La Bible en ses Traditions

1 Rois 17,1–2,46

Texte

Procédés littéraires

15,13 Priape (V) Génie de Jérôme : interpretatio romana Dans la Vulgate, la présence de personnages issus de la mythologie gréco-romaine tels qu’Adonis (Ez 8,14), Priape (1R 15,13 ; 2Ch 15,16) et Mercure (Pr 26,8) est remarquable. Ces figures ne sont pas issues du texte hébreu traduit par Jérôme, mais constituent des choix de traduction s’inscrivant dans ce qu'on a coutume d’appeler l’« interpretatio romana ». Cette pratique consiste à assimiler des divinités étrangères à celles de Rome, associant par exemple des dieux grecs à leurs équivalents romains (Zeus à Jupiter, Héra à Junon, Poséidon à Neptune, etc.).

Suivant ce principe, Jérôme traduit l’hébreu « Ashéra » en 1R15,13 et « Astarté » en 2Ch15,16 par « Priape », dieu de la fertilité, protecteur du bétail, des plantes fruitières, des jardins et des organes masculins. Ce faisant, il reprend une divinité connue de ses contemporains et sans doute lue à travers les ouvrages de Cicéron, Virgile et Horace. La figure de Priape réapparait d’ailleurs dans le Commentaire sur Isaïe où Jérôme cite un passage du livre I des Satires d’Horace :

  • Jérôme Comm. Isa.« Et en outre, le discours prophétique est ponctué par des moqueries sur les idoles, qui sont faciles à comprendre et ne demandent pas une explication laborieuse, mais plutôt superflue ! À ce sujet, Flaccus écrit dans sa Satire, se moquant des statues des peuples : "Je n’étais qu’un tronc d’arbre, un figuier inutile, Quand, tombant sous la main d’un ouvrier habile : Qu’en faire ? Un banc ! dit-il, en y pensant un peu. Non : faisons un Priape ; et je devins un Dieu. Depuis, en ces jardins, où je répands la crainte, Sentinelle placé, pour en garder l’enceinte, Un roseau sur la tête, à la main une faulx, J’écarte les voleurs, et fais fuir les oiseaux" [Horace Sat.I,8,1-4]. Tout ce qui a été dit à propos des idoles peut également être appliqué aux chefs des hérésies, qui érigent des statues de leurs dogmes et mensonges, avec un cœur d’artisan, et qui vénèrent ce qu’ils savent être fabriqué par eux-mêmes » (éd. Brépols, t. LXXIII A, 500).

Anonyme, Louve romaine avec Romulus et Remus, (mosaïque, 300-400 ap. J.-C.), ca 95 x 95 cm, découverte à Aldborough (North Yorkshire)

Musée municipal de Leeds, Royaume Uni © CC SA 2.0→

Figure inversée d'inculturation romaine : dans le sourire dentu de l'animal mythique, la maladresse du mosaïste « britannique » contemporain de Jérôme traduit naïvement quelque chose de la rapacité impériale.

Contexte

Repères historiques et géographiques

Réception

Littérature

16,12.34 par l'organe (V) | par l'intermédiaire (M) FRANÇAIS BIBLIQUE L'expression latine {per/in manu + nom propre} calque l'expression hébraïque {bᵉyad + nom propre}. Littéralement elles se traduiraient : « par la main de N. », mais elles sont lexicalisées et signifient « par le pouvoir ou la médiation de qui » un processus a lieu. On traduira ici :

  • « par l’organe de N. » pour les processus de parole comme la prophétie ou l'oracle. L'expression est un peu vieillie, mais organe peut signifier :  la voix d'une personne (ce qui convient bien à ces contextes racontant l'apparition d'une parole venue de Dieu, tout en réactivant discrètement la catachrèse organique de de la main dans les expressions hébraïque et latine) ; ou même :  une personne elle-même, porte-parole par l'entremise de laquelle un autre s'exprime, s'explique ou agit. Cf. CNRTL→
  • « par l’entremise de » quand l'expression désigne une médiation dans d'autres processus que la production de paroles.

Drapeau de la francophonie→ © Domaine public

Arts visuels

3,5–14 Le « Songe de Gabaon » : de la simple image aux préfigurations de la bande dessinée et retour Un passage aussi édifiant que celui-ci ne pouvait échapper à l'attention des artistes visuels qui illustrèrent en particulier les manuscrits composés à l'usage des gouvernants de leurs époques.  

Miniatures 

Bas Moyen âge
15e s.

Herman de Valenciennes, Songe de Gabaôn, (miniature sur parchemin, 15e s.), 28,5 cm x 18,8 cm,

dans Roman de Dieu et de sa mère, f.044v, n°0550, Bibliothèque municipale→, Besançon,

© CC Initiales→ 

Peut-être l'enlumineur est-il ici inspiré par le titre même de l'ouvrage marial pour lequel il peint cette belle image ? Le dialogue entre Salomon et le Seigneur ressemble à une Annonciation, avec un ange porteur de la parole au monarque. 

Renaissance
16e s.

Etienne Collault, Le songe de Gabaon (page décorée sur parchemin, 1523-1524), 25,8 cm x 17,3 cm,

dans Instruction du prince chrétien, f. 002v, n°2217, Bibliothèque Sainte-Geneviève→ Paris,

© CC Initiales→

Les phylactères (cf. Arts visuels Dt 6,8) permettent ici à l'enlumineur de donner à voir le dialogue édifiant entre Dieu et son roi-messie, pour le grand plaisir des yeux et de l'intelligence du lecteur, et pour son édification. Collault semble avoir fait des émules, si l'on en juge à cette image qui déploie encore plus largement les paroles  : 

Anonyme (Erasmus traducteur), Songe de Gabaôn, (page décorée sur parchemin : or, couleur, 1526), 17,5 cm x 11,2 cm

dans Institution du prince chrétien, f. 005v, n°0316 (1122), Musée Condé→, Chantilly

© CC Initiales→

Peinture de l'âge classique

Le dialogue du visible et du lisible n'est pas conservé hors des illustrations de livres : un simple rayon lumineux entre Dieu et le roi endormi semble suffire à figurer leur dialogue.  

École napolitaine, 17e s.

Luca Giordano (1634-1705), Dream of Solomon (ca. 1694-1695), Huile sur toile, 245 x 361 cm

Musée du Prado, Madrid (Espagne) © Domaine public→