La Bible en ses Traditions

Eucharistie : ses divers noms

La richesse du rite né du dernier repas de Jésus (mis en série avec sa mort et sa résurrection) s’exprime dans les multiples noms qu’il a reçus au fil de la tradition (CEC 1328-1332).

Eucharistie

Par synecdoque, à partir des mots eucharisteô (Lc 22,19 ; 1Co 11,24) et eulogeô (Mt 26,26 ; Mc 14,22), rappelant les bénédictions juives de la table, qui proclament les œuvres de Dieu : création, rédemption et sanctification (Liturgie Mt 26,27a rendu grâce), c’est une « action de grâces » à Dieu. Jésus ne s’en est probablement pas tenu aux bienfaits de la création et de l’histoire du salut dans l’ancienne alliance ; il a pu remercier le Père pour son « exaltation », montrer les promesses réalisées en lui-même, la bonne nouvelle annoncée au monde, l’alliance qu’il instaurait en son propre sang, la signification salvifique de sa mort et de sa résurrection. L’objet du « mémorial » ou « anamnèse » de Jésus était tout ce que Dieu avait accompli par lui en faveur des croyants. Les autres formules de bénédiction et d’action de grâces conservées dans les évangiles sont révélatrices.

Repas

Instituée au cours d’un repas, en en reprenant les gestes, l’Eucharistie a gardé la forme générale du repas. Mais celui-ci se retrouve singulièrement enrichi :

La Cène seule ne suffit pas pour l’institution de l’Eucharistie, c'est l'entier mystère pascal qui est l’origine de l’Eucharistie
L’Église ne l’a jamais appelée Cène
→Fraction du pain

Ce rite du repas juif, utilisé par Jésus lorsqu’il bénissait et distribuait le pain en maître de table, permet aux disciples de le reconnaître après sa résurrection. L’expression désigne pour les premiers chrétiens les assemblées eucharistiques (Lc 24,30.35 ; Ac 2,42.46 ; 20,7.11).

Le pain eucharistié lui-même est nommé de diverses manières, exprimant ce que la foi de l’Église y découvre : « pain des anges », « pain du ciel », « médicament d’immortalité », « viatique ».

(Saint) sacrifice

L’Eucharistie ne naquit pas de la Cène prise isolément : elle exprime l’unité entre la Cène et la croix couronnant tout le ministère de Jésus. Les paroles de l’institution rapportées par Mt donnent à la mort de Jésus le caractère d’un sacrifice d’expiation pour le péché du monde.

Golgotha et Temple

Renvoyant directement à la crucifixion dont le souvenir était intimement mêlé à celui du Temple (cf. Mt 27,51 et // ; He 9,12 ; 10,20), la mémoire de la dernière Cène se situa assez vite dans les rapports entre Temple et synagogue, parole et sacrement, dimension cosmique et dimension historique. L’Eucharistie actualise l’unique sacrifice du Christ sauveur, qui inclut l’offrande de l’Église ; c’est le « sacrifice de louange » (He 13,15), « sacrifice spirituel », « sacrifice pur et saint », « sacrifice parfait », qui dépasse tous les sacrifices de l’ancienne alliance (CEC 1330). L’Eucharistie transforme les sacrifices accomplis dans le Temple et les liturgies juives de la Parole en une liturgie digne du Logos.

L’interprétation allégorique de la liturgie eucharistique en fonction du récit de la passion/résurrection de Jésus

Avant le 20e s., de nombreux livres de messe pour les fidèles — ne donnant pas les textes liturgiques eux-mêmes — proposaient des prières et des méditations faisant systématiquement (avec plus ou moins de réussite) des parallèles entre les rites qui se déroulaient devant les fidèles (des prières au bas de l’autel jusqu’au renvoi final) et l’histoire sainte dans son ensemble ou la « vie de Jésus », ou encore sa passion et sa résurrection plus particulièrement. Par exemple, la montée des marches de l’autel est à la fois montée du mont Sinaï et montée du Golgotha, la liturgie de la Parole correspond au ministère public de Jésus, le lavement des mains à l’offertoire au geste de Pilate, la consécration à l’immolation de Jésus sur la croix, etc. 

