La Bible en ses Traditions

Cantique des cantiques 2,1

M V
G S

moi je suis le narcisse de Saron, le

Vune fleur des champs et un lis des vallées...

1 Saron Is 33,9 ; 35,2 ; 65,10

Contexte

Milieux de vie

1 FLORE Fleurs des champs

Fleurs des champs (côte méditerranée en Israël)

Photo : M.R. Fournier (avril 2022) © BEST AISBL

Identification

Plusieurs fois dans la Bible, il est question de l’expression « fleurs des champs » de manière générale. C’est le cas dans le Cantique des Cantiques avec le nom nitṣṣanîm (Ct 2,12) qui désigne des fleurs de printemps de couleurs vives et même rouges. À d’autres moments la Bible parle de « fleurs des champs » en insistant sur leur aspect éphémère (Ps 103,15). D’autres fois elle vante leur beauté (Lc 12,27-28 ; Mt 6,28-30). 

Voici plusieurs fleurs des champs rencontrées en Israël qui peuvent illustrer cette expression.

Anémone coronaire

Anémone (Israël)

Photo : M.R. Fournier (avril 2022) © BEST AISBL

Identification 

En raison de sa beauté et de sa couleur éclatante, l’anémone couronnée est considérée par plusieurs spécialistes comme étant le « lis des champs » qui surpasse Salomon dans toute sa gloire. Cette fleur se trouve presque partout en Israël et Cisjordanie au printemps et elle est admirée par tous. Elle est abondante sur le mont des Oliviers, les plaines et les bords du lac de Tibériade (les kalānîôt en hébreu).

Classification
  • Famille : ranunculaceae
  • Genre : anemone
  • Espèce : coronaria
Localisation

Cette fleur est très présente sur tout le bassin méditerranéen. Elle se développe surtout dans les pâturages et les oliveraies.

Description
  • Plante vivace de 20 à 40 cm de haut.
  • Feuilles caduques très découpées.
  • Fleur hermaphrodite terminale et solitaire, de couleur variable mais le plus souvent rouge ou jaune. Elle a 6 pétales. Une sphère de carpelles entourée d’étamines se trouve au centre de la fleur.

La floraison a lieu au printemps (janvier à avril) et parfois au début de l’automne. La fleur se referme la nuit.

Usage
 Médical

Les anémones sont toxiques mais dans l’Antiquité les Égyptiens et les Romains leur attribuaient des vertus médicinales : ils entouraient les bras et le cou d’un malade d’anémones pour le guérir.

Ranonculus asiaticus

Un renoncule de Perse dans la région de Nataf

Photo : Superjuif (mars 2013) © CC BY-SA 3.0→

Identification 

La renoncule persane que l’on trouve aussi dans les terres du Levant, est une fleur très proche de l’anémone couronnée et est parfois confondue avec elle. Elle fait partie de ces fleurs des champs que les auditeurs de Jésus avaient l’habitude de voir.

Classification
  • Famille : ranunculaceae
  • Genre : ranunculus
  • Espèce : asiaticus
Localisation 

Originaire de la région méditerranéenne orientale, d’Asie Mineure. Elle fut introduite en France par les Croisés de Saint Louis qui la rapportèrent de Terre Sainte.

Description
  • Plante herbacée vivace.
  • Tige simple ou ramifiée de 40 cm environ.
  • Feuilles trilobées duveteuses ou poilues.
  • Plusieurs fleurs de 3 à 5 cm de diamètre peuvent pousser sur les tiges. Elles sont de couleur rouge, rose, jaune ou blanche et se referment la nuit. Dans sa forme simple, la renoncule persane a 5 pétales. La forme à fleurs doubles, hybride est commercialisée par les fleuristes. 

Papaver subpiriforme

 Coquelicots (Israël)

Photo : M.R. Fournier (mai 2022) © BEST AISBL

Identification

Le coquelicot d’Israël, espèce très proche des coquelicots d’Europe (papaver rhoeas) est aussi très présent en Galilée et Judée, en bordure de route, dans les terrains vagues, les jardins. D’un rouge qui se rapproche de l’anémone et de la renoncule, il est parfois difficile de les différencier.

Classification
  • Famille : papaveraceae
  • Genre : papaver
  • Espèce : umbonatum

Localisation originaire de Palestine, Liban, Syrie et Turquie. On les rencontre en Israël dans les régions cultivées du Nord.

