Un projet du Programme de Recherches La Bible en ses traditions AISBL
Dirigé par l’École Biblique et Archéologique Française de Jérusalem
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11 Et il advint qu'il allait ensuite
S TRle jour suivant dans une ville nommée Naïn
VNaïm
et ses
Byz TRbeaucoup de disciples et une foule nombreuse allaient
Byz TR Nesfaisaient route avec lui.
12 Comme il approchait de la porte de la ville,
voilà qu’on emportait
Vportait en terre un mort, fils unique de sa mère
laquelle était veuve
et il y avait
Byz TRavec elle une foule considérable de gens de la ville V S Nesavec elle.
13 À sa vue, le Seigneur
SJésus fut saisi de pitié
Vému de miséricorde pour elle, et il lui dit :
— Ne pleure pas.
14 Et en s’approchant, il toucha le cercueil
et ceux qui le portaient s’arrêtèrent
et il dit :
— Jeune homme, je te le dis, lève-toi !
15 Et le mort
Vcelui qui était mort se dressa sur son séant et commença à parler
et il le donna à sa mère.
16 La crainte les prit tous
et ils glorifiaient Dieu en disant :
— Un grand prophète s’est levé parmi nous
et : — Dieu a visité son peuple.
17 Et cette parole se répandit à son sujet dans toute la Judée et dans toute la région d’alentour.
11–17 Jeune homme, je te le dis, lève-toi La compassion de Jésus dans l'art d'un vitrailliste néo-gothique du 19e s. Voici le récit du miracle de la résurrection du fils de la veuve de Naïm, fortement empreint de compassion, transposé dans un langage visuel gothique, riche en symboles et en couleurs. À Naïn se déroule une scène bouleversante : une veuve accompagne au tombeau son fils unique, ultime soutien de sa vie déjà marquée par la douleur. Jésus croise ce cortège, mais au lieu de détourner le regard, il s’arrête, ému par la souffrance de cette mère, en laquelle il sent peut-être par avance celle de la sienne, un jour, au pied de la croix ...
(1792-1862), Résurrection du fils de la veuve de Naïn, (Vitrail, 1842)
Basilique Notre Dame du Port - Clermont-Ferrand -France, baie 3 du Choeur
La lumière du vitrail et l’espérance chrétienne : ici, l’artiste a choisi de représenter non pas la marche funèbre, mais le jeune homme couché comme dans un lit, le visage apaisé, presque endormi. La scène s’illumine d’un regard et d’une lumière transfigurée : ce n’est plus l’ombre de la mort qui domine, mais la clarté de la vie rendue. Dans cette image, le Christ se révèle comme Seigneur de la vie et de la mort, annonçant déjà la victoire pascale.
, dans son Sermon 48, voyait dans ce miracle une préfiguration de la résurrection finale que tous les croyants espèrent. Le vitrail devient ainsi une fenêtre ouverte sur l’espérance chrétienne : la mort n’aura pas le dernier mot.La composition se lit en profondeur, sur trois plans, mais elle obéit aussi à une structuration géométrique précise. Le cercle du vitrail encadre l’ensemble, renforçant l’idée d’éternité et d’unité. À l’intérieur, la scène se déploie dans un espace carré qui délimite l’action. On y distingue encore le rectangle du lit, où repose le fils défunt, ainsi que la silhouette rectangulaire du personnage masculin derrière Jésus, probablement le père. Ces formes géométriques accentuent la tension entre la rigueur de la composition et le drame humain qui s’y déroule.
Ce jeu entre les formes géométriques (cercle, carré, rectangle, demi-cercle) et les attitudes des personnages crée une dynamique visuelle qui conduit naturellement le regard vers le centre dramatique de la scène : la rencontre entre la main du Christ et celle du jeune homme. Le rouge du fond symbolise la mort, le vert du manteau du Christ la vie renaissante, le bleu clair la lumière céleste et mariale, et le blanc la pureté de l’acte divin.