Communion

Venu dans la chair, Jésus a institué l’Eucharistie, présence de son sacrifice d’adoration et d’amour « jusqu’à la fin » (Jn 13,1), pour y faire participer ses disciples par la manducation sacramentelle du corps et du sang de la victime, lui-même partagé sous les figures du pain et du vin.

Par ce sacrement, les fidèles s’unissent à lui pour former un seul corps. On l’appelle encore « les choses saintes » : ta hagia et sancta — c’est le sens premier de la « communion des saints » dont parle le Symbole des apôtres (CEC 1331).

Mystère

L’Eucharistie est la clé de voûte de toute la liturgie de l’Église de la terre et du ciel. Tous les sacrements, tous les sacramentaux, toutes les heures de l’office convergent vers elle, comme vers leur source et leur sommet, la synthèse de l’œuvre de Dieu. Chaque baptisé y exerce en plénitude ce qu’il est : il redit son amen à l’alliance et à la gloire de Dieu, tandis que les ministres ordonnés représentent diversement le Christ lui-même, comme grand prêtre (les évêques, au sacerdoce de qui participent les prêtres) et comme serviteur (les diacres), garantissant l’objectivité de l’actualisation sacramentelle du chef-d’œuvre de l’amour. Unie à son prêtre, l’assemblée est l’épouse adhérant à l’Époux, le Fils en élan vers le Père : l’Esprit est la vie de toute cette unité organique.

Synaxe

Du grec sunaxis (« rassemblement »), parce que l’Eucharistie est célébrée en l’assemblée des fidèles, la synaxe est l'expression visible de l’Église (CEC 1329).

Mémorial

Le repas pascal déploie la temporalité du zikkārôn (« mémorial »), fondée dans la conviction que Dieu est présent, et qu’il faut se rendre présent à sa présence. C’est sans doute ce qu’a perçu la tradition Lc/1Co qui entend « vous ferez cela en mémoire de moi » après les paroles de l’institution eucharistique (Lecture synoptique Mt 26,26–29). La Pâque est ainsi devenue un sacrement de l’ancienne alliance au sens de signe qui commémore un fait passé, manifeste un effet présent, annonce un bien futur : l’Eucharistie est par excellence sacrement de l’alliance nouvelle (Thomas d’Aquin Sum. theol. IIIa 60,3).

Passé, présent et futur convergent dans le mémorial de l’Eucharistie : le Christ englobe non seulement la Cène et la croix, mais tout ce qui a conduit à la croix, depuis les sacrifices d’Abel et de Melchisédech, et tout ce qui a résulté de la vivifiante passion du Christ, c'est-à-dire sa résurrection et sa glorification (qui inclut l’effusion de l’Esprit, l’édification de l’Église et finalement la consommation de toutes choses dans l’amour divin).

Sainte et divine liturgie

Toute la liturgie de l’Église trouve son centre et son expression la plus dense dans la célébration de ce sacrement. C’est dans le même sens qu’on l’appelle aussi célébration des saints mystères. On parle aussi du très saint sacrement parce qu’il est le sacrement des sacrements. On désigne de ce nom les espèces eucharistiques gardées dans le tabernacle (CEC 1330).

Sainte messe

La liturgie dans laquelle s’est accompli le mystère du salut se termine par l’envoi des fidèles (missio), afin qu’ils accomplissent la volonté de Dieu dans leur vie quotidienne (CEC 1332).

Viatique

Du latin viaticum (« provisions de voyage », de via « route »). Le viatique est la communion eucharistique apportée à un malade proche de la mort pour le fortifier en vue du « passage » vers la Patrie. Le Christ s’étant dit la « Voie » (Jn 14,6), la réception de l’Eucharistie est le meilleur soutien pour la route vers la demeure qu’il nous a lui-même préparée.