Description
  • Plante annuelle ramifiée de 15 à 40 cm de haut.
  • Tige fine, couverte de poils.
  • Feuilles finement découpées à la base de la tige.
  • Grandes fleurs terminales à 2 sépales libres qui se détachent à l’éclosion de la fleur ; 4 pétales rouges qui ont la texture d’un papier de soie froissé. La base des pétales a des taches noires.
  • Fruit sphérique et pileux qui contient de nombreuses graines.

Floraison de mars à mai (un peu plus tardif que l’anémone). La vie d’un coquelicot est très courte (2 à 3 jours).

Tulipa agenensis (subsp. sharonensis)

 Tulipa Sharonensis

Photo : Zachi Evenor (mars 2015)  © CC BY 2.0→

Identification

La tulipe de Sharon est l’une des espèces retenues par les botanistes pour être la rose de Sharon. Elle correspondrait mieux encore que la tulipe montana car elle pousse dans les endroits sablonneux de la plaine côtière de Sharon.

Le nom tulipe dérive du mot persan « thuliban » qui signifie « turban ».

Classification
  • Famille : liliaceae
  • Genre : tulipa
  • Espèce : agenensis
Localisation

Tulipe originaire de l’est de la méditerranée. Elle pousse dans les maquis et forêts méditerranéennes, le long de la plaine côtière entre la Syrie et Israël. Ses tulipes ont été introduites en Europe au 16es (surtout en Hollande, au Pays-Bas).

Description
  • Tige glabre d’environ 40 cm.  
  • Feuilles rosettes, lancéolées d’environ 25 cm de long.
  • Fleur rouge écarlate avec au centre une tache noire pointue à marge jaune. Les tépales externes sont plus longs et pointus que les tépales internes. Elles fleurissent en mars.
  •   La tulipa agenensis subsp. Sharonensis a une tige un peu plus petite (20-25 cm) et des feuilles et des fleurs plus petites également. Ses tépales sont jaunâtres sur la face inférieure. Elle pousse uniquement sur les sols sableux.
Symbolique
Amour

La tulipe par sa couleur rouge intense et sa base noire évoque le feu et le charbon et donc aussi la flamme de l’amour. En Perse, l’amant donnait une tulipe cramoisie à celle qu’il aimait pour symboliser la flamme qui consume son cœur.

Tulipa montana

Tulipa montana Lindl

Photo : N. Paresseux © CC BY-NC 3.0→

Identification 

La rose de Sharon, difficile à identifier précisément, pourrait être la tulipa montana (cf. recherches du Dr Ephraim Ha-Reubeni).

Classification
  • Famille : liliaceae
  • Genre : tulipa
  • Espèce : montana
Localisation

Cette espèce de tulipe est originaire des montagnes d’Iran et du Turkménistan. On la trouve en Irak, autour de la mer Caspienne, en Syrie et Liban.

Description
  • Bulbe vivace de 15 cm de haut.
  • Feuilles glauques
  • Fleurs en forme de coupe de couleur rouge intense avec à l’intérieur une tache noire et des anthères jaunes.

Anthemis palaestina (ou camomille d’Israël)

Camomille (Israël)

Photo : M.R. Fournier (avril 2023) © BEST AISBL

Classification
  • Famille : asteraceae
  • Genre : anthemis
  • Espèce : palaestina
Localisation

Originaire de la région méditerranéenne. On retrouve cette fleur en Israël et Palestine (Golan, Hermon, Galilée, côte, vallée du Jourdain, Carmel, Samarie, désert, montagnes de Judée, Néguev).

Description
  • Herbe annuelle aromatique.
  • Feuilles glabres coupées et pennées en lobes étroits.
  • Capitules radiées de fleurons blancs autour d’un disque de fleurons tubulés jaunes.

Chrysanthemum coronarium (glebionis coronaria)

 Glebionis coronaria

Photo : M.R. Fournier (avril 2022) © BEST AISBL

Identification 

Le chrysanthème couronné appelé aussi marguerite dorée en raison de sa couleur jaune or et que l’on retrouve en Galilée peut, elle aussi, faire concurrence à Salomon par sa magnificence. 

