La Bible en ses Traditions

1 Jean 4,7–5,12

Byz V S TR Nes

Mes bien-aimés, aimons-nous les uns les autres car l’amour vient de Dieu

et quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu.

Byz V TR Nes
S

Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu car Dieu est amour.

car Dieu est amour ; celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu car Dieu est amour.

Byz V S TR Nes

Il a manifesté son amour pour nous

en envoyant son Fils unique dans le monde afin que nous vivions par lui.

10 Et cet amour consiste

en ce que ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu

mais lui qui nous a aimés

et qui a envoyé son Fils comme victime de propitiation pour nos péchés.

11 Mes bien-aimés si Dieu nous a ainsi aimés nous devons aussi nous aimer les uns les autres.

12 Personne n’a jamais vu Dieu

mais si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous

et son amour est parfait en nous.

13 Nous connaissons que nous demeurons en lui et qu’il demeure en nous

en ce qu’il nous donne de son Esprit.

14 Et nous, nous avons contemplé et nous attestons

que le Père nous a envoyé le Fils comme Sauveur du monde.

15 Celui qui confessera que Jésus

NesJésus [Christ] est le Fils de Dieu

Dieu demeure en lui et lui en Dieu.

16 Et nous, nous avons connu l’amour que Dieu a pour nous et nous y avons cru.

Dieu est amour et celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu et Dieu demeure en lui.

17 La perfection de l’amour en nous

c’est que nous ayons une confiance assurée au jour du jugement

car tel est celui-là, tels nous sommes aussi dans ce monde.

18 Il n’y a point de crainte dans l’amour

mais l’amour parfait bannit la crainte

car la crainte suppose un châtiment

celui qui craint n’est pas parfait dans l’amour.

19 Nous donc, aimons 

Byz S TRaimons-le

puisque Dieu

Byz S TR Neslui nous a aimés le premier.

20 Si quelqu’un dit : — J’aime Dieu

et qu’il haïsse son frère, c’est un menteur

comment celui qui n’aime pas son frère qu’il voit

peut-il aimer Dieu qu’il ne voit pas ?

21 Et nous avons reçu de lui ce commandement :

Que celui qui aime Dieu aime aussi son frère. 

5,1 Tout homme qui croit que Jésus est le Christ est né de Dieu

et tout homme qui aime celui qui l’a engendré

aime aussi celui qui est né de lui.

5,2 À ceci nous connaissons que nous aimons les enfants

Vceux qui sont nés de Dieu :

chaque fois que

Vlorsque nous aimons Dieu et observons ses commandements ;

5,3 telle est, en effet, la charité de Dieu :

que nous gardions ses commandements

et ses commandements ne sont pas pénibles

5,4 puisque tout ce qui est né de Dieu vainct le monde

et que la victoire qui a vaincu le monde, c’est notre foi !

5,5 Qui est celui qui est vainqueur du monde

sinon celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu ?

5,6 C’est lui qui est venu par l’eau et par le sang : Jésus-Christ,

(non avec l’eau seulement mais avec l’eau et avec le sang)

et c'est l’Esprit qui rend témoignage parce que l’Esprit

Vque Jésus-Christ est la vérité

Byz V TR Nes
S

5,7 Car il y en a trois qui rendent témoignage :

TR dans le ciel : le Père, le Verbe et l’Esprit Saint; et ces trois sont un.

Et l'Esprit rend témoignage, car cet Esprit est la vérité.

Byz V Nes
S TR

5,8  l’Esprit, l’eau et le sang 

et ces trois sont Byz Nesen un.

Et il y en a trois qui rendent témoignage TRsur la terre : l’Esprit, l’eau et le sang ;

et ces trois sont en un.

Byz V S TR Nes

5,9 Si nous recevons le témoignage des hommes

le témoignage de Dieu est plus grand

et c’est bien là le témoignage de Dieu V Squi est plus grand :

qui a rendu témoignage à son

Vil a témoigné de son propre  Fils.

