Vous arrive-t-il de souffrir de voir l'inégalité dans le respect de la dignité humaine créer une société injuste et divisée ? Connaissez-vous la discorde ou l'envie ? Si oui, cette épître peut être un remède pour sortir des logiques de haine. Elle contient, en effet, une puissante affirmation de l'unité dans la diversité de la foi chrétienne : « Il y a un seul corps et un seul Esprit, de même que vous avez été appelés à une seule espérance par votre vocation ; un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême » (Ep 4,4-5). Elle poursuit en rappelant que « c'est bien par la grâce que vous êtes sauvés, moyennant la foi. Ce salut ne vient pas de vous, il est un don de Dieu » (Ep 2,8).
On ne saurait exprimer plus clairement que le salut a Dieu pour origine. C'est un don gracieux auquel le croyant ne fait que répondre, en se découvrant, sans aucun mérite de sa part, immergé dans un Amour agissant. Une telle révélation ne laisse place ni à l'orgueil ni à la division qui en résulte, mais seulement à la gratitude joyeuse.
L'épître vise un lectorat (Ep 1,1s) qui va au-delà du seul cercle des croyants d'Éphèse (située dans l'actuelle Turquie) : elle s'adresse aussi à ceux de la région de Laodicée que l'auteur souhaite voir transmettre son message (Col 4,16), et, au-delà d'eux, à tous les fidèles.
L’auteur expose d’abord la doctrine mystérieuse du plan du salut et du rôle de l'Église (Ep 1,3-3,21), dans un style solennel proche des hymnes liturgiques. Comme pour dépasser la polémique de l'épître aux Colossiens concernant la place démesurée donnée aux puissances célestes, l’auteur décrit l'Église comme Corps du Christ « Plénitude de Celui qui est rempli, tout en tout » (Ep 1,23). L'épître utilise des métaphores riches pour illustrer la relation intime entre le Christ et l'Église, telles que l'Église comme Temple saint, l'homme parfait, l'Épouse du Christ, la plénitude du Christ, et surtout, le corps du Christ.
Il en tire ensuite les conséquences pratiques en une vibrante exhortation à une vie chrétienne unie et ferme (Ep 4,1-6,20), qui sonne comme une diatribe stoïcienne survitaminée. Il y est particulièrement question du mariage, pour montrer comment les relations humaines peuvent et doivent refléter la sainteté et l'engagement de la relation entre le Christ et l'Église.
Des salutations concluent la lettre (Ep 6,21-24).
Paul avait déjà insisté sur la gratuité du salut, qui « ne dépend ni de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde » (Rm 9,16). L’épître aux Éphésiens approfondit la réflexion sur l'humanité sauvée gratuitement par le Christ, en se concentrant sur la relation entre les juifs et les païens. Tous, quelle que soit leur origine, marchent vers le Père, réconciliés (Ep 2,11-22) : c’est le « mystère » (Ep 1,9 ; 3,3-6.9 ; 6,19 ; cf. Col 1,27 ; 2,2 ; 4,3) de l'ouverture du salut aux païens. Orchestré par la sagesse de Dieu (Ep 3,9s ; cf. Col 2,3), étape après étape (Ep 1,3-14), le salut aboutit aux noces du Christ et de l'Église (Ep 5,22-32).
Ce message d'unité et d'amour s'appuie sur un fondement biblique qui remonte à l'Ancien Testament, comme le montrent les versets : « Écoute, Israël : le Seigneur, notre Dieu est l'unique Seigneur » (Dt 6,4), qui mettent en avant l'unicité et la souveraineté de Dieu, et « Combien il est bon et agréable que des frères demeurent ensemble ! » (Ps 133,1), qui célèbrent la fraternité et l'harmonie. Ces passages de l'Ancien Testament résonnent encore dans l'appel de l'Épître aux Éphésiens à l'unité sous la seigneurie du Christ, reflétant un continuum dans la révélation divine de l'importance de l'unité et de l'amour dans l'unique Israël de Dieu.
TEXTE
Critique textuelle
La variante la plus importante concerne Ep 1,1.
• Dans les plus anciens papyrus, P46, X* B* 6 1739, en Ephesôi n’apparaît pas. Cette omission est présente chez Origène (†254), Basile de Césarée (†379) et Jérôme (†420).
• Mais la leçon en Ephesôi est bien attestée pour la Vetus Latina, la version syriaque, et la version copte. Certains manuscrits grecs la mentionnent également. Ce complément se note chez Jean Chrysostome (†407).
• Marcion (†ca. 160) en a une version différente : « aux Laodicéens » (Col 4,16. Cependant, cette dénomination n'apparaît nulle part ailleurs dans l'Épître.
, Contre Marcion V, 11, 12), ce qui est peut-être en lien avecIl faut noter que la présence du complément en Ephesôi est indispensable à la structure grammaticale du verset.
CONTEXTE
Auteur
Attribution à Paul contestée
Jusqu'au 19e s., son authenticité ne faisait pas de doute. Depuis, de nombreuses objections de critiques ont surgi : les répétitions et les lourdeurs de style, des idées quelque peu différentes concernant le Corps du Christ et l'Église universelle, ainsi que des erreurs proches de celles des gnostiques du 2e s. (et donc plus tardives) sont autant d'indices contre l'attribution de la lettre à Paul.
Discussion sur l'authenticité
Cependant, ces arguments sont discutables. Ce style, un peu lent, se rapproche d'autres passages tels que Rm 3,23-26 ou 2Co 9,8-14, et pourrait également être attribué à un développement doctrinal plus approfondi. L'association, dans cette épître, d'idées novatrices d'une part et, d'autre part, de reprises presque littérales d'expressions trouvées dans d'autres épîtres, exigerait de la part d'un auteur autre que Paul une personnalité particulièrement complexe.
Datation et circonstances
La lettre aux Éphésiens a été écrite dans les mêmes circonstances que celle aux Colossiens : lors de la même mission de Tychique (Col 4,7s et Ep 6,21s), Paul est toujours en prison (Phm 1.9s.13.23 ; Col 4,3.10.18 ; Ep 3,1 ; 4,1 ; 6,20), sans doute à Rome plus qu'à Césarée. Les Colossiens semblent avoir prêté l'oreille à de fausses doctrines, selon Epaphras. Paul commence par rédiger en hâte l'épître aux Colossiens, qu'il envoie par Tychique, puis compose l'épître aux Éphésiens, qui est une synthèse plus approfondie et mieux organisée par rapport à la nouvelle polémique.
RECEPTION
Canonicité
Plusieurs attestations de cette épître apparaissent très tôt.
- Des expressions se retrouvent chez (†ca. 99).
- (†107) s’en inspire à plusieurs reprises, et de nombreuses citations quasiment textuelles se remarquent chez (†155).
- Cette épître a aussi été utilisée par (†ca. 160), ou de nombreux gnostiques comme (début 2e s.), (seconde moitié du 2e s.) et (seconde moitié du 2e s.) comme argument d’autorité.
- (†202), (†215), (†230), le Canon de Muratori la citent explicitement.
- Elle est citée comme paulinienne par (†254), et indéniablement attribuée à Paul par (†339).
Importance traditionnelle
Outre les commentaires sur l’ensemble des épîtres de Paul (cités ci-dessus), l'épître aux Éphésiens est aussi commentée, entre autres, par :
- († après 362),
- (†420),
- (†749),
- (†1551), (†1569), (†1587), (†1590), (†1599),
- (†1622), (†1624), (†1627), (†1629), (†1660), (†1696),
- (†1704), (†1791).