Classification
  • Famille : asteraceae
  • Genre : glebionis
  • Espèce : coronaria
Localisation 

Originaire du pourtour méditerranéen, cette plante se rencontre au bord des routes, dans les ruines, les terrains calcaires d’Afrique du Nord, d’Israël et d’Europe du Sud.

Description 
  • Plante annuelle.
  • Tige dressée de 15 à cm à 1 m de haut.
  • Feuilles alternes, bipennées qui se plient la nuit et se redressent le jour.
  • Capitules de 6 cm de diamètre, solitaires. Fleurs à la ligule jaune et blanche ou entièrement jaune.
  • Les fruits sont des akènes.
Usage
  • Alimentaire
  • Les feuilles sont parfois consommées crues ou cuites (en particulier en Chine et au Japon)

Cyclamen persicum

Cyclamens sauvages (Israël)

Photo : Woggly (avril 2005) © CC BY-SA 3.0 Classification→

  • Famille : primulaceae
  • Genre : cyclamen
  • Espèce : persicum
Localisation

Originaire de l’ouest de l’Asie Mineure, on en trouve en Turquie, Israël, Jordanie, au nord de l’Afrique et sur quelques îles grecques.

Description
  • Fleurs élancées odorantes blanches, roses ou rouges.
  • Bulbes arrondis (d’où leur nom qui vient de cyclos, « cercle » en grec)

Colchicum automnale

 Colchique d'automne

Photo : Meneerke fleur (sept. 2010) © CC BY-SA 3.0 →

Classification
  • Famille : liliaceae
  • Genre : colchicum
  • Espèce : autumnale
Localisation

Les colchiques poussent dans les prairies en Europe et sur le pourtour méditerranéen.

Description
  • Plante basse à corme.
  • Des fleurs solitaires terminales à 6 tépales apparaissent en automne.
  • Les feuilles et fruits (capsules ovoïdes) apparaissent au printemps.

Illustration botanique de Colchicum automnale

dans Köhler's medizinal Pflanzen de Franz Eugen Köhle1897 © Domaine public→

Usage
Médical
  • Elle était utilisée contre la goutte.
  • Les colchiques sont toxiques.
Ornemental
  • Elle a un usage décoratif.

1a narcisse de Saron FLORE Narcisse  Le mot hébreu  ḥăbaṣṣelet  présent en Ct 2,1 et en Is 35,1 est traduit par des noms assez généraux dans la Septante et la Vulgate (Ct 2,1 : anthos  et flos ; Is 35,1 : krinon  et lilium). L’étymologie du nom hébreu indique qu’il s’agit d’une plante à bulbe (bāṣāl , « oignon » Nb 11,5, hapax) ; il ne peut donc être question d’une « rose » de Saron comme cela fut souvent traduit. L’identification précise de cette plante reste difficile.

Plusieurs espèces ont été proposées :

  • Colchicum automnale
  • Cistus
  • Anemone coronia
  • Anemone fulgens
  • Colchorus olitorius 
  • Tulipa sharonensis 
  • Tulipa montana
  • Narcissus tazetta

Le narcissus tazetta est l’espèce retenue par le plus grand nombre de commentateurs.

Narcissus tazetta, Shoam Forest Park (Israël)

Photo : Zachi Evenornov, 2013 © CC-BY-2.0→

Ct 2,1 ; Is 35,1 

Classification
  • Famille : amaryllidaceae (classification APG 3) ou liliaceae
  • Genre : narcissus
  • Espèce : tazetta
Localisation

Cette plante pousse sur le pourtour méditerranéen, en Europe Centrale et au Moyen-Orient dans des zones de plaines et de garrigues. On la trouve en abondance dans la plaine de Saron.

Description
  • Plante à bulbe.
  • Tige de 20 à 60 cm qui se termine par un bouquet de fleurs odorantes.
  • Feuilles vertes, linéaires, d’environ 30 cm, à bords lisses.
  • Fleur jaune pâle ou blanche à 6 tépales qui porte en son centre une couronne jaune-orange en forme de coupe, avec 6 étamines de longueurs inégales. La floraison en Israël a lieu de décembre à mars.
  • Les fruits sont des capsules ovoïdes noires.
  • Une substance toxique est contenue dans la tige et le bulbe.

