La Bible en ses Traditions

Marie-Madeleine dans la littérature occidentale

La figure de la Madeleine progressivement mise en place par la dévotion ou fantasmée par les clercs (→Histoire de la dévotion à Marie de Magdala) a connu plusieurs avatars au fil des siècles, qui renseignent souvent plus sur les milieux qui les élaborèrent que sur le personnage historique de la sainte femme membre de l'entourage de Jésus.

Antiquité 

Amante initiée

Selon les gnostiques, elle est disciple par excellence.

C’est peut-être une christianisation du couple primordial divin, actualisé aussi par leurs adeptes dans le couple de Simon le magicien (Ac 8,9-24) et de sa femme Hélène, ancienne prostituée. Selon un rite gnostique valentinien, la Sagesse est stérile sans l’union avec le Sauveur qui se fait par le baiser-échange des souffles.

Pécheresse parfaitement convertie

Depuis Grégoire le Grand (Tradition chrétienne Mt 26,7a une femme), Marie-Madeleine est la parfaite illustration de l’appel à la conversion et du consentement réussi au pardon de Dieu.

9e siècle

13e siècle : une biographie complète

Voragine Légende donne les différents éléments de la vie de Marie-Madeleine : son arrivée en Provence renforce son image de sainte prédicante (évangélisatrice des apôtres eux-mêmes, Tradition chrétienne Mt 28,1b Marie la Magdeleine) et un modèle de vie apostolique ; ses années à la Sainte-Baume en font une sainte repentante ; ses enlèvements au ciel pour entendre l’office divin, une sainte mystique modèle de vie contemplative ; ses miracles, une sainte qui intercède pour ceux qui l’invoquent.

Premières années après la mort de Jésus

Inquiétée à Jérusalem, elle s’embarque sans voile, rames, gouvernail ni pilote, avec Lazare, Marthe, Maximin (l’un des disciples de Jésus) et Sidoine (l’aveugle-né guéri par Jésus en Jn 9). L’embarcation échoue à Marseille où tous prêchent l’Évangile. Le roitelet local promet de devenir chrétien si Dieu lui donne un fils, ce que Marie-Madeleine obtient par ses prières. Il décide de se rendre à Jérusalem pour vérifier les dires de la femme de Magdala auprès de Pierre. Au cours du voyage, sa femme meurt en couches, privant le nouveau-né du sein maternel. Il abandonne sa femme et son enfant sur une île en implorant l’aide de Marie-Madeleine. Rentrant de Jérusalem où il a été convaincu par Pierre, il retrouve sur l’île son enfant vivant : il s’est nourri au sein de sa mère morte ! Encouragé, le roi prie à Marie-Madeleine de ressusciter sa femme. Celle-ci se réveille en disant :

Elle devint ainsi patronne des femmes enceintes, régulièrement invoquée dans les accouchements.

La Sainte-Baume

Les compagnons se dispersent : Maximin devint évêque d’Aix, Lazare de Marseille ; Marthe établit une communauté de vierges à Tarascon. Marie-Made­leine se retire à la grotte de la Sainte-Baume pour mener une vie anachorétique : elle est nourrie directement par les anges. Maximin est alors prêtre. C’est lui qui communie Marie-Madeleine une dernière fois et lui donne sa sépulture. Liturgie Mt 27,55a

Renaissance : l’ère du soupçon

Le mouvement humaniste ne manque pas de s’interroger sur ce qu’il est convenu d’appeler — avec Jacques Lefèvre d’Étaples, De Maria Magdalena, triduo Christi et ex tribus una Maria disceptatio (1517) — « les trois Marie ». Dès 1519, John Fisher, De unica Magdalena: libri tres et Noël Beda, Scholastica declaratio sententiae et ritus Ecclesiae de unica Mag­dalena le réfutent. En 1521, Lefèvre est condamné par la Sorbonne, qui prescrit d’enseigner la thèse contraire à la sienne.

Époque baroque et classique : la préférée des poètes

Le prestige de la Madeleine abonde en « scènes à faire », qui ne peut que tenter l’ingéniosité des poètes. Ils sont plutôt mal à l’aise pour évoquer le silence de Marie-Madeleine prosternée aux pieds du Christ, mais les deux récits de l’onction de Béthanie et de la découverte du tombeau vide leur permettent de donner libre cours à leur goût pour la paraphrase et l’amplification. La pécheresse repentie est la sainte préférée du 17e s. et de ses poètes. En se concentrant sur la seule France, on peut former une belle bibliothèque de livres français et latins consacrés tout ou partie à Marie-Madeleine :

Ces poètes appartenaient à tous les ordres religieux et à tous les milieux : Durant est chartreux, de Beauvais capucin, Le Clerc curé, Sautel jésuite, de Saint-Louis carme ; Balin, Le Laboureur et Desmarets sont laïcs (le premier fut professeur, le deuxième magistrat, le troisième poète sur gages). Pour des exemples de leur poésie : Littérature Mt 26,7 ; Littérature Mt 26,7a ; Littérature Mt 27,55 ; Littérature Mt 28,1b Marie la Magdeleine.

18e et 19e siècles

Réprouvée du moralisme bourgeois
Initiée de l’occultisme fin de siècle

Marie-Madeleine est aussi une grande figure dans le cadre de l’occultisme :

20e et 21e siècles

Piété

Les écrivains croyants (p. ex. Claudel, Schmitt) continuent les pieuses méditations du passé.

Amalgames

Lisant les textes gnostiques, parfois à contresens, les enrichissant de kitsch orientaliste, de préjugés anti-institutionnels, de spiritualisme ou d’occultisme, et de théorie du complot appliquée aux origines chrétiennes, la littérature a souvent travaillé sur les équivalences hâtives : féminité donc lutte contre l’oppression (patriarcaliste) ; fidélité donc initiation (gnostique) ; proximité donc sexualité (libératrice). Plusieurs sectes s’en inspirent pour promouvoir une nouvelle gnose centrée sur la révélation du divin féminin par Marie-Madeleine.

Fantasmes

Marie-Madeleine se retrouve :

Elle est relatée au saint Graal (Littérature Mt 26,27a) chez :

Il est vain de chercher à réfuter ou à étayer « scientifiquement » ces œuvres d’imagination comme l’ont fait certains exégètes contextuels (allant jusqu’à faire de Marie-Madeleine le véritable « disciple bien-aimé » — auteur de Jn — comme Esther de Boer et Ramon Jusino) ou certains archéologues inventifs (Simcha Jacobovici). On trouvera d'autres exemples littéraires en Littérature Mt 26,7 ; Littérature Mt 26,7a ; Littérature Mt 26,10b ; Littérature Mt 26,11b ; Littérature Mt 26,13c.