principalement la Glose de Laon) les organise selon l'ordre du texte des Éritures. Les recueils de sentences (principalement celui de Pierre Lombard) les classent selon un ordre théologique ou thématique.

Conclusion : le poids de la glose dans l’histoire de la réception des Écritures

Ces divers états de la Bible ainsi mise en regard de ses traditions, furent de grands succès de l’exégèse médiévale : plus de 1000 manuscrits de Pierre Lombard sont conservés, 400 de la Catena aurea de Thomas d’Aquin, seulement une quarantaine d’Hugues de Saint-Cher. Devenues des « classiques » elles furent lues jusqu’au 16e s. mais non pas continuées. Du point de vue historique, leur influence sur la tradition interprétative des Écritures, via la prédication, la théologie, les écrits de controverses et la littérature fut beaucoup plus importante que celle des commentaires bibliques d’auteurs, souvent très mal diffusés et demeurés majoritairement inédits ; ils n’étaient que rarement destinés à une publication.