 Illustration botanique de narcissus tazetta

Flowers, Plants, and Trees from NYPL collections

Gravure d'après une aquarelle de Pierre Joseph Redouté, 1825  © Domaine public

Usage
Médical et cosmétique
  • En raison de ses propriétés adoucissantes et hydratantes, le narcisse est utilisé pour les soins capillaires et les problèmes de peau.
  • Elle a des vertus antipyrétiques et antivirales.
  • En infusion, les fleurs ont des propriétés calmantes et sédatives.
  • Cette plante est utilisée comme vomitif et purgatif (Pline Naturalis historia 21,75).
  • Avec du miel le bulbe soignait les brûlures, les plaies et les luxations (Pline Naturalis historia 21,75).
  • En parfumerie, on extrait des fleurs un solvant volatil.
Ornemental
  • La fleur est utilisée pour faire des bouquets.
Symbolique
Beauté, égoïsme, amour-propre
  • Ovide Metamorphoses 3 rapporte le mythe de Narcisse, un jeune homme d’une grande beauté qui, un jour en s’abreuvant, vit son reflet dans l’eau et, tombant amoureux de sa propre image, en mourut. À l’endroit où l’on retrouva son corps, des fleurs de narcisses avaient poussé.

1b FLORE Lis 

 Lis blanc (lilium candidum), Wadi Kelach, Mont Carmel, Israël

Photo : Zachi Evenor (mai 2015) © CC-BY-2.0→

1R 7,19.22.26 ; 2Ch 4,5 ; Ps 45,1 ; Ps 60,1 ;Ct 2,1.2.16 ; 4,5 ; 5,13 ; 6,2-4 ; Si 39,14 ; 50,8 Os 14,6 ; Mt 6,28-30 ; Lc 12,27-28

Identification

Le mot hébreu « šûšan » traduit le plus souvent par « lis » en francais, pourrait désigner des fleurs d’espèces variées. D’après la Bible, cette plante pousse dans les vallées (Ct 2,1), les prairies (Ct 2,16 ; 6,3), les champs (Ct 4,5), les jardins (Ct 6,2), près des eaux (Si 50,8) et même au milieu des épines (Ct 2,2). Elle donne des fleurs magnifiques, de parures royales (Mt 6,28-30 ; Lc 12,27-28) qui ont  la forme de coupes (2Ch 4,5) et exhalent un merveilleux parfum (Si 39,14). Ces fleurs poussent en abondance (Os 14,6).

Il est possible que les diverses mentions bibliques du « lis » fassent référence à plusieurs espèces de fleurs car aucune espèce ne possède toutes ces caractéristiques à la fois. Les botanistes et commentateurs de la Bible ont donné de nombreuses possibilités :

  • Lilium candidum 
  • Hyacinthus orientalis
  • Lilium chalcedonicum 
  • Anemone coronaria
  • Anthemis palaestina
  • Pancratium maritinum
  • Urginea maritima
  • Ixiolirion tataricum
  • Nymphaea lotus
  • Iris pseudacorus
  • Cyclamen persicum
  • Asphodelus
  • Gladiolus

Le lis de la Madone (lilium candidum) tient une place importante dans cette liste puisqu’il est l’espèce appelée  communément « lis » aujourd'hui (« šûšan » en hébreu moderne) et qu’il est chargé de toute la symbolique du lis biblique.

 Illustration de Lilium Candidum, (aquarelle, Pierre Joseph Redouté, 1805)

 Photo : rawpixel © CC-BY-SA-4.0 →

Classification
  • Famille : liliaceae
  • Genre : lilium
  • Espèce : candidum
Localisation

Cette plante, originaire des Balkans et du Moyen-Orient, s’est largement répandue en Europe, en Afrique du Nord et en Amérique (Mexique). Elle est cultivée depuis plus de 3000 ans. Elle pousse encore aujourd’hui à l’état sauvage sur les collines de Galilée et sur le Mont Carmel.

