Un projet du Programme de Recherches La Bible en ses traditions AISBL
Dirigé par l’École Biblique et Archéologique Française de Jérusalem
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1 Job répondit et
VEt répondant, Job dit :
1 ...
2 — Vraiment je sais qu'il en est ainsi, comment donc un homme serait-il juste avec Dieu ?
2 ...
2 — Vraiment je sais qu'il en est ainsi et que l'homme ne peut être justifié comparé à Dieu.
3 S’il lui plaisait de contester
Vveut disputer avec lui, il ne lui répondrait pas à une chose sur mille
Vpourra répondre une chose sur mille.
3 ...
4 Cœur sage et grande force :
qui lui résisterait et serait en paix ?
4 ...
4 Il est sage de coeur et puissant de force : qui lui a résisté et a eu la paix ?
5 Il déplace les montagnes et elles ne le savent pas, elles qu'il renverse dans sa colère
5 ...
5 C'est lui qui a déplacé des montagnes, et ceux qu'il a renversé dans sa fureur ne s'en sont pas aperçus.
6 lui qui secoue la terre sur sa base, et ses colonnes sont ébranlées
6 ...
6 C'est lui qui ébranle la terre sur sa base, et dont ses colonnes sont renversées.
7 lui qui commande au soleil et il ne se lève pas ; quant aux étoiles, il les scelle
7 ...
7 C'est lui qui commande au soleil et il ne se lève pas, et qui renferme les étoiles comme sous un sceau.
8 Lui seul étend les cieux, il marche sur les hauteurs de la mer.
8 ...
8 C'est lui seul qui étend les cieux et qui marche sur les flots de la mer.
9 Il a créé la Grande Ourse, Orion, les Pléiades et la chambre du sud
9 ...
9 C'est lui qui a fait Arcturus, Orion, les Hyades et les intérieures du midi.
10 Il fait des prodiges sans mesure des merveilles sans nombre.
10 ...
10 C'est lui qui a fait de grandes choses, incompréhensibles et merveilleuses qui sont sans nombre.
11 Voici, il passe près de moi et je ne le vois pas il s'en va et je ne le comprends pas
11 ...
11 S'il venait à moi, je ne le verrais pas, s'il s'en allait, je ne m'en apercevrais pas.
12 S’il saisit, qui le fera rendre ? Qui lui dira : — Que fais-tu ?
12 ...
12 Si subitement il interrogeait, qui lui répondrait ? Qui peut lui dire : — Pourquoi agis-tu ainsi ?
13 Dieu sa colère ne revient pas sous lui s'inclinent les appuis de Rahav
13 ...
13 Dieu dont personne ne peut résister à la colère et sous lequel se courbent ceux qui portent l'orbe,
14 moi alors je lui répondrais ? je choisirais des paroles avec lui ?
14 ...
14 combien grand suis-je donc, moi, que j'aille lui répondre et parler avec lui avec mes propres mots ?
15 lui à qui même si j'étais juste je ne répondrais pas je chercherai la faveur de mon juge ?
15 ...
15 Quand j'aurais en moi quelque justice, je ne répondrais pas, mais j'implorerais mon juge
16 Si j'appelle et qu'il me répond je ne croirai pas qu'il ait écouté ma voix.
16 ...
16 et s'il me prêtait l'oreille lorsque je l'invoquerais, je ne crois pas qu'il écouterait ma voix !
17 Lui qui me brise
Vbrisera dans la tempête
Vun tourbillon et multiplie gratuitement
Vmultipliera sans raison mes blessures
17 ...
18 il ne me laisse pas reprendre mon souffle mais il me rassasie d'amertume :
18 ...
18 il ne concède pas à mon esprit de se reposer et il me remplit d'amertumes.
19 par la force ? Voici le puissant.
Par la justice ? Qui m'assignera ?
19 ...
19 Si on en appelle à la force il est le plus fort.
Si on en appelle à l'équité du juge personne n'oserait se dire témoin en ma faveur.
20 Si je suis juste ma bouche me condamnera
je suis pur il me déclarera coupable
20 ...
20 Si je voulais me justifier, ma propre bouche me condamnerait ;
si je voulais me montrer innocent, il me prouverait méchant.
