Lorsque Joseph Ratzinger devint pape en 2005, nombreux étaient ceux qui attendaient avec impatience la première déclaration solennelle d'un professeur devenu souverain pontife. À la surprise générale, ses premiers mots furent « Dieu est amour » (→ le 25 décembre 2005). Cette définition sublime, l'une des affirmations les plus radicales de l'Écriture, est extraite de la première lettre de saint Jean ( Deus Caritas est 1Jn 4,8.16). En découle toute la vie du croyant en Christ, telle que la conçoivent les trois lettres attribuées à Jean (1Jn, 2Jn, 3Jn).
Si chacune a ses particularités, elles ont en commun une pensée, un langage, un style et un même contexte : celui d'une division dans la communauté touchant à la foi et à la morale. La crise interne a été déclenchée parce que certains membres de la communauté répandent des erreurs et invitent à la division. Les groupes dissidents sont déjà constitués (1Jn 2,19), dont les membres semblent nier la réalité de l'incarnation du Verbe (voir la note de synthèse BEST→ sur le →docétisme : 1Jn 4,2-3 ; 5,6 ; 2Jn 2).
TEXTE
Critique textuelle
3 Jean contient une variante à noter :
- (3Jn 9 ) « J’ai écrit un mot », autre leçon : « J’aurais peut-être écrit » (V).
Proposition de structure
3 Jean a sa propre composition :
Genres littéraires
Genre épistolaire
- ; Historia ecclesiastica II, 23, 23ss : ces trois lettres font partie de la collection connue sous le nom d’« Épîtres apostoliques », ou « Épîtres générales » (Jc, 1 et 2P, 1, 2, 3Jn et Jude). Lettre festale (367)
2Jn et 3Jn sont les écrits les plus brefs du Nouveau Testament : ces lettres, brèves comme des missives privées, se composent d'un chapitre chacune, comportant un auteur (« l'Ancien »), des destinataires ainsi que des salutations au début comme à la fin. De ce fait, leur identification comme épîtres ne pose pas problème jusqu’au 19e s., où celle de 1 Jean est mis en question.
CONTEXTE
Auteur/s
Les trois épîtres dites de Jean présentent, soit de l'une à l'autre, soit par rapport au quatrième évangile, des ressemblances frappantes. La doctrine, le vocabulaire, le style concourent à manifester leur étroite parenté. Mais le texte ne permet pas de se prononcer sur l’auteur des trois épîtres dites de Jean, : il n'est pas possible de déterminer s’il agit d’un auteur ou de trois auteurs pour trois lettres.
Datation
Il n’y a aucun moyen de déterminer l’ordre d’écriture des trois lettres.
Datation relative des lettres entre elles
- L’ordre 3-2-1, correspond à l’intensité des conflits : dans 3 Jn, l’auteur espère une solution, dans 2 Jn, les relations sont cassées, et dans 1 Jn, un « schisme » a eu lieu (Jn 2,19). 2 et 3 Jn s'adressent à une église particulière, tandis que 1 Jn vise toutes les communautés d’Asie sous l’autorité de l’auteur...
- Quant au contenu, l’ordre 1-2-3 est satisfaisant, qui fait passer de rappels « théoriques » à des applications « pratiques » dans la gestion d'un conflit précis.
- Les trois épîtres semblent écrites en une dizaine d’années.
Datation absolue
Leur datation absolue dépend en partie de celle de l’évangile.
- Après ou avant l'évangile ? La question demeure irrésolue quant à l’ordre de rédaction, entre les épîtres et l’évangile. Tous admettent que les épîtres tiennent pour acquis les principales idées de l’évangile, auquel elles font souvent allusion. La majeure partie des critiques pensent donc que l’évangile, ou du moins son premier état, est antérieur aux épîtres. Quelques uns soutiennent que les épîtres précèdent la rédaction finale de l’évangile, ou du moins les deux premières. 3 Jean pourrait être postérieure.
- Une élaboration concomitante : mais s'il est possible d'admettre une graduelle élaboration des deux écrits, rien n’obligerait à se prononcer en bloc sur l'antériorité de l'un par rapport à l'autre. Or a priori pareille hypothèse est pour le moins plausible. C'est pourquoi, sous réserve de la rédaction définitive de l'évangile, qui parut sans doute en dernier lieu, il paraît raisonnable de supposer qu'ils furent élaborés, au moins partiellement, vers le même temps. En se basant sur la datation de l’évangile, la majorité opte pour une date vers 100 ap. J.C., qui et plus ou moins celle acceptée pour la rédaction finale de l’évangile. a proposé une date antérieure à 70, mais n’a pas obtenu l’accord des critiques. Certains vont jusqu’à la deuxième moitié du 2e s. (par exemple suggère 170-180). Mais cette date tardive est minoritaire, car des preuves existent que ces épîtres sont connues des Pères dès le 2e s.