Description
  • Plante à bulbe vivace.
  • Tige entre 1 et 2 m de hauteur qui pousse au printemps.
  • Plusieurs grandes fleurs à 6 pétales d’une grande blancheur poussent à l’extrémité de chaque tige. Elles dégagent une odeur suave.
  • Feuilles vertes brillantes, elliptiques, lancéolées. Tandis que la plupart des lis perdent leurs feuilles en hiver, cette espèce garde à sa base une rosette de petites feuilles.
Usage
Cosmétique
Ornemental
  • Les lis sont utilisés pour confectionner des bouquets.
  • Ils sont utilisés comme motifs architecturaux et sont représentés sur de nombreux tableaux pour leur symbolique. On les retrouve sur des bas-reliefs assyriens.
Histoires
  • Selon une légende, l'apôtre Thomas, ne croyant pas aux rumeurs qu'il avait entendues sur la résurrection de la Bienheureuse Vierge Marie, fit ouvrir son tombeau. À l'intérieur, au lieu de son corps, il trouva le tombeau rempli de lis et de roses.
  • D'après la mythologie grecque, le lis serait né d’une goutte de lait tombée du sein d’Héra allaitant Héraclès.
Symbolique
Pureté, virginité, amour pur
  • L’extrême blancheur du lis en a fait le symbole de la pureté.
  • En raison de sa beauté et de la parure somptueuse dont Dieu l’a dotée (Lc 12,27-28) cette fleur est devenue le symbole de l’élection divine et donc de l’amour.
Sainteté
  • Le lis exhale un parfum agréable qui est symbole de l’odeur de sainteté (Si 50,8-9).
  • Il est, dans l’iconographie, l’attribut de nombreux saints : la Vierge Marie, saint Joseph , saint Bernard, saint Dominique, sainte Claire, saint Louis, sainte Catherine de Sienne, saint Antoine de Padoue...
Royauté
  • Jésus présente la fleur de lis comme une parure plus belle encore que celle du roi Salomon (Mt 6,28-30 ; Lc 12,27-28).
  • La fleur de lis (qui représente plutôt un iris) fut prise comme emblème par les rois de France.
La Vierge Marie

Les peintres au Moyen-Âge représentaient la Vierge avec un lis. En raison de cette association,  le nom de « lis de la Madone » a été donné à cette espèce de lilium.

Comme le lis, Marie est :

  • choisie entre toutes, par Dieu ;
  • pleine de grâce, immaculée ;
  • vierge ;
  • de dignité royale (Lc 12,27-28) ;
  • elle exhale le parfum divin de la sainteté (Si 50,8-9).

Réception

Liturgie

1–17 LITURGIE JUIVE Un chant pascal Le Cantique est lu après la amida durant la semaine de Pessach. Le choix serait motivé par la mention des chars de Pharaon en Ct 1,9 où l'on voit une allusion à l'Exode. 

Traditionnel, Megillat Shir HaShirim, c. 2  lu par Abraham Shmuelof (1913-1994), Maison Saint-Isaïe des Dominicains, Jérusalem, années 1970,

Audio Scriptures International (numérisation) ; Mechon Mamre→ (mise en ligne), © Sœurs du Carmel (enregistrements originaux)

Abraham Shmuelof né en 1913 dans le quartier Meah Shearim de Jérusalem, dernier de seize enfants dans une grande famille juive ultraorthodoxe de Bucharan qui avait émigré de Perse à la fin du 19e siècle devint une figure légendaire à Jérusalem, passant du statut de juif ultraorthodoxe au catholicisme romain, moine trappiste, bénédictin, retournant aux trappistes et enfin servant dans l'Église gréco-catholique de Galilée. Dans les années 1970, il trouva sa place à « La Maison Saint-Isaïe » fondée à Jérusalem par les Dominicains français, où il collabora au développement d'une liturgie catholique hébréophone avec le P. Jacques Fontaine. C'est à cette époque qu'il se chargea de la tâche d'enregistrer l'intégralité du Tanakh en hébreu.

Philosophie

1,1–8,15 Le Cantique comme symbole de la révélation Rosenzweig Stern (p. 235-242) interprète le caractère dialogal du Ct comme une instance de la structure dialogale de la révélation elle-même.  

  • Une première partie, intitulée « création », décrit une relation non personnelle, en 3e pers. et au passé, entre Dieu et le monde.
  • Au cœur de l'ouvrage, Rosenzweig fait de son commentaire du Ct le fil conducteur de la présentation de ce qu'il appelle « La révélation », c'est-à-dire le passage au « tu » et au présent et ainsi à l'avènement d'une relation personnelle entre Dieu et l'homme. Tout le Ct est un dialogue (à l'exception de Ct 8,6) : il ne dit pas que la révélation est dialogale, il le montre en étant lui-même dialogue et étant presque uniquement cela.

