Un projet du Programme de Recherches La Bible en ses traditions AISBL
Dirigé par l’École Biblique et Archéologique Française de Jérusalem
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3 Parut
VSe fit voir aussi un autre signe dans le ciel
et voici, un grand dragon rouge
Vroux
Sde feu ayant sept têtes et dix cornes
et sur ses têtes sept diadèmes
1–18 Grand signe et combats au ciel La vision de la femme se présente comme un présage (semeion), un symbole à comprendre plus que comme la manifestation d'un être céleste spécifique.
La vision se divise en deux mouvements :
Une séquence d’épisodes aussi grandioses ne pouvait que retenir l’attention des artistes, qui n’ont jamais cessé de les représenter dans des œuvres souvent spectaculaires témoignant à la fois de la riche imagerie du texte et des interprétations qu’en faisaient leurs époques. Arts visuels Ap 12,1–18
Dans la réception chrétienne, ce passage hautement symbolique (Genres littéraires Ap 12,1–18) a donné lieu à deux grands types d’interprétation :
1–18 Hypotypose, métonymie, synecdoque pour faire entrer au cœur de l’action surnaturelle Les deux occurrences du verbe « apparaître » (v.1a.3a) soulignent combien le voyant entre dans le cœur du mystère divin, des causes de l’histoire du monde : la femme et son enfantement messianique ; le dragon et son hostilité ; l’enfant, Christ vainqueur. L’amplification est rendue plus sensible grâce au cadre céleste de la vision et à sa dimension cosmique (la queue du dragon traîne le tiers des étoiles, v.4a). Les oppositions aspectuelles entre procès non limités (v.2 « crie », v.4a « traînait », v.4b « nourisse », …) et événements (v.1a « apparut », v.4b « jeta », v.5a « enfanta », …) ; le contraste chromatique entre l’éclat solaire de la femme et la robe rouge du dragon ; la métonymie à valeur méliorative désignant la femme grâce à sa couronne, à sa domination sur la lune et à son manteau ; la synecdoque dépréciative à propos du dragon, avec la monstruosité des sept têtes, soulignent le drame qui se joue.
1–18 Contrastes La dimension visionnaire du passage contraste avec l'accent placé par l'évangile de Jean sur l'écoute plutôt que sur la vision, cependant que l'emboîtement symbolique des personnages dans la femme en rappelle une constante littéraire.
Les deux occurrences du verbe « apparaître » (v.1a.3a) soulignent combien le voyant entre dans le cœur du mystère divin, des causes de l’histoire du monde : la femme et son enfantement messianique ; le dragon et son hostilité ; l’enfant, Christ vainqueur.
L'emboitement des personnages ou actants symbolisés par la Femme ressemble à celui qu'on trouve dans l'évangile de Jean : le prophète/le baptiste/l’évangéliste...
1a.3a.7a dans le ciel Anaphore Le recours à l’anaphore confère au récit sa force incantatoire (voir l’emploi des conjonctions kai « et »). À la vertu expressive de cette figure s’ajoute son effet amplificateur, caractéristique du style prophétique.
1a.3b.9a.10a.12b.14a grand + forte — Polyptote Les six occurrences de l’adjectif megas (« grand », « fort ») soulignent la violence de l’opposition entre la puissance des forces du mal et la toute-puissance de Dieu.
1–18 Genre apocalyptique Littérature de résistance, la littérature apocalyptique doit nourrir la solidarité de la communauté contre une culture hostile ; ici c'est l'espérance de la communauté qui est relevée par l’hymne de louange (Ap 12,10-12) et le récit de la chute de Satan et de ses coreligionnaires. En conséquence, le recours à un langage symbolique est aux antipodes d’un discours abscons réservé à quelques initiés.
Nourris aux Écritures juives, lecteurs et auditeurs du 1er s. savent interpréter le septénaire (v.3bc) ou l’indication concernant la durée du temps de la persécution (v.6b.14c ; Tradition chrétienne passim ; Procédés littéraires Ap 12,6b).
Les figures et représentations symboliques qui animent ce tableau céleste leur sont également familières, qu’il s’agisse du dragon comme symbole du Mal (Intertextualité biblique Ap 12,3b dragon), des contrastes chromatiques entre l’enveloppe solaire de la femme et la robe rouge du monstre polycéphale, ou de l’opposition entre le ciel et la terre. Un tel langage symbolique souligne l’intensité et la gravité du combat spirituel engagé et éveille le destinataire aux réalités d’en haut.
3b sept têtes et dix cornes Zoologie fantaisiste Les animaux polycéphales sont déjà présents dans Dn (un léopard à quatre têtes et une bête à dix cornes en Dn 7,6-7). Là aussi (Intertextualité biblique Ap 12,3b dragon), les têtes et les cornes représentent le pouvoir et la domination.