5,10 Qui croit au Fils de Dieu a ce témoignage en lui-même,

qui ne croit pas Dieu

Vau Fils en fait un menteur

puisqu’il n’a pas cru au témoignage que Dieu a rendu

Vdéposé au sujet de son Fils.

5,11 Et tel est ce témoignage : c'est une vie éternelle que Dieu nous a donnée

et cette vie, c'est en son Fils qu'elle se trouve ;

5,12 qui a le Fils a la vie

qui n’a pas le Fils de Dieu n’a pas la vie !

Réception

Arts visuels

4,7–21 aimons-nous les uns les autres  La charité : théorie et pratique 

ALLÉGORIES : CONTEMPLER LA CHARITÉ

Fresque du 13e s.

Giotto di Bondone (1267-1337), Allégorie de la charité (fresque, 1303-1306) 120 x 60 cm

Chapelle Scrovegni, église de l'Arena, Padoue (Italie) © Domaine public→

La charité revêt ici les traits d'une figure féminine : couronnée de fleurs en signe de son bonheur terrestre, elle reçoit une bourse des mains de Dieu, symbole de la Providence. La corbeille débordante de fruits et de fleurs qu'elle tient dans sa main gauche, ainsi qu'à ses pieds les bourses destinées aux pauvres, montrent sa prodigalité.  

Illustration du 14e s. 

Anonyme, in Manuel des jeux des Échecs, des mérelles et des tables (encre sur parchemin, ca. 1300-1380), manuscrit, fol. 1v

Bibliothèque Nationale de France, Paris © Domaine Public→

Le pélican, dont on pense qu'il nourrit ses petits de sa propre chair, est vite considéré par les Pères de l'Église comme un symbole christique, puisqu'à l'image du pain eucharistique, son corps est donné en nourriture. Augustin d’Hippone Enarr. Ps.101 établit ainsi un parallèle entre le pélican et le Christ dont le sang vivifie les croyants. Dans son hymne « Adoro te devote », Thomas d'Aquin désigne le Christ adoré en la sainte hostie comme le « pie pellicane », le pieux pélican. L'iconographie médiévale reprend à son compte l'oiseau comme allégorie de la charité. 

Peinture du 16e s. 

Lucas Cranach Le Jeune (1515-1586), Charité (huile sur chêne, ca. 1537), 48,5 x 73 cm

 Musée d'art de Hambourg (Allemagne) © Domaine Public→

La nature généreuse et verdoyante de ce tableau délicat évoque l'Âge d'or et le jardin d'Eden : la forêt, loin d'être hostile, offre à la tendresse maternelle un écrin protecteur. Alors qu'elle présente son sein au nourrisson, la Charité, en tenue d'Ève, reçoit des fruits de ses trois autres enfants, illustrant ainsi le cercle vertueux de l'amour, qui ne s'épuise jamais. 

Peinture française du 17e s. 

Philippe de Champaigne (1602-1674), La Charité (huile sur toile, 1635), 157 x 132 cm

Musée des Beaux-Arts de Nancy (France) © CC BY-SA→

Sur fond d'architecture classique, une jeune femme imposante et majestueuse, auréolée du feu de l'amour divin, est accaparée par trois enfants dodus. L'un s'agrippe au sein qu'il tète, un deuxième plonge son regard dans celui de sa mère, tandis que le troisième tend ses bras potelés vers la grenade écorcée qui occupe le centre de la composition. Cette dernière, aux grains rouges et juteux, symbolise le corps et le sang du Christ qui vivifient les croyants. Les grains sont inépuisables, comme l'amour divin. Une symbolique associe leur nombre à celui des commandements du Pentateuque, et ainsi à la perfection de la Loi donnée à Moïse. 

LES ŒUVRES DE MISÉRICORDE : PRATIQUER LA CHARITÉ

Nombre de peintres ont quant à eux fait droit à une charité à pied d'œuvre, par la représentation des sept œuvres de miséricorde, que sont 

  • (1) donner à manger aux affamés,
  • (2) donner à boire à ceux qui ont soif,
  • (3) vêtir ceux qui sont nus,
  • (4) accueillir les étrangers,
  • (5) assister les malades,
  • (6) visiter les prisionniers,
  • (7) ensevelir les morts. 
Polyptique flamand du 16e s.