Révélation performée : importance du dialogue

La révélation n'est donc pas pour Rosenzweig la communication d'un ensemble d'informations sur Dieu, mais la naissance d'une relation entre Dieu et l'homme. Le Ct est pur dialogue — sans jamais de passage à la 3e pers. — et histoire au présent. Ces deux caractéristiques sont le fondement de la révélation : le dialogue et le présent.

Il ne s'agit donc plus de parler de la relation entre Dieu et l'homme, comme les prophètes qui décrivaient cette relation à l'aide de la métaphore des noces, mais de faire parler cette relation elle-même.

Révélation lyrique : importance de la subjectivité

Le discours du Ct est donc tout entier porté par la subjectivité.

  • Cela se manifeste par l'importance du « je » sous la forme du je-marqué (’ănî en héb.). Le Ct est le texte biblique qui utilise, proportionnellement à sa taille, le plus ce « je », après le livre du Qo (fréquence de 6,03 emplois pour 1000 mots en Ct, et de 6,50 en Qo).
  • Cela se remarque aussi au fait que les premiers mots du Ct expriment une comparaison : « tes amours sont meilleures que le vin » (Ct 1,2b), c'est-à-dire une appréciation subjective et non un simple constat, auquel cas un comparatif n'eût pas été nécessaire.

Dès le début du texte, la focalisation n'est pas celle d'une narration objective mais celle d'une subjectivité : les choses ne sont pas décrites pour elles-mêmes, l'enjeu est d'emblée perspectiviste. 

Critique de la réception moderne du Cantique

Rosenzweig critique les analyses modernes du Ct (à partir des 18e et 19e s.) qui ont cherché à effacer cette dimension dialogale du texte.

  • Il vise d'abord Herder et Goethe, qui ont fait du Ct un chant d'amour purement humain, prisonniers qu'ils étaient du préjugé que ce qui est humain ne peut être divin et que Dieu ne peut pas aimer. Cependant, leur tentative eut au moins le mérite de conserver cet aspect essentiel du Ct : le fait qu'il s'agisse d'un chant lyrique, de l'expression de deux subjectivités.
  • D'autres tentatives ont suivi, plus condamnables parce qu'elles ont réduit le Ct à un simple récit, narration entre plusieurs personnages : un roi, un berger, une paysanne. Dans ce dernier type d'interprétation le cœur du Ct, à savoir son caractère lyrique, est perdu et l'œuvre demeure incompréhensible.

Arts visuels

1–17 Cantique des Cantiques

Peinture espagnole du 17e s.

Le Cantique des Cantiques présente le chant de l’amour d’un homme vers sa femme. Ce chant introduit le lecteur dans le mystère de la relation d’amour qui unit deux époux. De nombreux passages de ce texte invitent à contempler l’attitude masculine face à celle qui est aimée.

Cercle de Bartolomé Estéban Murillo, Jacob et Rachel au puits  (huile sur toile, 17e s.), 9,30 x 1,492 m

Espagne, Dulwich Picture Gallery, Londres (Royaume-Uni) © Domaine public→

« Trop d’hommes sont amputés d’eux-mêmes. 'La virilité n’est plus une valeur en Occident', écrit Paul François Paoli dans La Tyrannie de la faiblesse (2010). Elle n’est pourtant pas l’agressivité, ni la dureté du cœur, encore moins la vulgarité. Mais le don de son corps et de son sang pour devenir gardien de l’épouse dans la vulnérabilité de son enfantement, pour protéger la vie fragile (...). Voilà ce qui conduit l’homme à son accomplissement, et la femme à porter la vie. On ne peut porter la vie que dans l’union au Corps d’un autre. L’homme est une force qui doit s’incliner au rang de serviteur, afin de ne jamais tomber dans la brutalité despotique de celui qui n’a jamais fait de sa puissance un service. La logique de l’amour d’un homme est eucharistique : « Maris, aimez vos femmes, comme le Christ a aimé l’Église et a donné sa vie pour elle » (Lettre de Saint Paul aux Éphésiens). »

Cette conception de la virilité semble rejoindre une citation de Simone de Beauvoir dans Le deuxième sexe (1949) : « Personne n'est plus arrogant envers les femmes, plus agressif ou méprisant, qu'un homme inquiet pour sa virilité. »

1a narcisse de Saron ou Rose de Saron : interprétation christologique et mariale Le nom de la fleur en question en hébreu est parfois traduit par « rose » au lieu de « narcisse ». Dans cette traduction de « rose » il a rejoint les Litanies de la Sainte Vierge. 