3b dragon SYMBOLE du mal →Diable, ou Satan, ou Mauvais
Dans l’AT, comme dans d’autres religions de l’Orient ancien, le dragon symbolise les forces chaotiques du cosmos.
D’autres passages utilisent la figure du dragon pour représenter des pouvoirs politiques hostiles à Israël (Nabuchodonosor II en Jr 51,34 ; le roi d’Égypte en Ez 29,3 ; cf. « le prince de ce monde » en Jn 12,31 ; 14,30 ; 16,11).
2ss Qumrân : l’enfantement simultané du messie et de son adversaire (l’aspic)
3b dragon Désignation pour Pompée dans →Ps. Sal. 2,25.
11,19–12,17 Liturgie latine : liturgie des Heures Texte lu à l’office des Lectures du commun de la Vierge Marie durant le Temps pascal.
11,19–12,10 Liturgie latine : lectionnaire Texte lu en première lecture lors de la messe de l'Assomption de la Vierge Marie, le 15 août.
1–17 Liturgie latine : liturgie des Heures Texte lu à l’office des Lectures de la fête des saints archanges Michel, Gabriel et Raphaël (29 septembre). Liturgie Ap 12,7–12
3b un grand dragon
3b rouge Couleur meurtrière
3b ayant sept têtes
3b et dix cornes
1–5 Cohérence symbolique et dogmatique de l'interprétation mariale
Outre le « sensus fidei » consulté via une enquête auprès des évêques du monde entier (
Munificentissimus Deus, 8-16) et l’unanimité des Pères et des auteurs ecclésiastiques (Ibid. 20-37), Pie XII s’appuie sur le lien intime qui unit les destinées de la Mère et du Fils, si lui est mort et ressuscité, elle aussi meurt et ressuscite :Munificentissimus Deus, 40. De là la vénérée Mère de Dieu, de toute éternité unie de manière cachée à Jésus-Christ dans un seul et même décret de prédestination,(47) immaculée dans sa conception, une vierge très parfaite dans sa divine maternité, la noble associée de le divin Rédempteur qui a remporté un triomphe complet sur le péché et ses conséquences, a finalement obtenu, comme l'aboutissement suprême de ses privilèges, qu'elle soit préservée de la corruption du tombeau et que, comme son propre Fils, ayant vaincu la mort, elle pourrait être élevée corps et âme à la gloire du ciel où, en tant que reine, elle siège dans la splendeur à la droite de son Fils, le Roi immortel des âges.
Une objection à l’interprétation mariale traditionnelle (Tradition chrétienne Ap 12,1b une femme, Haymon d’Auxerre) estime que les souffrances de parturiente de la femme seraient incompatibles avec la foi en l’immaculée conception et la virginité perpétuelle et de Marie, avant, pendant et après son accouchement. L’objection est cependant dissipée si l’on interprète ces douleurs comme des figures de la compassion de Marie, annoncée par la prophétie de Siméon (Lc 2,35) et accomplie lors de la passion (cf. Jn 19,25-27). Appelée « femme » au pied de la croix (Jn 19,26), elle est ici désignée comme mère de tous les disciples qu’elle enfante dans la douleur (Ap 12,2).
La richesse du langage symbolique de l’Apocalypse ne s'oppose pas au réalisme de l'incarnation, ni l’interprétation ecclésiologique aux interprétations christologique et mariales, fondées dans la relation personnelle et organique entre le Christ-tête et l’Église, son corps, synthétisée dans la notion augustinienne de « Christ total » (cf. →CEC 795-796).
1–18
Au Moyen Âge l’image de la Femme revêtue du soleil se réfère à la Vierge Marie, à l’Église, ou encore à l’âme chrétienne.
Les deux grandes tendances de l’interprétation du dragon jusqu’à l’époque moderne sont d’y voir la force du mal en général ou bien de l’identifier — avec chacune de ses sept têtes — à des personnages historiques ou contemporains, souvent à des fins polémiques. La victoire sur le dragon est normalement attribuée à l’archange Michel, à saint Georges ou à un autre saint.
À l’époque de la Réforme, Ap 12 est sollicité dans la littérature polémique confessionnelle, où l’on prend des options tranchées pour l’une ou l’autre des interprétations traditionnelles de la Femme : les protestants l’interprètent comme la vraie Église (réformée), tandis que les catholiques y voient Marie conçue sans le péché originel et transportée dans les cieux où elle règne. Quant au dragon, il est régulièrement pris par les protestants pour une allégorie de l’Église catholique, de la papauté ou des puissances catholiques d’Europe.