21 Je suis pur ? Mon âme ne le sait pas je méprise ma vie.
21 ...
21 Quand bien même je serais simple, mon âme l'ignorerait et j'aurais du dégoût pour ma vie.
22 Elle est une, c'est pourquoi je dirai ; le pur et le méchant, lui il les achève
22 ...
22 Je dis une seule chose ; lui consume et l'innocent et l'impie.
23 Si un fléau tuait soudain ! Il se moque de la détresse des innocents.
23 ...
23 S'il flagelle, qu'il tue d'un coup et qu'il ne rie des peines de l'innocent.
24 La terre est livrée à la main d'un méchant
Vimpie, il couvre la face de ses juges.
Si ce n’est pas lui, qui est-ce donc ?
24 ...
25 Mes jours ont coulé
Vété plus vite
Vrapides qu'un coureur, ils ont fui et n'ont pas vu le bonheur,
25 ...
26 ils sont passés avec
Vcomme des barques de jonc
Vnavires portant des fruits, comme l’aigle qui fond sur sa proie.
26 ...
27 Si je dis : — Que j'oublie ma plainte que j'abandonne mon visage et que je sourie
27 ...
27 Si je disais : — Je ne parlerai plus ainsi, je change ma face et je me tords de douleur,
28 je m'effraie de toutes mes douleurs je sais que tu ne m'acquitteras pas.
28 ...
28 je crains toutes mes œuvres sachant que tu n'épargnerais pas le coupable.
23 il ne rie des peines de l'innocent Réflexions concernant l'amour de Dieu et le malheur Ce verset est repris par la philosophe Simone dans son essai « L’amour de Dieu et le malheur », figurant dans le recueil Pensées sans ordre concernant l’amour de Dieu, (Espoir), Paris : Gallimard, 1962. À cause de ce verset, elle n’hésite pas à considérer Job comme un archétype du malheur : à l’image du Christ, il éprouve de la façon la plus profonde l’absence même de Dieu.
La philosophe commence par une distinction entre malheur et souffrance. Si la souffrance ne laisse pas de trace de son passage, le malheur « s’empare de l’âme et la marque, jusqu’au fond, d’une marque qui n’appartient qu’à lui, la marque de l’esclavage » (→, 85). Irréductible, le malheur frappe l’âme durablement et déracine la vie de celui qui en est affecté. C’est dans les profondeurs du malheur que se manifeste l’absence de Dieu. Cette expérience d'abandon, de solitude et de désarroi est celle-là même qui : « a contraint le Christ à supplier d’être épargné, à chercher des consolations auprès des hommes, à se croire abandonné de son Père » ( Pensées→, 88). Pensées
Dans les tréfonds du malheur, l’homme éprouve le néant, la vacuité, l’inanité qui tarit l’amour :
Dans le gouffre du malheur, se creuse la distance entre l’homme et Dieu :
Paradoxalement, cette distance incommensurable peut être source d’une infinie détresse tout comme d’un amour infini :
La distance d’avec Dieu, proportionnelle au malheur, peut se résorber grâce à l’amour de Dieu, le seul qui sauve. En ce monde déterministe, régi par des mécanismes aveugles, où les horreurs sont comme les plis imprimés aux vagues par la pesanteur et les criminels comme des tuiles que le vent détache et qui tombent au hasard (image que Weil reprend à
), l’auteur avance l’amour, non comme une affectation ou un sentiment mais comme volonté :Dans le malheur l’homme perd pied. Transpercé, il est cloué, l’âme perforée en son centre. Il subit, endure, pâtit, n’a aucune prise : « Il se débat comme un papillon qu’on épingle vivant sur un album. Mais il peut à travers l’horreur continuer à vouloir aimer » (ibid.).
Le seul soulagement possible est la Croix :
En effet, la croix du Christ éclaire le malheur. Dans le silence de Dieu, en son absence même, un visage apparait, le visage de l’amour : « Le vrai malheur, une seule chose permet d’y consentir, c’est la contemplation de la Croix du Christ. Il n’y a rien d’autre. Cela suffit. » (→, 125) Pensées