La Bible en ses Traditions

Jean 17,9–26

Byz V S TR Nes

Moi je prie pour eux, je ne prie pas pour le monde

mais pour ceux que tu m'as donnés parce qu’ils sont à toi.

10 Et tout ce qui est à moi est à toi et ce qui est à toi est à moi

et je suis glorifié en eux.

11 Et je ne suis plus dans le monde et eux sont dans le monde

et moi je viens vers toi.

Père saint, garde-les dans ton nomV TR, ceux que tu m'as donné

V TRdonnés

afin qu’ils soient un comme nous.

Byz S TR Nes
V

12 Lorsque j’étais avec eux Byz S TRdans le monde moi je gardais dans ton nom ceux que tu m'as donnés,

Nesles gardais dans ton nom que tu m'as donné

Neset  je [les] ai protégés

Sgardés  

et aucun d'eux n'a péri sinon le fils de perdition

afin que l’Écriture fût accomplie.

12 Lorsque j’étais avec eux moi je gardais dans ton nom

ceux que tu m'as donnés, je [les] ai gardés  

et aucun d'eux n'a péri sinon le fils de perdition

afin que l’Écriture fût accomplie.

Byz V S TR Nes

13 Mais maintenant je vais vers toi

et je parle ainsi dans le monde afin qu’ils aient ma joie complète en eux.

14 Moi je leur ai donné ta parole

et le monde les a haïs

parce qu’ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde.

15 Je ne prie pas pour que tu les enlèves du monde mais que tu les gardes du mauvais.

16 Ils ne sont pas du monde, pas plus que moi je ne suis du monde.

17 Sanctifie-les dans la

Byz S TRta  vérité :

Ta parole est vérité.

18 Comme tu m'as envoyé dans le monde

moi aussi je les ai envoyés dans le monde.

19 Et pour eux je me sanctifie moi-même 

afin qu’ils soient eux aussi sanctifiés en vérité.

Byz S TR Nes
V

20  Ce n'est pas pour ceux-ci seulement que je prie

mais aussi pour ceux qui, par leur parole, croiront en moi

20  Ce n'est pas seulement pour ceux-ci que je prie,

mais aussi pour ceux qui sont destinés à croire, par leur verbe, en moi

Byz V S TR Nes

21 pour que tous soient un, comme toi Père tu es en moi et moi en toi

pour qu'eux aussi soient Byz V S TRun en nous

afin que le monde croie que c'est toi qui m'as envoyé.

22 Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m'as donnée

afin qu’ils soient un comme nous sommes un

23 moi en eux et toi en moi

afin qu’ils soient consommés dans l'unité

et pour que le monde connaisse que c'est toi qui m'as envoyé

et que tu les as aimés comme tu m'as aimé.

24 Père, ceux

Nesce que tu m'as donnés,

Nesdonné : je veux que là où moi je suis, ceux-là aussi soient avec moi

afin qu’ils voient la gloire, la mienne, [celle] que tu m'as donnée

parce que tu m'as aimé avant la création du monde.

25 Père

SMon père [qui es] juste, le monde ne t'a pas connu

mais moi je t'ai connu

et ceux-ci ont connu que toi tu m’as envoyé.

26 Et je leur ai fait connaître ton nom et le leur ferai connaître

afin que l’amour dont tu m'as aimé soit en eux et moi en eux.

Texte

Procédés littéraires

20 pas seulement pour ceux-ci que je prie, mais aussi pour ceux qui sont destinés à croire ÉNONCIATION Métalepse* PRAGMATIQUE Parole performative Jésus rejoint ici tous les auditeurs ou lecteurs de sa parole dans le moment même où ils la découvrent. Comme dans les passages synoptiques où il emploie le terme « évangile » et sort du cadre narratif du récit de sa vie pour rejoindre, à l'extérieur du cadre, les auditeurs ou lecteurs qui le lisent : Procédés littéraires Mt 26,13b.

  • Une lecture positiviste marquée par le doute méthodologique serait : {un scribe de la communauté johannique a écrit que [le témoin-source de cette tradition a rapporté que [Jésus a (pê) dit ces mots}.
  • Mais si Jésus les a vraiment dits, alors ils atteignent définitivement tout auditeur ou lecteur présent et à venir. 
  • Ce texte se donne comme trace écrite du verbe d'un témoin oculaire du grand discoours d'adieux de Jésus (cf. Jn 13,23). Il atteint le lecteur en tant que sélection parmi bien d'autres choses de ce que Jésus a pu être, dire ou faire, mise par écrit pour que le lecteur croie (cf. Jn 20,30s ; 21,25).

Le lecteur bénévole se trouve ainsi com-pris dans la parole de Jésus : tout un chacun, s'il lit ce texte tel qu'il se présente, est inclus au nombre de ceux qui peuvent, pourront, vont, sont destinés à-, croire en Jésus.

Cette inévitabilité de la parole, c'est ce que les lecteurs les plus sensibles de Jean, par exemple Arthur Rimbaud, vécurent, au point de demeurer, même dans leur révolte antireligieuse, « incapables d'oublier les promesses de Jésus » (cf. Yves Bonnefoy, Rimbaud par lui-même, Paris : Seuil, 1961, p.5).

Pere Borrell del Caso (1835–1910), Huyendo de la crítica [Échapper à la critique], (huile sur toile, 1874), 75.7 x 61 cm

Collection Banco de España, Madrid © Domaine public→ 

Sur ce trompe-l'œil ironique, où la peinture semble sortir de son cadre pour échapper à la critique, c'est aussi le (modèle du) peintre qui sort du cadre de la « fiction » artistique pour rejoindre la réalité de celui qui regarde. Les emplois du mot euaggelion dans les évangiles, dans la mesure où ils s'irisent de connotations métalittéraires et peuvent désigner le livre même qu'on est en train de lire, relèvent de ce « glissement » (lepsis) d'un niveau encadré à un niveau encadrant (meta) : le personnage qui les emploie est à la fois dedans et dehors.

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*On appelle « métalepse énonciative » un passage où un texte ou un discours se réfère à lui-même ou à sa propre production. C'est une forme d'auto-réflexion où le discours aborde son propre processus de création et de transmission.