1–18 Depuis le Moyen Âge jusqu’à l’époque contemporaine, on n’a cessé de représenter des épisodes d’Ap 12. Les sujets principaux sont la femme revêtue du soleil (avec ou sans son enfant [avec ou sans assimilation à la Vierge et à l’Enfant Jésus] et avec ou sans le dragon), et le combat entre l’archange Michel et le dragon (avec ou sans accompagnement d’autres anges rebelles et avec ou sans représentation de la chute en enfer, autre thème iconographique : Arts visuels Is 14,12–15). Vu le très grand nombre d’œuvres qui traitent d’Ap 12, on ne peut donner ici qu’une présentation des plus célèbres, par sujet et par période, en évoquant les grands moments de la réception d’Ap dans les arts visuels.
Aux approches de l’an mille, beaucoup crurent en une prochaine fin du monde, et l’on se tourna vers l’Apocalypse pour essayer de déchiffrer les signes des temps. La création artistique autour du texte atteint une première apogée, dont témoignent plusieurs chefs-d’œuvre de l’enluminure.
Les enluminures des 10e et 11e s. illustrant le Commentaire de l’Apocalypse écrit quelques décennies après l’invasion musulmane de l’Espagne (fin du 8e s.) par
, moine du monastère de Saint-Martin de Liébana (Asturies) sont particulièrement célèbres. Alors qu’Ap est désormais le livre de la résistance chrétienne à l’Islam, l’enluminure mozarabe déploie ses trésors de couleurs et de formes pour l’actualiser. On connaît une trentaine de manuscrits enluminés dont le Beatus de Facundus, le Beatus de Valcavado (vers 970, 97 enluminures peintes par Oveco pour l’abbé Semporius : Valladolid, Biblioteca de la Universidad, ms. 433 ex ms. 390), le Beatus d’Osma (71 enluminures dues au peintre Martinus, cathédrale de El Burgo d’Osma, Beatus 1086, Cod. 1), le Beatus de Piermont Morgan (Beatus de San Miguel de Escalada, près de León, vers 960, 89 enluminures peintes par Magius, archipictor, ms. 644, Pierpont Morgan Library, New York).Au cours du Moyen Âge, l’Apocalypse s’échappe du livre pour envahir l’espace visuel sur d’autres supports, par exemple :
L’œuvre de Dürer est la première Apocalypse imprimée. L’image y tient la première place, le texte n’apparaissant qu’au verso de chacune des gravures. L’artiste imprime lui-même ses planches sans répondre à une commande, prenant un risque financier qui témoigne de son engagement personnel. À l’époque où il grave son Apocalypsis cum figuris, Dürer n’a que 27 ans, mais il est habité par la foi tourmentée qui précède la Réforme. Il appose son monogramme au bas de chacune de ses images. L’œuvre le rend célèbre : Érasme et Alberti la commentent, et Cranach s’en inspire pour illustrer l’Apocalypse du Nouveau Testament de Luther. En France, Jean Duvet s’en inspire aussi pour une Apocalypse gravée en 1556.
Les grands massacres et les profondes interrogations sur l’avenir du monde qui ont endeuillé le siècle de la bombe atomique ont été propices à la reprise du thème de l’Apocalypse. Au tournant du siècle, l’avant-garde expressionniste allemande mêle attente apocalyptique et expressivité artistique : des peintres comme Franz Marc, Vassili Kandinsky, Max Beckmann et Ludwig Meidner se réfèrent explicitement au livre biblique. S’ils ne représentent pas de visions d’Ap 12 en particulier, ils orientent toutefois la réception picturale d’Ap dans deux directions. (1) Chez Kandinsky, le thème de l’Apocalypse s’accompagne d’une recherche spirituelle et esthétique. Selon lui, seule une « purification cataclysmique » pourrait libérer le spirituel enfermé dans le réel. Le passage par la thématique tourmentée d’Ap lui permet d’évoluer à travers l’explosion des couleurs et des formes, vers l’abstraction. (2) Chez d’autres, comme Beckmann et Meidner, Ap suscite un mode de pensée mêlant provocation et révolution, annonçant une ère nouvelle de la pensée et de l’action. Influencés par des catastrophes contemporaines (comme le tremblement de terre sicilien de 1908), à partir de 1909 et 1912, ils composent des toiles inspirées d’Ap, de plus en plus violentes à la veille du conflit mondial.
Parmi les artistes revenus de la Seconde Guerre mondiale :
À notre époque, Ap ne cesse d’inspirer les artistes visuels. Dans un registre expressionniste, on peut citer :
Les techniques digitales permettent de maximaliser à la fois le réalisme et l’onirisme des visions de Jean :
Dans le registre abstrait :
Ce sujet semble avoir intéressé surtout les artistes de la Renaissance.
1–18 Interprétations du combat céleste
1,1–22,21 Allusions à l'Apocalypse