15e s.

Anonyme, Rosaire avec Vierge allaitant, (tempera sur parchemin, East Anglia England Norfolk (?), ca1480-1490), page : 11,9 × 17 cm

Ms. 101, fol. 78v, Getty Museum, Los Angeles (États-Unis) © Domaine public→

19e s.

Sainte Marie Mère des nations tenant un globe dans ses mains :

George Desvallières (1861-1950), Sainte Marie, Rose mystique, (Huile sur toile, 1887), 65,5 x 43,5 cm,

Musée Ateneum, Helsinki (Finlande) © Hannu Aaltonen.→

Première composition de la Vierge illustrant la litanie « Sainte Marie, Rose mystique ». Le visage éclairé de profil et les yeux fermés, signes de sa lumière intérieure, Marie, « comprise à la façon de ces précurseurs de la Renaissance » (Leprieur), porte avec assurance le monde dans sa main gauche et quelques roses rouges dans sa main droite. Le critique François Bournand écrit, après l’exposition des 33, à la galerie Georges-Petit, en 1887 : « Un artiste que je ne connaissais pas encore, M. Georges [sic] Desvallières, se révèle ici comme un jeune maître, il a énormément de talent, il me faut le reconnaître. C’est un primitif italien du XVe siècle, égaré en France au XIXe siècle. » (La Curiosité). Il ajoute, dans Le Blanc et le Noir : « […] Quel charme mélancolique ! Quelle puissance émotionnante dans sa “Sainte Marie, Rose mystique” ! ».

Fortement influencé par les maîtres italiens qu’il a étudiés au Louvre ou lors de ses voyages dans la Péninsule, Desvallières s’inspire de l’Allégorie de Fécamp (CR 60) ou de son Condottiere (CR 73), deux tableaux profanes de 1883, sur un fond de paysage avec un ciel dont les couleurs comptent plus intensément. L’année de son mariage, en 1890, l’artiste reprendra la même composition dans Vierge aux donateurs (CR 280), conservé au musée des Beaux-Arts de Reims. 

Musique

1–17 Le Cantique des Cantiques

Le Cantique des cantiques illustré dans un film :

Keeping Mum (Secrets de famille) (2005), Niall Johnson, Niall Johnson ; Richard Russo, Dickon Hinchlife

Licence YouTube standard→

Rowan Atkinson, alias Mr Bean et Kristin Scott Thomas, dans Secrets de famille de Niall Johnson (2006). Un homme regarde sa femme faire sa toilette tandis que le narrateur déclame un hymne composé à partir des versets du Cantique des Cantiques.

1–11 Je suis le narcisse de Saron

18e s.

William Billings (1746-1800), I am the rose of Sharon, 1778 

Ross W. Duffin (dir.), Quire Cleveland

© Licence YouTube standard→, Ct 2,1-11

Paroles

I am the Rose of Sharon and the lily of the valleys. As the Lily among the thorns, so is my Love among the Daughters. As the Apple tree, among the trees of the wood, so is my Beloved among the Sons. I sat down under his shadow with great delight, And his fruit was sweet to my taste, taste. He brought me to the Banqueting House, His Banner over me was Love. Stay me with Flagons, Comfort me with Apples, for I am sick, sick of Love. I charge you, O ye Daughters of Jerusalem, by the Roes and by the Hinds of the Field, that you stir not up nor Awake, Awake my Love till he please. The voice of my Beloved, Behold, he cometh, Leaping upon the mountains, skipping upon the Hills. My Beloved spake and said unto me: rise up, my Love, my fair one, and come away, for Lo, the Winter is past, the rain is over and gone. (Ct 2,1-11)

Compositeur

William Billings (né à Boston le 7 octobre 1746, mort dans cette même ville le 26 septembre 1800) est un compositeur américain de musique chorale, et est considéré comme le père de la musique chorale américaine. À l'origine tanneur de métier et autodidacte, Billings a créé ce qui est maintenant reconnu comme un style spécifiquement américain de la musique vocale.