Le vitrail ne se contente pas de raconter un miracle. Par l’ordonnance de l’espace, la richesse des drapés et la mise en valeur des personnages, il invite à contempler la puissance du Christ qui vainc la mort, rend le fils à sa mère et annonce déjà sa propre résurrection. C'est un appel à la foi aujourd’hui : en ressuscitant ce fils unique, Jésus ne fait pas seulement renaître une famille : il affirme sa mission de Messie venu « pour donner la vie ». Chaque rayon de ce vitrail invite à la confiance : si nous croyons en lui, aucune nuit n’est définitive. Comme à Naïn, le Christ s’approche de nos deuils, de nos faiblesses, et les éclaire d’une vie nouvelle.
Le vitrail présenté a été réalisé en 1842 par
, né en 1792 à Montferrand et mort en 1862. Avant de devenir maître-verrier, il fut garde du corps du Roi, puis se passionna à Paris pour la renaissance de l’art du vitrail. De retour en Auvergne, il travailla auprès du maître-verrier E. Thibaud à la restauration des vitraux du 13e s. de la cathédrale de Clermont. En 1837, il ouvre son propre atelier et reçoit notamment la commande des vitraux de l’église Notre-Dame du Port. À cette époque, Thévenot ne connaît pas encore le terme d’« art roman » et ignore ce que furent exactement les vitraux de cette période. Il s’inspire alors des œuvres gothiques du 13e s. pour réaliser ses verrières du choeur. Ce n’est qu’avec les découvertes archéologiques qui eurent lieu peu après que l’on retrouva des vitraux véritablement romans, qui influenceront davantage la suite de sa production.À partir de 1837, Thévenot devient l’un des premiers correspondants des Monuments Historiques. Ses verrières de Notre-Dame du Port sont conçues pour illustrer à la fois la Création du monde, le Jugement dernier et la vie du Christ. L’un de ces vitraux représente un arbre de Jessé, retraçant la généalogie de Jésus, que Prosper Mérimée mentionne avec une particulière admiration.
L’œuvre qui nous occupe ici se situe avant d'autres miracles de guérison de Jésus : la guérison du paralytique et de ses péchés qui choque les pharisiens Mc 2,1-28; la femme pécheresse dans la maison de Simon le Pharisien Lc 7,36-50 . Les histoires commencent souvent en bas du vitrail et progressent vers le haut. Cela permettait de suivre le récit depuis le niveau du sol, où les fidèles se tenaient, jusqu'aux scènes plus élevées.
Étienne Hugues Thévenot (1792-1862), Lc 7,11-17 ; Mc 2,1-28 ; Lc 7,36-50
La technique du vitrail, telle qu’elle fut pratiquée au Moyen Âge et reprise par Thévenot, repose sur l’assemblage de plusieurs pièces de verre coloré, maintenues entre elles par un réseau de plomb. Chaque morceau de verre est limité à une seule couleur, et l’ensemble est fixé dans les fenêtres grâce à des barres métalliques. Les vitraux, au départ, répondaient à un besoin pratique puisqu’ils servaient essentiellement à fermer les baies des églises. Progressivement, ils devinrent porteurs d’une fonction décorative et catéchétique.
La préparation du vitrail est minutieuse. Elle laisse peu de place à l’improvisation. Le tracé ou dessin technique du panneau est d’abord conçu à l’échelle 1/1. Il est ensuite reporté sur un calque puis calibré, afin de prévoir l’ajustement des différentes pièces de verre. Cette exigence permet au maître-verrier de créer des compositions à la fois solides et lisibles, en particulier dans les grandes verrières narratives.
Le vitrail étudié ici montre bien cette organisation. La scène est insérée dans un médaillon circulaire, entouré d’un décor géométrique rouge et vert, selon une esthétique gothique. Le rouge domine dans le fond immédiat de la scène. Il évoque le sang et la mort, et crée une ambiance dramatique qui renforce l’intensité de l’événement représenté. À l’intérieur de ce cercle, les personnages et les décors sont hiérarchisés par plans successifs. Le premier plan accueille la figure du Christ, en mouvement, tandis que les deuxième et troisième plans approfondissent la lecture narrative, en montrant les témoins, puis le défunt et sa mère.
N.R (BibleArt, 2025)