Maître d'Alkmaar (actif ca. 1490-1524), Les sept œuvres de miséricorde (huile sur bois, 1504), 101 x 54 cm

Rijksmuseum, Amsterdam (Pays-Bas) © Domaine public→

Peinture flamande du 17e s. 

Frans Francken le Jeune (1581-1642), Les sept œuvres de miséricorde (huile sur toile, 1605), 55 x 80 cm

Deutsches Historisches Museum, Berlin (Allemagne) © Domaine Public→

Peinture italienne du 17e s. 

Le Caravage (1600-1604), Les sept œuvres de miséricorde (huile sur toile, 1607) 390 x 260 cm

église Pio Monte della Misericordia, Naples (Italie) © Domaine Public→

Le Caravage, connu pour ses compositions fortes et ses jeux de lumière spectaculaires, parvient ici à illustrer en une seule scène les sept œuvres de miséricorde.

Dans la moitié supérieure de la composition, la Vierge tient l'enfant Jésus dans ses bras : il regarde la terre tendrement, mi-interrogateur, mi-compatissant. Dans un grand froufrou d'ailes et de drapés, deux anges enlacés semblent dégringoler du ciel, comme pour montrer que par les actes de miséricorde des croyants, Dieu se penche sur la terre.

À gauche de la composition, un vieillard passe sa tête à travers les barreaux d'une geôle pour téter le sein tendu d'une jeune femme qui détourne le regard. C'est la scène dite de la « charité romaine », racontée par des auteurs de l'Antiquité classique comme Valère Maxime ou Pline l'Ancien. Une jeune fille du nom de Péro aurait nourri de cette façon son père, Mycon, condamné à mourir de faim en prison. Caravage fait d'une pierre deux coups : cette histoire illustre à la fois le don de nourriture aux affamés et la visite aux prisonniers. 

Derrière, ces deux personnages, un homme en surplis — sans doute un prêtre — tient une torche d'une main, un linceul de l'autre. Aidé d'un autre homme, il semble faire entrer chez lui un cadavre dont on ne voit que les pieds (chose inhabituelle chez Caravage, ils sont propres !), mis en valeur par les jeux de lumière. C'est au commandement « enterrer les morts » qu'obéissent ainsi les deux hommes. 

Au centre du tableau, un jeune homme bien mis regarde avec sollicitude un personnage à demi-nu qui semble mal en point ; il esquisse le geste de déchirer son manteau, faisant écho à un épisode de la vie de saint Martin de Tours. Le Caravage illustre ainsi deux œuvres de miséricorde : visiter les malades et vêtir ceux qui sont nus. 

À droite, au second plan, un homme guide un pèlerin, reconnaissable à son chapeau orné d'une coquille de Compostelle ; on reconnaît ici l'hospitalité due à l'étranger.

Enfin, le dernier personnage buvant dans une mâchoire d'âne évoque un épisode de la vie de Samson (Jg 15), rappelant une dernière œuvre de miséricorde : donner à boire aux assoiffés.

4,12b si nous nous aimons La porte étroite ?

20e s.

Michelangelo Ysasarabal (20e s., Espagne puis Antibes), Entrée (acrylique et technique mixte sur toile, 2000 (?)), 61 x 54 cm

Coll. priv. (Beaucaire, France), D.R. © Photographie BEST a.s.b.l.,

Jn 13,34 ; 15,12 ; Rm 13,8 ; 1Co 13,1-13 ; Col 3,14 ; 1Jn 3,10 ; 1Tm 1,5 ; 1P 4,8 ; 2P 1,7

En collant le panneau « Entrée » sur un cœur travaillé au couteau et plein de grumeaux dédicacé « pour Joël » (au verso), l'œuvre invite celui qui la regarde à prendre conscience simplement qu'« on ne voit bien qu'avec le cœur. L'essentiel est invisible pour les yeux » (Antoine de Saint-Exupéry, Le petit prince, 1943). En faisant ainsi du cœur « L'» entrée par excellence, le peintre ne rejoint-il pas le primat de la charité ?