Milieux de vie
Pour des parallèles qumrâniens et la caractérisation des adversaires visés, voir les introductions de 1Jean et 2 Jean
RECEPTION
Canonicité : premières attestations et citations
2 et 3 Jn
- En ce qui concerne 2 Jn, l’église de Gaule, à la suite d’ , y fait de fréquentes références. Pour , c’est bien un écrit apostolique, autrement dit, canonique. Le Canon de Muratori et l’acceptent, et il semble que la connaît.
- 3 Jn est peut-être connue par le Canon de Muratori et , mais rien n’est moins sûr. Adressée à un destinataire particulier, elle a peut-être circulé moins vite.
- 2 et 3 Jn sont reçues en Egypte, par (†264) et (†373), puis les églises coptes.
- En Afrique, elles sont recensées par le catalogue de (ca. 360), puis attestées par (†430) et le de 397.
- Pour l’Orient, le (364), (†386), et (†390) les citent et rapportent des traditions déjà antérieures.
- En Occident, c’est l’Ambrosiaster (ca. 375) qui cite pour la première fois de manière explicite 3 Jn. Ensuite, (†410) et le pape er (†417) témoignent de l’appartenance aux Ecritures de trois épîtres de Jean. La canonicité finale est affirmée par le (8 avril 1546).
Néanmoins, à la différence de la première épître, reçue partout avec une égale faveur, la deuxième et la troisième lettres ont donné lieu cependant à certaines hésitations.
- L'écho s’en retrouve chez : ; , Des hommes illustres IX, 18). Les doutes pouvaient exister à l’état sporadique dans diverses Églises ; mais c’est surtout en Syrie, à Antioche et dans les pays où rayonne cette grande métropole, qu’il faut chercher le lieu de ces discussions. Le silence des Antiochiens sur 2 et 3 Jean est significatif. ( , Histoire ecclésiastique VI, 25), (†339, ibid. III, 25), (†ca. 394, Poème à Séleucus), (†420, Des hommes illustres IX, 18). Mais il est aisé d'en rendre compte. Ces deux billets ne s'imposaient pas à l'attention des fidèles. De plus, ils se réclament de l' « Ancien ». A l'époque où les idées millénaristes gagnent du terrain, le livre de l'Apocalypse est traité en suspect. Pour ruiner son autorité, d'aucuns voulurent l'attribuer à cet « Ancien », distingué alors de Jean l'Évangéliste ( , Histoire ecclésiastique III, 25
- Malgré ces discussions, ; les nomme dans une liste du canon et les utilise ; ne croit pas devoir les omettre. mentionne 2 et 3 Jn comme œuvres apostoliques
- Avec la Réforme, la controverse resurgit : (†1534) dénie la paternité de Jean. (†1536) dit que c’est le presbytre Jean qui les a écrit. (†1546) leur accorde une canonicité, mais moindre. (†1564) semble les supprimer du canon.
Les deux petites lettres de Jean perdent ainsi de leur crédit. Elles ne cessent toutefois d'être reconnues comme authentiques à Alexandrie, à Rome, en Afrique. Aujourd'hui, la critique incline dans le même sens. L'hypothèse de l'authenticité une fois mise en cause, il y aurait deux problèmes insolubles : comment des écrits aussi insignifiants, dépourvus d'un patronage illustre, auraient-ils réussi à s'imposer ? A quelle intention aurait obéi un écrivain anonyme pour composer des textes de si humble qualité ?
Importance traditionnelle
Exégèse
Les épîtres de Jean ont été commentées maintes fois dans la Tradition chrétienne :
- ; (†215), Adumbrationes in epistolas canonicas
- ; (†398), Enarratio in epistolas catholicas
- ; (†430), In epistolam Joannis ad Parthos (sur 1 Jn) ; (†444), Fragmenta in epistolas catholicas ; (†407), Fragmenta in epistolas catholicas
- ; (†585), Complexiones in epistolas, acta apostolorum et apocalypsim
- ; (6e-7e siècle), Commentarii in epistolas catholicas
- ; (†735), Super epistolas catholicas expositio
- ; Expositio in epistolam II S. Joannis ; Expositio in epistolam III S. Joannis ; (†ca. 1126), Expositio in epistolam I S. Joannis
- (†1534), In omnes D. Pauli et aliorum apostolorum epistolas commentarii.
- ; (†1637), Commentaria in Scripturam sacram ; (†1653), Commentaria in sacram Scripturam. (†1613), Commentariorum in epistolas apostolicas Tomus I...XI
Influences théologique et liturgique
L’influence de ces épîtres, souvent utilisées en regard de l’évangile selon Jean, est évidente tant pour la christologie que pour la morale chrétienne. Ces diverses reprises témoignent de l’importance de ces lettres pour le christianisme.