5,5–12 l'Esprit, l'eau et le sang Grünewald lu par Huysmans

Retable du 16e s.

Chef-d'œuvre du gothique tardif, le retable d'Issenheim ornait le maître-autel de l'église de la préceptorie dans le couvent des Antonins à Issenheim. 

Matthias Grünewald (ca. 1475/1480-1528), Retable d'Issenheim (tempera et huile sur bois de tilleul, 1512-1516), 269 x 307 cm

Musée Unterlinden, Colmar (France) © Domaine public→

En configuration fermée, le panneau central du retable représente une crucifixion à l'intensité dramatique toute particulière.

Au pied de la croix à gauche, Marie soutenue par Jean, et Marie-Madeleine déplorent la mort du Christ.

À droite, Jean-Baptiste tient d'une main le livre ouvert des Ecritures et désigne le Christ de l'autre ; à ses pieds, le sang d'un agneau portant une croix entre ses pattes jaillit dans un calice. La présence de Jean-Baptiste rappelle le baptême du Christ (et ainsi l' « esprit » et l'« eau » mentionnés par Jean dans son épître) ; elle signale également l'accomplissement de la parole prophétique qui s'opère dans la Passion, la dépassant par là-même et renvoyant déjà à la résurrection, puisque Jean-Baptiste est mort au moment de la crucifixion du Christ.

  • Joris-Karl Huysmans (1848-1907), Là-bas, 1891, chapitre 1 : « Ah ! devant ce Calvaire barbouillé de sang et brouillé de larmes, l’on était loin de ces débonnaires Golgotha que, depuis la Renaissance, l’Église adopte ! Ce Christ au tétanos n’était pas le Christ des riches, l’Adonis de Galilée, le bellâtre bien portant, le joli garçon aux mèches rousses, à la barbe divisée, aux traits chevalins et fades, que depuis quatre cents ans les fidèles adorent. Celui-là, c’était le Christ de saint Justin, de saint Basile, de saint Cyrille, de Tertullien, le Christ des premiers siècles de l’Église, le Christ vulgaire, laid, parce qu’il assuma toute la somme des péchés et qu’il revêtit, par humilité, les formes les plus abjectes. —— C’était le Christ des pauvres, Celui qui s’était assimilé aux plus misérables de ceux qu’il venait racheter, aux disgraciés et aux mendiants, à tous ceux sur la laideur ou l’indigence desquels s’acharne la lâcheté de l’homme ; et c’était aussi le plus humain des Christ, un Christ à la chair triste et faible, abandonné par le Père qui n’était intervenu que lorsque aucune douleur nouvelle n’était possible, le Christ assisté seulement de sa Mère qu’il avait dû, ainsi que tous ceux que l’on torture, appeler dans des cris d’enfant, de sa Mère, impuissante alors et inutile. (...) Grünewald était le plus forcené des idéalistes. Jamais peintre n’avait si magnifiquement exalté l’altitude et si résolument bondi de la cime de l’âme dans l’orbe éperdu d’un ciel. Il était allé aux deux extrêmes et il avait, d’une triomphale ordure, extrait les menthes les plus fines des dilections, les essences les plus acérées des pleurs. Dans cette toile, se révélait le chef-d’œuvre de l’art acculé, sommé de rendre l’invisible et le tangible, de manifester l’immondice éplorée du corps, de sublimer la détresse infinie de l’âme. —— Non, cela n’avait d’équivalent dans aucune langue. En littérature, certaines pages d’Anne Emmerich sur la Passion se rapprochaient, mais atténuées, de cet idéal de réalisme surnaturel et de vie véridique et exsurgée. Peut-être aussi certaines effusions de Ruysbroeck s’élançant en des jets géminés de flammes blanches et noires, rappelaient-elles, pour certains détails, la divine abjection de Grünewald et encore non, cela restait unique, car c’était tout à la fois hors de portée et à ras de terre. »